CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 octobre 2014, n° 13-14130
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SPIE SCGPM (SA), Mercury International (SARL)
Défendeur :
Bati Europe Interim (SARL), SPIE SCGPM (SA), Mercury International (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Président de chambre :
M. Birolleau
Conseiller :
M. Douvreleur
Avocats :
Mes Lesenechal, Manceau, Angely Manceau, Teytaud, Obadia, Ribaut, Azogui, Lesenechal,
Faits et procédure
La société Bati Europe Interim (ci-après Bati Europe) est une société de travail temporaire qui exerce dans les métiers du bâtiment. Elle a conclu un contrat d'agent commercial avec Mme Dieux.
La société Spie SCGPM est une entreprise générale de bâtiment spécialisée dans la maîtrise d'œuvre de bâtiments importants ; elle a été chargée avec la société de droit belge Besix de la construction d'une tour dans le quartier de la Défense, opération dénommée Carpe Diem.
Par l'intermédiaire de Mme Dieux, la société Bati Europe a transmis à la société Spie une liste de 18 intérimaires susceptibles de travailler sur ce chantier et le tarif horaire pour chacun d'eux ; des discussions se sont engagées au cours desquelles la société Bati Europe a revu à la baisse ses propositions tarifaires.
La société Spie contractera en définitive avec la société Mercury International qui lui fournira des personnels pour des missions d'intérim pendant la construction du bâtiment, dont des personnels figurant sur la liste pressentie par la société Bati Europe.
La société Bati Europe estime, d'une part avoir été victime d'une rupture brutale des pourparlers engagés avec la société SPIE, d'autre part des actes de concurrence déloyale et c'est dans ces conditions que, par actes des 9 et 14 novembre 2011, elle a fait assigner les sociétés Spie et Mercury International en réparation des préjudices qu'elle prétend avoir subis.
Vu le jugement rendu le 31 mai 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société Bâti Europe ne rapporte pas la preuve d'une rupture fautive de pourparlers et la déboute du chef de cette demande ;
- débouté Mme Dieux de l'intégralité de ses demandes ;
- dit que la responsabilité de la société Mercury International et de la société Spie se trouve engagée ;
- condamné in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bâti Europe la somme de 35 000 euro ;
- condamné in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bâti Europe la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par les sociétés SPIE SCGPM et Mercury International le 12 juillet 2013 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Mercury International le 2 juillet 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- dit que la responsabilité de la société Mercury International et la société Spie se trouve engagée ;
- condamner in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bâti Europe la somme de 35 000 euro ;
- condamner in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bâti Europe la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- confirmer le jugement pour le surplus dans ses dispositions relatives à la société Mercury International.
Statuant à nouveau ;
- débouter la société Bati Europe de ses demandes ;
- condamner la société Bati Europe à payer à la société Mercury International la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamner la société Bati Europe à payer à la société Mercury International la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante indique en premier lieu, qu'en condamnant in solidum la société Mercury International au titre d'un préjudice indirect qui ne figurait pas dans les demandes de la société Bati Europe, le tribunal de commerce a statué ultra petita en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
Elle soutient que l'accord conclu entre la société Spie et la société Mercury International est antérieur et totalement indépendant des relations entre la société Spie et la société Bati Europe et qu'il entre parfaitement dans le cadre de la liberté du commerce et de l'industrie.
Elle affirme que la société Bati Europe n'établit aucunement la preuve préalable que les intérimaires qu'elle revendique étaient ses salariés et ne démontre aucun acte positif de débauchage, ni aucune manœuvre de sa part.
Elle affirme enfin que la société Bati Europe ne prouve ni une perte de chiffre d'affaires ni une désorganisation de son entreprise suite au débauchage allégué.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société SPIE SCGPM le 24 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- dit que la responsabilité de la société Mercury International et de la société Spie se trouve engagée ;
- condamné in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bati Europe la somme de 35 000 euros ;
- condamné in solidum la société Mercury International et la société Spie à verser à la société Bati Europe la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- confirmer le jugement pour le surplus dans ses dispositions relatives à la société Spie ;
Statuant à nouveau,
- débouter la société Bati Europe Intérim de ses demandes ;
- condamner la société Bati Europe Intérim à la société Spie SCGPM la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante affirme que la société Bati Europe ne démontre pas l'existence de pourparlers entre les parties et que les pièces versées aux débats ne révèlent l'existence d'aucune discussion qualifiable de " pourparlers ", que ce soit sur le nombre de salariés concernés, leur lieu d'affectation, le coût, la durée des contrats, et les diverses modalités d'exécution des contrats.
Elle soutient n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale qui serait de nature à engager sa responsabilité délictuelle car les documents présentés par la société Bati Europe sont dépourvus de toute valeur probante.
Elle fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué à la société Bati Europe des dommages-intérêts d'un montant de 5000 euros au titre d'un préjudice direct car la société Bâti Europe ne démontre ni le principe, ni le quantum, des dommages-intérêts qu'elle sollicite.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Bati Europe le 26 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer les appels interjetés par les sociétés Spie et Mercury International mal fondés et les en débouter.
- Infirmer partiellement la décision,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Spie au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de pourparlers.
- condamner les sociétés Spie et Mercury International, in solidum, à verser à la société Bati Europe, à titre de dommages et intérêts, la somme de 264 000 euros pour la perte liée directement à ce détournement.
- condamner la société Spie et Mercury International, in solidum, à verser à la société Bati Europe, à titre de dommages et intérêts, la somme de 264 000 euros pour la perte liée indirectement à ce détournement.
- condamner la société Spie à verser à la société Bati Europe, à titre de dommages et intérêts, la somme de 10 000 euros en indemnisation des dépenses engagées sur le projet. - condamner la société Spie, à verser à la société Bati Europe, à titre de dommages et intérêts, la somme de 70 000 euros pour les conséquences relatives aux garanties et à la convention d'agent commercial.
- confirmer la décision sur le surplus.
Y ajoutant,
- condamner les sociétés Spie et Mercury International in solidum à verser à la société Bati Europe la somme complémentaire de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée fait valoir qu'en application de l'article 1382 du Code civil, la société Spie a engagé sa responsabilité pour rupture fautive car cette dernière lui a fait croire que l'affaire allait être conclue à son profit et que la rupture est survenue après des pourparlers longs, complexes et extrêmement avancés ce qui lui a occasionné d'importants frais.
Elle ajoute à cet effet que la société Spie a commis des actes de parasitisme et que les attestations versées aux débats par la société Mercury International sont dépourvues de toute force probante dès lors qu'elles ont été obtenues par violence et ne sont pas datées.
Elle expose que la demande de réparation du préjudice indirect étant le complément de celle du préjudice direct, elle est légitime à demander réparation des préjudices subis du fait du détournement et des actes de concurrence déloyale et des préjudices liés aux frais engagés.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile
MOTIFS
Sur le caractère ultra petita de la condamnation prononcée par le tribunal
Considérant que la société Mercury International expose qu'elle a été condamnée in solidum avec la société Spie à verser à la société Bati Europe la somme de 35 000 euro dont 30 000 euro au titre de son préjudice indirect alors que dans ses conclusions de première instance la société Bati Europe avait demandé aux juges de la condamner in solidum avec la société Spie à des dommages et intérêts d'un montant de 264 000 euro pour perte directement liée au détournement invoqué et la condamnation de la société Spie seule pour la même somme au titre de la perte indirectement liée à ce détournement
Considérant que la faute alléguée étant à l'origine des deux préjudices, la demande de réparation du préjudice indirect étant le complément de celle du préjudice direct et les premiers juges n'ayant pas statué au-delà des sommes demandées, ils n'ont pas statué ultra petita.
Sur la rupture des pourparlers
Considérant que la société Spie soutient qu'il n'y a eu aucune discussion pouvant être qualifiée de pourparlers et qu'elle n'a commis aucune faute alors que la société Bati Europe affirme que des pourparlers ont été engagés et avancés au point qu'elle a pu croire en la réalisation du projet qu'elle proposait.
Considérant que la société Spie produit une attestation de Mme Thielin, responsable des ressources humaines de la société Besix qui atteste " Le jeudi 3 février 2011 j'ai reçu la société Bati Europe à leur demande, ce rendez-vous ayant pour but qu'elle me présente leur société. A la suite de cette réunion, ils m'ont fait parvenir par mail une proposition tarifaire ".
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Bati Europe a présenté une liste de 18 intérimaires qu'elle avait sélectionnés pour réaliser des missions sur le chantier Carpe Diem ; que le 16 février 2011, une nouvelle réunion a eu lieu avec M. Lebert, responsable des ressources humaines de la société Spie à l'issue de laquelle aucun accord n'était trouvé, la société Bati Europe reconnaissant que M. Lebert s'était montré réticent et avait estimé le coût trop élevé ; que Bati Europe a alors fait une nouvelle proposition.
Considérant qu'en cours de discussions, la société Spie a engagé trois intérimaires dont deux grutiers MM. Daoudi et Rodriguez figurant sur la liste présentée par la société Bati Europe que ceux-ci ont alors commencé de travailler sur le chantier ; qu'en revanche la société Bati Europe n'obtenait aucune réponse concernant ses nouvelles propositions tarifaires ; que le 15 mars 2011 elle a fait une nouvelle proposition qui n'a pas davantage donné lieu à réponse.
Considérant que ces échanges portaient sur des prestations précises et consistaient à mettre à la disposition de la société Spie des ouvriers qualifiés à l'occasion de la construction de la tour Carpe Diem ; que la société Spie a reçu les dossiers des intérimaires choisis par la société Bati Europe avec une grille tarifaire ; que des réunions s'en sont suivies et ont donné lieu à de nouvelles propositions tarifaires à la baisse ; que les relations, qui se sont instaurées, constituaient des pourparlers portant sur la proposition faite par la société Bati Europe d'une équipe complète d'intérimaires expérimentés et qui avaient déjà travaillé sur des chantiers similaires ; que la société Bati Europe a accepté de revoir les conditions tarifaires initialement proposées ; que la société Spie n'a pas fait connaître son refus alors même qu'elle a accepté l'intervention de trois intérimaires figurant sur la liste de la société Bati Europe.
Considérant que la société Bati Europe a relaté avoir appris par l'un des trois intérimaires que la société Spie avait démarché les intérimaires qu'elle avait placés sur le chantier Carpe Diem afin qu'ils acceptent de ne plus travailler pour elle et qu'ils s'inscrivent dans une autre société d'intérim, la société Mercury International.
Considérant que cette intervention de la société Spie et celle conjointe de la société Mercury International sont corroborées par les courriers que de MM. Rodriguez Vieira et Daoudi ont adressés à la société Bati Europe ; que ces courriers ne constituent pas des attestations et ne sauraient être rejetés du fait qu'ils ne contiennent pas les mentions exigées par l'article 202 du Code de procédure civile ; que M. Rodriguez a écrit le 18 avril 2011 à la société Bati Europe pour indiquer qu'il " déplore cette situation où face à la crainte du chômage et des difficultés liées, j'ai accepté les négociations avec Spie et Mercury " ; qu'il relate de façon circonstanciée les conditions dans lesquelles il avait été placé sur le chantier Carpe Diem à compter du 16 février 2011 et comment, alors que la question du renouvellement de son contrat avec la société Bati Europe se posait, la société Spie lui avait indiqué " Il nous a clairement été dit que le chantier ne passerait plus pas Bati Europe et que si nous voulions conserver notre travail, il faudrait changer de société d'intérim au profit de Mercury International ", peu importe qu'il ait ou non accepté ; que le courrier de M. Daoudi est également circonstancié, celui-ci exposant être intervenu sur le chantier à partir du 7 mars 2011 et indiquant " La direction de chantier de SPIE nous a convoqué Joao et moi pour nous faire part de leur volonté qu'on intègre Mercury International et abandonner Bati Europe ".
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société SPIE a eu recours à des intérimaires figurant sur la liste de ceux proposés par la société Bati Europe alors que les deux sociétés étaient en discussion sur l'intégration d'une équipe complète d'intérimaires répondant aux besoins de la société Spie à l'occasion du chantier Carpe Diem ; que la société Bati Europe a après plusieurs réunions accepté de baisser les tarifs proposés pour l'intervention de son équipe ; que la société Spie a reçu les dossiers de chacun des intérimaires proposés sans manifester d'opposition ; qu'il résulte de ces éléments que des pourparlers se sont engagés et sont parvenus à un stade avancé puisque la société a engagé trois intérimaires de la liste ; que la société Spie a rompu de manière brutale et imprévisible les pourparlers en cours alors que ceux-ci étaient avancés, dès lors que la société Bati Europe a constaté la situation de fait résultant de l'embauche de trois de ses intérimaires en fin de contrat avec elle par la société Mercury International pour le même chantier.
Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et d'allouer la somme de 50 000 euro à la société Bati Europe à titre de dommages et intérêts.
Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant que la société Bati Europe a adressé les dossiers de 18 intérimaires susceptibles de travailler sur le chantier Carpe Diem ce qui n'est pas contesté ; qu'il s'agissait de grutiers, coffreurs et boiseurs donc de salaries ; décrivant pour chacun ses expériences professionnelles et les formations reçues ; que ceux-ci avaient notamment participé à des constructions de tours réalisées par la société Besix, partenaire de la société Spie.
Considérant que, si la société Mercury International prétend que certains de ces intérimaires étaient communs aux deux sociétés, elle n'apporte aucune preuve à l'appui de cette affirmation, ne justifiant pour aucun d'eux ni de déclarations sociales, ni de déclarations préalables à l'embauche, ni de son fichier avec la date de début et de fin de mission.
Considérant que la société Mercury International fait valoir que l'examen des pièces concernant chacun des intérimaires pressentis ne permettent pas de démontrer que ceux-ci avaient été embauchés par la société Bati Europe de sorte qu'il ne saurait y avoir débauchage, d'autant que certains n'ont au demeurant jamais été embauchés par elle ; qu'elle affirme que seuls quatre intérimaires, MM Azzouanou, Daanoun, Moumen et Oukrinna qui auraient été communs et pour lesquels elle produit des attestations indiquant qu'ils avaient librement rejoint la société Mercury International ; qu'il convient de relever que toutes ces attestations rédigées de façon lapidaire ; que les attestations de MM. Azzouanou, Moumen et Daanoun ne comportent pas la mention des sanctions attachées à une fausse déclaration ; que M. Oukrinna a fourni à la société Bati Europe une nouvelle attestation détaillée et circonstanciée sur les conditions de son embauche, relatant l'intervention en cours d'exécution de son contrat des sociétés Spie et Mercury International indiquant que ces deux sociétés " sont venus me voir afin de me faire signer un papier pour dire que je suis venu de ma propre initiative, or ce n'était pas le cas, malheureusement j'étais contraint et forcé de le faire au risque de perdre mon emploi " ; que dès lors la société Mercury International ne fait pas la démonstration que ces intérimaires ont librement choisi de la rejoindre alors qu'ils n'avaient été jusque-là en lien avec la société Bati Europe et placés par celles-ci sur le chantier de la société Spie.
Considérant que la société Mercury International affirme que d'autres sociétés d'intérim sur ce chantier pour le compte de la société Spie et employaient certains intérimaires proposés par la société Bati Europe de sorte qu'elle ne peut pas les avoir détournés au préjudice de la société Bati Europe ; qu'elle produit des contrats de travail de la société Sovitrat et une attestation de M.Laaziz, figurant sur la liste des 18 intérimaires présentés par la société Bati Europe qui indique que la liste des agences travaillant sous accord-cadre avec la société Spie lui avait été communiquée, que la société Mercury International en faisait partie et qu'il avait alors pris contact avec celle-ci ; que cette attestation démontre à tout le moins que la société Spie est intervenue auprès des intérimaires en leur fournissant une liste de sociétés parmi lesquelles figure la société Mercury International avec laquelle elle entretient une relation privilégiée ; que d'ailleurs ce salarié indique avoir rejoint cette dernière, alors même qu'elle avait eu en mains le projet d'équipe de la société Bati Europe dans lequel M. Laaziz figurait comme " maître ouvrier ".
Considérant qu'il importe peu que les intérimaires pressentis et figurant sur la liste proposée par la société Bati Europe n'aient pas eu jusque-là de contrat de travail avec elle puisque justement son travail avait consisté à réaliser un travail de prospection afin de trouver des intérimaires qualifiés dont le profil correspondait à la mission en l'espèce la construction d'une tour impliquant des compétences techniques spécifiques ; qu'elle avait établi une liste de 18 intérimaires spécialisés dans trois métiers et qui constituait une véritable équipe de travail, la société Mercury ne démontrant pas que l'un d'entre eux aurait été lié par un contrat de travail faisant obstacle à son embauche par la société Bati Europe.
Considérant qu'il n'importe pas davantage que n'aient pas recrutés les 18 intérimaires pressentis dans la mesure où il est constant que la société Mercury a puisé dans la liste élaborée par la société Bati Europe pour satisfaire aux besoins de la société Spie dans le cadre de leurs relations commerciales.
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Mercury International qui ne bénéficiait pas d'une équipe d'intérimaires suffisante pour satisfaire aux besoins de la société Spie a profité du travail de la société Bati Europe qui avait constitué une équipe efficiente ; qu'elle a ainsi détourné et mis à néant ce savoir-faire à son profit et ce avec le complicité de la société Spie ; que les sociétés Spie et Mercury International ont ainsi tiré parti du savoir-faire de la société Bati Europe ce qui a permis à la société Mercury International de bénéficier de la compétence technique de 8 intérimaires parmi les 18 pressentis et à la société Spie d'obtenir des tarifs horaires inférieurs à ceux proposés par la société Bati Europe, les salariés intérimaires s'étant sont vus imposer des salaires moindres sous la menace de perdre leur emploi s'ils n'acceptaient pas de travailler pour la société Mercury International ; qu'il résulte de ces éléments que la société Mercury International a détourné des salariés de la société Bati Europe et a profité de son savoir-faire de celle-ci à l'occasion de l'organisation d'une équipe d'intérimaires ce qui constitue des actes de parasitisme qui ont, à juste titre, par des motifs que la cour adopte, étaient retenus par les premiers juges.
Sur les préjudices subis par la société Bati Europe du fait des actes de parasitisme :
Considérant que la société Bati Europe fait état d'un préjudice direct, faisant valoir qu'elle a perdu un chiffre d'affaires de 2 637 536 euro sur ce chantier qui devait durer deux ans soit une perte de marge de 264 000 euro.
Considérant que les sociétés Spie et Mercury International contestent ce montant, la société Mercury International faisant valoir que ce ne sont que quatre intérimaires qui ont été concernés
Considérant que ce sont 6 intérimaires de la liste proposée par la société Bati Europe qui ont été intégrés par la société Mercury International ; que la société Bati Europe ne saurait donc calculer son préjudice sur la base de l'emploi effectif des 18 salariés proposée ;
Considérant que le tribunal a jugé que l'usage pour un cabinet de recrutement est de facturer 10% de la rémunération brute annuelle d'un salarié et a retenu que la rémunération annuelle moyenne était de 50 000 euro.
Considérant que, si la société Bati Europe fait état de montants supérieurs pour les 6 salariés concernés, elle n'en justifie pas ; que quand bien même le chantier aurait été prévu pour une durée de deux ans, l'emploi concerné était de l'intérim de sorte que la société Bati Europe ne bénéficiait en tout état de cause d'aucune garantie d'un maintien de ses intérimaires pendant toute la durée du chantier ; que la cour prendra en compte la marge annuelle qu'elle a perdue soit pour 6 salariés 30 000 euro, et condamnera les sociétés Mercury International et Spie à la dédommager à cette hauteur ;
Considérant que la société Bati Europe ajoute un préjudice indirect en ce qu'elle a subi un certain discrédit de son image vis à vis de certains intérimaires ; qu'il est avéré que certains intérimaires avaient choisi de participer à l'équipe constituée par la société Bati Europe ce qui les amenés à refuser d'autres propositions ; que la société Bati Europe a dès lors qu'elle était écartée subi auprès de ceux-ci un préjudice d'image que les premiers juges ont justement apprécié en le fixant à la somme de 30 000 euro ;
Considérant qu'elle fait état de frais engagés spécialement pour ce chantier à hauteur de 10 000 euro, notamment des frais de déplacement sur le chantier, des frais de visite médicale, des frais de réception, des frais de téléphone, des frais postaux et des frais de parking ; qu'elle indique avoir pris à sa charge l'équipement en casques, chaussures de sécurité et gants des agents intervenus sur le chantier, équipement qui a profité à la société Mercury International ; que la société Bati Europe mentionne une somme de 1 000 euro à titre de frais de réception et de 2 990 euro à titre de frais juridique sans produire de pièce pour justifier de leur engagement, ni de ce que les frais juridiques seraient distincts de ceux engagés à l'occasion de la présente procédure et pouvant donner lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que des frais ont été engagés en pure perte du fait des agissements des sociétés Spie et Mercury International ; qu'il y a lieu d'ordonner leur remboursement à hauteur de 6 010 euro.
Considérant que la société Bati Europe fait état d'un préjudice complémentaire sur lequel le tribunal a omis de statuer ; qu'elle fait valoir qu'en raison de l'importance de la masse salariale dont elle devait faire l'avance, elle a pris des engagements financiers pour couvrir la masse salariale et que par ailleurs la perte du chantier de la tour Carpe Diem l'a amenée à fermer son agence de Bordeaux ; qu'elle chiffre ce préjudice à la somme de 70 000 euro ;
Considérant que cette demande repose sur le postulat que le projet d'intégration de toute l'équipe proposée ait abouti ; que la preuve n'en est pas rapportée ; qu'en conséquence il n'est pas démontré que les actes de parasitisme dont elle a fait l'objet ont été à l'origine de la fermeture de son agence de Bordeaux ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Bati Europe a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.