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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 9 octobre 2014, n° 13-00609

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tentation (SAS)

Défendeur :

Get Fresh Cosmetics Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Selarl Colbert Lyon, Selarl Laffly & Associés-Lexavoué Lyon, Me Titran

T. com. Saint-Etienne, du 5 déc. 2012

5 décembre 2012

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Tentation qui distribue des produits et des accessoires pour le bain a signé un contrat de distribution exclusive à effet du 1er janvier 2002 avec la société Get Fresh Cosmetics aux termes duquel il était convenu que la SAS Tentation serait le distributeur exclusif pour la France de la gamme Bomb Cosmétics et qu'en contrepartie, elle s'engageait à ne pas vendre de produits similaires provenant de fabricants concurrents.

Par acte d'huissier de justice du 2 décembre 2011, la SAS Tentation a fait assigner la société Get Fresh Cosmetics devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne pour voir constater la rupture abusive du contrat et obtenir l'allocation des sommes de 604 821 euros et 100 000 euros en réparation des préjudices subis.

La société Get Fresh Cosmetics a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit de la juridiction anglaise, a soutenu le bien-fondé de la résiliation du contrat et a sollicité l'octroi de la somme de 423 000 euros en réparation de son préjudice.

Par jugement du 5 décembre 2012, le tribunal de commerce :

- s'est déclaré compétent,

- dit que la résiliation anticipée du contrat pour faute n'est pas fondée,

- condamné la société Get Fresh Cosmetics à verser à la SAS Tentation la somme de 50 402 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis,

- débouté la société Get Fresh Cosmetics de toutes ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les dépens, dont frais de greffe liquidés à 71,07 euros sont à la charge de la société Get Fresh Cosmetics,

- débouté la SAS Tentation du surplus de ses demandes.

La SAS Tentation a interjeté appel d'abord limité aux dispositions du jugement concernant son préjudice puis appel général.

Les deux procédures ont été jointes.

Par arrêt en date du 15 mai 2014, la cour a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,

- enjoint aux parties de conclure avant le 22 juillet 2014 sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce au litige et ses conséquences juridiques sur la recevabilité de l'appel formé devant la Cour d'appel de Lyon,

- dit que la clôture sera de nouveau prononcée le 1er septembre 2014 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 1er septembre 2014.

Par conclusions déposées le 21 juillet 2014, la SAS Tentation demande à la cour de :

in limine litis

à titre principal

- constater que l'article L. 442-6 du Code de commerce n'a pas vocation à être appliqué au litige,

- constater que le Tribunal de commerce de Saint-Etienne s'est justement déclaré compétent pour statuer sur le litige,

- en conséquence, se déclarer compétent pour statuer sur l'appel interjeté par les parties et déclarer l'appel recevable,

- à titre subsidiaire, si la cour considérait que l'article L. 442-6 du Code de commerce a vocation à être appliqué et réformait le jugement entrepris en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige :

constater que le tribunal de commerce était incompétent pour statuer sur le litige et aurait dû renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Lyon,

- renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris,

ensuite

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- confirmer le jugement rendu le 11 décembre 2012 en ce que le tribunal s'est déclaré compétent ratione loci et a écarté la compétence des juridictions anglaises,

- confirmer le jugement en ce que le tribunal a constaté le non-respect du préavis contractuel et la rupture abusive du contrat par la société Get Fresh Cosmetics,

pour le surplus,

- réformer le jugement entrepris et condamner la société Get Fresh Cosmetics, à lui verser la somme de 704 821 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi,

- rejeter les demandes de la société Get Fresh Cosmetics,

- condamner la société Get Fresh Cosmetics à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Get Fresh Cosmetics, aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Elle fait valoir :

- qu'elle fonde sa demande sur le droit commun de la responsabilité contractuelle,

- que du moment où l'incompétence du Tribunal de commerce de Saint-Etienne au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'a pas été soulevée, c'est en toute logique qu'elle a formé appel devant la Cour d'appel de Lyon,

- que si en appel, la société Get Fresh Cosmetics, invoque les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce pour une partie de ses demandes reconventionnelles, elle précise qu'il ne s'agit pas du fondement de ses demandes et elle continue à invoquer la compétence des juridictions anglaises,

- qu'aucune des demandes reconventionnelles de la société Get Fresh Cosmetics, n'est fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- à titre subsidiaire, si la cour estime que ce texte est applicable, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne n'était pas compétent et en application de l'article 79 du Code de procédure civile, l'affaire doit être renvoyée devant la Cour d'appel de Paris.

Par conclusions déposées le 28 juillet 2014, la société Get Fresh Cosmetics, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris

à titre principal

- constater l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Saint-Etienne puis de la Cour d'appel de Lyon au profit de la juridiction anglaise notamment de la "County Court" de la ville de Bournemouth où elle a son siège,

à titre subsidiaire

- constater que la SAS Tentation n'a pas respecté :

son interdiction de vendre des produits concurrents de ceux qu'elle vend,

son obligation de payer les factures dans un délai de 30 jours,

son obligation de lui transmettre un prévisionnel des commandes,

- constater qu'elle est en droit d'invoquer un cas de résiliation anticipée conformément aux articles 4.3 et 9 du contrat de distribution,

- rejeter l'ensemble des demandes de la SAS Tentation,

- condamner la SAS Tentation à lui payer la somme de 423 000 euros au titre de la perte de chance de chiffre d'affaires outre les intérêts au taux légal,

- condamner la SAS Tentation à lui payer 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS Tentation aux entiers dépens de l'instance et de l'appel distraits au profit de la SCP Laffly & Associés, avocat, sur son affirmation de droit.

Elle fait valoir que compte tenu de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, elle s'en rapporte sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Et, si l'application de ce texte est retenue, la cour doit déclarer l'appel irrecevable sans pouvoir faire application de l'article 79 du Code de procédure civile.

En tout état de cause, elle reste fondée à solliciter le bénéfice de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties sur le fond du litige, la cour renvoie, en application de l'article 455 du Code de procédure civile, à l'arrêt rendu le 15 mai 2014 et aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er septembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'action de la SAS Tentation tend à obtenir indemnisation du dommage que lui aurait causé la rupture brutale et sans préavis par la société Get Fresh Cosmetics de relations commerciales établies.

Aux termes de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage sa responsabilité délictuelle.

Il s'en suit que l'article L. 442-6 du Code de commerce est applicable à l'action de la SAS Tentation, peu important que la SAS Tentation précise qu'elle fonde sa demande sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, ce texte étant d'ordre public et ne pouvant être écarté par les parties.

L'article D. 442-3 du Code de commerce dispose : "Pour l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris."

En application de ce texte et de l'annexe 4-2-1, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne n'était pas compétent pour connaître de l'affaire en première instance et la cour d'appel compétente pour connaître de la décision rendue par le tribunal de commerce est la Cour d'appel de Paris.

Cette dernière étant la seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'inobservation des textes précités est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

Il y a donc lieu de déclarer l'appel formé par la SAS Tentation irrecevable ce qui rend également irrecevable l'appel incident formé par la société Get Fresh Cosmetics.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Déclare irrecevable l'appel interjeté par la SAS Tentation à l'encontre du jugement rendu le 5 décembre 2012 par le Tribunal de commerce de Saint-Etienne, Déclare, en conséquence, irrecevable l'appel incident formé par voie de conclusions par la société Get Fresh Cosmetics, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Tentation aux dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.