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Décisions

Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-22.726

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Berktas; Voinot (ès qual.)

Défendeur :

Fives Cryo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Piwnica, Molinié

Paris, pôle 5 ch. 11, du 14 juin 2013

14 juin 2013

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal de M. Voinot, en qualité de liquidateur judiciaire de M. Berktas, que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Fives Cryo ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fives Cryogénie, devenue Fives Cryo, qui fabrique des échangeurs thermiques et des pompes cryogéniques, a confié pendant plusieurs années des travaux de soudure à M. Berktas, entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne "HB Soudure" ; que M. Berktas ayant été mis en liquidation judiciaire le 15 septembre 2009, son liquidateur, M. Voinot, a fait assigner la société Fives Cryo en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable : - Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; - Attendu que pour retenir l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties, l'arrêt, après avoir rappelé que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, par la généralité de ses termes, s'applique à toute relation suivie, stable et habituelle, se borne à relever que la société Fives Cryo passait des commandes régulières à M. Berktas depuis le quatrième trimestre 2003 et que le chiffre d'affaires de ce dernier était réalisé, pour plus de 95 %, par ces commandes, ce qui l'autorisait à anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter les objections de la société Fives Cryo qui faisait valoir qu'elle passait systématiquement un appel d'offres pour chacune de ses commandes auprès, d'une part M. Berktas, d'autre part une société sœur, la Fives Norton, qu'elle n'était pas liée à M. Berktas par un contrat-cadre et qu'elle ne lui avait jamais garanti un chiffre d'affaires minimum, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ; - Attendu qu'après avoir retenu la brutalité de la rupture intervenue en juin 2009 sans préavis, l'arrêt, pour limiter l'indemnisation de M. Voinot, ès qualités, retient qu'il convient de tenir compte aussi de l'absence d'exclusivité, de droit ou de fait, imposée à M. Berktas, qui n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à sa situation de dépendance ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans avoir constaté que la dépendance économique de M. Berktas résultait d'un choix délibéré de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt alloue à M. Voinot, ès qualités, une indemnité au titre de la perte de marge brute subie pendant le préavis dont M. Berktas a été privé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Voinot, ès qualités, qui invoquait des investissements en matériels et certification consentis pour satisfaire aux exigences techniques de la société Fives Cryo, ainsi que l'embauche, à la demande de cette dernière pour la mise en place de la certification projetée, d'un nouveau collaborateur trois mois avant la cessation des commandes, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal, Casse et Annule, sauf en ce qu'il annule le jugement, l'arrêt rendu le 14 juin 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.