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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 21 octobre 2014, n° 13-03206

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Casapizza France (SAS), Blanc (ès qual.), Dauverchain (ès qual.)

Défendeur :

Sivade, Souchon (ès qual.), Ambre Marine (SARL), Dasa (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

Mme Olive, M. Betous

Avocats :

Mes Prouzat, Melmoux, Destours, Salvignol, Tiquant, Argellies, Baudot

T. com. Montpellier, du 20 févr. 2013

20 février 2013

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société par actions simplifiées Casapizza France (la société Casapizza) exploite un concept de restauration sous la forme d'une franchise à l'enseigne "La Casa Pizza et Grill".

Le 20 septembre 2006, la société Casapizza a remis aux époux Sivade un document d'information précontractuelle (DIP).

Ces derniers ont constitué la société Ambre Marine.

La société Ambre Marine, représentée par sa gérante Mme Evelyne Sivade, a conclu, le 14 novembre 2007, avec la société Casapizza un contrat de franchise d'une durée de 9 ans, lui permettant de bénéficier de l'exclusivité de la franchise "La Casa" dans la zone commerciale régionale d'Evry 2, en contrepartie d'un droit d'entrée de 9 000 euro HT et de royalties sur le chiffre d'affaires HT fixées à 5 %.

Il était convenu que la mise en place du restaurant et son exploitation interviendraient au plus tard le 15 février 2008, "sous réserve que la bonne fin du chantier et les délais de livraison soient respectés par l'agenceur".

La société Ambre Marine a acquis un fonds de commerce auprès de la société Bermuda Café, exploité <adresse> et a régularisé un bail commercial, le 10 mars 2008.

Le local commercial a fait l'objet de travaux d'agencement aux normes du réseau, dont la réalisation a été confiée à la société Dasa, exerçant sous l'enseigne Korus Konform (la société Korus).

Les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception avec de nombreuses réserves, le 8 juillet 2008.

Le restaurant a été ouvert au public le 9 juillet 2008.

La société Ambre Marine, se plaignant de l'existence de malfaçons entravant son activité, a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce d'Evry qui, par ordonnance du 8 octobre 2008, a ordonné une expertise, confiée à M. Valentin, qui s'est acquitté de sa mission le 28 juillet 2009.

La société Ambre Marine et Mme Sivade ont fait assigner, à jour fixe, selon exploit du 12 février 2009, la société Casapizza et la société Korus devant le Tribunal de commerce de Montpellier (en application d'une clause attributive de compétence) en nullité ou subsidiairement, en résiliation du contrat de franchise et en réparation de divers préjudices.

La société Korus a fait assigner, selon exploit du 13 février 2009, la société Casapizza devant le Tribunal de commerce d'Évry en nullité du marché de travaux les liant du fait de l'absence de caution personnelle et solidaire, telle que prévue par l'article 14 de la loi sur la sous-traitance du 31 décembre 1975 et en réparation de son préjudice résultant du gain manqué.

La société Korus a appelé en garantie diverses entreprises sous-traitantes, dont la société Tou'Caf, qui a fait assigner en intervention forcée son propre sous-traitant la société Air Froid et la société Gan Assurances.

Le Tribunal de commerce d'Evry a ordonné la jonction de ces instances.

La société Ambre Marine a été mise en redressement judiciaire le 15 juillet 2009, puis en liquidation judiciaire le 16 novembre suivant. M. Souchon a été désigné liquidateur judiciaire.

Par jugement du 11 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Montpellier a sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir sur les relations contractuelles entre la société Casapizza et la société Korus.

Par jugement du 14 décembre 2011, le Tribunal de commerce d'Evry, retenant l'exception de connexité soulevée par la société Casapizza, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement en date du 20 février 2013, le tribunal a notamment :

"- débouté la société Tou'Caf de toutes ses demandes et dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la société Gan Assurances ;

- qualifié la relation entre la société Casapizza et la société Korus comme relevant d'un contrat de sous-traitance et constaté la nullité de ce contrat ;

- qualifié de maître de l'ouvrage la société Ambre Marine et de contractant général la société Casapizza France ;

- débouté la société Korus de ses demandes envers la société Casapizza ;

- débouté la société Ambre Marine, prise en la personne de M. Souchon, et Mme Sivade de leurs demandes envers la société Korus ;

- débouté la société Casapizza de ses demandes envers la société Korus ;

- prononcé la nullité du contrat de franchise conclu entre la société Ambre Marine et la société Casapizza ;

- débouté la société Casapizza de toutes ses demandes envers la société Ambre Marine, et pour elle son liquidateur ;

- condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités, la somme de 35 880 euro, outre intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2007 ;

- condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités les pertes comptables au 30 octobre 2008, telles que celui-ci les établira ;

- débouté la société Ambre Marine de ses autres demandes ;

- condamné la société Casapizza à payer à Mme Sivade la somme de 10 000 euro, au titre du préjudice moral ;

- condamné la société Casapizza à garantir Mme Sivade et à la relever de toute demande de paiement formulée par la banque à son encontre, en sa qualité de caution de la banque LCL, pour le prêt de 820 000 euro consenti par cette banque ;

- condamné la société Casapizza au paiement du solde du compte courant de Mme Sivade et au remboursement de son capital investi dans la société Ambre Marine, tel que le liquidateur l'établira ;

- débouté Mme Sivade de ses autres demandes ;

- condamné la société Casapizza à payer à M. Souchon, ès qualités, la somme de 20 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Casapizza à payer à Mme Sivade, la somme de 2 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Casapizza aux dépens comprenant les frais d'expertise."

La société Casapizza France a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de son infirmation, intimant M. Souchon, ès qualités, et Mme Sivade.

La société Casapizza a été placée sous sauvegarde de justice le 7 avril 2014. Mme Dauverchain et la Selarl FHB (M. Blanc) ont été désignés respectivement mandataire judiciaire et administrateur judiciaire. Ils ont été assignés en reprise d'instance le 29 août 2014.

La société Casapizza, Mme Dauverchain, ès qualités, et la Selarl FHB, ès qualités, ont adressé au greffe de la cour par le RPVA, le 5 septembre 2014, des conclusions contenant reprise d'instance, identiques à celle développées par la société Casapizza, le 18 août 2014.

Ils demandent à la cour de débouter M. Souchon, ès qualités, de toutes ses demandes, tant au titre de l'annulation que de la résolution du contrat de franchise, de déclarer Mme Sivade, irrecevable en ses demandes et, à tout le moins, de rejeter les prétentions de celle-ci et à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. Souchon, ès qualités, des demandes relatives à la non-conformité des travaux, à la restitution de la marge indue, au préjudice commercial et au manque à gagner, Mme Sivade, de sa demande au titre de la perte de revenus et les sociétés Korus et Tou'Caf de toutes leurs demandes. En tout état de cause, ils demandent que la créance de la société Casapizza d'un montant de 176 205,57 euro soit fixée au passif de la société Ambre Marine et que celle de 16 042,60 euro, bénéficie du privilège de l'article L. 622-17 du Code de commerce, sous réserve de compensation avec les sommes qui pourraient être mises à sa charge, le tout avec intérêts au taux légal capitalisés. Ils sollicitent la condamnation de la société Ambre Marine, prise en la personne de M. Souchon, ès qualités, à lui payer une indemnité de 25 000 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les condamnations de Mme Sivade et de la société Korus, de ce chef, au paiement des sommes respectives de 5 000 euro et 10 000 euro. A titre subsidiaire, ils concluent à la désignation d'un expert, aux frais avancés de la société Korus, afin de chiffrer l'indemnité pouvant être allouée à celle-ci, qui devra être condamnée, le cas échéant, à relever et garantir la société Casapizza des condamnations qui seraient mises à sa charge.

Ils font essentiellement valoir que :

- Mme Sivade est irrecevable en son action pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, en vertu des articles L. 622-20 et L.641-4 du Code de commerce ;

- si l'examen des devis, contrats, échanges de correspondances, comptes rendus de chantier révèlent une méconnaissance totale des parties relativement à la nature de leurs relations contractuelles, il n'en demeure pas moins qu'il appartient au juge de donner aux actes leur exacte qualification ;

- au vu du contrat de franchise et de la qualité de locataire de la société Ambre Marine, la société Casapizza n'a pas pu intervenir en qualité de contractant général et n'a pas pu conclure un contrat de louage d'ouvrage avec la franchisée et un contrat de sous-traitance avec la société Korus ;

- la société Korus étant le contractant général, elle a joué le rôle d'un simple mandataire de la société Ambre Marine vis-à-vis de la société Korus et de cette société vis-à-vis de la société franchisée, ce double mandat expliquant la facturation directe des travaux réalisés par la société Korus ; elle ne peut pas être déclarée responsable des désordres affectant les travaux ou assumer les obligations inhérentes à la sous-traitance ;

- elle n'a été chargée ni de la maîtrise d'œuvre ni de la réalisation des travaux d'agencement du restaurant, ne s'est d'ailleurs pas engagée à une livraison du restaurant "clé en main" et ne pouvait pas être tenue pour responsable du retard dans l'exécution des travaux ;

- elle n'a procédé à aucune facturation indue mais a simplement perçu une commission que justifie son rôle de mandataire et de titulaire des signes distinctifs propres au réseau "La Casa" ; le calcul de la prétendue surfacturation est erroné ;

- le contrat de franchise est dissociable des travaux d'agencement du restaurant, ainsi qu'il ressort notamment des dispositions de l'article 4.2 des conditions générales, le rôle du franchiseur se limitant à vérifier que l'unité de restauration satisfait aux normes d'exploitation du concept franchisé ; la divisibilité est confirmée par les dispositions de l'article 2.2 des conditions particulières selon lesquelles "l'exploitation du restaurant débutera le 15 février 2008, sous réserve que la bonne fin du chantier et les délais de livraison soient respectés par l'agenceur" ;

- elle a respecté les exigences des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, étant précisé que les éventuelles lacunes de l'information précontractuelle ne sont pas constitutives d'un dol ou d'une erreur de nature à vicier le consentement du franchisé ;

- elle n'avait pas à délivrer une quelconque information relative à la situation financière de certaines sociétés appartenant à son réseau (procédure collective ou perte de capital) ; le fait qu'elle n'ait pas actualisé l'information donnée en septembre 2006 relativement à la sortie du réseau du restaurant Casa d'Avignon, placé en liquidation judiciaire le 20 juin 2007, ne saurait constituer une tromperie ou un dol ayant déterminé le consentement de la société Ambre Marine, qui a bénéficié d'un délai de réflexion de 14 mois entre la remise du document d'information précontractuelle et la conclusion du contrat de franchise ;

- l'étude de site du cabinet MC2, entreprise d'étude et de conseil spécialisée dans le secteur de la restauration, remise à la société Ambre Marine a indiqué que l'emplacement du restaurant "se situait à l'épicentre de la ville nouvelle mais non au c'ur de l'activité d'Evry 2" ;

- la société Ambre Marine qui a acquis le fonds de commerce le 27 juillet 2007 ne pouvait pas ignorer que le restaurant se trouvait dans le centre culturel qui jouxte le centre commercial ;

- les intimés ne peuvent davantage invoquer un dol ou une erreur sur la substance à raison de la communication de budgets prévisionnels qui n'étaient pas manifestement erronés et irréalistes ;

- elle a assumé ses fonctions d'assistance technique et commerciale et aucun manquement ne saurait lui être reproché de nature à entraîner la résiliation du contrat de franchise ; sa loyauté ne saurait non plus être mise en doute ;

- la déconfiture de la société Ambre Marine est à due l'interaction de plusieurs facteurs qui ne sont pas imputables au franchiseur, en l'occurrence, les difficultés consécutives aux désordres affectant les travaux d'agencement, l'intensité concurrentielle très prononcée (déjà mise en exergue par l'étude de site), aggravée par l'ouverture d'un établissement concurrent ("Le Golf") et les propres fautes de gestion de la société franchisée, dont les mauvais résultats n'étaient pas en adéquation avec le nombre potentiel de couverts et dont la masse salariale était trop importante ;

- les demandes d'indemnisation ne sont ni fondées ni justifiées, d'autant que la société Ambre Marine a exploité le restaurant pendant 15 mois et n'a pas réglé l'intégralité des travaux d'agencement ;

- le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non par une perte de chance d'obtenir les gains attendus ;

- sa créance déclarée au titre des factures non payées par la société Ambre Marine n'a pas été contestée et comprend une somme de 148 782,40 euro au titre des travaux, il y a lieu d'ajouter la somme de 16 042,60 euro, au titre des redevances postérieures au jugement de redressement judiciaire ;

- en ce qui concerne ses relations avec la société Korus, la loi du 31 décembre 1975 n'est pas applicable puisqu'elle n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage et n'a pas conclu un contrat d'entreprise ;

- en tout état de cause, le sous-traitant est tenu de livrer exempts de vices et désordres l'ouvrage dont il a reçu la charge ou dont il demande le règlement ;

- si la cour retient la qualification de contrat de sous-traitance, la remise en état engendrée par l'annulation étant impossible, il y aura lieu de déterminer par expertise le coût des prestations réalisées.

M. Souchon, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ambre Marine, et Mme Evelyne Michel épouse Sivade concluent, à titre principal, à l'annulation du contrat de franchise et, à titre subsidiaire, à sa résiliation avec effet au 26 décembre 2008.

M. Souchon, ès qualités, sollicite la condamnation in solidum des sociétés Korus et Casapizza avec fixation de la créance de la société Ambre Marine au passif de la procédure collective de cette dernière, ainsi qu'il suit :

- au titre du droit d'entrée : 35 880 euro,

- au titre des travaux non conformes aux exigences légales réglementaires et contractuelles : 433 364,62 euro,

- au titre des pertes comptables subies au 30 octobre 2008 : la somme de 224 335 euro,

- au titre de la marge indûment perçue sur les travaux, la somme de 250 000 euro et celle de 80 000 euro, au titre de la marge indûment perçue sur le prix de la cuisine,

- au titre du préjudice commercial et d'image, la somme de 50 000 euro.

Il conclut à la condamnation de la société Casapizza à régler la somme de 7 828 884 euro, au titre du gain manqué

Mme Sivade sollicite la condamnation de la société Casapizza et de la société Korus au paiement de la somme de 204 922 euro, au titre du remboursement de son compte courant d'associé, celle de 21 000 euro, au titre de l'apport en capital, la somme de 30 000 euro, au titre de la perte de revenus et celle de 50 000 euro, au titre du préjudice moral. Elle demande à être relevée par ces deux sociétés des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre "de toute demande de paiement formulée par la société LCL à son encontre, en sa qualité de caution à hauteur de 471 500 euro".

Ils réclament le paiement ou la fixation d'une indemnité de procédure de 30 000 euro.

Dans des conclusions transmises au greffe de la cour le 11 septembre 2014, ils font valoir que :

- la société Ambre Marine a donné son consentement sur la base d'informations précontractuelles obsolètes, incomplètes, erronées et déloyales, en ce qui concerne la rentabilité de la future entreprise, l'état du réseau et du marché local ;

- le réseau de franchisés, présenté comme florissant par la société Casapizza, était en réalité dans une situation difficile depuis 2006, les entreprises exploitantes étant en difficulté financière voire pour certaines en déconfiture ; la société Casa d'Avignon ne faisait plus partie du réseau suite à la liquidation judiciaire prononcée le 20 juin 2007 ;

- l'étude de site réalisée par la société MC2, mandatée par la société Casapizza, contient des informations erronées ou incomplètes relativement au potentiel d'activité du restaurant au regard de son emplacement au centre culturel d'Evry 2, trois fois moins fréquenté que le centre commercial, à la concurrence directe du restaurant "Le Golf" et surtout à sa rentabilité manifestement surestimée ;

- les comptes d'exploitation prévisionnels remis par la société Casapizza étaient grossièrement erronés et surévalués puisque celle-ci n'a réalisé en une année d'exploitation qu'un chiffre d'affaires de 449 125,47 euro en lieu et place des 1 159 834 euro prévus par le franchiseur, soit un écart de plus de 50 % ;

- le financement du projet par la banque LCL a été obtenu au vu des documents remis par le franchiseur et notamment, les comptes de résultats prévisionnels ;

- la comparaison entre les résultats de la société Ambre Marine et ceux du précédent exploitant n'est pas pertinente puisque les deux types de restauration sont différents (bar-brasserie et pizzeria) et qu'un délai important s'est écoulé entre la fermeture du "Bermuda Café" et l'ouverture du restaurant Casapizza ; le dernier exercice du fonds de commerce cédé s'est élevé à 548 000 euro HT et non à 602 000 euro HT ;

- en tout état de cause, la société Casapizza a engagé sa responsabilité délictuelle en méconnaissant son obligation légale d'information sincère ;

- la société Casapizza a également trompé la société Ambre Marine sur sa capacité à maîtriser les travaux d'aménagement et à livrer le restaurant "clé en main", ce qui est constitutif d'un dol ;

- la société Casapizza a prétendu dans le DIP qu'elle maîtrisait la phase de conception et de réalisation des travaux d'agencement, ce qui est faux puisqu'elle est incompétente dans ce domaine et qu'elle a délégué ses obligations à la société Korus, qui n'était pas spécialisée dans l'aménagement de restaurants ;

- le contrat de franchise rappelle d'ailleurs l'importance de l'aménagement du local en conformité du concept "La Casa" et le DIP présente l'engagement du franchiseur comme celui d'assurer "les travaux d'agencement et la livraison clé en main du restaurant" ;

- le consentement de la société Ambre Marine a donc été vicié, sur le fondement de l'article 1116 du Code civil et subsidiairement, de l'article 1110 du même Code ;

- à titre subsidiaire, la société Casapizza a manqué à ses obligations contractuelles en ne lui délivrant pas un restaurant "clé en main", ce qui fait partie de son savoir-faire ;

- le franchiseur est responsable en tant qu'entrepreneur général et maître d''œuvre des désordres affectant les travaux et du retard de trois mois dans l'ouverture du restaurant ; la société Korus était maître d'œuvre délégué ;

- la société Ambre Marine, propriétaire du fonds de commerce, était maître de l'ouvrage ;

- contrairement à ce qu'elle prétend, la société Casapizza n'a pas agi en qualité de mandataire ; il n'existe aucun mandat écrit ni tacite ;

- le contrat de franchise et le marché de travaux sont indissociables ;

- le franchiseur a surfacturé les travaux à hauteur de 330 000 euro (marge indue sur travaux et sur fourniture de la cuisine), somme qui ne saurait correspondre à la juste rémunération de ses services et de la mise à disposition de son savoir-faire, dont la contrepartie résulte du droit d'entrée et des royalties ;

- la société Casapizza n'a pas apporté l'assistance et les conseils nécessaires pour faire face aux difficultés auxquelles la société Ambre Marine s'est trouvée confrontée ;

- les divers manquements de la société Casapizza justifient, à titre subsidiaire, la résiliation du contrat de franchise, à ses torts exclusifs ;

- la société Korus a engagé sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de la société Ambre Marine en acceptant une mission de maître d'œuvre délégué alors qu'elle n'avait aucune compétence en matière d'agencement de restaurants et qu'elle a été défaillante dans la conduite du chantier tant au niveau des délais d'exécution qu'au niveau de la conformité des travaux et de la levée des réserves ; elle doit réparer in solidum avec la société Casapizza les préjudice subis ;

- les marges indûment perçues et le droit d'entrée doivent être remboursés ;

- les pertes d'exploitation, le montant des travaux, le préjudice d'image et le gain manqué doivent être indemnisés ;

- les demandes indemnitaires de Mme Sivade sont fondées.

La société Dasa exerçant sous l'enseigne Korus Konform a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la nullité du contrat la liant à la société Casapizza et à son infirmation pour le surplus, demandant à la cour de fixer sa créance au passif de la société Casapizza à la somme de 117 367,48 euro HT soit 140 371,51 euro TTC. A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue vis-à-vis de la société Ambre Marine et de Mme Sivade, la société Casapizza devra la relever et la garantir des condamnations mises à sa charge.

Dans des conclusions transmises au greffe de la cour le 11 septembre 2014, elle expose que :

- les sociétés Ambre Marine et Casapizza ont conclu, sans son intervention, un contrat d'entreprise ayant pour objet la rénovation du restaurant, sur la base d'un devis du 18 février 2008 ;

- ce contrat est indépendant du contrat de franchise ;

- la société Casapizza lui a confié, selon bon de commande du 4 avril 2008, la réalisation d'une partie des travaux, objet du devis accepté deux mois plus tôt par la société Ambre Marine ;

- la société Casapizza a été son unique contractant et ne s'est pas présentée comme le mandataire de la société Ambre Marine ;

- la propriété de l'ouvrage n'est pas une condition de la qualification de contrat d'entreprise mais une condition de la mise en œuvre des garanties légales des constructeur prévues par les articles 1792 et suivants du Code civil ;

- la société Casapizza ne lui a pas fourni la caution personnelle et solidaire, ce qui entraîne la nullité du contrat de sous-traitance, prévue à l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975 ;

- cette nullité d'ordre public engendre un préjudice indemnisable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, correspondant à sa perte égale à la différence entre le montant qu'elle a versé à ses propres sous-traitants (225 407,11 euro) et le montant réglé par la société Casapizza, soit 140 371,51 euro ;

- sa responsabilité vis-à-vis de la société Ambre Marine et de Mme Sivade ne saurait être engagée pour faute dans l'exécution d'un contrat annulé et au titre d'un contrat de franchise auquel elle n'est pas partie (article 1165 du Code civil);

- en toute hypothèse, elle n'a commis aucun manquement au titre d'un délai d'exécution qui n'a pas été contractuellement convenu et au titre des désordres, dont la reprise proposée durant les opérations d'expertise n'a pas été acceptée par la société Ambre Marine ;

- les préjudices dont l'indemnisation est sollicitée étaient totalement imprévisibles, en application de l'article 1150 du Code civil.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 septembre 2014, prononcée avant l'ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du contrat de franchise conclu le 14 novembre 2007

Aux termes des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en toute connaissance de cause et comportant notamment, une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ainsi que le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document.

Il est de principe qu'en cas de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information découlant de l'article L. 330-3 du Code de commerce, la nullité du contrat de franchise n'est encourue qu'autant que le défaut d'information a eu pour effet de vicier le consentement du candidat franchisé.

Il ne peut être reproché utilement au franchiseur qui était tenu de faire état des seules entreprises ne faisant plus partie du réseau dans l'année précédant la remise du DIP, de ne pas avoir mentionné la liquidation judiciaire de la société "La Casa Avignon", prononcée le 20 juin 2007. De plus, le document comportait la liste précise des 15 franchisés du réseau ainsi que l'évolution de 2000 à 2005 des chiffres d'affaires réalisés par 9 d'entre eux, dont la société "La Casa Avignon" qui avait enregistré une baisse de 25 % de son chiffre d'affaires, ce qui aurait pu alerter les époux Sivade sur les difficultés rencontrées par cette société, étant précisé que le redressement judiciaire a été ouvert le 21 août 2006 et publié au Bodacc en septembre suivant.

Dans le cadre du DIP, la société Casapizza s'est engagée à fournir au futur franchisé une assistance initiale dans le cadre de la recherche d'un emplacement, de la réalisation d'une étude de marché local et du montage d'un projet financier (à la demande).

Suite à la signature d'un compromis de vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt portant sur un fonds de commerce de bar-brasserie exploité par la société Bermuda Café, <adresse>, le 27 juillet 2007, la société Casapizza a transmis aux époux Sivade, fin août 2007, un dossier financier contenant des comptes prévisionnels sur 4 années et un plan de financement, destiné aux banques, fixant le montant global des investissements à réaliser à la somme de 1 030 000 euro (prix de cession du fonds de commerce, parts sociales, travaux d'agencement, matériels d'équipement, droit d'entrée, frais de publicité...). Ces documents ont été présentés à la société Crédit Lyonnais, le 6 septembre 2007, dans le cadre de la demande de financement du projet à hauteur de 80 %.

Si la loi ne met pas à la charge du franchiseur l'obligation de fournir une étude du marché local au candidat franchisé, auquel il incombe de s'informer sur les potentialités économiques du fonds, il est de principe que lorsque le franchiseur donne une telle information et communique des comptes prévisionnels laissant entrevoir la perspective d'un chiffre d'affaires, il est tenu de se livrer à une étude sérieuse et réaliste du marché local et de justifier les chiffres annoncés à partir d'éléments objectifs tirés de cette étude ; l'espérance de gain étant déterminante pour le consentement du franchisé.

Préalablement à la signature du contrat de franchise, la société Casapizza a remis à la société Ambre Marine, une étude de site accompagnée d'un document intitulé "potentiel site", établie à sa demande, en octobre 2007, par le cabinet d'études et de conseil MC2. Cette étude qui porte précisément sur la zone de chalandise du site choisi vise trois hypothèses en termes de prévisions de résultats d'exploitation légèrement inférieures à celles contenues dans le dossier financier. L'hypothèse retenue envisage un chiffre d'affaires de 961 775 TTC (804 159 HT) correspondant à 62 050 repas par an à 15,50 euro TTC (ticket moyen) soit 170 couverts par jour, au lieu de 1 020 420 euro TTC (905 034 euro HT) correspondant à 63 960 couverts par an à 18,58 euro TTC, soit 176 couverts par jour en moyenne. L'hypothèse basse fait état d'un chiffre d'affaires TTC de 904 069 euro sur la base de 58 327 couverts par an, soit 160 couverts par jour en moyenne.

L'étude de site conclut, au titre des atouts, que l'unité de restaurant "La Casa" profitera d'une implantation au sein d'un vaste complexe commercial et que le niveau de vie et le profil socioprofessionnel des habitants de la zone de chalandise "soir et week-end" laissent à penser que les prospects se dirigeront plus volontiers vers une restauration de type trafic ou intermédiaire". En ce qui concerne les inconvénients, elle indique que "l'intensité concurrentielle est très prononcée et que si la [zone X], lieu d'implantation du restaurant, est l'épicentre de la ville nouvelle, elle n'est pas le cœur de l'activité d'Evry 2". Elle ajoute que "le restaurant évoluera au voisinage d'un multiplexe dont les performances peuvent sembler biens ternes pour l'Ile-de-France".

Cette étude concerne le centre commercial d'Evry 2 composé de deux niveaux et non précisément la zone d'implantation du restaurant "La Casa", située dans l'espace dit culturel, qui jouxte le centre et qui comprend notamment un théâtre, une salle de spectacle et une médiathèque. Elle ne prend pas en compte le fait que cette zone excentrée par rapport aux pôles d'attraction des grandes enseignes commerciales est beaucoup moins fréquentée durant les jours de semaine. Elle ne fait pas état de l'ouverture courant 2007 d'un restaurant proposant une cuisine traditionnelle (Le Golf) à proximité immédiate de l'unité La Casa et de l'impact réel de la multiplicité des établissements de restauration rapide installés dans la même galerie.

Cette étude est une approche globale qui ne distingue pas les spécificités de la localisation du restaurant en termes notamment de fréquentation et de concurrence directe, ce qui fausse nécessairement la prévision relative au nombre de couverts journaliers (160 à 170) et au chiffre d'affaires.

Ainsi et au cours des douze premiers mois d'activité, la société Ambre Marine a réalisé un chiffre d'affaires TTC de 516 917 euro, ce qui représente 43 à 48 % de moins que les chiffres d'affaires prévisionnels annoncés dans l'étude de site (plus de la moitié de ceux envisagés dans le dossier financier) et qui correspond à une moyenne journalière d'environ 100 couverts.

La société Casapizza invoque des fautes de gestion en se prévalant d'une masse salariale trop importante et d'une inadéquation avec le nombre potentiel de couverts. Sur ce dernier point, et eu égard aux motifs ci-dessus énoncés, ce nombre n'était pas réaliste.

C'est sur la base du chiffre d'affaires prévisionnel considéré comme étant réalisable par le franchiseur que la société Ambre Marine a embauché 13 salariés, sachant que selon le budget modélisé figurant en page 8 du DIP, la part des salaires et charges sociales était fixée à 33,10 % du chiffre d'affaires hors taxes et qu'elle a préconisé un tel recrutement avant l'ouverture du restaurant (cf. attestation de M. Ouddane). La société Ambre Marine a d'ailleurs été contrainte, par la suite, de procéder à des licenciements économiques.

La société Casapizza ne peut davantage arguer d'une ouverture retardée du restaurant et de l'existence de nombreux désordres ayant entravé les premiers mois d'exploitation dès lors qu'ils sont imputables à l'entreprise chargée des travaux d'agencement et qu'elle-même s'était engagée contractuellement à fournir une assistance à l'installation et à l'aménagement du local.

Enfin, la concurrence du restaurant "Le Golf", ouvert courant 2007, proposant à sa clientèle une cuisine diversifiée sur le thème "cuisine du monde", et non une restauration rapide comme les autres enseignes installées à proximité du restaurant "la Casa", était prévisible mais n'a pas été mentionnée dans l'étude de site.

En fournissant à la société Ambre Marine un prévisionnel exagérément optimiste et irréaliste, la société Casapizza l'a trompée sur un élément déterminant dans le calcul des risques qu'elle prenait en ouvrant une unité de restaurant "la Casa" et sur l'espérance de gain. Le consentement de la société Ambre Marine a donc été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise.

Il convient, par conséquent, de prononcer l'annulation du contrat de franchise conclu le 14 novembre 2007, en application de l'article 1110 du Code civil.

La nullité du contrat de franchise implique la remise des parties en l'état antérieur à sa conclusion, soit la restitution des sommes versées dans le cadre dudit contrat mais également la réparation des préjudices causés en conséquence de l'annulation.

M. Souchon, ès qualités, est donc fondé à solliciter la restitution de la somme de 30 000 euro HT, au titre du droit d'entrée et celle de 12 141 euro HT correspondant au montant des redevances de franchise ou royalties versées en exécution du contrat (inclus dans la demande relative aux pertes comptables), telles que résultant des comptes sociaux de l'exercice 2008.

Toutefois, la société Ambre Marine a bénéficié de prestations, qu'elle ne peut pas restituer, liées à son accueil dans le réseau de franchise, à la transmission d'un savoir-faire et au droit d'utilisation de l'enseigne. La société Casapizza n'établit pas, au demeurant, que les prestations relatives à la formation continue et à l'assistance commerciale ont été effectivement exécutées durant les 15 mois d'exploitation. Elle ne justifie, à cet égard, que de deux visites en août et octobre 2008, au cours desquelles elle a préconisé diverses solutions pour optimiser l'exploitation du restaurant. Dès lors, l'indemnité due en contrepartie des prestations non restituables sera fixée à 4 000 euro. La société Casapizza ne peut donc prétendre conserver le droit d'entrée et les redevances versées.

Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société Ambre Marine.

La société Casapizza ne saurait davantage réclamer les redevances échues et impayées avant et après le prononcé du redressement judiciaire.

Le contrat annulé étant censé ne jamais avoir existé, M. Souchon, ès qualités, ne peut utilement, sauf à méconnaître les conséquences mêmes de la nullité prononcée, réclamer l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention de résultats commerciaux, que la société Ambre Marine eût été en droit d'attendre, de l'exploitation de la franchise sur une période de 9 ans. La demande relative au gain manqué doit être rejetée.

M. Souchon, ès qualités, ne saurait non plus obtenir des dommages et intérêts compensatoires au titre d'un préjudice d'image né des prétendus manquements de la société Casapizza à ses obligations contractuelles.

En revanche, la présentation par la société Casapizza de résultats prévisionnels dépourvus de caractère sérieux avant la conclusion du contrat de franchise a un lien direct avec les pertes enregistrées dès le début de l'exploitation. Dès le 15 septembre 2008, l'expert-comptable a relevé une perte de 194 000 euro et a mis en exergue l'importance des charges fixes au titre du bail commercial et des emprunts et l'inadéquation du chiffre réalisé avec de telles charges et le coût salarial. Pour autant et sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la société Casapizza ne peut pas être tenue pour responsable de la totalité des pertes d'exploitation, tenant le fait que la société Ambre Marine, commerçant indépendant, avait sa part d'autonomie et d'initiative dans la gestion du fonds de commerce et aurait pu mieux vérifier les éléments qui lui étaient donnés sur la rentabilité du projet. Le préjudice doit être fixé à la somme de 120 000 euro. Le jugement sera réformé, de ce chef.

Les créances susvisées de la société Ambre Marine seront fixées au passif de la procédure de sauvegarde de la société Casapizza.

Sur les travaux d'agencement

L'article 4 des conditions générales du contrat de franchise dispose que dans le cadre de l'agencement de l'unité restaurant "La Casa", le franchisé a l'obligation de respecter des standards et des normes de localisation, de présentation et de fonctionnement, définis dans un cahier des charges dénommé "Bible la Casa", qui lui est remis lors de la signature du contrat ; il est ainsi précisé que le franchisé procèdera à ses frais et sous sa responsabilité à la réalisation des travaux de présentation extérieure et des agencements dans le respect des normes et standards "La Casa", qu'il sera libre du choix des prestataires de services et que le franchiseur pourra, toutefois, lui adresser quelques conseils ou recommandations relatifs à certains prestataires particulièrement compétents pour la mise en œuvre et la réalisation des travaux et agencements.

Le contrat de franchise ne prévoit pas des travaux d'agencement et une livraison de l'unité restaurant "clé en main" assurée par le franchiseur, comme il est prétendu, une telle hypothèse étant simplement envisagée dans le document d'information précontractuelle, si le franchisé y consent.

L'article 4-2 stipule que "le franchiseur ou toute personne qu'il se substituera assurera l'agrément des plans et maquettes au regard des exigences et conditions du concept la Casa ainsi que des aménagements exécutés (...) ; il n'a nulle mission de vérifier la conformité des travaux aux règles de l'art ou à la réglementation en vigueur".

En dépit de ces dispositions contractuelles, les intimés considèrent que le contrat de franchise et le marché des travaux d'agencement sont indivisibles.

Il ressort de l'échange de courriels entre Mme Sivade, gérante de la société Ambre Marine, la société Casapizza et la société Korus, entre le 21 mars 2008 et le 8 avril 2008, que :

- la société Korus a établi un devis quantitatif estimatif le 22 février 2008 (modifiant un précédent devis du 7 février 2008), au titre d'une partie des travaux d'agencement du restaurant La Casa d'Evry 2, ne comprenant pas le remplacement de la centrale de traitement d'air (CTA) et le caisson d'extraction de la hotte en toiture, pour un montant de 237 257,43 euro HT ;

- ce devis a été adressé par la société Korus à la société Casapizza, le 23 février 2008, accompagné d'un contrat-type de "contractant général" ;

- par courriel du 21 mars 2008, Mme Sivade a fait le compte rendu d'une réunion tripartite ayant eu lieu le 19 mars 2008, en précisant que la société Cazapizza avait été nommée maître d'œuvre avec la société Korus, déléguée par celle-ci, et que la société Ambre Marine était maître de l'ouvrage exploitant ; elle a sollicité la communication du devis détaillé de la société Korus auprès des deux sociétés afin de valider le marché de travaux et a indiqué à cette dernière que "suite à la nouvelle explosive concernant le CTA, elle devait consulter son notaire pour obtenir des conseils" ;

- la société Korus, et pour elle, M. Gros, a répondu, le 23 mars 2008, "qu'étant liée contractuellement à la société Casapizza, dans le cadre d'une convention-cadre de partenariat, créant une collaboration et un partenariat entre maître d'œuvre et maître d'œuvre délégué afin de satisfaire au mieux les besoins des franchisés, elle ne pouvait en aucun cas avoir une relation directe financière et administrative avec ces derniers (...)" ;

- le 25 mars 2008, Mme Sivade, ès qualités, a réitéré sa demande de transmission du devis détaillé "qu'il émane de Korus ou de la Casa peu importe", et de la déclaration de travaux, en ajoutant que "sans ces documents aucune entreprise ne serait autorisée à pénétrer dans le local commercial" ;

- en réponse du 27 mars, la société Casapizza a adressé à la société Ambre Marine, le devis détaillé de la société Korus pour validation et des factures d'acompte de 30 % au titre du matériel et du démarrage des travaux ;

- la société Casapizza a adressé à la société Ambre Marine le 31 mars 2008, un devis au titre "des travaux et agencement comprenant le bureau d'étude, le service plan, la déclaration de travaux, les notices de sécurité et d'accessibilité, les appels d'offres, le pilotage des travaux, la coordination des entreprises, la réception et la livraison clé en main" d'un montant global de 372 000 euro HT, et un devis au titre du matériel de 150 000 euro HT ; ces devis reprennent les montants énoncés dans un précédent devis du 18 février 2008 mais comportent, en sus, le coût de chaque lot (13 lots) ;

- par courriel du 1er avril 2008, Mme Sivade a sollicité une réunion sur le site avec la société Casapizza et la société Korus, en l'état des incertitudes au titre du chiffrage par postes, de l'absence de déclaration de travaux, de trop nombreuses réserves sur le descriptif et d'un manque d'information et d'assistance, ajoutant que "comme précisé dans le contrat de franchise, je vais devoir choisir mes entreprises moi-même pour avancer" ;

- par courriel du 2 avril 2008, la société Ambre Marine a "confirmé la commande du restaurant selon devis du 18 février 2008 et descriptif sans détail de prix, avec quelques réserves, en précisant qu'elle ne voulait pas retarder la livraison promise par la société déléguée maître d'œuvre Korus, prévue pour le 15 mai 2008" ;

- le 4 avril 2008 la société Casapizza a missionné la société Korus pour "la réalisation des travaux du site Casa Evry 2 pour un montant hors taxes de 237 000 euro (hors travaux spécifiques), suivant devis du 22 février 2008";

- le 8 avril 2008, la société Casapizza a renvoyé à la société Ambre Marine "les devis détaillés pour le matériel et les travaux d'agencement correspondant au devis descriptif de la société Korus déjà transmis", en sollicitant le déblocage des acomptes.

La société Ambre Marine a réglé les premiers acomptes réclamés tant pour le matériel que pour le démarrage du chantier, ce qui conforte son acceptation des derniers devis transmis par la société Casapizza.

Il résulte, par ailleurs, du rapport d'expertise de M. Valentin que le premier compte rendu de chantier qualifie la société Casapizza de maître d''œuvre et la société Korus de maître d'œuvre délégué, et que tous les autres comptes rendus rédigés et diffusés par la seule société Korus, emploient les termes "contractant général" pour la première et "entreprise générale" pour la seconde, étant observé que le directeur opérationnel de la société Casapizza n'a assisté qu'à 7 réunions sur 13 et que c'est la société Korus qui a confié la réalisation des lots à des entreprises sous-traitantes. L'expert a relevé la confusion entretenue par ces deux sociétés quant à leurs missions respectives.

Le procès-verbal de réception des travaux avec réserves a été signé par un préposé de la société Casapizza (client) et par la société Korus (entreprise).

Si comme le soutient, à juste titre, la société Casapizza, le locataire commercial ne peut pas se prévaloir de la responsabilité des constructeurs prévue par l'article 1792 du Code civil, comme n'ayant pas la qualité de maître de l'ouvrage, en ce qu'il n'est pas propriétaire des locaux, objet des travaux, il n'en demeure pas moins que le contrat d'aménagement et d'agencement conclu le 4 avril 2008, s'analyse en un contrat de louage d'ouvrage, défini par l'article 1779 du Code civil.

La société Ambre Marine a accepté le devis proposé par la société Casapizza, sur la base du devis quantitatif estimatif établi par la société Korus, ne comprenant pas certains travaux (CTA). Elle a d'emblée considéré que la société Casapizza était maître d'œuvre du projet et que la société Korus, maître d''œuvre délégué, assurait la réalisation des travaux confiés à des entreprises tierces.

Dès lors, avec l'aval de la société Ambre Marine, la société Casapizza a assuré la maîtrise d'œuvre de conception (plans, déclaration de travaux...) et a délégué à la société Korus la maîtrise d'œuvre d'exécution, rémunérée à hauteur de 6 000 euro HT. Ce partenariat est clairement précisé dans le courriel de M. Gros en date du 23 mars 2008 mais également dans un compte rendu de réunion de travail du 9 avril 2008 entre les représentants des deux sociétés.

En donnant mission à la société Korus, le 4 avril 2008, de réaliser les travaux, objet du devis du 22 février 2008, la société Casapizza a agi pour le compte de la société Ambre Marine et s'est comportée, par la suite, comme maître d'œuvre du projet, en supervisant les prestations de maîtrise d'œuvre d'exécution de la société Korus, en lui signalant les désordres et les défauts d'achèvement imputés aux entreprises choisies par celle-ci , en transmettant directement les factures à la société Ambre Marine, en procédant à la réception des travaux et en sommant la société Korus de lever les réserves

C'est donc à tort que la société Korus, maître d'œuvre délégué et entreprise générale, se prévaut d'un contrat de sous-traitance la liant à la société Casapizza et des dispositions d'ordre public des articles 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975. La demande de nullité du marché de travaux sera donc rejetée ainsi que la demande en paiement de l'indemnité correspondant aux prestations exécutées.

Contrairement à ce que soutient la société Ambre Marine, il n'existe aucune indivisibilité entre le contrat de franchise du 14 novembre 2007 et le marché de travaux conclu quelques mois plus tard. La société Casapizza, en sa qualité de franchiseur, n'a contracté personnellement à l'égard de la société Ambre Marine aucune obligation de réaliser les travaux d'agencement du local commercial et de livrer l'unité restaurant "La Casa" dans un délai convenu, étant précisé que l'article 2 des conditions particulières du contrat de franchise fixe la date de début d'exploitation au 15 février 2008, "sous réserve que la bonne fin du chantier et les délais de livraison soient respectés par l'agenceur". En toute hypothèse, cette date ne pouvait pas être respectée puisque le bail commercial a été conclu le 10 mars 2008 et que la société Ambre Marine, bénéficiant d'un report de paiement des loyers à deux mois, a donné son accord pour la réalisation des travaux, le 2 avril 2008. La teneur du courriel de Mme Sivade du 1er avril 2008 sus-énoncé conforte l'absence d'interdépendance dans la commune intention des parties. Il ressort, par ailleurs, de l'extrait Kbis de la société Casapizza que son objet social n'a été étendu à la conception et à l'aménagement de locaux commerciaux qu'en avril 2008, soit postérieurement à la signature du contrat de franchise. Le partenariat avec la société Korus a été conclu à la même période. Ce n'est donc pas en sa qualité de franchiseur que la société Casapizza a assumé la maîtrise d'œuvre des travaux d'agencement.

Dès lors, l'annulation du contrat de franchise ne saurait entraîner celle du marché de travaux et, par suite, fonder les demandes en paiement faites à l'encontre de la société Korus, au titre des conséquences de la nullité du contrat de franchise.

Sur la surfacturation et les désordres

Il existe une distorsion manifeste entre le montant des travaux facturés par la société Korus (237 000 euro HT) englobant des honoraires de maîtrise d'œuvre à hauteur de 6 000 euro HT et les factures émises par la société Casapizza à l'encontre de la société Ambre Marine (372 000 euro HT), incluant des honoraires de maîtrise d'œuvre à hauteur de 9 372 euro HT. Si certains travaux n'ont pas été inclus dans le devis de la société Korus, comme le remplacement de la centrale de traitement d'air du restaurant, le caisson d'extraction de la hotte en toiture et des travaux dits spécifiques, représentant au vu des devis produits, une somme de 54 963 euro HT, il n'en demeure pas moins qu'il subsiste une différence de 80 037 euro.

La société Ambre Marine n'a pas accepté de rémunérer la maîtrise d'œuvre au-delà d'une somme de 9372 euro HT. Dès lors, la somme de 80 037 euro ne correspond à aucune contrepartie et relève d'une surfacturation.

La marge indue alléguée par M. Souchon, ès qualités, au titre du matériel d'équipement n'est pas justifiée. En effet, le devis de la société ADCF en date du 17 mars 2012 fixe à la somme de 70 015,90 euro HT, le coût de l'équipement complet de la cuisine, ce qui est comparable à celui fixé dans le "devis matériel" transmis à la société Ambre Marine, le 31 mars 2008, d'un montant de 69 700 euro, HT. Il n'est pas établi que le lot d'enseignes, les caisses électroniques, les chaises, tables et banquettes représentant un coût HT de 80 210 euro aient fait l'objet d'une surfacturation.

Les travaux affectés de nombreuses malfaçons, non conformités, défauts de finition et inexécutions ont donné lieu à une réception avec réserves qui n'ont pas été levées.

Au vu des devis soumis à l'expert judiciaire par la société Ambre Marine et la société Korus et des factures d'intervention réglées par la société Ambre Marine pour remédier aux diverses pannes, il n'est nullement établi que le coût des désordres, inexécutions et non conformités corresponde quasiment au montant initial du marché. Compte tenu des éléments d'appréciation soumis à la cour, il y a lieu de fixer à la somme de 126 000 euro HT, le montant des travaux de reprise et à celle de 25 000 euro, le préjudice subi au titre des pertes de marchandises et des nuisances subies dans le cadre de l'exploitation du fonds de commerce.

La société Casapizza a déclaré au passif de la procédure collective de la société Ambre Marine une somme de 148 782,40 euro, au titre du solde des travaux d'agencement et celle de 2 637,18 euro, au titre du matériel.

Une compensation entre le solde des travaux, d'une part, et le montant de la surfacturation et des préjudices subis par la société Ambre Marine, d'autre part, doit être ordonnée.

Déduction faite de la surfacturation retenue et des préjudices consécutifs aux malfaçons, désordres et non finitions, la société Ambre Marine ne doit aucun solde de travaux et la société Casapizza reste redevable envers celle-ci d'un reliquat dégagé après compensation égal à somme de 79 617,42 euro [80 037 euro + 126 000 euro + 25 000 euro]-[148 782,40 euro + 2 637,18 euro]. Une telle somme qui correspond au solde de la surfacturation ne saurait être mise à la charge, in solidum, de la société Korus.

La société Casapizza ne saurait être relevée et garantie par la société Korus au titre de cette créance dans la mesure où le montant des préjudices susvisés a éteint par compensation le solde de travaux restant dû à la société Korus.

Sur les demandes de Mme Sivade

Si les demandes de Mme Sivade au titre du compte courant d'associé et de l'apport en capital réalisé en sa qualité d'associé de la société Ambre Marine, sont irrecevables en vertu des dispositions combinées des articles L. 622-20 et L. 641-4 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, selon lesquelles le liquidateur de la société a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de celle-ci, les demandes tendant, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à l'indemnisation de préjudices personnels distincts de ceux subis collectivement sont recevables.

Mme Sivade, associé majoritaire et dirigeante de la société Ambre Marine, créée en vue de l'exploitation du restaurant franchisé, subit directement, du fait de l'annulation du contrat de franchise et de la liquidation judiciaire de la société en lien, fût-ce pour partie, avec les manquements de la société Casapizza dans le cadre de l'information précontractuelle, un préjudice moral tenant à la nécessité pour elle de mettre fin de manière anticipée à l'exploitation du fonds déficitaire, après y avoir investi du temps et de l'argent, qui sera fixé à la somme de 12 000 euro et un préjudice consistant en la perte de chance de réussir dans son affaire et de percevoir la rémunération de gérance incluse dans le budget prévisionnel, qui sera fixé à la somme de 25 000 euro.

La demande de Mme Sivade tendant à ce que la société Casapizza la relève et la garantisse d'éventuelles condamnations prononcées à son encontre au titre des cautions qu'elle a souscrites au profit de la société LCL ne saurait prospérer dans la mesure où les actes de caution ne sont pas produits et qu'il n'est pas justifié de leur mise en œuvre, ce qui constitue un dommage hypothétique.

Le jugement sera réformé de ces chefs.

La créance de Mme Sivade au passif de la procédure de sauvegarde de la société Casapizza sera fixée globalement à la somme de 37 000 euro, à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

En application de l'article 1153-1 du Code civil, l'ensemble des indemnisations accordées portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée, conformément à l'article 1154 du Code civil.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il y a lieu de mettre à la charge de la société Casapizza une somme de 12 000 euro, au profit de M. Souchon, ès qualités et de Mme Sivade, qui sera fixée au passif de la procédure collective, au titre des frais irrépetibles non compris dans les dépens de première instance et d'appel (6 000 euro x 2). Le jugement sera réformé, de ce chef.

Il ne sera pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Korus et de la société Casapizza.

Les dépens d'appel seront supportés par la société Casapizza et fixés au passif de la procédure collective.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en ce qu'il a qualifié la relation entre la société Casapizza France et la société Korus comme relevant d'un contrat de sous-traitance et constaté la nullité de ce contrat qualifié de maître de l'ouvrage la société Ambre Marine et de contractant général la société Casapizza France, Condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités, la somme de 35 880 euro, outre intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2007, Condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités, les pertes comptables au 30 octobre 2008, telles que celui-ci les établira, Condamné la société Casapizza à payer à Mme Sivade le solde du compte courant d'associé et à rembourser le capital investi, tel que le liquidateur les établira, Condamné la société Casapizza à payer à Mme Sivade la somme de 10 000 euro, au titre du préjudice moral, Condamné la société Casapizza à garantir Mme Sivade et à la relever de toute demande en paiement formulée par la banque à son encontre en sa qualité de caution de la banque LCL, au titre du prêt de 820 000 euro, Condamné la société Casapizza à payer à M. Souchon, ès qualités, la somme de 20 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Et statuant à nouveau de ces chefs, Dit que la société Casapizza et la société Korus ne sont pas liées par un contrat de sous-traitance, Déboute la société Korus de sa demande de nullité du contrat en date du 4 avril 2008, Fixe la créance de M. Souchon, en sa qualité de liquidateur de la société Ambre Marine, au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, à titre chirographaire, ainsi qu'il suit 30 000 euro HT, montant du droit d'entrée, 12 141 euro HT, montant des redevances ou royalties versées, 120 000 euro, à titre de dommages et intérêts, 79 617,42 euro, au titre du reliquat dégagé après compensation entre le solde de travaux restant dû à la société Casapizza, d'une part, et le montant de la surfacturation et des préjudices résultant des désordres, malfaçons et inexécutions, d'autre part, Fixe la créance de la société Casapizza France au passif de la procédure collective de la société Ambre Marine, à titre chirographaire, à la somme de 4 000 euro HT, à titre d'indemnité, en contrepartie des prestations non restituables, dont la société Ambre Marine a bénéficié, Fixe la créance de Mme Sivade au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, à titre chirographaire, à la somme de 37 000 euro, à titre de dommages et intérêts, en réparation de ses préjudices, Dit que Mme Sivade est irrecevable en ses demandes relatives au remboursement de son apport en capital et de son compte courant d'associé, Déboute Mme Sivade de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Casapizza France au titre de ses engagements de caution, Fixe la créance de M. Souchon, ès qualités, et de Mme Sivade au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, au titre de l'indemnité de procédure de première instance à 6 000 euro, Dit que les créances fixées respectivement au passif des sociétés Ambre Marine et Casapizza France produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, Rejette toutes autres demandes, Confirme le jugement pour le surplus sauf à fixer les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise au passif de la procédure collective de la société Casapizza, Fixe la créance de M. Souchon, ès qualités, et de Mme Sivade au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en cause d'appel, à la somme de 6 000 euro, Déboute la société Casapizza France et la société Korus de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Met les dépens d'appel à la charge de la société Casapizza France, qui seront fixés au passif de la procédure collective.