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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 16 octobre 2014, n° 13-06196

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DML-EMS (SARL)

Défendeur :

Linet France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Ohana, Spilliaert, Boccon Gibod, Balensi

T. com. Paris, 4e ch., du 1er mars 2013

1 mars 2013

Faits et procédure

La société Linet France (ci-après société Linet) est spécialisée dans la commercialisation en France de mobiliers hospitaliers depuis sa fondation en 2004.

Le 1er janvier 2007 elle a conclu un contrat de prestation de service avec la société DML-EMS (ci-après société DML) pour réaliser le transport de son matériel médical ; il était prévu une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction.

Le contrat a été renouvelé le 1er janvier 2010 et le 15 janvier 2010, les parties ont convenu d'une nouvelle tarification.

Le 31 janvier 2010, le chauffeur de la société DML qui réalisait les transports de la société Linet a démissionné et s'est installé comme auto-entrepreneur ; dans le même temps la société DML a vu les commandes passées par la société Linet chuter, puis cesser.

La société DM estimant avoir été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies a fait assigner la société Linet.

Vu le jugement prononcé le 1er mars 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société DML de l'ensemble de ses demandes ;

- dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboute ;

- condamné la société DML au paiement à la société Linet de la somme de 15 000 euro, par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société DML le 28 mars 2013 à l'encontre de cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société DML-EMS le 24 juin 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le Jugement rendu en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;

- dire et juger que la société Linet a eu un comportement fautif et déloyal à l'égard de la société DML et a rompu brutalement la relation commerciale établie entre les parties, nonobstant le renouvellement pour trois ans à compter du 1erjanvier 2010 du contrat liant les parties ;

- condamner la société Linet au paiement à la société DML de la somme de 318 512 euro en réparation de son préjudice subi, augmentés des intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance, sauf à parfaire ;

- condamner la société Linet au paiement à la société DML de la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société DML indique que son chiffre d'affaire dédié à la société Linet a brutalement chuté alors que celle-ci a transféré l'activité qu'elle lui avait retirée à son ancien salarié désormais auto-entrepreneur.

Elle considère que, si la société Linet a perdu des clients, elle pouvait équilibrer son activité selon les difficultés par région.

Elle affirme que la décision de la société Linet n'est pas due à une réelle perte de marchés mais à la hausse des tarifs à compter d'avril 2010 alors même qu'elle l'avait acceptée.

Elle réclame donc une indemnité de désengagement ainsi qu'une compensation au titre tant des investissements effectués que des frais sociaux et de restructuration dont le montant sera complété d'une indemnisation de son préjudice d'image.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Linet le 6 août 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 1er mars 2013 ;

- dire et juger que la société Linet n'a pas rompu ni totalement, ni partiellement, les relations commerciales qui l'unissaient à la société DML au sens de l'article L 442-6-I-5 du Code de commerce ;

- constater que la diminution du volume des commandes passées auprès de la société DML par la société Linet ne constitue pas une faute au sens de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce dans la mesure où elle est justifiée par la baisse de l'activité de la société Linet ;

- constater que le contrat conclu entre la société Linet et la société DML a été rompu à l'initiative de la société DML ;

A titre subsidiaire : si par extraordinaire, la cour d'appel considérait que la société Linet s'était rendue coupable d'une rupture fautive de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, il est demandé à la cour d'appel de :

- limiter l'indemnisation qui serait due par la société Linet à la société DML au titre de l'indemnité de désengagement à 11 793 euro ;

Dans tous les cas :

- condamner la société DML à payer à la société Linet la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée affirme avoir explicitement signifié à la société DMS que le contrat n'était pas rompu "sinon du fait de la société DMS" ce que conforteraient les livraisons effectuées par la société DMS dans la période considérée et la formation qu'elle a assurée à son salarié.

Elle soutient que la baisse du volume des prestations confiées à la société DML s'explique mécaniquement par la dégradation de sa propre activité et le fait qu'une répartition sur d'autres régions aurait eu pour elle un coût disproportionné.

Elle se défend tant d'avoir recruté le salarié prétendument débauché que d'avoir transféré l'activité de transport à tout autre prestataire, la chute de son activité étant la raison exclusive de sa recherche d'un autre prestataire et non l'augmentation tarifaire de la société DMS.

Elle estime qu'il n'était pas illégitime dans ce contexte de se documenter sur les tarifs pratiqués par les autres prestataires, ajoute que c'est la société de l'ancien salarié "dûment enregistrée" qui l'a approchée et que son référencement parmi ses fournisseurs n'est donc pas fautif.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile

MOTIFS

Considérant que la société DML n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Considérant que la société DML soutient que la société Linet a eu un comportement déloyal et fautif et a rompu brutalement la relation commerciale établie entre les parties, nonobstant le renouvellement du contrat les liant pour trois ans à compter du 1er janvier 2010.

Considérant que la société Linet soutient qu'elle n'a jamais ni résilié, ni entendu résilier le contrat la liant à la société DML et que, si elle a diminué ses commandes, c'est à la suite de la baisse de son chiffre d'affaires dans les régions du sud-Ouest et de l'Ile-de-France en raison notamment du non-renouvellement du marché public qu'elle avait conclu avec l'APHP en janvier 2007, baisse qui a atteint plus de 93,7% ; que, pour en justifier, elle fournit ses comptes certifiés par un cabinet d'expertise comptable qui atteste de ses chiffres d'affaires pour les années 2009 et 2010.

Considérant qu'elle ne conteste pas avoir passé un nouveau marché avec l'UNHA regroupant 32 hôpitaux dont deux seulement étant situés en Ile-de-France ; que de plus il n'a débuté qu'en août 2010 ce qui ne permettait pas d'enrayer la baisse d'activité subie au cours des premiers mois de l'année.

Considérant qu'elle expose que la baisse d'activité, qu'elle a subie sur ces deux régions et qui s'est répercutée sur les prestations confiées à la société DML, ne pouvait pas être compensée par des prestations sur d'autres régions car la société DML n'avait que deux agences, l'une à Pierrelaye intervenant sur la région Ile-de-France, l'autre à Cavagnac intervenant sur la région Sud-Ouest, de sorte que son intervention sur d'autres régions aurait entrainé un coût disproportionné.

Considérant que la société Linet a averti son partenaire de la baisse de son activité sur les deux régions la concernant, lui écrivant le 11 mars 2010 que son activité était "beaucoup plus calme" et le 22 avril 2010, la société DML lui ayant répondu "Sachant que l'activité en ce moment est au plus bas en région parisienne".

Considérant que la société Linet a accepté une augmentation de tarifs en janvier 2010 alors que le contrat venait d'être renouvelé, qu'elle a confié des livraisons à la société DML au cours des mois de février à mai 2010 et qu'elle a organisé et financé une formation au profit d'un salarié de la société DML ce qui démontre à l'évidence qu'il n'était pas dans ses intentions de rompre ses relations avec la société DML quand bien même celles-ci connaissaient une baisse de volume.

Considérant que la société DML prétend qu'en réalité la société Linet a transféré à M. Tanic, un de ses anciens salariés qui s'est installé comme auto-entrepreneur l'activité qui lui était dévolue.

Considérant que la société DML ne démontre aucune intervention de la société Linet qui aurait conduit celui-ci à démissionner pour s'installer comme auto-entrepreneur ; que dès lors ce salarié, qui n'était lié par aucune obligation de non-concurrence vis-à-vis de son ancien employeur, était libre de créer une société concurrente et celle-ci pouvait proposer ses services à la société Linet ; qu'il n'est démontré aucune intervention de la société Linet à l'occasion de ce départ.

Considérant que la société Linet fait valoir qu'à la suite de la hausse de ses tarifs par la société DML qu'elle ne conteste pas avoir acceptée et dans un contexte économique difficile, elle a recherché d'autres partenaires ; qu'ainsi elle indique avoir été approchée par la société TLT Service dont M. Tanic est le gérant et avoir accepté de le référencer ; que pour autant la société DML ne rapporte pas la preuve que ce référencement aurait été suivi de prestations confiées par la société Linet à ce prestataire alors qu'elle était encore en relation contractuelle avec elle, ni d'ailleurs à aucun autre.

Considérant que la société Linet a écrit "le 11 mars 2010 il n'y a rien pour DML pour la semaine 11, je pense qu'il y aura des reprises pour la semaine 12", ajoutant "Nous sommes pleinement satisfait de la société DML, mais l'augmentation de vos tarifs que nous comprenons par ailleurs, nous pousse à répartir les expos vers nos divers techniciens en les regroupant avec du SAV, ceci afin de limiter au maximum les coûts logistiques".

Considérant que la baisse du volume d'affaires confié à la société DML ne présente aucun caractère fautif, résultant à la fois d'une conjoncture subie par la société DML et de la hausse des tarifs qui l'a amenée à se réorganiser.

Considérant que la relation commerciale nouée avec la société DML ne comportait aucun engagement en termes de volume ; que dès lors il n'était pas interdit à la société Linet de rechercher un autre prestataire ; que c'est seulement dans l'hypothèse où elle aurait eu recours à un nouveau prestataire pour réaliser des prestations confiées à la société DML qu'elle aurait eu l'obligation de le notifier par écrit à celle-ci en lui donnant un préavis raisonnable ; qu'il n'est nullement démontré que la société Linet a eu recours à d'autres prestataires pour les transports et installations réalisées sur les deux régions qu'elle avait confiées à la société DML, la baisse du volume confié à la société DML étant la conséquence de la perte de chiffre d'affaires enregistré par la société Linet.

Considérant que le 24 novembre 2010 la société DML a refusé d'effectuer un transport écrivant à cette occasion "Nous ne pouvons accepter tant que la négociation de tentative d'accord amiable entre DML et Linet n'a pas abouti. DML considère que la relation commerciale est rompue et ne peut satisfaire cette commande".

Considérant qu'il résulte de ce courrier et du refus exprimé par la société DML de réaliser un transport, que la rupture des relations commerciales est son fait ; que c'est donc à juste titre qu'elle a été déboutée par les premiers juges de ses demandes.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Linet a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré, Condamne la société DML-EMS à payer à la société Linet la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société DML-EMS aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.