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Décisions

Cass. com., 21 octobre 2014, n° 13-14.210

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

ZV France (Sté)

Défendeur :

Sartore et compagnie (Sté), SVD Paris (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Brathélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Paris, du 15 févr. 2013

15 février 2013

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première, cinquième, sixième, septième et huitième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2013), que la société SVD Paris et la société Sartore & compagnie (la société Sartore), qui exploitent un modèle de chaussures de type derby, référence SR9900 new rodeo Calf 999, puis SR 9900, ont fait assigner la société ZV France, exerçant sous le nom commercial Zadig et Voltaire, en contrefaçon de droit d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire, pour avoir commercialisé sous la dénomination Serge et Serge bis des chaussures reproduisant selon elles les caractéristiques du modèle SR 9900 ;

Attendu que la société ZV France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux sociétés SVD Paris et Sartore la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, de lui avoir fait interdiction, sous astreinte, de fabriquer, importer, exporter, exposer ou vendre les modèles de chaussures derby vendus sous la référence Serge et d'avoir autorisé la publication d'un communiqué en ce sens dans trois journaux ou revues à ses frais alors, selon le moyen : 1°) qu'en retenant, pour décider que la société ZV France avait commis un acte de concurrence déloyale, l'existence d'un prétendu risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, cependant qu'elle avait constaté que la commercialisation des chaussures litigieuses se faisait sous la marque Zadig et Voltaire et que figurait sur lesdites chaussures le logo de ladite marque, constatations nécessairement exclusives de tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond en matière d'évaluation du préjudice ne les dispense pas, s'agissant d'un préjudice économique, de motiver d'une manière concrète et effective l'évaluation qu'ils retiennent, notamment par référence à la perte éprouvée et au gain manqué par la prétendue victime ; qu'en ne se référant aucunement à la perte éventuellement éprouvée par la société Sartore ni au gain éventuellement manqué par elle pour évaluer le prétendu préjudice économique de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que le juge, qui décide de réparer les préjudices causés par plusieurs fautes distinctes, doit évaluer de manière effective les divers chefs de préjudices concernés ; qu'en se bornant, pour apprécier les dommages-intérêts auxquels aurait eu droit la société Sartore "tant au titre de la concurrence déloyale que du parasitisme", à faire sienne l'évaluation précédemment effectuée par les premiers juges, cependant qu'il résultait expressément des termes du jugement que ceux-ci n'avaient apprécié l'indemnité qu'"au titre de la concurrence déloyale", la cour d'appel s'est abstenue de porter une appréciation effective sur les préjudices prétendument causés par les deux fautes distinctes qu'elle visait et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que le préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ne peut être évalué en considération du profit réalisé par l'auteur du dommage ; qu'en retenant, pour la fixation du montant de la condamnation, que la société ZV France avait commercialisé 325 modèles "Serge" au prix de 260 euros, la cour d'appel a pris en considération le profit réalisé par le prétendu auteur du dommage et violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) que le juge doit réparer le préjudice sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit, de quelque nature que ce soit ; qu'après avoir alloué à la société Sartore une certaine somme à titre de réparation du préjudice prétendument subi par elle tant au titre de la concurrence déloyale que du parasitisme, la cour d'appel, en ordonnant, "à titre de dommages-intérêts complémentaires", la publication de son arrêt, a accordé à la prétendue victime une réparation excédant son prétendu préjudice et violé l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que les modèles reprenaient la même combinaison, selon le même agencement et des couleurs identiques, et que les parties étaient en concurrence directe sur le même marché, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu qu'en dépit de l'apposition du logo de la marque Zadig et Voltaire sur l'arrière de la chaussure Serge, il existait un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ;

Attendu, en second lieu, que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, du montant d'un seul et même préjudice pour concurrence déloyale et parasitaire dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans être tenue d'en préciser les divers éléments, ni de s'expliquer sur les choix des critères d'évaluation qu'elle retenait, et sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, en ordonnant la publication de son arrêt à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.