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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 14 octobre 2014, n° 13-03273

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pereira, Hyundai Motor France (SAS)

Défendeur :

Automobiles J.P. Benmeleh (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baizet

Conseillers :

Mme Guigue, M. Ficagna

Avocats :

Mes Andres, Barriquand, Sourbe

TGI Saint-Etienne, du 8 janv. 2013

8 janvier 2013

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 22 juillet 2008, M. Pereira a fait l'acquisition d'un véhicule neuf de la marque Hyundai, modèle Santa Fe auprès de la SAS Automobiles JP Benmeleh pour un montant de 34 010 euro. Cette société avait elle-même acquis ce véhicule auprès de Hyundai Motor France.

Le 18 novembre 2009, lors d'un trajet, un incendie s'est déclaré dans l'habitacle.

Un rapport d'expertise établi à la suite d'une ordonnance en référé conclut que "l'incendie est causé par un fil électrique porteur de courant qui est venu en contact avec une pièce du châssis du véhicule reliée à la masse. Ce contact a provoqué un court-circuit, le courant circulant dans le fil avec une forte intensité a échauffé le fil électrique, la chaleur faisant fondre et se consumer la gaine isolante et créant ainsi une combustion qui s'est propagée aux éléments plastiques composant la planche de bord".

Les 13 et 14 décembre 2012, M. Pereira a assigné les sociétés Automobiles JP Benmeleh et Hyundai Motor France sur le fondement des articles 1641 à 1645 du Code civil, aux fins d'obtenir la résolution de la vente, la condamnation conjointe et solidaire des deux sociétés à la restitution du prix de vente et à l'indemnisation des préjudices subis.

Par jugement du 8 janvier 2013, le Tribunal de grande instance de Saint-Etienne a prononcé la résolution de la vente entre M. Pereira et la SAS Automobiles JP Benmeleh, en raison de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente rendant le véhicule impropre à l'usage, et la restitution du prix d'achat (soit 34 010 euro). Il a également prononcé la résolution de la vente entre Hyundai Motor France et la SAS Automobiles JP Benmeleh, ordonné la restitution du véhicule à la société Hyundai Motor France, condamné la société Hyundai Motor France au paiement de la somme de 31 891,09 euro à la SAS Automobiles JP Benmeleh, condamné in solidum ces deux sociétés en réparation des préjudices subis par M. Pereira incluant un préjudice de jouissance, les frais de dépannage ainsi que les frais de gardiennage du véhicule jusqu'à sa restitution, la société Hyundai Motor France devant garantir la SAS Automobiles JP Benmeleh.

La société Hyundai Motor France a formé un appel principal et M. Pereira a formé un appel limité portant sur le quantum du préjudice de jouissance qui lui a été alloué et le refus de remboursement des prestations effectuées par le garage Benmeleh pour assistance à l'expertise.

La société Hyundai Motor France conclut à la réformation du jugement à titre principal et au débouté de M. Pereira de ses demandes en soutenant que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée avec certitude. A titre subsidiaire, elle fait valoir que la résolution ne pouvait être prononcée, seule une action estimatoire étant envisageable dès lors que le véhicule est réparable.

La société Hyundai Motor France explique en effet, que l'expert judiciaire n'a pas pu déterminer avec certitude la cause du dommage et notamment qu'il n'a pas pu exclure d'autres causes possibles du dommage qui ne sont pas liées à un vice caché. Elle allègue également que l'expert judiciaire n'a fourni aucun élément permettant d'attester de l'existence de vices similaires sur des véhicules du même modèle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le véhicule est réparable, ces réparations ayant été chiffrées par l'expert à environ 16 000 euro. Selon elle, en cas de dysfonctionnement non rédhibitoire et réparable, l'existence d'un vice caché ne permet pas à la victime d'exercer une action en résolution, seule l'action estimatoire pouvant être intentée.

Elle fait enfin valoir que M. Pereira n'apporte pas de preuves suffisantes pour permettre l'indemnisation de ses préjudices et notamment de son préjudice de jouissance. Selon la société Hyundai Motor France, ce préjudice de jouissance ne pourrait exister dès lors que la résolution de la vente a été prononcée. Elle remet également en cause la restitution du montant du prix de vente et estime que l'indemnisation doit tenir compte de la dépréciation et de l'utilisation du véhicule par M. Pereira pendant 450 jours avant la survenue du dommage.

M. Pereira conclut à la réformation du jugement en ce qui concerne le quantum du préjudice de jouissance estimé à 5 000 euro par la juridiction de première instance et en ce qui concerne le refus de remboursement des prestations effectuées par le garage Benmeleh pour assistance à l'expertise. Il demande la confirmation du jugement pour le surplus.

Concernant le préjudice de jouissance, il allègue que la somme de 5 000 euro qui lui a été allouées est très inférieure au préjudice subi. Il fait valoir que, n'ayant pas d'autre véhicule, il a été privé de moyen de locomotion à compter du 18 novembre 2009, ce qui a engendré des frais de transport et des désagréments pour ses proches. Il demande à ce que ce préjudice soit estimé à 900 euro par mois de la date de l'assignation jusqu'à la date de l'exécution du jugement conformément à l'estimation effectuée par l'expert judiciaire, ou a minima que lui soit allouée une indemnité de 15 euro par jour pour ce préjudice. Il demande également une indemnité de 1 000 euro au titre de son préjudice moral.

Pour sa part, la SAS Automobiles JP Benmeleh demande la réformation du jugement en ce qu'il ne fait pas droit à sa demande en remboursement du montant de la commission de vente et des coûts liés à l'expertise et sollicite à ce titre la condamnation de la société Hyundai Motor France à lui payer les sommes de 1 965,04 euro et 607,12 euro.

MOTIFS

Attendu qu'en application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;

Attendu que l'expert judiciaire conclut que l'incendie a été causé par un fil électrique porteur de courant qui est venu en contact avec une pièce du châssis du véhicule reliée à la masse, que ce contact a provoqué un court-circuit, que le courant circulant dans le fil avec une forte intensité a échauffé le fil électrique, la chaleur faisant fondre et se consumer la gaine isolante et créant ainsi une combustion qui s'est propagée aux éléments plastiques composant la planche de bord ; qu'il a constaté qu'un faisceau électrique de grosse section, qui alimente d'autres équipements que la boîte à gants, positionnés vers le tapis de sol côté passager, passe sur le bord coupant du support de la planche de bord ; qu'il a estimé qu'avec le temps, le faisceau vient frotter sur le bord métallique et entamer progressivement sa gaine de protection, ce qui peut mettre en contact le fil porteur de courant avec la masse du véhicule et occasionner un court-circuit ; qu'il a précisé que le défaut existait au moment de la vente et qu'il ne pouvait être vu par l'acquéreur, de sorte qu'il constitue un vice caché ne permettant pas d'utiliser sereinement le véhicule ;

Attendu que l'expert a procédé à un examen approfondi et à plusieurs expériences avant d'arriver à sa conclusion affirmative sur l'origine des désordres ; qu'il a exclu formellement deux autres hypothèses tenant à l'existence d'un court-circuit au niveau du câble d'alimentation de l'éclairage de la boîte à gants ou au déplacement du faisceau électrique lors de travaux de nettoyage ou de remplacement du filtre à pollen ; qu'il a également réfuté l'argumentation de la société Hyundai Motor France indiquant que l'origine ne peut être un court-circuit électrique dans la mesure où aucun fusible n'a grillé; qu'il a expliqué sur ce point qu'à cet endroit, les fusibles sont d'un ampérage élevé et qu'ils n'ont pas le pouvoir de jouer leur rôle de fusible lors d'un court-circuit ;

Attendu que l'expert a chiffré le montant des travaux de réparation du véhicule à 16 005,41 euro ;

Attendu qu'il découle de ce qui précède que le véhicule acquis par M. Pereira était, au moment de la vente, affecté d'un vice caché le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné ; que la société Automobiles JP Benmeleh ne critique pas les dispositions du jugement ayant prononcé la résolution de la vente intervenue entre elle et l'acquéreur et l'ayant condamnée à la restitution du prix de 34 010 euro ; qu'en application de l'article 1644 du Code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ; que c'est à tort que la société Hyundai Motor France soutient que la résolution de la vente doit être écartée dès lors que les défectuosités affectant le véhicule sont réparables ;

Attendu que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société Automobiles JP Benmeleh et la société Hyundai Motor France, par l'intermédiaire de son distributeur agréé, dès lors que le vice existait dès la première vente ; que la société Hyundai Motor France n'est pas fondée en sa demande d'indemnité liée à l'utilisation du véhicule vendu ou à l'usure résultant de cette utilisation ;

Attendu qu'outre le remboursement du prix de vente, le vendeur professionnel est tenu de réparer l'intégralité des préjudices subis par l'acquéreur, sans que la résolution de la vente fasse obstacle à l'octroi d'indemnités en sa faveur ; que du fait de l'existence de vices cachés et de l'incendie en résultant, M. Pereira a été privé de l'usage de son véhicule depuis le sinistre ; que le premier juge a fait une exacte évaluation de l'indemnité destinée à compenser son préjudice de jouissance en la fixant à 5 000 euro ;

Attendu que M. Pereira justifie qu'il a dû régler une facture de 408,90 euro au titre du dépannage effectué après le sinistre ; qu'il est fondé également en sa demande relative au remboursement des frais de gardiennage depuis le mois de décembre 2009 jusqu'à la reprise du véhicule et ce pour un montant mensuel de 230,20 euro ;

Attendu qu'il n'est pas justifié de l'existence d'un préjudice moral, distinct du préjudice de jouissance ;

Attendu que la capitalisation des intérêts doit être ordonnée conformément à l'article 1154 du Code civil ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Hyundai Motor France à garantir la société Automobiles JP Benmeleh des condamnations prononcées contre elle au bénéfice de M. Pereira, dès lors que le vice existait antérieurement à la première vente du véhicule ;

Attendu que la société Automobiles JP Benmeleh, qui doit restituer à M. Pereira, un montant supérieur à celui qu'elle percevra de la société Hyundai Motor France, est fondée à solliciter la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 1 965,04 euro correspondant au montant de la commission dont elle est privée, ainsi que la somme de 607,12 euro représentant le coût des interventions qu'elle a dû supporter, notamment à l'occasion des différentes réunions d'expertise ;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société SAS Automobiles JP Benmeleh en paiement des sommes de 1 965,04 euro et 607,12 euro, Réformant de ce seul chef, Condamne la société Hyundai Motor France à payer à la société Automobiles JP Benmeleh les sommes de 1 965,04 euro et 607,12 euro, Ajoutant, Déboute M. Pereira de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de son préjudice moral, Ordonne la capitalisation des intérêts sur les condamnations prononcées au profit de M. Pereira, Condamne la société Hyundai Motor France à payer à M. Pereira la somme supplémentaire de 2 000 euro et à la société Automobiles JP Benmeleh la somme supplémentaire de 1 500 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette la demande de la société Hyundai Motor France présentée sur ce fondement, Condamne la société Hyundai Motor France aux dépens, avec droit de recouvrement direct par Maître Barriquand et la SCP Baufumé-Sourbe, avocat.