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Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 29 octobre 2014, n° 13-03034

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Isowater Piscines (SARL)

Défendeur :

Piscines Waterair (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseillers :

Mme Soulard, M. Bruneau

Avocats :

SCP Vasseur Petit Riou, Mes Dublanche, Schamber, Staedelin

T. com. Nancy, du 13 sept. 2013

13 septembre 2013

Vu l'appel interjeté le 5 novembre 2013 par la société à responsabilité limitée (SARL) Isowater Piscines à l'encontre du jugement prononcé le 13 septembre 2013 par le Tribunal de commerce de Nancy dans l'affaire l'opposant à la société par actions simplifiées (SAS) Piscines Waterair ;

Vu le jugement entrepris,

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les dernières écritures présentées le :

19 mai 2014 par la SARL Isowater Piscines, appelante à titre principal ;

7 juillet 2014 par la SAS Piscines Waterair, intimée et appelante sur appel incident ;

Vu l'ensemble des éléments et pièces du dossier ;

EXPOSE DU LITIGE

La société Piscines Waterair fabrique des piscines en kit, les accessoires et produits qui s'y rapportent, et les commercialise sous la marque Waterair.

Au cours de l'année 2006, M. Ahmed Sadiki a été démarché par la SAS Piscines Waterair, qui recherchait un concessionnaire pour implanter sa marque et distribuer les piscines qu'elle fabrique sur la zone de Tanger et plus généralement celle du nord du Maroc.

Le 15 septembre 2006, la SAS Piscines Waterair (Waterair) et la SARL Isowater Piscines (Isowater) ont signé un contrat de concession exclusive de commercialisation des Piscines Waterair pour le territoire de Tanger et du nord du Maroc pour une durée de quinze mois, fixant comme objectif la vente de trois piscines par Isowater entre les 15 septembre et 31 décembre 2006 et la vente de dix piscines entre les 1er janvier et 31 décembre 2007, avec la précision que trois mois avant le terme du 31 décembre 2007, les parties définiraient les conditions du renouvellement du contrat ou de la cessation de leurs relations.

Le 9 octobre 2006, M. Ahmed Sadiki a créé à cet effet la SARL Isowater Piscines, dont il est le seul actionnaire et gérant.

Trois mois avant le terme du 31 décembre 2007, les parties n'ont cependant défini ni les conditions du renouvellement du contrat ni la cessation de leurs relations. Cependant les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties aux mêmes conditions que par le passé.

Le 19 octobre 2009, un nouveau contrat de concession à durée déterminée a été signé entre les parties, fixant pour objectifs de vente 20 piscines en 2010 et 25 piscines en 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 29 novembre 2010, expédiée le 6 décembre 2010 par la SAS Piscines Waterair et reçue le 21 décembre suivant par la SARL Isowater Piscines, la première a informé la seconde de sa décision de résilier le contrat "pour faute grave" résultant d'un manque quasi-total d'activité et d'une insuffisance professionnelle, la rupture prenant effet à la première présentation de ladite lettre.

La SARL Isowater Piscines qui négociait alors avec un promoteur la vente de 22 piscines et s'était rapprochée de la SAS Piscines Waterair afin d'obtenir une remise significative sur le prix de vente de celles-ci, a contesté la rupture du contrat et adressé en ce sens une lettre de mise en demeure le 15 avril 2011.

Par assignation du 9 novembre 2011, la SARL Isowater Piscines a fait citer la SAS Piscines Waterair, au visa des dispositions des articles 1134 et 1135 du Code civil ainsi que de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, devant le Tribunal de commerce de Nancy aux fins de voir :

- déclarer la SAS Piscines Waterair entièrement responsable de la rupture sans délai de préavis raisonnable du contrat de concession liant les parties ;

- la condamner au paiement des indemnités réparatrices des chefs de préjudice subis comme suit :

- au titre de la perte des investissements réalisés, des capitaux propres et du fonds de commerce : 251 000 euros

- au titre des stocks : 39 000 euros se décomposant comme suit :

- stock permanent : 36 000 euros

- stock produits non repris : 3 000 euros ;

- au titre des coûts financiers directs : 20 786 euros se décomposant comme suit :

- soldes des crédits-baux : 3 680 euros

- salaires décembre 2010 de 3 salariés : 2 016 euros

- salaire Fahd : 4 690 euros

- licenciement : 4 800 euros

- loyer : 5 600 euros

- au titre du préjudice commercial : 50 000 euros

- au titre de la perte de bénéfices : 500 000 euros

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la SAS Piscines Waterair à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En réplique, la SAS Piscines Waterair a demandé au tribunal de :

- déclarer la demande irrecevable et mal fondée ;

- débouter la SARL Isowater Piscines de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SARL Isowater Piscines à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par exploit d'huissier en date du 18 janvier 2013, la SARL Isowater Piscines a demandé au tribunal de :

- déclarer irrecevable l'exception de nullité soulevée par Waterair, tirée du défaut d'élection de domicile, ayant régularisé la procédure par la voie d'une nouvelle assignation ;

- prononcer la jonction de sa nouvelle assignation avec la procédure initialement introduite le 9 novembre 2011 ;

- lui allouer le bénéfice de son assignation et notamment de sa demande en condamnation de la SAS Piscines Waterair à lui payer la somme totale de 860 786 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience du 15 février 2013, la jonction des deux procédures a été prononcée.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Nancy a :

- condamné la SAS Piscines Waterair à payer à la SARL Isowater Piscines les sommes suivantes :

4 603 euros, à titre de dommages et intérêts ;

3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la SARL Isowater Piscines du surplus de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire'du jugement ;

- condamné la SAS Piscines Waterair aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a tout d'abord retenu l'existence de relations commerciales établies depuis 2006.

Ensuite il a rappelé que le principe du respect d'un préavis raisonnable ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas de manquement grave par l'autre partie à ses obligations contractuelles; que si le contrat fixait en effet à la SARL Isowater Piscines des objectifs de vente, que celle-ci n'avait pas encore remplis à la date à laquelle est intervenue la rupture, la SAS Piscines Waterair avait pris la décision de rompre les relations avant la fin de l'année 2010 alors que les objectifs à atteindre étaient fixés sur une année civile et que le comportement de la SARL Isowater Piscines n'était pas suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate de la relation commerciale établie sans mise en demeure ni préavis. Il a estimé à trois mois la durée du préavis raisonnable, au regard de la durée de la relation commerciale antérieure.

En revanche il a écarté la demande tendant à voir doubler la durée du préavis fondée sur la circonstance que les produits auraient été vendus sous marque de distributeur, au motif que les Piscines Waterair ne répondaient pas à la qualification de produit vendu sous marque de distributeur, leurs caractéristiques n'ayant pas été définies par l'entreprise qui en assurait la vente au détail, en l'occurrence Isowater, celle-ci n'étant pas non plus propriétaire de la marque.

Enfin le tribunal a rappelé que le préjudice, réparé sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce était celui causé par la brutalité de la rupture et non celui causé par la rupture elle-même et était réparé par l'octroi d'une indemnité égale à la marge brute qui aurait pu être réalisée pendant la durée du préavis non accordé, soit au montant du chiffre d'affaires mensuel moyen sur trois mois et multiplié par un taux de marge brute de 32 %.

Par déclaration du 5 novembre 2013, la SARL Isowater Piscines a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives déposées le 19 mai 2014, elle demande à la cour de :

- au besoin sur la nullité,

- déclarer l'exception de nullité irrecevable comme ne reposant sur aucun grief et ayant fait l'objet, en tout état de cause, d'une régularisation ;

- sur le fond ;

Vu les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté la résiliation fautive et anticipée du contrat de concession par Waterair ;

- constater, dire et juger que la société Waterair a rompu, sans respect d'un délai de préavis raisonnable et de façon abusive et irrégulière, le contrat de concession exclusive qu'elle avait souscrit au profit de la société Isowater ;

- infirmer la décision entreprise en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices subis ;

et, statuant à nouveau, lui allouer les indemnités suivantes :

- au titre de la perte des investissements réalisés, des capitaux propres et du fonds de commerce : 251 000 euros

- au titre des stocks : 39 000 euros se décomposant comme suit :

Stock permanent : 36 000 euros

Stock produits non repris : 3 000 euros ;

- au titre des coûts financiers directs : 20 786 euros, se décomposant comme suit :

Soldes des crédits-baux : 3 680 euros

Salaires mois de décembre 2010 de 3 salariés : 2 016 euros

Salaire Fahd : 4 690 euros

Licenciement : 4 800 euros

Loyer : 5 600 euros

- au titre du préjudice commercial : 50 000 euros

- au titre de la perte de bénéfices : 500 000 euros

Total : 860 786 euros, et ce à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la SAS Piscines Waterair de son appel incident ;

- condamner la SAS Piscines Waterair aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Barbara Vasseur, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par écritures récapitulatives déposées le 7 juillet 2014, la SAS Piscines Waterair conclut à voir :

- déclarer l'appel principal mal fondé ;

et statuant à nouveau, vu les articles 2 et 8 du contrat du 19 octobre 2009 et les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil,

- débouter la SARL Isowater Piscines de l'ensemble de ses fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris à l'exception du préavis, de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

- faire droit à son propre appel incident et, sur la demande reconventionnelle en réparation du préjudice pour procédure abusive, dire y avoir lieu à dommages et intérêts ;

- condamner la SARL Isowater Piscines à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la SARL Isowater Piscines aux dépens d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juillet 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 19 mai 2014 pour l'appelante, celles déposées pour l'intimée le 7 juillet 2014 et les pièces régulièrement produites aux débats, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ;

Sur l'exception de nullité

Il convient de constater que l'exception de nullité soulevée en première instance n'est pas maintenue à hauteur de cour.

Au fond

Au soutien de son appel, Isowater fait valoir que les premiers juges ont, à juste titre, fait application des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce à son profit, ils n'ont, ce faisant, pas indemnisé l'intégralité des préjudices qu'elle a subis et qu'elle estime fondés sur les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil.

En réplique, Waterair s'oppose aux demandes de l'appelante, quel que soit leur fondement, au motif que Isowater n'a pas respecté la clause figurant à l'article 2 du contrat, prévoyant un objectif de 20 piscines pour l'année 2010 et de 25 piscines pour l'année 2011, alors que les parties ont entendu conférer à cet article 2, en vertu de l'article 8 du contrat, le caractère de clause fondamentale, et à la clause d'objectif y contenue, le caractère de condition substantielle, permettant la rupture du contrat avant son terme et sans préavis.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6. I.5° du Code de commerce

Selon les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout commerçant de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure."

En l'espèce il est constant qu'une relation commerciale établie a existé entre les parties depuis la signature du premier contrat de concession à durée déterminée le 15 septembre 2006 et ce jusqu'à la résiliation anticipée d'un second contrat à durée déterminée signé le 19 octobre 2009. En effet si, avant le terme du premier contrat, les parties n'ont pas mis par écrit, conformément aux dispositions contractuelles, les conditions du renouvellement du premier contrat, parvenu à son terme le 31 décembre 2007, il ressort tant des écritures des parties que des éléments comptables versés aux débats que le courant d'affaires a été ininterrompu entre les 1er janvier 2008 et 19 octobre 2009, la société Waterair reprochant d'ailleurs à la société Isowater de n'avoir vendu que huit piscines en 2008 et 11 piscines en 2009, et ayant dépêché sur les lieux d'exploitation d'Isowater un chargé de mission, M. Maxime Gress, afin de diagnostiquer et résoudre les difficultés que pouvait rencontrer celle-ci dans le développement de son chiffre d'affaires.

Les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442-6 I.5° précitées se trouvant ainsi réunies, il convient de rechercher si la résiliation du contrat, et par suite de la relation commerciale établie, à laquelle a procédé la société Waterair revêt un caractère brutal.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que, par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 6 décembre 2010 et parvenue à Isowater le 21 décembre suivant, Waterair a signifié à cette dernière la rupture sans préavis et immédiate, et par suite avant le terme du contrat à durée déterminée, soit avant le 31 décembre 2011, motif pris d'une "insuffisance de résultat catastrophique" et estimant que la réalisation de quatre ventes pour un objectif de vingt piscines en 2010 constituait "un manquement notoire à l'article 2 de votre contrat"

Ce faisant, elle se prévalait, comme elle le fait dans le cadre de la présente procédure, des dispositions de l'article 8 du contrat signé par les parties le 19 octobre 2010, relatif à la résiliation anticipée. Celui-ci dispose :

"Le présent contrat sera rompu avant son terme normal et sans préavis, dans les hypothèses suivantes :

manquement notoire à l'une des clauses fondamentales du présent contrat, et notamment aux articles 1, 2, 3 et 5.

Dans les cas ci-dessus, la résiliation devra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception.

A titre d'exemple, l'achat ou la vente de produits similaires ou concurrents par le distributeur, le non-respect des prescriptions techniques constitueraient une violation du présent contrat entraînant la rupture immédiate de celui-ci, sans préjudice pour le fabricant de réclamer à son concessionnaire des dommages et intérêts."

Or l'article 2, s'il fixe in fine les objectifs pour les années 2010 et 2011, a pour objet principal d'édicter des principes de loyauté et de non-concurrence entre les parties comme suit :

"Le fabricant accorde au concessionnaire pour ledit territoire une exclusivité, c'est-à-dire que le fabricant s'interdit de livrer directement ou indirectement sur le territoire contractuel les produits définis au présent contrat."

"Le concessionnaire ne pourra accorder de sous-concession de vente sauf agrément préalable et écrit du fabricant."

"Le distributeur s'interdit de développer une politique de vente active des produits contractuels en dehors du territoire contractuel. Il ne pourra ainsi installer en dehors dudit territoire aucun dépôt, aucune succursale ou filiale, ni faire de la publicité en dehors de celle destinée au territoire ou encore prospecter par tous moyens en dehors de ce territoire."

Viennent seulement ensuite les objectifs fixés au distributeur comme suit :

"les objectifs de vente sont les suivants (commandes confirmées avec acomptes versés) :

du 01/01/10 au 31/12/10 : 20 piscines

du 01/01/11 au 31/12/11 : 25 piscines"

Il est significatif que la société Waterair, rédactrice dudit contrat, n'ait pas inclus, "à titre d'exemple de violation du contrat entraînant la rupture immédiate de celui-ci" comme elle l'a fait pour les cas de concurrence déloyale, le cas où les objectifs susvisés ne seraient pas atteints. En effet, les objectifs de vente ainsi déterminés représentant une obligation de moyens, le fait pour le concessionnaire de ne les avoir pas remplis, malgré les efforts développés, ne saurait s'analyser comme une violation d'une clause fondamentale au sens de l'article 8 du contrat, et justifiant une rupture du contrat avant terme et sans préavis.

Il résulte des éléments de fait précédemment exposés que c'est de manière brutale que la société Waterair, mal fondée en son exception tirée de l'application des dispositions combinées des articles 2 et 8 du contrat de concession du 19 octobre 2009, a procédé à la résiliation dudit contrat sans observer le moindre délai de préavis.

Sur l'application des dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil

Les dispositions de l'article 1135 du Code civil sont inopérantes à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Waterair.

Cependant Isowater invoque également les dispositions des articles 1134 et 1147 du même Code, relatives à la responsabilité contractuelle de droit commun pour rupture fautive des relations contractuelles.

Néanmoins la société Isowater ne peut prétendre être indemnisée que du caractère brutal de la rupture, intervenue sans préavis et avant le terme, et non pas du principe même de la rupture, ainsi qu'il sera démontré ci-après.

En effet, en signant un nouveau contrat le 19 octobre 2009, la société Isowater a accepté les objectifs de vente de 20 piscines en 2010 et 25 piscines en 2011. Or il ressort de l'examen des pièces produites que, à la date du 6 décembre 2010, date d'expédition de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la rupture, Isowater n'avait encore vendu que quatre piscines depuis le début de l'année civile ; que le courriel, qu'elle justifie avoir adressé à Waterair l'informant de la passation imminente d'une importante commande de 22 piscines par un promoteur immobilier de la place en vue de garnir un ensemble immobilier de villas, sous réserve de l'octroi d'une remise significative, est daté du 14 décembre et non pas du 6 décembre, contrairement à ce qu'elle allègue dans ses écritures ; qu'il est dès lors postérieur et vise une opération par nature aléatoire, l'octroi d'une remise n'étant pas de droit.

Dans ces conditions, et compte tenu du caractère atone du marché, de l'avis unanime des parties, puisque le directeur de l'export de la société Waterair elle-même, M. Maxime Gress, indiquait dans le compte-rendu de sa mission des 17 et 18 mars 2009, que "le nord du Maroc n'est naturellement pas une région où la demande de piscines afflue. Est-ce un problème culturel, économique, de climat les explications sont pour l'heure non maîtrisées. Toujours est-il que nous ne pouvons en satisfaire et qu'Isowater, soutenu par Piscines Waterair, se doit d'être offensif", il était légitime que Waterair envisage, à la date du 6 décembre 2010, à laquelle elle a expédié sa lettre recommandée avec accusé de réception, une cessation des relations commerciales entre les parties, sous réserve toutefois de respecter un délai de préavis raisonnable au regard de la durée et de l'importance de la relation commerciale établie.

Par suite, la cour déclare l'action bien fondée sur le seul fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce à l'exclusion de celui de l'article 1147 du Code civil.

Il y a donc lieu de déterminer le délai de préavis raisonnable que Waterair aurait dû accorder à son concessionnaire évincé pour trouver un autre partenaire ou toute autre solution de remplacement, ou encore organiser sa reconversion. Il convient, pour ce faire, de tenir compte de la durée des relations commerciales établies, de l'état de dépendance économique de Isowater vis à vis de Waterair, enfin de l'importance des investissements réalisés par Isowater.

A cet égard, il convient de retenir que les relations commerciales établies entre les parties remontaient au 15 septembre 2006, soit à quatre ans et trois mois (si l'on tient compte de la réception de la lettre de rupture le 21 décembre 2010). D'autre part, il s'agissait d'une concession exclusive, emportant un état de totale dépendance économique de Isowater par rapport à Waterair. Enfin les investissements réalisés par Isowater étaient importants ainsi qu'il ressort des bilans produits pour les années 2007, 2008 et 2010, faisant apparaître des augmentations successives de capital provenant d'apports en compte courant de l'associé unique, M. Sadiki, de même que les efforts publicitaires s'avèrent substantiels au vu des annexes n° 40, 41 et 42 de l'appelante. L'ensemble de ces éléments permet à la cour de fixer la durée du préavis raisonnable à six mois, réformant sur ce point le jugement entrepris.

En revanche, il n'y a pas lieu, comme l'a bien jugé le tribunal de commerce, d'appliquer la disposition de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, relative au doublement de la durée minimale de préavis à raison de la fourniture de produits sous marque de distributeur, les caractéristiques des piscines vendues n'ayant pas été définies par Isowater, qui en assurait la vente au détail et qui n'était pas davantage propriétaire de la marque sous laquelle étaient vendues les Piscines Waterair.

De même c'est à bon droit que les premiers juges, aux fins d'évaluer le préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie, se sont fondés sur la marge brute qui aurait pu être réalisée pendant la durée du préavis non accordé. Cette dernière étant augmentée à six mois par le présent arrêt, il convient de fixer l'indemnité réparatrice selon le calcul suivant :

4 795 euros (chiffre d'affaires mensuel moyen non contesté) x 6 x 32 % (taux de marge brute) = 9 206 euros.

En conséquence, il y a lieu de déclarer partiellement fondé l'appel principal et de réformer le jugement critiqué sur le montant de l'indemnité allouée.

Sur l'appel incident

Dans ses motifs, la société Waterair invoque le caractère abusif tant de la procédure que de l'appel formé par la société Isowater. Cependant dans son dispositif, elle réduit son appel incident à une demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Quoi qu'il en soit, la cour confirme le jugement sur le principe de la responsabilité de la société Waterair sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° et augmente le montant des dommages et intérêts alloués en réparation de son préjudice à la société Isowater. En conséquence, ni la procédure ni l'appel ne sauraient être déclarés abusifs et l'appel incident doit être rejeté.

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

L'issue du litige justifie de mettre à la charge de la société Piscines Waterair, qui succombe principalement en ses prétentions, les dépens d'appel, et de la condamner au paiement d'une indemnité d'un montant de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Constate que l'exception de nullité n'est pas maintenue à hauteur de cour, Déclare l'appel principal partiellement fondé ; Déclare l'appel incident mal fondé et le rejette ; Infirme le jugement entrepris sur le montant de l'indemnité allouée ; Et statuant à nouveau dans cette limite, Condamne la SAS Piscines Waterair à payer à la SARL Isowater Piscines la somme de neuf mille deux cents six euros (9 206 euros) à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent arrêt ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Condamne la SAS Piscines Waterair à payer à la SARL Isowater Piscines la somme de trois mille euros (3 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Condamne la SAS Piscines Waterair aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Barbara Vasseur avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.