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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 9 octobre 2014, n° 2014-16759

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Canal Plus (SA), Canal Plus Edition (SA), Association Ligue Nationale de Rugby

Défendeur :

beIN Sport France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Leroy, Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Baechlin, Wilhelm, Barbier de la Serre, Teytaud, Rameau

CA Paris n° 2014-16759

9 octobre 2014

Au mois de mars 2014, la société beIN Sports France (la société beIN Sports) qui édite en France des chaînes de télévision payantes consacrées aux sports dits premium a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société d'Edition de Canal Plus, la société Groupe Canal Plus (les sociétés du Groupe Canal Plus) et la Ligue Nationale de Rugby (la Ligue) dans le secteur de la télévision payante.

Accessoirement à sa saisine au fond, elle a sollicité le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce.

Les pratiques dénoncées par la société beIN Sports France concernent les conditions dans lesquelles la Ligue Nationale de Rugby et la société Groupe Canal Plus ont conclu, le 14 janvier 2014, un accord au terme duquel la Ligue a attribué au Groupe Canal Plus la totalité des droits de diffusion des matches de la compétition de Rugby désignée sous l'appellation "Top 14". Cette compétition est Nationale, elle se déroule tout au long de l'année et oppose les quatorze meilleurs clubs professionnels de Rugby à XV, lesquels comptent dans leurs équipes les meilleurs joueurs internationaux évoluant en Europe.

La société Groupe Canal Plus est une filiale à 100 % du groupe Vivendi.

Elle détient 48,5 % du capital et le contrôle de la société d'Edition de Canal Plus. Ce groupe de sociétés est principalement actif en France dans l'édition de chaînes premium et thématiques, dans l'agrégation et la distribution d'offres de télévision payante, notamment "les chaînes Canal + " et "Canalsat", dans l'édition de chaînes de télévision gratuite, dans les nouveaux usages télévisuels, dans la production et la distribution de contenus cinématographiques.

La Ligue Nationale de Rugby est une association soumise au régime de la loi de 1901, créée le 24 juillet 1998 par la Fédération française de Rugby. Elle assure la représentation, la gestion et la coordination des activités du Rugby professionnel. En application de l'article R. 132-13 du Code du sport, la fédération a confié à la Ligue, dans une convention conclue entre elles le 19 décembre 2013, la gestion et la commercialisation des droits d'exploitation (droits d'exploitation audiovisuelle, droits marketing et tous autres droits...) pour les compétitions professionnelles. C'est donc elle qui est chargée de la commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2017.

La société beIN Sports, créée le 27 décembre 2011, est active depuis 2012 dans le secteur de l'édition de chaînes de télévision payante en France. Son capital est intégralement détenu par la société de droit qatarien AI Jazeera Media Net'ivork, qui est une société de droit privé à capitaux publics dont l'actionnaire ultime est l'Etat du Qatar. La société Al Jazeera Media Network exerce deux activités, d'une part, l'édition des trois chaînes d'information en continu Al Jazeera (une chaîne diffusée en arabe, une chaîne en anglais destinée à la diffusion aux Etats-Unis et une chaîne en anglais diffusée dans le reste du monde), d'autre part, l'édition de chaînes sportives.

La société beIN Sports, propose principalement des retransmissions de compétitions sportives, des émissions d'information sportive ainsi que des magazines et reportages consacrés au sport. Elle dispose de deux chaînes premium : beIN Sports I et beIN Sports 2, et a annoncé la création d'une troisième chaîne pour le dernier trimestre de l'année 2014.

Cette société détenait, au 31 décembre 2013, les droits de diffusion en France d'une série de compétitions qui comprend, à titre principal :

Football : Coupe du Monde de la FIFA 2014, Euro 2016, Ligue 1, Ligue 2, UEFA, Ligue des champions, UEFA Europa League, Série A (Italie), Bundesliga, Coupe de la Ligue anglaise, Coupe du Roi, Coupe d'Italie, Coupe d'Allemagne, Copa Libertadores, Super Coupe de l'UEFA ;

Tennis: Wimbledon, ATP World tour masters 1 000, ATP World tour finals, ATP World tour 500, ATP World tour 250 ;

Basket et sports US : Euroleague, NBA et NfL ;

Handball : Championnat de France messieurs, Ligues des champions masculine et féminine, EUF European Cup, Championnats du Monde 2015 et 2017 (hommes et femmes) ;

Rugby à XV : Aviva Premiership (Angleterre), Ligue Celte ;

Athlétisme : IAAF Diamond Leagtie;

Cyclisme : championnat du monde sur route et sur piste, le Giro d'Italie, le Tour de Lombardie, Milan San Remo.

Elle en a acquis d'autres, depuis cette date, parmi lesquels, la diffusion des matches de la coupe du monde de football en Co-diffusion avec la société TFI et, très récemment, la coupe d'Europe de Rugby.

S'agissant du Top 14, il convient de préciser que la Ligue et le Groupe Canal Plus ont conclu des contrats d'exclusivité de diffusion des droits depuis 1999. Le dernier contrat précédant les faits qui ont donné lieu à la saisine de l'Autorité de la concurrence, avait été conclu, à la suite d'une consultation des acteurs du marché demeuré infructueuse, le 14 décembre 2011, pour cinq saisons de 2011-2012 à la saison 2015-2016 en contrepartie d'une rémunération moyenne de 31,7 millions d'euros par saison. A la suite des engagements souscrits par les sociétés du groupe Canal Plus dans le cadre de l'opération de concentration TPS - CanalSat, une clause de résiliation anticipée au bénéfice de la Ligue a été insérée dans le contrat. Elle prévoyait que celle-ci pourrait user de cette faculté à l'issue de la saison 2013-2014, sans aucune pénalité sous réserve de notifier sa décision aux sociétés Canal Plus et Canal Plus Distribution, au plus tôt le 1er septembre 2013 et au plus tard le 31 décembre 2013. Dans cette hypothèse, l'article 15.2 de la convention précisait que la Ligue ne pourrait attribuer les droits d'exploitation jusqu'alors concédés à ces sociétés pour les saisons suivantes "qu'à l'issue d'une mise sur le marché transparente et non discriminatoire telle qu'une consultation ou un appel à candidature qui ne pourra débuter qu'après la notification à Canal+ et Canal+ Distribution de la décision dc la LNR d'exercer sa faculté de résiliation anticipée du contrat au terme de la saison 2013-2014".

La Ligue a constitué, dès le mois de décembre 2012, un comité de pilotage chargé de préparer la renégociation des droits du Top 14 et de présenter des propositions en ce sens au comité directeur. Ce comité de pilotage a engagé, en septembre 2013, une consultation des acteurs du marché de la télévision payante. A la suite de plusieurs échanges et propositions entre la Ligue et les sociétés du groupe Canal Plus, celles-ci ont adressé le 2 décembre 2013 une offre améliorant sa dernière proposition. Celle-ci a été refusée par la Ligue qui l'a jugée insuffisante. Le même jour, elle a notifié aux sociétés du Groupe Canal Plus qu'elle avait décidé de mettre en œuvre la résiliation anticipée et elle a annoncé dans un communiqué de presse qu'elle lançait un appel d'offres. Cette procédure concernait les saisons 2014-2015 jusqu'à la saison 2017-2018 et prévoyait une remise des propositions le lundi 13 janvier 2014 entre 13 et 15 heures.

Les sociétés du Groupe Canal Plus ont estimé que la Ligue avait interrompu les négociations en cours de manière fautive et ont alors lancé contre elle plusieurs actions judiciaires tendant à faire valoir les droits qu'elles revendiquaient et à faire suspendre l'appel d'offres. Parmi ces procédures, un référé d'heure à heure à été plaidé le 8 janvier 2014, le délibéré devant être rendu le 13 janvier suivant, soit à la date de remise des offres.

Le 10 janvier 2014, la Ligue a décidé d'interrompre l'appel d'offres et a précisé dans un communiqué de presse que "Compte tenu de l'existence des actions judiciaires intentées par Canal Plus, que la LNR juge totalement infondées et qui affectent le bon déroulement de l'appel d'offres, dont notamment, le dépôt des offres prévu lundi 13 janvier 2014, le comité directeur de la LNR (..) a décidé (..) d'interrompre cette procédure (...) en arrêtant ce jour l'appel d'offres. En prenant cette décision, la Ligue entend ainsi conserver la maîtrise du calendrier et les modalités de la commercialisation des droits du Top 14. La Ligue communiquera ultérieurement sur les suites qui seront données à cette décision". Le lendemain, les sociétés du Groupe Canal Plus ont repris les négociations. Celles-ci ont débouché sur une offre remise le 14janvier2014 portant sur la diffusion à titre exclusif des matches du Top 14 pour cinq saisons de 2014-2015 à 2018-2019 pour un montant de 355 millions d'euros, soit une moyenne de 71 millions par saison. Si cette offre a recueilli un accord de la Ligue, elle n'a toutefois pas fait l'objet d'un contrat. Le projet datant du 19 février 2014 st demeuré en suspens.

Dans sa saisine, la société beIN Sports a dénoncé trois pratiques qu'elle estimait contraires aux articles L. 420-1 et L, 420-2 du Code de commerce, ainsi qu'aux articles 101 et 102 du TFUE et résultant de :

- l'inclusion dans le contrat de 2011, conclu entre les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue, d'un droit de priorité au profit du Groupe Canal Plus qui serait constitutive d'un abus de position dominante des sociétés de ce groupe et d'une entente entre lui et la LNR ;

- la stratégie d'intimidation judiciaire mise en œuvre par les sociétés du Groupe Canal Plus à L'encontre de la Ligue, qui serait constitutive d'un abus de position dominante de sa part ;

- la conclusion de l'accord du 14 janvier 2014, à la suite de l'interruption de la procédure de mise en concurrence, attribuant les droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 au Groupe Canal Plus pour cinq saisons, qui serait constitutive d'un abus de position dominante de ce groupe et d'une entente entre lui et la Ligue.

L'Autorité de la concurrence, après avoir recueilli le 21 mai 2014 l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a par décision n° 14-MC-01, rendue le 30 juillet 2014, prononcé les mesures conservatoires ainsi énoncées

"- Article 1er : Il est enjoint à la Société d'Édition de Canal+, à la société Groupe Canal Plus et à la Ligue Nationale de Rugby de suspendre l'accord conclu le 14 janvier 2014 à l'issue de la diffusion de la saison 2014-2015 du Top 14.

- Article 2 : Il est enjoint à la Ligue Nationale de Rugby de procéder à une nouvelle attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 au litre de la saison 2015-2016 et des saisons suivantes, dans les meilleurs délais et au plus tard avant le 31 janvier 2015, à l'issue d'une procédure transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée.

- Article 3: 11 est enjoint à la société d'Edition de Canal Plus et à la société Groupe Canal Plus de cesser dès la notification de la présente décision, toute communication, qu'elle soit externe ou dirigée vers leurs abonnés, relative à l'attribution exclusive pour les cinq prochaînes saisons des droits du Top 14 jusqu'à la saison 2018-2019".

LA COUR,

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision n° 14-MC-01 déposé le 8 août 2014 au greffe de la cour par la société Groupe Canal Plus et la société d'Edition de Canal Plus sous le numéro de RG 14-16759 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation de la décision n° 14-MC-01 déposé le 11 août 2014 au greffe de la cour par la Ligue Nationale de Rugby sous le numéro de RG 14-17031

Vu le mémoire en défense déposé au greffe de la cour le 29 août 2014 par la société beIN Sports France ;

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 1er septembre 2014, déposées au greffe de la cour le 2 septembre 2014 ;

Vu les conclusions en réponse déposées le 3 septembre 2014 au greffe de la cour par la société Groupe Canal Plus et la société d'Edition de Canal Plus ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 4 septembre 2014, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, le conseil de l'intimée, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre de l'Economie et le Ministère public ;

SUR CE

Considérant qu'il y a lieu de joindre les deux recours qui attaquent la même Décision ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant l'AdlC

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus soutiennent que l'instruction menée par l'Autorité de la concurrence est entachée de deux irrégularités substantielles de procédure qui ont entravé leurs droits de la défense et que la gravité de ces irrégularités justifie que la procédure soit annulée dès ce stade de l'instruction ; qu'elles font valoir à ce sujet, d'une part, que le rapporteur a procédé à l'audition des représentants de la société Canal Plus et leur a demandé de répondre à un questionnaire sans leur avoir permis préalablement de consulter le dossier d'instruction, d'autre part, que les rapporteurs ne leur ont pas communiqué leurs conclusions préalablement à la séance ;

Sur l'audition des représentants de la société Canal Plus par le rapporteur et les demandes de réponse à un questionnaire

Considérant qu'il résulte des pièces produites que par un courrier électronique du 11 avril 2014, la rapporteure de l'Autorité de la concurrence, désignée pour instruire l'affaire, a rappelé aux conseils de la société Canal Plus les termes d'un entretien téléphonique entre eux, par lequel elle les avait informés de la saisine de l'autorité par la société beIN Sports qui dénonçait "certaines pratiques mises en œuvre par la société d'Edition de Canal Plus, la société Groupe Canal Plus et la Ligue Nationale de Rugby dans le secteur de la télévision payante" et que cette saisine était assortie d'une demande de mesures conservatoires ; que la rapporteure indiquait qu'afin de recueillir des éléments complémentaires utiles à l'instruction du dossier, elle souhaitait entendre les représentants de la société Groupe Canal Plus et leur proposait deux dates ; qu'à la suite de ce courrier électronique, un échange de messages s'est déroulé entre les conseils des sociétés du Groupe Canal Plus et la rapporteure sur la date de cette audition ;

Considérant que le débat contradictoire dans le cadre d'une saisine de l'Autorité de la concurrence, ne débute qu'après l'envoi de la notification des griefs qui permet alors aux entreprises en cause de connaître les pratiques qui leur sont reprochées, leur fondement textuel, ainsi que les éléments de fait et de droit sur lesquels s'appuient les griefs ; qu'avant ce moment, le respect des principes du procès équitable et du contradictoire doivent s'apprécier au regard des nécessités de l'enquête des services et des contraintes de rapidité liées à la demande de mesures conservatoires et ce, quand bien même les dispositions de la directive 2012-13-UE du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales seraient-elles applicables aux procédures relatives à l'application du droit européen de la concurrence; qu'en tout état de cause, il n'est ni soutenu ni établi que les sociétés du Groupe Canal Plus auraient demandé, préalablement à l'audition et alors que plusieurs messages ont été échangés avec la rapporteure du dossier, à pouvoir disposer de la saisine de la société beIN Sports ainsi que des pièces afférentes, ou les consulter préalablement à l'audition ;

Considérant, en outre, que le questionnaire adressé par la rapporteure préalablement à l'audition comporte des interrogations relatives aux droits premium acquis par le Groupe au cours des deux derniers exercices clos et aux durées contractuelles, ainsi qu'un grand nombre de questions sur les conditions de négociation et de conclusion des accords relatifs au Top 14, ce qui permettait aux représentants de la société Groupe Canal Plus de comprendre que la saisine portait sur ce sujet litigieux ; que, de plus, ce questionnaire a été adressé à la société groupe Canal Plus le 18 avril 2014 et devait être retourné le 25 avril suivant, soit trois jours avant l'audition, ce qui lui permettait, d'une part, de disposer d'un délai de réflexion sur les réponses qu'elle souhaitait apporter et les conséquences qui pouvaient y être attachées, d'autre part, de savoir quelle serait la teneur de l'audition, ainsi que le sens des réponses qui pouvaient être données ; que, de plus, les sociétés du Groupe Canal Plus n'indiquent pas en quoi le fait de ne pas avoir disposé de la saisine ou des pièces, les auraient empêchées de faire valoir utilement leur défense, ou les auraient conduites à faire des déclarations, ou encore à communiquer des documents, qui auraient porté irrémédiablement atteinte à leurs droits en général et à leur défense en particulier ; qu'elles ne contestent pas avoir disposé de la saisine et des documents annexes préalablement à la séance et avoir pu déposer à deux reprises des observations en défense les 21 mai et 18 juin 2014, pour les sociétés du Groupe Canal Plus et le 9 juillet 2014, pour la Ligue ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le défaut de communication écrite et préalablement à la séance des conclusions des services d'instruction

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus, ainsi que la Ligue, soutiennent que leurs défenses ont été affectées irrémédiablement du fait qu'elles n'ont pas reçu, préalablement à la séance, communication sous forme écrite de la position des services d'instruction ; qu'elles font valoir à ce sujet que, si les rapporteurs leur ont communiqué par téléphone, 48 heures avant la séance, le sens des observations qu'ils développeraient oralement lors de celle-ci et leur ont remis en séance un document de synthèse de leur position, ces démarches ne leur ont pas laissé suffisamment de temps pour analyser les informations qui leur ont ainsi été délivrées et pour répondre de façon efficace ; qu'elles invoquent ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et que la Ligue soutient que cette carence de communication constitue une violation des articles 41 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, mais aussi du principe d'égalité des armes garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et, enfin, du principe de bonne administration garanti par l'article 41 de la Charte précitée ;

Mais considérant que le respect des droits de la défense doit, dans le cadre de l'examen d'une demande de mesures conservatoires, être assuré au regard des contraintes imposées par l'urgence dans laquelle une réponse doit être apportée à cette demande ; que le fait que la société beIN Sports France n'ait pas immédiatement à la suite de l'annonce du contrat du 14 janvier 2014, saisi l'Autorité n'est pas de nature à contredire l'existence d'une urgence en l'espèce ; qu'il n'est pas contesté que les parties ont été informées le 7 mai 2014 du calendrier de procédure ainsi que de la possibilité qu'elles avaient de venir consulter les pièces du dossier ; que leur ont été transmis, notamment, la saisine, les procès-verbaux d'audition, les annexes à ces procès-verbaux, puis, l'avis du CSA et les pièces relatives aux secrets d'affaires ; qu'à la suite de ces transmissions les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue ont, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, présenté des observations écrites ; que, de plus, les rapporteurs en charge du dossier ont prévenu par téléphone les conseils des sociétés du Groupe Canal Plus et de la Ligue de la position qu'ils avaient prévu de soutenir devant l'autorité lors de la séance qui devait se tenir deux jours plus tard ; qu'encore, les rapporteurs ont remis aux parties au début de la séance un document résumant les grandes lignes de leurs développements oraux ; que, dans ces conditions tant matérielles que de délais, celles-ci ont pu, de façon satisfaisante et efficace, répliquer aux arguments adverses et faire valoir tous les moyens qu'elles pouvaient estimer utiles à leur défense sans qu'une quelconque violation des droits de la défense ni aucun déséquilibre dans le bénéfice des armes ne soit constitué ; qu'il s'ensuit que les moyens doivent être rejetés ;

Sur le fond

Considérant qu'en application de l'article L. 464-1 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires, dans le cas où la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ; que l'Autorité de la concurrence a, pour prendre la décision déférée, retenu que les conditions dans lesquelles la Ligue et les sociétés du Groupe Canal Plus ont négocié de gré à gré, puis conclu un accord exclusif, en excluant tout autre opérateur du processus d'attribution, révélait, en l'état de l'instruction, un objet et/ou un effet anticoncurrentiel susceptible de caractériser une entente contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE ;

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus demandent à la cour de prononcer l'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence en ce que les pratiques relevées par celle-ci, que ce soient les pratiques pour lesquelles une instruction serait prétendument nécessaire, ou celles prétendument susceptibles de justifier le prononcé de mesures conservatoires, ne sont pas susceptibles de constituer des pratiques contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE ;

Considérant, cependant, que la décision par laquelle l'Autorité de la concurrence estime que les faits invoqués devant elle à l'appui de la saisine sont suffisamment établis pour justifier d'une instruction au fond constitue une simple mesure interne, qui n'est pas susceptible de recours sur le fondement des articles L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce ; qu'en conséquence, la demande d'annulation de la décision au motif que les pratiques retenues ne seraient pas susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles n'est pas recevable ;

Sur les marchés concernés et le caractère premium des droits de diffusion du Top 14

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus, ainsi que la Ligue, contestent l'analyse de l'Autorité de la concurrence sur le ou les marchés pertinents qu'elles estiment en rupture avec les principes et les contours précédemment retenus dans d'autres affaires ; qu'elles soutiennent que les droits de diffusion du Top 14 ne constituent pas des droits premium, ni un marché pertinent ;

Considérant que, saisie sur le fond de pratiques d'entente et d'abus de position dominante, l'Autorité de la concurrence a décidé que seule une pratique d'entente résultant des conditions dans lesquelles l'accord du 14 janvier 2014 avait été conclu, était, en l'état, suffisamment susceptible d'être constituée pour fonder le prononcé de mesures conservatoires ; que dans ces circonstances, il est sans portée sur la validité de sa décision qu'elle n'ait qu'énoncé le ou les marchés pertinents concernés et qu'elle ait, à ce stade, envisagé la possibilité de circonscrire, à l'issue de l'instruction qui sera menée, un marché différent de ceux qu'elle a pu retenir dans un passé récent, dans des procédures de concentrations ; que dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens par lesquels les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue contestent cette analyse et qui sont, à ce point de la procédure, inopérants ;

Considérant, en revanche, qu'il convient d'examiner si les droits de diffusion des matches du Top 14 constituent des droits dits "premium" (les droits premium), puisque de cette qualification sont susceptibles de découler un certain nombre de conséquences, notamment, en ce qui concerne l'existence ou non en l'espèce d'un trouble grave et immédiat ; que les parties ne contestent pas que cette qualification concerne des droits de diffusion relatifs à des événements susceptibles de générer des taux d'audience élevés et qui constituent par leur attrait des motifs d'abonnement, ou en d'autres termes, selon certaines décisions, des "moteurs d'abonnements" ;

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue soutiennent que les droits de diffusion du Top 14 ne constituent pas des droits premium et contestent la pertinence des éléments pris en compte par l'Autorité de la concurrence dans son analyse ;

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus comparent les compétitions du Top 14 à d'autres manifestations sportives qui génèrent une forte audience et qu'elles estiment substituables ; qu'elles soutiennent à ce sujet que le Top 14 a été une motivation principale d'abonnement seulement pour 5 % de leurs nouveaux abonnés, alors que la Ligue 1 de football l'a été pour 11 % ;

Considérant, cependant, que les droits de diffusion relatifs à la Ligue 1 de football ont été considérés dans la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence comme constituant un marché spécifique ; que dans ces conditions, il ne saurait valablement être déduit de la différence des taux de motivation principale d'abonnement entre les matches de la Ligue I de football et ceux du Top 14 le signe de l'absence de caractère premium des seconds ; qu'il convient à ce sujet de retenir que les données produites par les sociétés du Groupe Canal Plus confirment qu'ainsi que l'a relevé l'Autorité dans sa décision, le Top 14 constitue auprès du public la deuxième motivation en terme de volume d'abonnement (32 %), après la Ligue 1 de football et avant la Ligue des champions (31 %), ainsi que la Première Ligue (17 %), qui sont toutes deux des compétitions de football ; que ces pourcentages démontrent à tout le moins un intérêt particulièrement important et identifié pour le Top 14 des abonnés ou éventuels abonnés à une ou des chaînes de télévision payante ; que cet attrait est d'ailleurs confirmé notamment par une étude réalisée en juin 2013 par les sociétés du Groupe Canal Plus, intitulée "Rugby - Top 14 image et valorisation auprès des prospects et abonnés", qui relève que "45 % des abonnés Canal+ sont motivés par le Rugby, il s'agit de la deuxième discipline sportive (derrière le football) motivant la prise d'abonnement Canal+" ; qu'en outre, une autre étude réalisée en décembre 2013, intitulée "Baromètre Sport, Canal+ >, fournit le détail reproduit ci-après des sports motivant l'abonnement à Canal-t-: football ([80-90] %), Rugby ([50-60] %), tennis ([20-301 %), basket ([20-30] %), Formule 1 ([20-30] %), handball ([20-30] %) ; que, si les projections réalisées par une étude Ipsos, pour le compte de la société beIN Sports, consacrée aux intentions des abonnés de Canal Plus de souscrire à l'offre de beIN dans l'hypothèse où celle-ci se verrait attribuer tout ou partie des droits du Top 14, ont été considérées par le CSA comme exagérément optimistes, les réserves émises par le Conseil concernent les montants de ces projections qui aboutiraient à un doublement des abonnés aux chaînes de la société beIN Sports, mais il ne remet nullement en cause que cette compétition soit un moteur d'abonnement, ce qu'il estime établi.

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés sur le caractère particulier de la Ligue 1 de football, les sociétés du Groupe Canal Plus ne sauraient déduire de ce que les audiences des matches du Top 14 ont été inférieures à celles des matches de la Ligue 1 de football, la démonstration que ces droits ne seraient pas premium, d'autant qu'il résulte de ces comparaisons que les audiences des matches du Top 14 ont été en forte progression lors de la saison 2012-2013 par rapport à la saison 2011-2012 ; que si le Rugby n'apparaît pas dans les mesures des 20 meilleures audiences sport des chaînes diffusées par les sociétés du Groupe Canal Plus lors des saisons de 2009 à 2012, lesquelles sont, de façon générale, réalisées par des matches de football, il n'en demeure pas moins qu'en 2013 un match de championnat de France de Rugby est classé en 1 position avec 1 532 000 spectateurs ; qu'en outre, pour 2014, les parts d'audience ont significativement augmenté avec, notamment, 1 023 000 abonnés pour une part d'audience de 21,5 3/4 tours du premier match de barrage du Top 14 le 9 mai 2014, puis, 1 228 000 abonnés pour 24 % de parts d'audience le 17 mai suivant et, enfin, 1 015 000 abonnés avec 22,7 % de parts d'audience pour la finale du 31 mai 2014, alors que ce match était codiffusé par France télévision en clair ; que, de plus, le CSA a précisé dans son avis que les informations qui lui ont été communiquées par le Groupe de sociétés Canal Plus montrent que le Top 14 atteint des niveaux de "satisfaction record" auprès des abonnés aux chaînes Canal Plus en augmentation depuis 2007.

Considérant que ni le fait que l'autorité ait examiné les montants d'acquisition des droits du Top 14 sans les comparer à ceux des droits de différentes compétitions de football, ni le fait que la tendance à l'augmentation de la valeur des droits de diffusion, relevée par l'autorité, puisse être constatée aussi sur les droits du football, ne sont de nature à exclure la qualification de droits premium ; qu'en effet, il n'est pas contesté que le Top 14 appartient à une catégorie de quelques compétitions, autres que de football, dont les droits excèdent 10 millions d'euros et que parmi ces compétitions il constitue celle dont les droits sont les plus élevés, dépassant significativement les autres compétitions de Rugby (Hcup et Coupe du Monde de Rugby à XV), mais aussi la formule I et Roland Garros et qu'enfin le montant de ces droits a connu, depuis 1999, une augmentation constante, les sociétés du Groupe Canal Plus ayant accepté en dernier lieu de doubler le montant des droits de diffusion ;

Considérant, encore, que la caractéristique de régularité du Top 14 qui se déroule sur plusieurs journées de championnat tout au long de l'année, depuis le mois d'août jusqu'au mois de mai de l'année suivante, complète le faisceau d'éléments qui conduit qualifier cette compétition de premium, puisqu'ainsi que l'a relevé le CSA dans l'avis rendu à l'autorité, cette compétition constitue un programme "feuilletonnant" particulièrement recherché par les chaînes payantes car ils permettent d'alimenter les grilles de programmes toute l'année ; que si d'autres championnats pourraient présenter le même intérêt pour les chaînes, cet avantage du Top 14 est accru par le fait que les matches de cette compétition se déroulent toutes les semaines, qu'ils attirent, ainsi qu'il a été relevé précédemment, des audiences importantes et significatives et qu'ils constituent la deuxième motivation d'abonnement après la Ligue 1 de football et avant même d'autres compétitions de football ;

Considérant en outre que les dirigeants des sociétés du Groupe Canal Plus ont cité eux-mêmes le Top 14 comme étant l'un des trois événements qui motivent l'abonnement des "fans de sport" (Ligue 1 de football, Ligue des champions et Top 14) et que cette analyse est confirmée par le CSA dans l'avis qu'il a rendu au sujet de la présente affaire ; que le fait que le Top 14 soit encore dans une phase de développement, ainsi que l'indique la Ligue, conduit, au contraire de ce qu'elle affirme, à considérer que cette compétition comporte un potentiel d'amélioration et que l'intérêt que le public lui porte est susceptible de croître dans le futur.

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il est à ce stade de la procédure suffisamment démontré que les droits de diffusion des matches du Top 14 sont susceptibtes de constituer des droits premium, incitatifs d'abonnement, pour les sociétés éditrices et diffusant des programmes de télévision payantes consacrées au sport ;

Sur l'existence d'une pratique susceptible d'être contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les sociétés du Groupe Canal Plus, il ne résulte pas d'incohérence ni de contradiction de la part de l'Autorité de la concurrence dans le fait d'avoir retenu dans sa décision, pour qualifier l'entente anticoncurrentielle potentielle, des éléments de fait pour lesquels elle estime, par ailleurs, que l'instruction devra approfondir l'analyse s'agissant de la qualification d'un abus de position dominante ; qu'en effet, ces deux qualifications juridiques reposent sur des principes différents et visent des comportements distincts, mais peuvent parfaitement résulter de faits identiques, susceptibles alors d'une double qualification ;

Sur la potentialité d'objet anticoncurrentiel

Considérant qu'ainsi qu'il a justement été rappelé par la décision, la recherche de l'objet anticoncurrentiel d'un accord doit s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère ; qu'à ce sujet, l'autorité a retenu que l'ensemble des comportements observés de la part de la Ligue et des sociétés du Groupe Canal Plus montre qu'il a existé entre elles un accord de volonté portant à la fois sur le choix d'une négociation de gré à gré et sur le résultat final dans le cadre duquel l'attribution des droits a été fixée à cinq années supplémentaires aux trois déjà écoulées et de surcroît à titre exclusif ;

Considérant que les parties requérantes soutiennent ensemble qu'il ne peut leur être reproché d'avoir négocié de gré à gré, alors qu'aucune disposition de droit interne ou communautaire n'impose que les droits soient attribués au terme d'une mise en concurrence, que les exclusivités ne sont pas interdites et qu'il est inexact de prétendre que la Ligue aurait pu bénéficier d'une meilleure valorisation des droits si l'appel d'offres était allé à son terme ;

Que s'il est effectivement constant qu'aucune disposition de droit interne ou communautaire n'impose que les droits du Top 14 soient attribués au terme d'une mise en concurrence, il résulte néanmoins de la pratique décisionnelle de la Commission européenne, telle qu'elle ressort des décisions des 23 juillet 2003 (COMP/C.2-37.398), relative à la commercialisation des droits de l'UEFA Champions League, 19 janvier 2005 (COMP/C.2-37.214), relative à la commercialisation des droits du championnat allemand de football (Bundesliga) et 22 mars 2006 (COMP/C.2-38.173), relative à la commercialisation des droits de la Premier League, que ces droits, compte tenu de leur caractère premium, doivent être commercialisés selon une procédure de mise en concurrence afin d'éviter le risque de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles ; que ces principes ont été adoptés et appliqués par l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 03-MC-01 du 23 janvier 2003 ; que la Ligue qui se trouvait dans la même situation de cédante centralisée de droits que les opérateurs concernés par les décisions précitées, avait, jusqu'à la pratique dénoncée, procédé par appels à la concurrence, et ceci quand bien-même eût-elle estimé que les droits qu'elle offrait n'étaient pas des droits premium ; qu'elle avait, en outre, décidé et même lancé une telle procédure en 2013, avant de l'interrompre pour renégocier avec les sociétés du Groupe Canal Plus; qu'enfin, si la société beIN Sports a négocié certains contrats de gré à gré, elle rapporte toutefois la preuve que les attributions des droits en cause ont été précédées de consultations de ses concurrents et que, de plus, elles ont été isolées au regard du nombre particulièrement important de droits relatifs à des manifestations premium attribués à l'issue d'un appel à concurrence, notamment, en ce qui concerne le Rugby puisqu'ainsi que le démontre la société beIN Sports, sans être contestée, les droits relatifs à la Coupe d'Europe et au challenge européen, au tournoi des six nations, aux rencontres amicales du XV de France, et à la coupe du monde sont attribués après mise en concurrence ;

Considérant que si, comme le font valoir les sociétés du Groupe Canal Plus, les exclusivités ne sont pas anticoncurrentielles par elles-mêmes, le caractère anticoncurrentiel présumé de la pratique retenue par l'Autorité de la concurrence ne réside pas dans le fait que ces sociétés aient obtenu un tel droit, mais dans le cumul des circonstances de négociation et de leur aboutissement à l'octroi de l'exclusivité pour une durée de cinq ans, constituant ensemble un faisceau d'indices ; que s'agissant de ces circonstances, il convient de relever que si le contrat de 2011 devait prendre fin en 2016, la Ligue a, au mois de mai 2013, étudié l'intérêt que pourrait avoir pour elle sa résiliation anticipée comme le lui permettait l'article 15-1 du contrat et qu'elle a, ainsi qu'elle le fait valoir, consulté la société beIN Sports France ; que son dirigeant, dans une lettre du 24 juin 2013 adressée au président de la Ligue, a manifesté son intérêt pour les droits du Top 14 et l'a confirmé dans une rencontre avec le comité de pilotage en septembre suivant ; qu'il était logique à ce stade que celui-ci ne précise pas d'emblée à la Ligue le montant d'une offre éventuelle, dès lors qu'elle avait indiqué qu'elle étudiait l'intérêt du lancement d'un appel d'offres ; que celle-ci ne saurait prétendre que l'absence d'offre chiffrée démontre que la société beIN Sports n'avait pas suffisamment manifesté son intérêt, alors même que celui-ci avait fait l'objet de la lettre précitée ; qu'en outre, il est inopérant que ce soit le groupe Canal Plus qui ait repris contact avec la Ligue et que la société beIN Sports France ne l'ait pas fait plus rapidement, dans la mesure où le communiqué adressé par la Ligue pour annoncer à la fois l'interruption" et l'arrêt" de la procédure, tout en précisant qu'elle communiquerait "ultérieurement sur les suites qui seront données à cette décision", pouvait parfaitement laisser croire aux candidats qu'il ne s'agissait que d'une suspension destinée à lui permettre de régler les procédures judiciaires en cours ; que, de surcroît, la Ligue ne saurait prétendre que son "vrai prix de réserve économique" n'était pas de 73 millions d'euros, mais de 68, puisque ce dernier prix était fixé par elle dans le cas d'un partage des droits et non d'une exclusivité telle qu'elle a accordé au Groupe Canal Plus, de surcroît pour une durée plus longue que celle prévue dans l'appel d'offres; qu'enfin, il est sans portée de soutenir que la société beIN Sports n'avait aucune garantie d'être désignée attributaire de la procédure d'appel d'offres, alors même que celle-ci a été privée de la possibilité de concourir et que c'est cet empêchement même qui, avec son résultat, constitue la pratique reprochée ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le fait d'avoir brusquement interrompu la procédure d'appel d'offres, pour reprendre les négociations qui avaient, avant le lancement de celle-ci, échoué, et négocier dans le secret un nouvel accord comportant une clause d'exclusivité pour cinq années, durée qui, si elle existe dans d'autres contrats, est longue s'agissant de droits exclusifs, et ce alors qu'au moins un concurrent, en phase de développement sur le marché de l'édition de chaînes payantes, avait manifesté à plusieurs reprises son intérêt pour les droits en cause, est susceptible de caractériser un objet anticoncurrentiel.

Sur la potentialité d'effet anticoncurrentiel

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus ainsi que la Ligue soutiennent que la pratique qui leur est reprochée ne peut, en tout état de cause, avoir eu des effets anticoncurrentiels, puisque, d'une part, la société beIN Sports France a vu s'accroître le nombre de ses abonnés depuis l'intervention de la convention contestée, tandis qu'elles en perdaient, d'autre part, que les droits de diffusion du Top 14 fussent-ils premium, sont substituables à d'autres droits de diffusion d'autres compétitions ; qu'elles ajoutent que la durée de cinq ans de l'exclusivité qui leur a été accordée existe pour d'autres contrats et qu'elle n'a rien d'excessif ;

Considérant cependant, que le fait que la société beIN Sports France ait connu un accroissement du nombre de ses abonnés, après l'accord critiqué, ne démontre pas que l'entente que l'Autorité de la concurrence a estimée susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle est demeurée sans effet, puisqu'il ne peut être exclu que sans celle-ci, la société beIN Sports France n'aurait pas obtenu un nombre d'abonnés encore supérieur à celui constaté ; que de plus, l'adhésion d'abonnés à une ou des chaînes payantes n'est qu'une étape dans le processus d'exploitation de celles-ci, qu'il faut ensuite alimenter de programmes suffisamment attrayants pour fidéliser les abonnés ;

Considérant, de plus, que le CSA a, dans son avis du 21 mai 2014, précisé que "(...) parmi les droits les plus attractifs qui n'ont jamais été diffusés sur les chaînes de beIN Sports, le Conseil ne dispose pas à l'heure actuelle, d'information sur la remise sur le marché en 2014 de droits premium dont l'attractivité serait comparable au Top 14, dans des disciplines autres que le football. En effet, si la programmation des chaînes de beIN Sports en matière de football peut être considérée comme de qualité équivalente à celles des chaînes de Canal Plus, elle ne dispose pas de droits sports premium dans d'autres disciplines, alors qu'il s'agit d'une caractéristique importante de l'offre des chaînes de Canal Plus" ; qu'il a ajouté que l'attractivité des matches de la coupe d'Europe de Rugby, dont la société beIN Sports France a très récemment acquis les droits, "(...) est sensiblement inférieure au Top 14", en raison notamment de l'histoire de cette compétition et de son "enracinement patrimonial (...) dans plusieurs régions de France" et qu'il a conclu qu'ainsi, il apparaît que les perspectives de développement du portefeuille de droits sportif premium des chaînes beIN Sports France, sont limitées à brève échéance" ;

Considérant qu'il résulte de ces observations, que le développement d'une offre concurrente à celle des sociétés du Groupe Canal Plus implique que l'opérateur qui souhaite y procéder puisse disposer de droits de diffusion sur des compétitions premium dans des disciplines autres que celle du football ; que les données des études "Rugby - Top 14 : image et valorisation auprès des prospects et abonnés" et "Baromètre Sport Canal +", retranscrites ci-dessus, montrent que le Rugby est la discipline la plus attractive pour les abonnés ou prospects amateurs de manifestations sportives ; qu'il est donc établi, en l'état de la procédure, que pour des abonnés à des chaînes sportives, et indépendamment du football, des manifestations sportives autres que la compétition de Rugby Top 14 qui oppose des clubs de grande qualité de nombreuses régions françaises et se distingue par un "enracinement patrimonial", ne revêtent pas un intérêt équivalent; que sur ce point les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue ne rapportent pas la preuve de leur affirmation de ce qu'une offre de compétitions dans d'autres disciplines permettrait à la société beIN Sports France de proposer une offre de programme aussi attrayante que le Top 14 ;

Considérant qu'il est donc démontré que la privation de la possibilité de présenter une offre et de concourir à un appel à concurrence s'agissant de l'attribution des droits de diffusion du Top 14 est susceptible d'avoir eu un effet sur le marché de l'offre de télévision payante ;

Considérant, enfin, que s'il existe sur les marchés des droits de diffusion de compétitions sportives des durées d'exclusivité de cinq ans, voire de six, il n'en demeure pas moins que la durée de cinq ans, qui excède d'une année ce qui était prévu par l'appel d'offres, a pour effet de porter à huit ans l'exclusivité détenue par les sociétés du Groupe Canal Plus, sans remise des droits en compétition sur le marché, alors qu'ainsi que l'indique la Ligue, l'intérêt du public pour le Rugby est en développement, que le Top 14 constitue une compétition premium et qu'il n'est pas démontré que d'autres droits, comme ceux du tennis, du hand-ball et de la formule 1, sont susceptibles de constituer une véritable offre alternative ;

Considérant qu'au regard de ce qui précède, la décision de l'Autorité de la concurrence doit être confirmée en ce qu'elle a estimé que la pratique consistant pour les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue à avoir négocié de gré à gré puis conclu un accord exclusif attribuant les droits de retransmission du Top 14 pour une durée de cinq années, en excluant tout autre opérateur du processus d'attribution, révèle, en l'état de l'instruction, un objet et/ou un effet anticoncurrentiel susceptibles de caractériser une entente contraire aux articles L 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.

Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate au secteur, aux consommateurs ou à l'entreprise plaignante

Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé précédemment, le prononcé de mesures conservatoires ne peut intervenir que s'il est établi que la pratique anticoncurrentielle susceptible d'être constituée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ; que s'il suffit que l'une ou l'autre de ces atteintes soit établie, les conditions de gravité et d'immédiateté doivent, en revanche, toutes les deux être remplies et qu'il doit, de plus, être démontré le lien de causalité entre la pratique et l'atteinte ;

Considérant qu'en l'espèce, l'Autorité de la concurrence a estimé que la pratique causait une telle atteinte tout à la fois au secteur, à l'intérêt des consommateurs et à la société beIN Sports France ; que les appelantes contestent chacun de ces points ;

Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate au secteur intéressé

Considérant qu'il n'est pas contesté que le secteur intéressé est en l'espèce celui de la télévision payante ; que sur ce secteur les sociétés du Groupe Canal Plus disposent d'une indéniable puissance économique puisque les tentatives menées par Orange et par la société TPS pour entrer, puis se maintenir, sur le marché de la télévision payante ont échoué, avant que la société beIN Sports y pénètre, en 2012 ; que celle-ci a réussi à acquérir des droits de diffusion sur plusieurs compétitions premium essentiellement de football et à attirer un nombre d'abonnés progressant rapidement, pour atteindre plus de deux millions en juin 2014, alors que les sociétés du Groupe Canal Plus en revendiquaient plus de six millions en décembre 2013 ; qu'elle a donc réactivé le jeu de la concurrence, qui s'il pouvait encore s'exercer du fait de la présence de quelques opérateurs actifs était incontestablement amoindri ;

Considérant que les éléments produits en l'espèce montrent que la société beIN Sports est un concurrent effectif et solide tant au regard de sa structure capitalistique qu'en ce qui concerne sa capacité à acquérir des droits de diffusion et à proposer une offre attrayante, comme le démontre l'efficacité dont elle a fait preuve en deux ans ; que néanmoins, la suppression de la concurrence pour l'attribution de droits à l'opérateur jusqu'alors dominant, alors que ces droits portent, ainsi qu'il a été retenu précédemment, sur une compétition premium se jouant dans une discipline sportive qui pouvait permettre à la société beIN Sports de diversifier une offre, jusqu'alors essentiellement constituée de compétitions de football, et pour laquelle il est, en l'état de la procédure, démontré qu'il n'existe pas d'alternatives équivalentes, cause une atteinte grave au secteur en ce qu'elle le prive d'une occasion de bénéficier des effets d'une réelle compétition entre les opérateurs et que l'entente aboutit à geler les droits en cause pour une durée de cinq ans.

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs du recours, l'analyse faite par l'Autorité de la concurrence de cette atteinte au secteur n'est pas abstraite puisqu'elle prend en compte l'ensemble de ces éléments dont il résulte que l'entente susceptible d'être caractérisée porte un préjudice particulièrement dommageable et immédiat au secteur concerné ; qu'au regard de cette atteinte, le fait que la société beIN Sports ait, depuis le mois de janvier 2014, pu acquérir d'autres droit sportifs est inopérant dans la mesure où les droits invoqués par les sociétés du Groupe Canal Plus concernent seulement le football, à l'exception des droits sur le championnat de France de Handball, dont elles ne précisent pas les parts d'audience, ni le caractère premium.

Considérant que si la prise de participation majoritaire de la compagnie américaine Discovery, au mois de janvier 2014, dans le capital de la chaîne Eurosport international jusqu'alors détenue par la société TF1, est de nature à encore accentuer la concurrence sur le secteur et dément l'affirmation surabondante de l'Autorité selon laquelle les opérateurs étrangers seraient dissuadés d'intervenir en France en raison, notamment, de la forte position détenue par les sociétés du Groupe Canal Plus, il n'est pas démontré que cet opérateur aurait jusqu'à présent disputé des droits sportifs aux sociétés de ce groupe ;

Considérant que la Ligue ne saurait démontrer l'absence d'atteinte au secteur en prétendant que la société beIN Sports n'a pas, dans le cours des consultations menées avant le lancement de l'appel d'offres, chiffré le montant qu'elle était prête à investir pour l'acquisition des droits, ni pris contact avec elle après l'annonce de l'interruption de la procédure d'appel d'offres ; qu'en effet, d'une part, annoncer le montant d'une offre, avant le lancement d'un appel à candidature aurait pu aboutir â fausser le mécanisme de mise en concurrence et amoindrir les chances de la société beIN Sports de remporter les droits et, d'autre part, celle-ci pouvait, compte tenu de l'ambiguïté des termes du communiqué de presse diffusé, légitimement penser que l'appel d'offres était suspendu ; que, plus encore, il n'est pas contesté que son représentant a tenté, dans le cours de négociations reprises avec les sociétés du Groupe Canal Plus, d'entrer en contact avec le directeur général de la Ligue et que celui-ci n'a pas donné suite cette tentative ;

Considérant qu'enfin, l'impossibilité pour tout concurrent des sociétés du Groupe Canal Plus de présenter une offre, et l'attribution à celles-ci pour cinq ans des droits exclusifs de diffusion du Top 14, alors qu'elles les détenaient déjà depuis trois ans, cause une atteinte concomitante à l'absence de remise en concurrence et donc immédiate au secteur, sans qu'il soit nécessaire, à cet étape de la procédure, de quantifier les nouveaux abonnements ou les maintiens d'abonnements liés à la diffusion du Top 14 pour les sociétés du Groupe Canal Plus et sans qu'importe le fait qu'elles aient, ainsi qu'elles l'affirment, perdu 80 000 abonnés au premier trimestre 2014.

Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate aux consommateurs

Considérant que la pratique retenue a pour effet de priver immédiatement les consommateurs désireux de regarder les matches du Top 14 de pouvoir le faire au prix de l'abonnement à la chaîne beIN Sport, soit 12 euros par mois et les oblige à s'abonner à l'offre des chaînes de Canal Plus dont le montant est de 39,90 euros.

Considérant que s'il n'est pas certain que dans le cas d'une mise en concurrence la société beIN Sports aurait été désignée attributaire de l'exclusivité de la diffusion de tous les matches du Top 14 pendant cinq ans, comme le sont les sociétés du Groupe Canal Plus, il n'en demeure pas moins que la situation du consommateur est bien, du fait de la négociation menée sans appel à concurrence et sans y associer aucun autre opérateur du marché, celle décrite par l'autorité dans sa décision ;

Considérant que si les sociétés du Groupe Canal Plus soutiennent que les "meilleures affiches du Top 14" peuvent être visionnées sur la seule chaîne Canal Plus dont le coût d'abonnement pour la première année est de 19,90 euros puis ensuite de 24,90 euros, l'offre de 39,90 euros hors promotion retenue par l'autorité étant celle de l'abonnement à l'ensemble des chaînes parmi lesquelles la chaîne "Canal + Sport", elle ne précise pas quelles sont ces "meilleures affiches" auxquelles elle se réfère ; que quand bien-même l'abonnement au tarif de 24,90 euros permettrait-il aux abonnés de visionner les matches les plus attractifs du Top 14, ce qui n'est pas démontré, il contraint néanmoins le consommateur à souscrire un abonnement à un tarif plus élevé que celui des chaînes beIN Sport et pour une durée bien plus longue puisqu'elle est d'au moins une année, alors que celui aux chaînes précitée peut être résilié à tout moment ; qu'enfin, le fait que les abonnements proposés par les sociétés du Groupe Canal Plus contiennent des programmes divers comprenant non seulement du sport mais d'autres thématiques, dont le cinéma, est sans portée dans l'examen de l'existence d'un trouble grave et immédiat causé au consommateur souhaitant visionner les matches du Top 14 par la pratique en cause ;

Considérant qu'il est, au regard de ce qui précède, sans pertinence d'envisager la possibilité qu'aurait la société beIN Sports France de procéder à des diffusions en couplage avec une chaîne non payante comme elle l'a fait pour la coupe du monde de football, puisque cette possibilité ne lui était pas offerte s'agissant des matches du Top 14 et qu'ainsi qu'il a déjà été relevé, il n'est pas démontré que d'autres solutions de programmes puissent remplacer cette compétition aux yeux des consommateurs ;

Considérant que l'Autorité de la concurrence a, par ailleurs, relevé dans sa décision que le développement du nombre global d'abonnés entre 2013 et 2014 lié au développement de la société beIN Sports sur le marché de la télévision payante, alors que le nombre d'abonnés à l'offre des chaînes de Canal Plus demeurait stable, montre qu'il existe une demande non servie par les offres des sociétés du Groupe Canal Plus au prix de 40 euros par mois qui, en revanche, se trouve satisfaite par une offre d'abonnement à une chaîne dédiée au sport pour un prix réduit de 12 euros; que dès lors, la pratique en cause prive les consommateurs intéressés par le Top 14 de pouvoir satisfaire cet intérêt au prix de 12 euros par mois pour une période de cinq années et sans que cette situation résulte du jeu de la concurrence non faussée entre les opérateurs ;

Considérant qu'il se déduit de l'ensemble de ce qui précède qu'il est établi que la pratique en cause est de nature à causer un trouble grave et immédiat aux consommateurs.

Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate à la société beIN Sports

Considérant que la Ligue et les sociétés du Groupe Canal Plus soutiennent que la pratique reprochée n'a pu causer un trouble grave et immédiat à la société beIN Sports, car un tel dommage s'entend comme étant de nature à mettre l'existence de l'entreprise en péril, puisque celle-ci occupe déjà une position pérenne sur le marché de la télévision payante, qu'elle a développé en deux ans un nombre impressionnant d'abonnés, qu'elle dispose d'une offre de diffusion attractive et que son capital est adossé à un groupe puissant ; que la Ligue ajoute que l'autorité n'a pas démontré que l'indisponibilité des droits du Top 14 pour la société beIN Sports serait susceptible de remettre en cause sa capacité à atteindre l'équilibre ;

Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, le CSA, dans son avis du 21 mai 2014, a précisé le caractère indispensable pour une société qui souhaite se maintenir sur le marché de la télévision payante de proposer une programmation pluridisciplinaire et qu'il a indiqué que les perspectives de développement du portefeuille de droits sportifs premium des chaînes beIN Sports, sont limitées à brève échéance ; que les droits du Top 14 ont un attrait propre que ne comportent pas d'autres droits de compétition sportive ; qu'en conséquence, quand bien même le développement de la société beIN Sports sur le marché de la télévision payante ait été rapide, il n'en demeure pas moins que son offre était, au moment de la mise en œuvre des pratiques, essentiellement composée de droits portant sur des compétitions de football et qu'elle le demeure actuellement ; que dès lors, sans droits premium sur d'autres types de compétition, elle est privée de la possibilité de dépasser le palier qu'elle a atteint; que cette impossibilité représente, au-delà d'un manque à gagner, une entrave immédiate à son développement et remet en cause sa survie compétitive, même si le groupe de sociétés dans lequel elle s'inscrit serait puissant et susceptible de compenser des pertes trop importantes ; que par ailleurs, l'annonce par la société beIN Sports France du lancement d'une troisième chaîne de diffusion au mois de septembre, si elle témoigne de la volonté de cette-ci de se développer sur le marché, ne démontre pas l'absence de dommage pour elle du fait de la pratique retenue par l'Autorité de la concurrence ;

Considérant, enfin, que bien que la société beIN Sports France ne soit pas certaine de remporter le marché des droits de diffusion du Top 14 dans le cadre d'un appel à concurrence, le fait de l'avoir privée, par l'entente en cause, de toute perspective à cet égard, mais aussi de se présenter comme une concurrente crédible sur un marché des droits de diffusion des compétitions sportive premium lui a causé un trouble grave et immédiat ;

Sur l'existence d'un lien de causalité

Considérant que la pratique consistant pour les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue à négocier de gré à gré, puis conclure un accord exclusif attribuant les droits de retransmission du Top 14 pour une durée de cinq années, en excluant tout autre opérateur du processus d'attribution, est susceptible de caractériser une entente contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et loi du TFUE ; que les troubles graves et immédiats, au secteur de la télévision payante, aux consommateurs et à la société beIN Sports, tels qu'ils sont caractérisés tant par la décision de l'autorité que dans les développements précédents, sont directement liés au comportement reproché ; que le fait que les résultats d'une mise en concurrence des opérateurs susceptibles d'être intéressés par les droits de diffusion du Top 14 soient, par construction, aléatoires, ne permet pas d'écarter l'absence d'atteinte, au secteur, au consommateur ou à la société beIN Sports puisqu'au-delà de l'attribution des droits de diffusion, la seule absence de la possibilité pour des entreprise de concourir emporte des conséquences sur la fluidité du ou des marchés concernés, sur le prix payé par le consommateur et sur le développement des entreprises privées de faire une offre ; que le lien de causalité entre la pratique retenue comme étant susceptible de constituer une pratique d'entente anticoncurrentielle est donc établi ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il convient de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a retenu que la pratique d'entente anticoncurrentielle susceptible d'être caractérisée entre les sociétés du Groupe Canal Plus et la Ligue causait un trouble grave et immédiat au secteur concerné, aux consommateurs et à l'entreprise plaignante ; que les recours doivent être rejetés sur ces points.

Sur la validité des mesures ordonnées par l'Autorité de la concurrence

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 464-1 du Code de commerce, les mesures conservatoires que peut prononcer l'Autorité de la concurrence peuvent "comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence" ;

Considérant que les sociétés du Groupe Canal Plus ainsi que la Ligue soutiennent que les mesures prises par l'autorité sont définitives et irréversibles qu'elles vont en conséquence au-delà de ce qu'autorisent les dispositions précitées et que, de plus, elles constituent une immixtion dans un équilibre contractuel ;

Considérant cependant qu'en présence d'une pratique consistant en l'attribution de droits premium de gré à gré, sans permettre aux concurrents de l'attributaire en place, de présenter des offres, la seule mesure conservatoire possible pour permettre le rétablissement du jeu de la concurrence dans le secteur affecté par cette pratique, était, ainsi que l'a décidé l'Autorité, de soumettre les droits en cause au libre jeu de la concurrence par un appel d'offres; que si cette injonction présente un caractère définitif, elle est toutefois conforme, à tout le moins, à l'intérêt du secteur atteint par la pratique et ne va pas au-delà du rétablissement du jeu concurrentiel, dans lequel les sociétés du Groupe Canal Plus pourront défendre leurs intérêts ; que cette mesure qui correspond à un retour à l'état antérieur à la pratique, qui était celui d'un appel d'offres tancé par la Ligue pour la cession des droits de diffusion des clubs, est conforme aux prescriptions de l'article L. 464-1 du Code de commerce ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'Autorité de s'être immiscée dans l'équilibre contractuel tel qu'il avait été négocié, les parties étant libres de tirer entre elles les conséquences d'une éventuelle rupture de l'équilibre invoqué ; qu'enfin, l'argument développé par les sociétés du Groupe Canal Plus, selon lequel les injonctions prononcées pourraient avoir pour conséquence de leur faire exécuter un contrat susceptible d'être frappé de nullité en raison de l'éventuel caractère anticoncurrentiel de la pratique ayant abouti à cet accord, est inopérant dans la mesure où celui-ci avait au moment du prononcé de la décision de l'Autorité déjà commencé à être exécuté et que ce n'est que pour ne pas provoquer des conséquences disproportionnées qu'elle a différé à la saison 2015-2016 le caractère effectif de la mesure prononcée ;

Considérant que la Ligue soutient que les mesures prononcées dans les articles 1 et 2 de la décision sont disproportionnées en raison des risques majeurs qu'elles font peser sur elle et l'ensemble du Rugby professionnel ; que cependant, ayant elle-même décidé de lancer un appel d'offres pour l'attribution des droits, avant d'arrêter la procédure en cours, elle ne saurait invoquer à présent le risque de ne trouver aucun acquéreur, alors même que tant les sociétés du Groupe Canal Plus, que la société beIN Sports, ont marqué un intérêt pour le moins sérieux à l'obtention des droits de diffusion qu'elle offre ; que le fait que les éditeurs de chaînes payantes aient, depuis la conclusion de l'accord en cause, investi des sommes importantes dans l'attribution des droits de diffusion de plusieurs compétitions de football ne saurait amoindrir les offres potentielles sur le Top 14 qui est, ainsi qu'il a déjà été dit, une compétition premium, fortement ancrée dans le patrimoine local et régional et donc source de profits importants ; que, de plus, il n'existe aucun obstacle à ce qu'elle prévoie, dans le cadre de l'appel à concurrence qu'elfe doit lancer, la contribution au développement du Rugby professionnel prévue dans le cadre des négociations menées avec les sociétés du Groupe Canal Plus ; qu'enfin, le lancement de l'appel à concurrence auquel il lui est enjoint de procéder concerne les saisons postérieures à la saison en cours ce qui lui laisse, ainsi qu'aux clubs qui en sont membres, la possibilité d'anticiper et d'organiser la remise enjeu des droits de diffusion dont ensemble ils tirent leurs ressources ;

Considérant que, par ailleurs, la Ligue invoque le caractère insuffisant du délai d'attribution des droits pour les saisons 2015-2016 et les suivantes, qu'elle affirme disproportionné et de nature à entraîner une sous-valorisation de ceux-ci ;

Considérant cependant que la Ligue avait, préalablement aux pratiques qui lui sont reprochées, commencé une réflexion sur l'intérêt et sur les modalités de la mise en œuvre d'un appel d'offres ; qu'elle avait lancé celui-ci et l'a arrêté juste avant la remise des offres ; que si le contexte dans lequel elle doit à nouveau procéder à une mise en concurrence a évolué depuis la fin de l'année 2013, il n'en demeure pas moins qu'elle dispose en raison de la réflexion déjà réalisée mais aussi de la présente affaire, d'une parfaite connaissance des éléments susceptibles de lui permettre de servir au mieux ses intérêts, ce que le délai de la présente procédure n'a pu que favoriser; qu'il est, par ailleurs, dans son intérêt et celui des clubs que les droits de diffusion en cause soient attribués dans les meilleurs délais afin que les apports financiers qui en dépendent puissent être connus rapidement et que l'organisation du soutien au développement du Rugby qu'elle indique vouloir mettre en œuvre puisse être mis en place ;

Considérant néanmoins, qu'il convient de prendre en compte le retard pris à l'exécution de l'article 2 de la décision de l'Autorité de la concurrence en raison de la présente procédure et de modifier cette disposition de la décision en repoussant au 30 mars 2015 l'attribution des droits par la Ligue ; que la décision sera en conséquence réformée sur ce point :

Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu en la cause à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Joint les procédures enregistrées sous les numéros RG 14-16759 et 14-17031 Déclare irrecevable la demande des sociétés Groupe Canal Plus et d'Édition de Canal Plus de prononcer l'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence en ce que les pratiques relevées par celle-ci ne sont pas susceptibles de constituer des pratiques contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE ; Rejette le recours des sociétés Groupe Canal Plus et d'Édition de Canal Plus ; Rejette le recours de la Ligue Nationale de Rugby, sauf en ce qui concerne sa demande de réformation de l'article 2 de la décision n° 14-MC-01 de l'Autorité de la concurrence ; Réforme la décision n° 14-MC-01 prise le 30 juillet 2014 par l'Autorité de la concurrence, mais seulement en ce qu'elle a enjoint à la Ligue Nationale de Rugby de procéder à une nouvelle attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 au titre de la saison 2015-2016 et des saisons suivantes, dans les meilleurs délais et au plus tard avant le 31 janvier 2015, à l'issue d'une procédure transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée ; Statuant à nouveau de ce chef enjoint à la Ligue Nationale de Rugby de procéder à une nouvelle attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 au titre de la saison 20 15-2016 et des saisons suivantes, dans les meilleurs délais et au plus tard avant le 31 mars 2015, à l'issue d'une procédure transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée ; Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne les sociétés Groupe Canal Plus et d'Edition de Canal Plus, ainsi que la Ligue Nationale de Rugby, solidairement aux dépens.