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Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 29 octobre 2014, n° 13-02204

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Villars Maitre Chocolatier (SA)

Défendeur :

Brune & Co (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Meslin

Conseillers :

M. Brisquet, Mme Thomas

Avocats :

SCP Millot-Logier, Fontaine, Selarl Leinster Wisniewski Mouton Gérard, Mes Moreuil, Oliveira

T. com. Nancy, du 6 avr. 2009

6 avril 2009

Vu la déclaration de saisine présentée le 17 juillet 2013 par la société de droit étranger Villars Maître Chocolatier (société VMC), sur renvoi après cassation partielle prononcée par arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation le 25 juin 2013 d'une décision de la cour de céans du 29 juin 2011 (arrêt 11-1950) ayant statué sur l'appel formé contre le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy le 6 avril 2009, dans une affaire opposant la société déclarante à la société à responsabilité limitée Brune & Co (société Brune),

Vu le dit arrêt du 29 juin 2011,

Vu, présentées par ordre chronologique les ultimes écritures présentées le :

- 5 juin 2014 par la société Brune, défenderesse à la saisine sur renvoi après cassation,

- 13 juin 2014 par la société VMC, demanderesse à la saisine sur renvoi,

Vu l'ensemble des éléments et pièces du dossier.

Sur ce,

LA COUR se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.

Il suffit de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel des parties.

1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société VMC a par contrat du 28 février 2001, confié à la société Brune, un mandat exclusif d'agent commercial pour la vente de sa gamme de chocolats sur tout le territoire français, en contrepartie d'une commission de 9 % du montant hors taxe de toute facture correspondant aux ventes de son secteur, après déduction des ristournes et budgets de coopération versés.

Nonobstant l'exclusivité stipulée au bénéfice de l'agent, les parties sont rapidement convenues de déroger à cet article du contrat litigieux : d'autres agents ont ainsi pu contracter auprès de la société VMC, soit directement, soit après une période d'essai d'un an sous contrat Brune & Co. La société VMC a passé, en accord avec la société Brune & Co, des contrats avec les sociétés Soudy et associés, Diago, Agence Schlesser, Agence commerciale Yves Simon (Acys), Soredis (remplacée par Agence Michel Madelon), Avena et Chosson.

De son côté, la société Brune a courant juin 2003, sollicité l'accord de son mandant pour être autorisée à commercialiser certains produits d'une entreprise concurrente (la société Maestrani), par dérogation à l'interdiction posée à l'article 5.6 du contrat et à l'article L. 134-3 du Code de commerce : cet accord lui a été donné par lettre du 28 juillet 2003.

La société VMC a encore par avenant du 30 septembre 2004, accepté de verser à la société Brune & Co une rémunération forfaitaire annuelle de 54 882 euro hors taxe au titre du déploiement commercial de la marque Villars en France outre une commission additionnelle de 4 % jusqu'au 1er octobre 2006 au titre du merchandising.

La société Brune a enfin obtenu l'accord, sous certaines réserves, de la société VMC pour qu'une société créée par elle courant décembre 2003, commercialise des chocolats concurrents sur le territoire français.

Par lettre du 7 février 2007, la société VMC a notifié à la société Brune la cessation du contrat, avec un préavis de 3 mois. Elle a à cette occasion, versé à son agent commercial une indemnité de cessation de contrat de 379 384, 95 euro " sous les plus expresses réserves ".

Les parties ne sont pas parvenues à s'accorder sur certaines rémunérations restant impayées, ni sur le montant de l'indemnité de fin de contrat due à la société Brune.

Cette dernière a donc assigné la société VMC en paiement de ces éléments.

Par jugement du 6 avril 2009, le Tribunal de commerce de Nancy a énoncé sa décision sous forme de dispositif comme suit :

- déclare la SARL Brune & Co fondée en sa demande en paiement du solde des commissions dues au titre de la période de préavis, mais en révise le montant,

- condamne, en conséquence, la SA Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de 1 484,54 euro outre les intérêts légaux à compter du 7 juin 2007,

- déclare la SARL Brune & Co mal fondée en sa demande en paiement des commissions dues au titre de la régularisation des coopérations commerciales conservées par la SA Villars Maître Chocolatier,

- l'en déboute,

- déclare la SARL Brune & Co fondée en sa demande d'indemnité de rupture de contrat d'agence commerciale, mais en révise le montant,

- condamne, en conséquence, la SA Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de 323 635,72 euro outre les intérêts légaux à compter du 21 août 2007 avec capitalisation annuelle des intérêts,

- déclare la SARL Brune & Co mal fondée en sa demande visant à obtenir des éléments comptables au titre du règlement par la SA Villars Maître Chocolatier des coopérations commerciales négociées avec les centrales,

- l'en déboute,

- condamne la SA Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co une somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- déclare la SARL Brune & Co non fondée sur le surplus de ses demandes,

- l'en déboute,

- déclarer la SA Villars Maître Chocolatier mal fondée en toutes ses demandes,

- l'en déboute,

- autorise l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toute voie de recours et sans caution.

Sur appel de la société Brune, la Cour d'appel de Nancy autrement composée a statué en ces termes :

- infirme le jugement rendu le 6 avril 2009 par le Tribunal de commerce de Nancy, sauf en ce qu'il a reconnu le droit à indemnité de rupture de contrat d'agence commerciale de la SARL Brune & Co ainsi que son droit aux commissions pour la période de préavis,

- statuant à nouveau,

- condamne la société Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de 19 367, 50 euro HT au titre des arriérés de commissions outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamne la société Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme provisionnelle de 100 000 euro au titre des commissions pour la période du 7 mai au 31 décembre 2007,

- enjoint à la société Villars Maître Chocolatier de communiquer à la SARL Brune & Co toutes informations comptables permettant d'établir le montant des provisions passées au titre des accords de référencements pour les exercices 2006 et 2007 ainsi que les factures réglées à ce titre pour ces exercices et ce, sous astreinte de 200 euro par jour passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision à la société VMC,

- enjoint à la société Villars Maître Chocolatier de communiquer à la SARL Brune & Co toutes informations comptables permettant d'établir le montant des commissions dues pour cette période et ce sous astreinte de 200 euro par jour passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision à la société VMC,

- condamne la SARL Brune & Co à payer à la société Villars Maître Chocolatier la somme de 38,38 euro,

- condamne la société Villars Maître Chocolatier à payer à la SARL Brune & Co la somme de 950 000 euro au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, sous déduction de la somme de 379 384,95 euro versée lors de la rupture du contrat et celle versée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance,

- constate que la société Villars Maître Chocolatier a repris à son compte les contrats passés entre la SARL Brune & Co et ses sous-agents,

- rejette les autres demandes,

- confirme ledit jugement en ses dispositions concernant l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que concernant les dépens,

- dit que les dépens de l'instance seront supportés par moitié par chacune des parties, dont distraction au profit des avoués de la cause.

Sur pourvoi de la société VMC la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a par arrêt du 25 juin 2013 (pourvoi 11-25.528), cassé et annulé l'arrêt de la cour de céans précité " mais seulement en ce qu'il a enjoint à la société Villars Maître Chocolatier de communiquer à la société Brune & Co toutes informations comptables permettant d'établir le montant des provisions passées au titre des accords de référencement pour les exercices 2006 et 2007 et les factures réglées à ce titre pour ces exercices, sous astreinte de 200 euro par jour passé un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à la société VMC ainsi que toutes informations comptables permettant d'établir le montant des commissions dues, à ce titre, pour cette période, sous la même astreinte, et rejeté les autres demandes de la société Villars Maître Chocolatier, l'arrêt rendu le 29 juin 2011 entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy, autrement composée,

- condamne la société Brune & Co au dépens,

- vu l'article 700 du Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Villars Maître Chocolatier la somme de 3 000 euro et rejette sa demande."

Les motifs venant au support de ce dispositif comme suit :

" Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche,

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour enjoindre à la société VMC de communiquer, sous astreinte, à la société Brune toutes informations comptables permettant d'établir le montant des provisions passées au titre des accords de référencement et celui des commissions dues pour les exercices 2006 et 2007 ainsi que les factures réglées à ce titre pour ces exercices, l'arrêt retient qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la société Brune dès lors que les facturations des budgets de coopération commerciale ont nécessairement été édités dans l'année de la conclusion des accords de négociation commerciale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 10.1 du contrat stipulait que la société Brune recevrait une commission égale à 9 % du montant net hors taxes des factures correspondantes déduit de toutes ristournes et budget, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé le texte susvisé ; "

Et sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société VMC, l'arrêt retient que l'accord conclu par la société Brune avec la société Carrefour permettait à la société VMC de modifier ses tarifs et qu'il n'est pas justifié que la mandante n'ait pas pu y procéder ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société VMC qui soutenait que la société Brune avait violé son obligation de respecter strictement les directives de la mandante pour les tarifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; "

La société Brune & Co a déclaré saisine de la cour de céans le 17 juillet 2013.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 juin 2014 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 18 juin suivant tenue en formation collégiale pour y être plaidée.

A cette date, l'affaire a été renvoyée à la demande des parties à l'audience de plaidoiries du 2 juillet 2014 tenue en formation collégiale.

A cette dernière audience, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré.

2. Prétentions et Moyens des parties

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile ;

Les conclusions des parties ci-avant visées, récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants :

La société Brune demande qu'il plaise à la cour de :

- vu les pièces versées aux débats,

- vu l'article 638 du Code de procédure civile,

- vu l'article 1134 et suivants du Code civil,

- vu les articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce,

- vu les articles R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce,

- vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 2013,

- dire et juger que les parties ont accepté et reconnu que l'article 10.1 du contrat d'agence signé le 28 février 2001 entre la société Brune & Co et la société Villars Maître Chocolatier devait être compris en ce sens que les budgets de référencement non réglés par la société Villars devaient être réintégrés dans l'assiette de calcul des commissions de la société Brune & Co,

- condamner la société Villars Maître Chocolatier au paiement d'arriérés des commissions dues sur le chiffre d'affaires réalisé entre 2001 et décembre 2007 après réintégration des budgets de référencement et de coopération commerciale qui n'ont pas été effectivement payés par la société Villars,

- et pour fixer le montant des commissions visées ci-dessus, condamner la société Villars Maître Chocolatier à communiquer à la société Brune & Co toutes les informations, en particulier les documents comptables et commerciaux (accords de référencement, factures acquittées), nécessaires à la vérification des commissions qui lui sont dues, conformément à l'article R. 134-3 du Code de commerce sous astreinte de 500 euro par jour à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- ordonner à la société Villars Maître Chocolatier de payer à la société Brune & Co les commissions visées ci-dessus, conformément au contrat, dès réception de la facture établie par la société Brune & Co grâce aux informations dont il est demandé la communication ci-dessus,

- à titre provisionnel, condamner la société Villars Maître Chocolatier à payer à la société Brune & Co la somme de 41 106 euro dont le principe et l'exigibilité ont été reconnus par la société Villars dans son courriel du 8 mars 2007,

- dire que les intérêts de droit courront à compter de leur date d'exigibilité,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- dire et juger que les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy censurées par la Cour de cassation dans sa décision du 25 juin 2013 au visa de l'article 455 du Code de procédure civile visent uniquement la faute prétendument commise par la société Brune & Co au titre du contrat Carrefour 2007,

- dire et juger, dans tous les cas, que la société Brune & Co n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat et qu'en tout état de cause ces faits étaient connus de la société Villars avant la cessation du contrat et le paiement d'indemnité effectué le 6 juillet 2007 et qu'elle n'a pas entendu s'en prévaloir au moment de la résiliation du contrat d'agence,

- dire et juger que la société Brune & Co n'a commis aucune faute l'obligeant à réparer le préjudice allégué par la société Villars Maître Chocolatier au titre des contrats Carrefour 2006 et 2007,

- débouter la société Villars Maître Chocolatier de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nancy sur ce point et pour le surplus,

- constater que la société Villars Maître Chocolatier n'a pas exécuté l'arrêt du 29 juin 2011 pour ce qui concerne les commissions dues sur le chiffre d'affaires réalisé entre mai 2007 et décembre 2007,

- condamner la société Villars Maître Chocolatier à payer à la société Brune & Co la somme de 313 526 euro au titre des commissions dues sur le chiffre d'affaires réalisé entre mai 2007 et décembre 2007, après la cessation du contrat d'agent commercial par la société Villars maître Chocolatier, en application des accords de référencement nationaux signés avec les enseignes nationale par la SARL Brune & Co pendant le contrat, déduction faite de la provision de 100 000 euro déjà versée,

- débouter la société Villars Maître Chocolatier de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Villars Maître Chocolatier à payer à la société Brune & Co la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Villars Maître Chocolatier aux dépens tant d'instance que d'appel.

La société VMC prie la cour de :

- vu l'article 480 du Code de procédure civile,

- vu l'article 624 du Code de procédure civile,

- vu l'article 638 du Code de procédure civile,

- vu l'article 13251 [sic] du Code civil,

- vu l'article 1134 du Code civil,

- vu l'article R. 134-3 du Code de commerce,

- constater que les chefs du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 29 juin 2011 relatifs aux arriérés de commissions ne sont pas atteints par la cassation,

- en conséquence,

- dire et juger les demandes de Brune & Co formées au titre d'un arriéré de commissions se heurtent à l'autorité de la chose jugée,

- débouter Brune & Co de l'ensemble de ses demandes,

- au surplus,

- dire et juger que Brune & Co a commis des fautes graves privatives d'indemnité de cessation de contrat et de préavis,

- constater que ces fautes n'ont été révélées à Villars Maître Chocolatier que postérieurement à la rupture du contrat et au paiement effectué le 6 juillet 2007,

- condamner Brune & Co à rembourser à Villars Maître Chocolatier l'ensemble des sommes en principal et intérêts versées à titre d'indemnité de cessation du contrat, augmentées des intérêts au taux légal à compter de leur versement, avec capitalisation des intérêts,

- condamner Brune & Co à rembourser à Villars Maître Chocolatier la somme de 102 027 euro qui leur a été versée à titre de commissions pendant la durée du préavis, augmentée des intérêts au taux légal à compter des paiements effectués avec capitalisation des intérêts,

- en tout état de cause,

- dire et juger que Brune & Co a commis des fautes qui ont causé un préjudice à Villars Maître Chocolatier,

- condamner Brune & Co à payer à Villars Maître Chocolatier la somme de 342 664,77 euro à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2008, date des premières conclusions de Villars Maître Chocolatier en ce sens, et capitalisation des intérêts,

- condamner Brune & Co à payer à Villars Maître Chocolatier la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Brune & Co aux dépens lesquels seront recouvrés par la SCP Millot Logier & Fontaine, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé lors de l'analyse des prétentions et moyens articulés.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérations élémentaires

1. Sur les points de contestation entre les parties

Attendu que les seuls points de contestation dont la cour demeure aujourd'hui saisie par suite de la rupture du contrat d'agence commerciale que la société Villars avait consenti à la société Brune, se rapportent à l'injonction faite à la société VMC de communiquer sous astreinte certaines informations comptables relatives aux exercices 2006 et 2007, d'une part et au mérite de la demande de cet agent commercial tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de rupture et de préavis, d'autre part ;

2. Sur la structure des motifs de cette décision

Attendu que pour respecter la logique d'ensemble des écritures présentées par les parties, les lignes de force des motifs de cette décision s'ordonneront autour de deux axes principaux se rapportant à ces deux points d'achoppement ;

1. Sur l'injonction tendant par application de l'article R. 134-3 du Code de commerce, à l'obtention d'informations comptables se rapportant aux exercices 2006 et 2007, permettant de vérifier le calcul du montant des commissions dues à la société Brune

Attendu que la société VMC observe : - que les premiers juges avaient à juste titre débouté la société Brune de ce chef de demande en relevant que, compte tenu de l'article 10. 2 du contrat liant les parties prévoyant le versement d'une commission égale à 9 % du montant net hors taxes des factures correspondantes déduit de toutes ristournes et budget, il ne convenait pas de réintégrer dans la base de calcul du solde de commissions réclamé, les budgets de coopération commerciale ; - que par suite, sans violer l'article 1134 du Code civil, elle n'est redevable d'aucune commission sur les budgets de marge arrière que la société Brune a négocié avec la clientèle ; - que quoi qu'il en soit, elle a déjà communiqué ces éléments comptables en exécution de l'arrêt du 29 juin 2011 de sorte que ce chef de demande de la partie adverse est désormais sans objet ;

Attendu que la société Brune répond : - qu'en application du contrat passé entre eux, le chiffre d'affaires pris en compte au titre de l'assiette de calcul des commissions, doit être corrigé des réductions de prix éventuellement consenties par elle dans le cadre des négociations tarifaires avec les clients ; - qu'une réduction n'est cependant envisageable que pour autant que le montant dû au titre de ces accords (ristournes ou budgets), a été effectivement réglé par la société Villars et ainsi réduit le chiffre d'affaires de cette dernière ; - que précisément, la société Villars a reconnu par lettre du 18 avril 2007 le principe de créance de son adversaire mais en a contesté le quantum ; - que la cour d'appel censurée n'a donc pas dénaturé les termes du contrat d'agence ni la volonté des parties en retenant que l'article 10.2 de cet accord devait être compris en ce sens que les budgets de référencement non réglés devaient être réintégrés dans l'assiette de calcul des commissions de la société Brune ; - qu'elle est en droit d'obtenir les arriérés de commissions qui lui sont dus et par suite, les éléments comptables permettant de déterminer ceux des budgets de référencement et de coopération commerciale qui n'ont pas été effectivement payés par son ex mandant ;

Vu les articles L. 134-4 et R. 134-3 du Code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que l'agent commercial est en droit d'obtenir du mandant les documents comptables nécessaires pour établir le montant des commissions qui lui resteraient dues ;

Attendu que dans les circonstances précises de cette espèce, l'article 10.2 du contrat applicable prévoit : " Durant toute la période de son contrat l'agent percevra, sur les ventes de son secteur, une commission égale à 9 % du montant net hors taxes des factures correspondantes déduit de toutes les ristournes et budgets " ;

Attendu que dès lors que le montant des commissions dues doit être déterminé en fonction des modalités du contrat, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièces comptables exprimée par la société Brune fondée sur le fait que selon elle, les sommes finalement non versées au titre des budgets de référencement doivent être réintégrées dans le calcul des commissions dues par la société Villars à son agent ;

Attendu en effet que la réintégration dans la base de calcul des commissions de sommes non encore réglées à la date de cessation du contrat par la société VMC qui en reste débitrice ne se justifie pas, dans la mesure où ces sommes correspondent à des budgets de coopération commerciale contractuellement exclus de la base de calcul des commissions dont s'agit ;

Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, la demande de la société Brune sera écartée :

2. Sur le bien-fondé de la demande de la société Brune en paiement d'une indemnité de cessation de contrat et de la demande de la société VMC en paiement de dommages et intérêts

2.1. En ce qui concerne le paiement d'une indemnité de cessation de contrat

Attendu que la société Villars explique pouvoir se prévaloir de fautes de gravité indiscutable commises par son mandataire, excluant que ce dernier bénéficie d'une indemnisation pour rupture des relations contractuelles ;

Qu'elle indique à cette fin : - qu'alors que la rupture du contrat litigieux était intervenue le 7 février 2007 et que l'indemnité de rupture y afférente avait été versée le 6 juillet suivant, elle a en effet découvert le 27 juillet 2007 que l'une des enseignes avec lesquelles elle était en relation d'affaires, l'enseigne Carrefour, n'avait en réalité, contrairement à ce que son ancien agent lui avait affirmé, pas accepté l'augmentation de tarif de 5,5 % fixée au 1er juin précédent en application de sa politique commerciale pour 2007 ; - qu'elle a par ailleurs découvert postérieurement à la rupture du contrat d'agence, que contrairement à ses affirmations, la société Brune avait bien trompé sa confiance en signant le 30 juin 2006 un accord national avec le groupe Carrefour ; - qu'elle en a obtenu la preuve formelle le 7 janvier 2008 ; - que la société Brune a quoi qu'il en soit également manqué à son devoir de loyauté en affirmant de manière mensongère que cet accord n'avait en réalité pas été conclu ; - que ces divers manquements constitutifs de fautes graves, ont nécessairement entraîné une perte de confiance rendant la poursuite du mandat d'agence impossible et fondant une perte d'indemnités pour rupture et de préavis ; - qu'elle est en droit d'obtenir la condamnation de la société Brune à lui rembourser, en principal et intérêts, l'ensemble des sommes versées à titre d'indemnité de cessation de contrat outre, 102 027 euro correspondant aux commissions versées pendant la durée de préavis laquelle se trouve comprise entre le 8 février et le 7 mai 2007 ;

Attendu que la société Brune répond que les dispositions de l'arrêt de la cour de céans autrement composée du 29 juin 2011 visées par son adversaire ne sont pas atteints par la censure de l'arrêt de cassation du 25 juin 2013 et que dès lors, la société Villars ne peut être accueillie en ses dernières réclamations ;

Qu'elle expose : - que la société Villars, à l'origine de la résiliation du contrat d'agence commerciale, n'a fait état d'aucune faute dans la lettre de résiliation qu'elle lui a adressée le 7 février 2007 ; - que seule une faute grave est de nature à priver un agent commercial de l'indemnité légale de cessation de contrat et du droit de préavis ; - qu'une telle faute implique que le mandant démontre avoir formulé des " reproches ou mises en garde " à son agent " sur son comportement pendant l'exécution du contrat " ; - que la réalité d'une telle faute n'est en l'espèce nullement établie, à telle enseigne que la société Villars a spontanément versé courant juillet 2007, une somme de 379 384, 95 euro à titre d'acompte sur l'indemnité de cessation de contrat exigible ; - que la contestation a posteriori de cette exigibilité n'est fondée sur aucun élément de preuve ;

Qu'elle précise : - qu'elle a négocié courant juin 2006 avec l'enseigne Carrefour, avec l'accord de son mandant ainsi qu'en atteste un courriel que ce dernier lui a adressé le 28 novembre 2006, un accord commercial national portant sur des services de coopération commerciale d'un montant de 300 000 euro ; - qu'elle n'a jamais caché à la société Villars, la teneur des négociations passées avec la société Carrefour ainsi que plusieurs documents produits aux débats (voir pièces 10 et 16 outre, les pièces adverses n° 19 et 20) le démontrent ; - que la société Villars ne peut sérieusement soutenir avoir découvert la réalité de ces négociations postérieurement à la rupture du contrat litigieux en 2007, alors que ces modalités commerciales ont été appliquées en 2006 ; - qu'elle a toujours respecté les directives de son mandant ; - qu'il n'est au demeurant pas exact de soutenir que la politique commerciale suivie par la société Villars avec l'enseigne Carrefour excluait la négociation d'un accord national avec la centrale de cette enseigne ; - que la lecture du contrat Carrefour sur lequel la société Villars appuie son argumentation établit que les conditions commerciales négociées sont conformes aux échanges intervenus entre les parties et qu'elles étaient ainsi parfaitement connues de la société Villars ; - que les marges arrières sont par ailleurs organisées par un contrat de service distinct, moyennant une rémunération forfaitaire de 300 000 euro ; - qu'elle a également respecté les directives de la société Villars pour 2007 en obtenant l'accord de Carrefour pour une augmentation de tarifs, sans que la société Villars qui restait chargée des relations avec la clientèle n'ait fait le nécessaire dans les délais, pour que ces tarifs entrent en vigueur ; - que son adversaire ne peut donc lui imputer à faute ses propres carences ;

Vu les articles 1134 du Code civile et L. 134-13, 1° du Code de commerce :

Attendu qu'il ressort de ces dispositions que l'agent ne peut prétendre à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice que lui cause la cessation du contrat si cette dernière est provoquée par la faute grave qu'il a commise, précision étant faite que cette gravité relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ; qu'une telle faute est pour l'essentiel, celle portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel ; que par ailleurs, la preuve de cette faute incombe au mandant voulant échapper au paiement de l'indemnité sauf à l'agent commercial fautif qui pour justifier son comportement invoquerait une faute antérieure de son mandant à rapporter à son tour, la preuve de la faute de ce dernier ;

Attendu que dans les circonstances de la présente espèce, la lettre de rupture du contrat d'agence commerciale litigieux, établie le 6 juillet 2007 par la société VMC, a été adressée dans les termes suivants : " Nous vous informons par la présente avoir donné l'ordre à notre relation bancaire (...) de vous adresser ce jour (...) 379 384, 95 euro au titre de votre indemnité de cessation de contrat selon décompte annexé. Cette indemnité correspond, conformément à l'article 12.2. du contrat qui nous liait et à l'article L. 134-12 du Code de commerce, au préjudice que vous subissez du fait de la cessation dudit contrat (...). Enfin, nous vous précisons que le paiement ci-joint intervient sous les plus expresses réserves. Nous considérons en effet avoir subi un préjudice très important qu'il vous incombe de réparer : - D'une part, il apparaît que vous nous avez refacturé divers produits (chalets de bois notamment) avec une marge de l'ordre de 15 %, sans notre accord, ce qui constitue un manquement manifeste à l'obligation de loyauté qui vous incombait en votre qualité de mandataire. Nous ne manquerons pas de vous réclamer le remboursement de ces sommes dès que leur montant aura été définitivement arrêté. D'autre part, vous avez sans notre accord et au mépris des termes pourtant parfaitement clairs du contrat qui nous liait - promis à divers clients de notre société en France une marge arrière considérable. Mis devant le fait accompli, nous n'avons eu d'autre solution que d'honorer les engagements que vous aviez souscrits en notre nom. Nous avons ainsi subi une perte de marge sur le chiffre d'affaires très importante. Nous ne manquerons pas de vous réclamer l'indemnisation de ce préjudice dès que son montant aura été définitivement arrêté. " [soulignement ajouté];

Attendu qu'il s'évince de ce document que loin de ne se rapporter à aucune faute, cette lettre faisait bien état d'un manquement à l'obligation de loyauté essentielle au mandat d'intérêt commun litigieux ; que l'indemnité versée au titre de la cessation du contrat était remise avec " les plus expresses réserves " ; que la société Villars démontre au demeurant par les éléments documentaires qu'elle produit aux débats que, contrairement aux affirmations de son mandataire le 6 novembre 2006 par ailleurs assorties d'un document tronqué (voir pièce 16), elle a découvert le 7 janvier 2008, que son agent avait bien signé le 30 juin 2006 un accord commercial d'envergure nationale avec l'enseigne Carrefour sans son autorisation préalable (voir pièce n° 24) ; que ces agissements sont à eux seuls constitutifs d'une faute grave évidente justifiant une perte de confiance rendant impossible le maintien des relations contractuelles ;

Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, la société Brune ne saurait obtenir le paiement d'une indemnité de cessation de contrat ; qu'elle ne justifie en effet en rien de la preuve contraire, les arguments présentés par elle ne pouvant à suffisance et à eux seuls, établir le respect par elle de son obligation de transparence envers son mandant ; qu'elle tente ainsi notamment de justifier son comportement par des pièces que son adversaire lui oppose et qui à l'inverse, permettent de caractériser son manque de loyauté flagrant (voir pièce 15, en lien avec les pièces 16 et 24) ;

2.2. En ce qui concerne la demande d'attribution de dommages et intérêts présentés par la société VMC

Attendu que la société VMC conclut encore être fondée à solliciter la condamnation de la société Brune à réparer le préjudice qu'elle lui a causé par ses agissements contraires à la loi contractuelle, le quantum de ce préjudice équivalant à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires réalisé par elle auprès du Groupe Carrefour en 2006 et sur une courte période en 2007 ; - que pour 2006, la perte de marge brute correspond ainsi à l'écart entre le budget de marge arrière initialement provisionné et le budget de marge arrière rectifié au vu de l'accord conclu par la société Brune & Co soit 291 691 euro alors que pour 2007, la perte de marge brute correspond à l'augmentation tarifaire (5,5 %) prévue à compter du 1er juin, appliquée au chiffre d'affaires réalisé entre cette date et le 18 septembre, date d'entrée en vigueur du nouveau tarif soit 45 973, 77 euro ; - que finalement la société Brune doit être condamnée au paiement d'une somme globale de 342 664, 77 euro à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société Brune ne conteste pas sérieusement ces chiffres, se bornant à soutenir qu'elle n'a commis aucune faute susceptible de conduire à l'octroi de dommages et intérêts ;

Qu'il sera subséquemment fait droit à ce chef de demande dans les termes du dispositif de cette décision ;

3. Sur les autres demandes

Attendu qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Vu les articles 696 et 699 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Brune qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Millot Logier & Fontaine, avocats ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que l'équité commande de condamner la société Brune à verser à la société VMC une indemnité de 7 000 euro à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, autrement composée : Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Vu l'arrêt de la Chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation du 25 juin 2013 (pourvoi n° 11-25.528), Statuant dans les limites de cassation de cet arrêt, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société à responsabilité limitée Brune & Co fondée en sa demande d'indemnité de rupture de contrat d'agence commerciale et en son droit à commissions pour la période de préavis, d'une part et en ce qu'il a rejeté les autres demandes de la société Villars Maître Chocolatier, d'autre part mais le confirme en ce qu'il a déclaré la société à responsabilité limitée Brune & Co mal fondée en sa demande visant à voir enjoindre à la société anonyme Villars Maître Chocolatier de communiquer à la société à responsabilité limitée Brune & Co, toutes informations comptables permettant d'établir le montant des provisions passées au titre des accords de référencement pour les exercices 2006 et 2007 ainsi que les factures réglées à ce titre pour ces exercices ainsi que toutes informations comptables permettant d'établir le montant des commissions dues, à ce titre, pour cette période, sous la même astreinte, L'infirme encore du chef des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant de nouveau de ces chefs infirmés, Débouté la société à responsabilité limitée Brune & Co de sa demande d'injonction de documents comptables, Débouté la société à responsabilité limitée Brune & Co de sa demande d'indemnité de cessation de contrat d'agence commerciale et d'indemnité de préavis et la condamne à rembourser à la société anonyme Villars Maître Chocolatier : - l'ensemble des sommes en principal et intérêts versées à ce titre, augmentées des intérêts au taux légal à compter de leur versement, avec capitalisation des intérêts, dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil, - la somme de cent deux mille vingt-sept euros (102 027 euro) versée à titre de commissions pendant la durée du préavis avec intérêts au taux légal à compter des paiements effectués et avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société à responsabilité limitée Brune & Co à payer à la société anonyme Villars Maître Chocolatier trois cent quarante-deux mille six cent soixante-quatre euros soixante-dix-sept centimes (342 664, 77 euro) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2008 et capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société à responsabilité limitée Brune & Co aux entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Millot Logier Fontaine, avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société à responsabilité limitée Brune & Co à payer à la société anonyme Villars Maître Chocolatier sept mille euros (7 000 euro) à titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.