CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 octobre 2014, n° 12-19939
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Beemer (SARL)
Défendeur :
Blue Men Distribution Di Walter Manfroi & Co (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur
Avocats :
Me Ruimy, Cagnard, Segond, Giammatteo
Faits et procédure
La société Blue Men Distribution Di Manfroi Walter & Co (ci-après société Blue Men) est une société italienne basée à Milan qui assure en Europe la distribution des produits de la société Japonaise Kuroki, essentiellement des tissus jean.
En 2006 elle a débuté des relations commerciales avec la société Beemer pour faciliter la distribution de ses produits sur le territoire français, aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties.
La société Blue Men a dénoncé cette relation en septembre 2009 ; la société Beemer a revendiqué la qualité d'agent commercial et, en avril 2010, a mis en demeure la société Blue Men de lui régler des commissions au titre des mois de janvier et février 2010 et une indemnité compensatrice de résiliation du contrat.
C'est dans ce contexte que la société Beemer a fait assigner la société Blue Men le 27 août 2010 devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement rendu le 4 octobre 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que l'accord verbal est un contrat de mandat ;
- débouté la société Beemer de sa demande d'indemnité de fin de contrat ;
- débouté la société Beemer de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale ;
- lui a ordonné de restituer les 31 200 euros d'échantillon en quittances ou deniers ;
- condamné la société Blue Men à lui payer la somme de 1 223 euros assortie des intérêts ;
- condamné la société Beemer à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal de commerce le 3 décembre 2012, la société Beemer a évoqué une omission de statuer et a demandé la rectification du jugement rendu le 4 octobre 2012.
Par jugement du 13 mars 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit irrecevable la requête de la société Beemer,
- débouté la société Beemer de ses demandes et dit qu'il n'y a pas lieu de rectifier le jugement du 4 octobre 2012,
- condamné la société Beemer à payer à la société Blue la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la société Beemer le 7 novembre 2012 contre le jugement au fond du 4 octobre 2012 ayant donné lieu à ouverture d'un dossier sous le numéro RG : 12/19939.
Vu l'appel interjeté par la société Beemer le 2 mai 2013 contre le jugement rendu le 13 mars 2013 ayant donné lieu à ouverture d'un dossier sous le numéro RG : 13/09016.
Vu les conclusions signifiées par la société Beemer le 3 juin 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- constater le contrat d'agent commercial conclu entre les parties début 2006 ;
- constater l'absence de faute justifiant la rupture du contrat ;
- condamner la société Blue Men à verser à la société Beemer la somme de 36 371,02 euros à titre d'indemnités de fin de contrat soit deux années de commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 29 février 2010 ;
- condamner la société Blue Men à verser à la société Beemer la somme de 1 582,33 euros au titre des 2 % de commissions non reçus pour la période du 1 octobre 2008 au 31 janvier 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2008 ;
- condamner la société Blue Men à payer à la société Beemer la somme de 1 223 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 28 février 2010 ;
- condamner la société Blue Men à verser à la société Beemer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour résistance abusive, mauvaise foi et intention de nuire ;
- condamner la société Blue Men à verser à la société Beemer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Beemer le 13 septembre 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société Beemer en ses demandes, fins et conclusions et la déclarer bien fondée ; In limine litis,
- constater qu'il existe un lien indissociable entre la présente instance enrôlée sous le n° RG 12-19939 et celle enrôlée sous le n° RG 13-09016,
- dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ordonner la jonction des affaires RG 13-09016 et 12-19939,
- annuler le jugement rendu le 13 mars 2013 par le Tribunal de commerce de Paris,
- débouter la société Blue de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Statuer de nouveau et
- constater les omissions de statuer et les irrégularités du jugement du 4 octobre 2012,
- prononcer une décision rectificative laquelle devra comporter :
Dans les motifs :
- l'énonciation des demandes figurant dans les conclusions du 17 janvier 2012,
- le contenu du courrier adressé par télécopie au tribunal le 27 février 2012,
- la restitution des échantillons par la société Beemer selon procès-verbal de constat du 14 juin 2012,
- la contestation par la société Beemer de la valeur des échantillons réclamés par la société Blue Men,
- la baisse brutale du taux de commission,
- le contenu des 37 pièces versées aux débats,
- la hausse du chiffre d'affaires grâce aux prestations de l'agent commercial Beemer
- la prise en considération du fait qu'au mois de mai 2006, la société Beemer a fait appel à un deuxième agent commercial à qui il rétrocédait des commissions : Marie Bazin, qui certifie le 20 janvier 2012 (pièce 33) les prestations réalisées ensemble, dans le cadre du contrat Blue Men :
- d'avoir travaillé au sein de la société Beemer de mai 2006 à janvier 2009 en qualité d'agent commercial,
- la liste des clients apportés par la société Beemer : Chanel, Louis Vuitton (conformément à l'engagement de Beemer (pièce adverse 24), Dior (conformément à l'engagement de Beemer (pièce adverse 24), Yves Saint (conformément à l'engagement de Beemer (pièce adverse 24), Hermes (conformément à l'engagement de Beemer (pièce adverse 24), et autres clients, voir liste pièce adverse 24,
- la présentation des collections (visites clients),
- la prise de commandes, transmissions et suivi des commandes,
- la présentation des collections dans les quatre salons de la mode à Paris (deux sessions au salon Première Vision, deux sessions au salon Denim Première),
- la mise en valeur du produit Kuroki : découpe et échantillonnage, agrafage sur fiche technique des échantillons, seconde visite aux clients pour dépôt des échantillons,
- l'exclusivité sur le territoire français,
- la présentation et réception de clients au showroom situé 23 rue Montorgueil 75001 Paris, dont les loyers et charges étaient à la charge de la société Beemer,
- le suivi de règlement des clients,
- le fait que la société Blue réglait avec retard les commissions qui étaient d'un montant de 7 % que la société Beemer et Marie Bazin partageaient à 50 %,
- le fait que le montant des commissions a été réduit unilatéralement réduit par Blue Men Distribution à 5 % entre octobre 2008 et janvier 2009,
- la plaidoirie du conseil de la société Beemer.
- condamner la société Blue à verser à la société Beemer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante demande à titre liminaire la jonction de la présente affaire avec celle enrôlée sous le n° de RG 19-19939, au motif que les deux procédures présentent un lien indissociable puisque la présente affaire a pour objet de caractériser les irrégularités du jugement du 4 octobre 2012 et les omissions de statuer du Tribunal de commerce de Paris.
Elle estime en effet que le tribunal n'a pas rempli ses obligations en se livrant à une analyse imprécise pour justifier son délibéré rendant par la suite une décision dont la motivation est lapidaire en ce qu'elle ne prend pas en compte ses moyens et pièces.
Elle soutient avoir conclu début 2006 un contrat d'agent commercial et non un contrat de mandat, ce qu'elle déduit de son propre objet social, du comportement de la société Blue Men à son égard, de sa correspondance et du projet de contrat qu'elle lui a adressé.
Elle affirme que la société Blue Men a minoré son chiffre d'affaires de 2009 pour lui verser un montant moindre de commissions alors qu'elle a pris en charge la publicité de la marque Kuroki et le démarchage de prestigieux clients lui permettant de générer un chiffre d'affaires croissant.
Elle reproche à la société Blue Men de multiples manquements contractuels comme peuvent l'être le retard de versement de commissions et la dissimulation fiscale, les retards de livraison et la baisse brutale de commissions de 5 à 7 % ayant pour partie généré le préjudice.
Elle fait état d'une rupture abusive qui doit donner lieu à indemnités en l'absence de faute grave, de préavis et de griefs antérieurs, étant donné qu'elle n'a pas démérité d'une part et que d'autre part aucun risque concurrentiel n'est à déplorer avec restitution effectuée des échantillons.
Vu les conclusions signifiées par la société Blue Men le 6 novembre 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 4 octobre 2012 ;
A titre subsidiaire :
le confirmer en ce qu'il a :
- jugé que l'accord de collaboration entre les sociétés Beemer et Blue Men doit être qualifié de mandat de droit commun ;
- débouté la société Beemer de sa demande au titre de l'indemnité de fin de contrat ;
- constaté l'existence du motif légitime ayant conduit la société Blue Men à résilier l'accord de collaboration et excluant le droit à toute indemnité ;
- pris acte que la société Blue Men reconnaît devoir la somme de 1 223 euros au titre des commissions dues à la société Beemer pour les ventes de janvier et février 2010 ;
- constaté que la société Beemer conserve illégalement 515 échantillons d'une valeur totale de 30 900 euros appartenant à la société Blue Men ;
- ordonné à la société Beemer la restitution en deniers ou quittance de ces échantillons ;
- ordonné dans l'hypothèse où la société Beemer s'acquitterait du paiement du prix des dits échantillons, la compensation avec le solde des commissions qui lui sont dues par la société Blue Men soit 1 223 euros ;
A titre infiniment subsidiaire :
- si par impossible, le contrat était qualifié de contrat d'agent commercial :
- dire et juger que la société Beemer a commis des fautes graves et qu'en conséquence la société Beemer n'a droit à aucune indemnité de fin de contrat ;
En tout état de cause :
- condamner la société Beemer à payer à la société Blue Men la somme de 10.000 euros au titre de l'indemnité pour abus de procédure et des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée estime régulier le jugement de première instance en ce qu'il a respecté le principe du contradictoire et considère que le tribunal de commerce l'a confirmé dans son jugement sur la requête en omission à statuer.
Elle ajoute que les échanges ne renvoient jamais à une relation fournisseur-agent commercial mais bien à un rapport de collaboration fondé sur des accords verbaux et souligne que la show room était en réalité le siège social " qui n'est pas inscrit sur le registre des agents commerciaux " et non un lieu dévolu uniquement à la réception des clients.
Elle soutient que la société Beemer s'était en réalité vue confier un mandat par lequel elle n'exécutait que des tâches matérielles et ajoute que c'était elle qui démarchait la clientèle avant d'affirmer que ce mandat a été révoqué en raison des contre-performances de la société Beemer d'une part et d'une réorganisation des services et activités de commercialisation d'autre part.
Elle indique que la société Beemer n'a jamais procédé à la restitution intégrale des échantillons de tissus jean et récuse les manquements contractuels supposés - dissimulations fiscales et retards de livraison - avant de considérer s'être suffisamment expliquée sur la baisse des commissions.
Elle estime que la société Beemer n'a pas effectué son mandat avec les diligences nécessaires en plus de se rendre coupable de concurrence déloyale en contractant avec la société Japan Blue qui utilise un tissu directement concurrent de celui qu'elle distribue et fait part de ses craintes à propos d'une éventuelle transmission de ses échantillons à cette concurrente en violation manifeste du secret industriel et de la collaboration exclusive.
Elle s'estime enfin victime d'acharnement procédural de la part de la société Beemer.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande de jonction :
Considérant que la société Beemer demande à la Cour de prononcer la jonction des procédures suivies sous les numéros RG 13-09016 et RG 12-19939 ;
Considérant qu'il s'agit, d'une part, d'une requête en nullité du jugement rendu le par le tribunal de commerce, d'autre part, un appel par lequel la société Beemer demande à la cour d'infirmer ce jugement dans toutes ses dispositions.
Considérant que ces deux recours présentent un lien de connexité et qu'il est d'une bonne administration de la justice de les joindre.
Sur le jugement du 13 mars 2013
Sur la demande en omission de statuer :
Considérant que la société Beemer ayant interjeté appel du jugement au fond rendu le 4 octobre 2012 contre le jugement et la requête de la société Beemer en omission de statuer étant postérieure à l'appel interjeté et la cour d'appel étant dès lors saisie de l'affaire de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré la société Beemer irrecevable.
Considérant que la société Beemer maintient que les premiers juges ont omis de prendre en compte ses moyens, arguments et prétentions, les pièces versées aux débats et de répondre aux moyens exposés oralement au cours desquels elle a indiqué avoir restitué les échantillons en sa possession et précisé que partie de ceux-ci avaient été découpés pour être présentés aux clients ; qu'elle soutient à la fois l'existence d'omissions de statuer et l'annulation du jugement ; qu'il appartient à la cour de statuer sur cette demande ; qu'il y a lieu de réformer le jugement rendu le 13 mars 2013 en ce qu'il a débouté la société Beemer puisque cette décision ne relevait pas de sa compétence.
Considérant que le jugement entrepris a visé les conclusions de la société Beemer en date du 17 janvier 2012 ; qu'elle ne fait pas état de nouvelles conclusions écrites mais d'observations orales faites devant le tribunal et de la réponse écrite qu'elle a apportée le 27 février 2012 à la demande de restitution soulevée par la société Blue Men Distribution dans ses conclusions.
Considérant que le tribunal saisi d'une demande de restitution des échantillons soulevée par la société Blue Men a, au vu des éléments précités, fait droit à sa demande, ordonnant la restitution de 520 échantillons d'une valeur de 31 200 en deniers ou quittance ; que, si la société Beemer a développé que la quantité des échantillons en sa possession est largement inférieure à celle réclamée car certains ont été découpés à la demande de la société Blue Men Distribution en vue de la promotion auprès de certains clients prestigieux, de sorte également que leur valeur en est ressortie amoindrie, il n'en résulte pas que les premiers juges ont omis de statuer mais qu'ils n'ont pas retenu dans leur appréciation de la valeur des échantillons les arguments de la société Beemer ce qui relève de la voie de l'appel interjeté par celle-ci.
Considérant que le jugement relate les moyens de la société Beemer et précise que la société Beemer invoque l'existence d'un contrat d'agent commercial liant les parties matérialisé en 2007 ; que les premiers juges ont examiné le moyen tiré de l'existence de ce contrat, retenant que l'accord entre les parties était resté verbal ; qu'ils ont également motivé leur décision en ce qui concerne la qualité d'agent commercial soulevée par la société Beemer pour l'écarter, indiquant avoir examiné les échanges de mails entre les parties ; qu'ils ont ensuite jugé que la durée du préavis donné par la société Blue Men Distribution à son partenaire avait été suffisant.
Considérant que la cour constate que le jugement au fond est motivé et n'est entaché d'aucune omission ; qu'il y a donc lieu de débouter la société Beemer.
Sur le jugement du 4 octobre 2012
Considérant que la société Beemer n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
Sur la qualification des relations commerciales
Considérant que la société Beemer soutient avoir conclu avec la société Blue Men Distribution un contrat d'agent commercial ce que conteste la société Blue Men Distribution, qui qualifie les relations commerciales nouées entre les deux parties de rapports de collaboration verbaux et affirme que c'est elle qui démarchait les clients.
Considérant que, si la société Beemer fait valoir qu'elle a pris contact dès le mois de février 2006 avec la société Kuroki et que des relations se sont établies alors avec la société Blue Men qui était son agent commercial exclusif en Europe, il résulte de son courriel adressé à la société Blue Men un courriel le 20 mars 2007 qu'elle lui réclame la signature d'un contrat d'agent commercial, faisant état de l'envoi de ce même contrat le 23 octobre 2006 ; qu'elle ne conteste pas que la société Blue Men Distribution n'a pas signé ce contrat mais qu'elle lui a transmis un contrat intitulé " accord de collaboration" du 31 juillet 2007 qui stipule que la mission de la société Beemer sera de :
" Collecter des informations concernant les tendances du marché nécessaires pour la vente des produits aux clients,
Assurer une collaboration commerciale dans la finalisation des contrats conclus avec les clients concernant le produit,
Réaliser la communication et la consultation nécessaire avec le client ".
Considérant que l'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que " l'agent commercial est un mandataire, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier, et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ".
Considérant que les parties ne contestent pas que ce contrat, quoique non signé, a reçu application ; qu'il ne résulte ni de ses conditions de transmission en ce qu'il fait suite à un contrat d'agent commercial que la société Blue Men n'a pas accepté, ni de son contenu, qu'il porte sur une activité d'agent commercial qui aurait été clairement convenue entre les parties.
Considérant que, si la société Blue Men Distribution qualifie dans différents courriers la société Beemer comme étant son agent, l'emploi de ce terme ne constitue pas une reconnaissance par celle-ci d'une activité spécifique d'agent commercial qu'elle aurait confié à la société Beemer.
Considérant dès lors qu'il appartient à la cour d'apprécier quelle a été la réalité de l'activité déployée par la société Beemer afin de lui donner sa véritable qualification.
Considérant que, si la société Beemer produit une attestation de Mme Bazin qui atteste avoir travaillé au sein de la société Beemer de mai 2006 à janvier 2009 en tant qu'agent commercial " avec M. Eoud Cola représentant notamment la société Kuroki pour la société Blue Men Distribution " ; elle décrit l'activité de la société Beemer comme étant " la présentation des collections fournies par Blue Men Distribution, ce deux fois par an (printemps/été et automne/hiver) à la clientèle française que nous démarchions par nos propres moyens (email, téléphone, visites au client, RDV au show room Beemer, RDV sur les salons textiles, etc...
Les collections et éléments de présentation des collections nous étant remis sur les salons d'une saison à l'autre, il nous incombait de les transporter du show room Beemer au lieu d'exposition et du lieu d'exposition au show room " ; qu'elle fait état de l'envoi de cartes d'échantillons ; qu'à travers cette attestation elle ne relate que des opérations matérielles de transport des échantillons, d'invitations adressées à de potentiels clients afin de les faire venir sur les salons où étaient présentés la collection Kuroki ; que Mme Bazin ajoute que la tâche de la société Beemer était aussi de suivre le règlement des factures dont l'effectivité conditionnait le règlement de la commission de la société Beemer.
Considérant qu'il résulte des échanges de courriels que le représentant de la société Kuroki et de la société Blue Men Distribution étaient présents sur ses salons ; que la société Blue Men Distribution justifie avoir demandé à la société Beemer la réalisation de tâches matérielles telles que véhiculer M. Kuroki ou assurer le remplacement de cintres destinés à la présentation des échantillons.
Considérant que, si Mme Bazin prétend avoir été agent commercial avec le dirigeant de la société Beemer, elle décrit les activités de celle-ci comme portant sur des tâches matérielles et ne fait état d'aucune négociation préalable à une vente qui aurait été conduite directement par la société Beemer, la présentation d'échantillons, fût-ce dans les locaux de la société Beemer et constituant son show room ne suffisant à caractériser une négociation.
Considérant que si par courriel du 26 février 2006 la société Beemer a adressé à la société Blue Men Distribution une liste de clients comme correspondant à son portefeuille clients, indiquant alors son souhait de "développer la vente de denim de la Kuroki Company ", et précisant dans ce cas " je vous propose que vous m'envoyez votre collection avec un contrat pour qu'on puisse montrer la collection " ; qu'elle donnait une liste de clients dont certains prestigieux comme étant des clients qu'elle était susceptible d'apporter ; qu'elle indiquait toutefois que pour l'un de ceux-ci, la société Saint Laurent "qui était sur votre stand et a beaucoup apprécié la qualité de vos étiquettes " ce qui démontre que la société Blue Men Distribution était présente sur le marché français à l'occasion de manifestations telles que salons et qu'elle développait directement sa clientèle.
Considérant qu'il résulte des pièces produites que la société Beemer a noué une relation commerciale avec la société Blue Men Distribution au terme de laquelle elle s'est vue confier des opérations comprenant la remise d'échantillons, le suivi de l'approvisionnement des clients, de la disponibilité des tissus et de la facturation ; qu'en revanche elle ne démontre pas avoir été chargée de négocier avec des clients l'achat de tissus Kuroki, ni l'avoir fait, cette opération étant restée du ressort de la société Blue Men ; qu'en conséquence elle ne saurait revendiquer la qualité d'agent commercial.
Sur la dénonciation du contrat
Considérant que la société Beemer ne saurait revendiquer l'application des indemnités spécifiques au contrat d'agent commercial.
Considérant que le contrat de collaboration stipule qu'il s'applique jusqu'au 29 février 2008 et qu'il est reconductible tacitement d'année en année sauf la possibilité pour chaque partie de le résilier chaque année, deux mois avant l'expiration annuelle.
Considérant que la société Blue Men Distribution fait valoir qu'elle a rompu le contrat par un courrier du 1er octobre 2009 avec effet au 30 novembre 2009, faisant état " d'une petite collaboration au cours des neufs mois passés " sans aucune efficacité, puis par courrier du 26 novembre 2009 a accepté de porter la fin du contrat au 28 février 2010, cette date n'étant pas contestée quand bien même la société Blue Men a mentionné 2009 ; qu'ainsi la société Beemer a bénéficié d'un préavis de 5 mois.
Considérant que chacune des sociétés invoque des fautes de son partenaire, la société Blue Men faisant valoir que la société Beemer a commis des fautes dans l'exécution de son mandat en nouant des relations avec la société Japan Blue/collect co, partenaire de la société Momotarojeans, son concurrent direct.
Considérant que la société Beemer fait observer que la société Momoratarojeans est une marque de produits finis et non de tissus et qu'elle a en conséquence une activité différente de celle de la société Kuroki ; qu'au surplus la société Blue Men Distribution ne produit qu'une copie d'un site internet de la société Beemer du 28 septembre 2010 ; qu'en toute hypothèse malgré la faute alléguée, la société Blue Men Distribution n'a pas procédé à une résiliation immédiate lui reproche un manque de réactivité des clients.
Considérant que, si la société Blue Men fait également état du mécontentement de clients qui se plaignent de l'absence de réactivité de la société Beemer et qui prennent directement attache avec elle pour obtenir des échantillons, elle verse une seule réclamation, celle de la société Chistian Lacroix (pièce 35) alors que, par courrier du 24 février 2010, elle remercie la société Beemer pour son support et motive sa rupture par " la nécessité de faire plusieurs changements pour gagner en résultats plus satisfaisants ".
Considérant que la société Beemer conteste ces griefs, faisant valoir que malgré leur gravité allégée, les relations commerciales se sont poursuivies.
Considérant que, pour autant, il résulte du contrat que la société Blue Men pouvait y mettre fin sauf à respecter un préavis de deux mois ; que la société Beemer ne conteste pas que le préavis dont elle a bénéficié a été supérieur à celui convenu ; que les premiers juges ayant à juste titre écarté la qualification de contrat d'agent commercial, il n'y a pas lieu d'examiner la demande formée par la société Beemer au titre d'une indemnité compensatrice spécifique au contrat d'agent commercial qui aurait été due en l'absence de faute de la société Beemer.
Considérant que la société Beemer allègue de manquements de la société Blue Men à ses obligations contractuelles à savoir en réglant avec retard ses commissions, en livrant avec retard les clients et en lui imposant par courriel du 17 septembre 2008 une diminution de son taux de commissionnement, celui-ci passant de 7 à 5% ; que malgré la contestation de la société Beemer, elle a appliqué ce nouveau taux d'octobre 2008 à janvier 2009.
Considérant que la société Blue Men ne conteste pas devoir la somme de 1 223 au titre des commissions restant dues, somme retenue par les premiers juges. Considérant que la société Beemer expose que le chiffre d'affaire de la société Blue Men a été de 170 000 en 2009 de sorte qu'elle aurait dû percevoir la somme de 11 900 et non 10 127,42 soit un montant restant dû de 1 772,58 ; que la société Blue Men n'apporte aucun élément permettant de contester ce montant qui repose sur le chiffre d'affaires réalisé en 2009 et le taux de commissions convenu ; qu'il y a lieu de réformer le jugement et d'y ajouter ce montant.
Sur la restitution des échantillons
Considérant que la société Blue Men Distribution soutient avoir remis à la société Beemer 520 échantillons.
Considérant que la société Beemer fait valoir qu'elle a restitué l'intégralité des échantillons et prétend le démontrer par le constat d'huissier qu'elle produit.
Considérant que la société Beemer a fait dresser un constat d'huissier le 14 juin 2012 qui constate dans les locaux de la société UPS, société de transports rapides, la présence de trois cartons renfermant des échantillons de tissu sur cintres, essentiellement du jean et précise qu'ils contiennent respectivement 45, 58 et 45 cintres, cartons qui ont alors été fermés par le dirigeant de la société Beemer et remis à l'employé de la société UPS pour expédition.
Considérant que la société Beemer affirme qu'il s'agissait de ceintures d'échantillons et non d'un échantillon par cintre de sorte qu'elle a ainsi restitué 138 ceintures représentant environ 518 échantillons.
Considérant que la société Blue Men Distribution produit une attestation du président de la société Kuroki qui indique avoir envoyé une série complète d'échantillons, soit 240 pièces destinées à être présentées lors de la foire de Paris, échantillons récupérés à la fin de celle-ci par la société Beemer, puis ultérieurement lors de chaque saison avoir fourni des collections d'environ 70 échantillons selon la même procédure c'est à dire une récupération par la société Beemer après une présentation lors d'un salon ; qu'il s'agit de la procédure dont a fait état Mme Bazin dans son attestation ; que celui-ci ajoute qu'en décembre 2009, la société Blue Men Distribution avait été autorisée à envoyer à la société Beemer une nouvelle collection de 205 échantillons soit un total de 725 échantillons, précisant avoir été présent lors du retour des échantillons soit 148 correspondant à la première période de coopération.
Considérant que par courriel du 24 novembre 2008 la société Blue Men Distribution a demandé à la société Beemer le nombre de manquants dus à des remises d'échantillons aux clients et de ceux découpés à cette fin ; que par courriel du 19 janvier 2009, elle a encore demandé des précisions sur les cintres ayant été coupés sans que la société Beemer justifie d'une réponse ou apporte la démonstration de la réalité des découpages allégués ; que la société Beemer ne saurait tirer argument de ces demandes d'explicitations pour affirmer que la société Blue Men Distribution l'avait autorisée à procéder au découpage des échantillons.
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Beemer a reçu régulièrement des échantillons et qu'elle ne démontre pas les avoir intégralement restitués, ni en avoir fait un usage autorisé par son mandant qui en aurait diminué la valeur ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.
Sur la demande de la société Beemer pour résistance abusive
Considérant que la société Beemer ne démontre pas que la société Blue Men a résisté de manière abusive dans la mesure où elle était fondée à le faire en s'opposant à la qualification du contrat et aux demandes reposant sur les dispositions spécifiques au contrat d'agent commercial ; qu'elle revendiquait au surplus la restitution des échantillons qui avaient été confiés à la société Beemer.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Ordonne la jonction des procédures suivies sous les numéros RG 13-09016 et RG 12-19939. Confirme le jugement du 13 mars 2013 en ce qu'il a déclaré la société Beemer irrecevable. Deboute la société Beemer de ses demandes tendant à l'annulation et à la rectification du jugement du 4 octobre 2012. Confirme le jugement du 4 octobre 2012 sauf à y ajouter : et statuant à nouveau, Condamne la société Blue Men à payer à la société Beemer la somme de 1 582,33 au titre du 2 % de commissions non reçues pour la période d'octobre 2008 à janvier 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2008. Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire. Dit que chacune des parties conservera ses dépens d'appel.