Cass. com., 21 octobre 2014, n° 13-11.186
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Chléa (SARL), Angel (ès qual.)
Défendeur :
International Esthétique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Chléa a conclu en 2004 un contrat de franchise avec la société International Esthétique, franchiseur d'un réseau de centres d'épilation à l'enseigne Epil'Center, devenue depuis Esthetic Center ; qu'à la suite de difficultés survenues entre les parties, la société Chléa a informé le franchiseur par lettre du 28 décembre 2006 qu'elle envisageait de mettre fin au contrat, puis a déposé l'enseigne Epil'Center au profit de celle de Chléa en mars 2007 ; que le franchiseur l'a fait assigner en paiement de factures impayées, en résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs et en réparation de son préjudice ; que la société Chléa a demandé reconventionnellement l'annulation du contrat ; qu'elle a été mise en liquidation judiciaire, la société Angel et Hazane, prise en la personne de M. Angel, étant nommée liquidateur ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches : - Attendu que la société Chléa et M. Angel, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en annulation du contrat de franchise alors, selon le moyen : 1°) que lorsqu'il choisit de communiquer des comptes prévisionnels au candidat à la franchise, le franchiseur doit lui transmettre des chiffres sérieux et prudents, établis sur une base réaliste ; qu'en l'espèce, la société Chléa faisait valoir, preuves à l'appui, que les chiffres communiqués par la société International Esthétique s'étaient avérés irréalistes au regard de l'écart saisissant entre les bénéfices annoncés et les pertes effectivement dégagées par la société Chléa ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne révélaient pas une méconnaissance par la société International Esthétique de son obligation précontractuelle d'information ayant vicié le consentement de la société Chléa, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce, ensemble l'article 1110 du Code civil ; 2°) qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les pertes dégagées par la société Chléa, très éloignées des bénéfices annoncés dans les comptes prévisionnels transmis par le franchiseur, ne révélaient pas, même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que la remise de comptes d'exploitation prévisionnels n'est pas exigée par la loi du 31 décembre 1989, ni son décret d'application, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que les prévisions chiffrées ont été atteintes, voire dépassées par certains franchisés et que les bilans 2005 et 2006 produits par la société Chléa démontrent qu'elle avait atteint pratiquement l'équilibre ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations souveraines, dont elle a déduit que les comptes prévisionnels fournis n'étaient pas irréalistes, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que la société Chléa et M. Angel, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Chléa et de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à la société International Esthétique alors, selon le moyen, que le franchiseur est tenu d'assister le franchisé face aux difficultés techniques, juridiques, commerciales ou de gestion qu'il peut rencontrer ; que dans ses conclusions d'appel, la société Chléa soutenait de manière détaillée que le franchiseur n'avait jamais apporté aucune réponse utile face aux difficultés qu'elle avait rencontrées, notamment lorsqu'elle avait dû affronter une concurrence imprévue ; qu'elle étayait sa démonstration par de multiples éléments de preuve; que dès lors, en retenant que le contenu des nombreuses correspondances échangées démontrait l'effectivité de l'assistance apportée par le franchiseur au moyen de différents outils et par les visites régulières de conseillers, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si le franchiseur avait fait des efforts sérieux et adaptés à la situation particulière de la société Chléa, en préconisant des mesures de nature à remédier aux difficultés qu'elle rencontrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contenu des nombreuses correspondances échangées entre la société Chléa et la société International Esthétique démontrait l'effectivité de l'assistance apportée par le franchiseur par la mise en place d'outils de communication personnalisés, de campagnes de communication locales et nationales, notamment lors de l'ouverture de l'institut, par les visites régulières de conseillers, l'organisation de réunions régionales et de conventions nationales, l'édition d'une revue interne d'information sur le réseau, la création d'un site Internet d'information et d'assistance, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches : - Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Chléa, l'arrêt retient que cette société ne démontre aucune violation par le franchiseur de ses obligations contractuelles, susceptible de permettre la résiliation du contrat de franchise aux torts de celui-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Chléa qui soutenait que le franchiseur avait manqué à ses obligations contractuelles en décidant unilatéralement et malgré l'opposition de la société Chléa d'abandonner l'exploitation de la marque Epil'Center, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs, casse et annule, mais seulement en ce quil a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Chléa, condamné celle-ci à payer à la société International Esthétique la somme de 5 382 euros au titre des redevances impayées et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, l'arrêt rendu le 28 novembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.