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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 novembre 2014, n° 13-24237

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS), Grup Antigon SL (Sté), Aera Moda (Sté)

Défendeur :

Converse Inc., All Star CV (Sté), Royer Sport (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Guerre, Verneret, Olivier, Bloret-Pucci, Morel

TGI Paris, du 8 nov. 2013

8 novembre 2013

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement réputé contradictoire du 8 novembre 2013 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 2e section),

Vu l'appel interjeté le 18 décembre 2013 par la SAS Carrefour Hypermarchés,

Vu les dernières conclusions de la SAS Carrefour Hypermarchés appelante en date du 18 septembre 2014,

Vu les dernières conclusions de la société Grup Antigon, intimée et incidemment, appelante en date du 4 juillet 2014,

Vu les dernières conclusions de la société de droit américain Converse Inc., de la société All Star CV (All Star), venant partiellement aux droits de la société Converse Inc., et de la SAS Royer Sport,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 octobre 2014.

Sur ce, LA COUR

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que la société Converse Inc. était titulaire de plusieurs marques dont :

- la marque internationale semi figurative Converse All Star n° 924 653 enregistrée le 16 mai 2007 désignant l'Union européenne et couvrant notamment des articles chaussants en classe 25,

- la marque internationale semi figurative All Star n° 929 078 enregistrée le 15 mai 2007 désignant l'Union européenne et couvrant notamment les articles chaussants en classe 25, la marque française semi figurative Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 déposée le 30 mai 1986 renouvelée le 22 mars 2006 pour désigner les chaussures en classe 25.

Par suite de l'inscription au Registre National des Marques effectuée le 22 avril 2013 enregistrée sous le n° 599 393, de la cession par Converse Inc. de la marque française précédente n° 1 356 944 à son profit, la société de droit néerlandais All Star CV est intervenue volontairement à la présente instance.

La cession des marques internationales désignant l'Union européenne n° 924 653 et n° 929 078 au profit de la société All Star CV a été enregistrée auprès de l'organisation Mondiale de la Propriété Industrielle le 25 octobre 2013 et publiée dans le numéro 4-2014 de la Gazette de l'OMPI.

Ces marques désignent notamment des chaussures en toile ou en cuir, basses ou montantes qui sont commercialisées dans le monde entier avec succès.

La SAS Royer Sport est le licencié et distributeur exclusif en France des marques Converse et en particulier la marque All Star Chuck Taylor.

Elles indiquent avoir été avisées le 28 avril 2010 par les services de la Direction Régionale des Douanes de Bretagne de la découverte et du placement en retenue douanière de 768 paires de chaussures susceptibles d'être revêtues desdites marques de façon illicite et ajoutent que le lendemain, alors qu'elles sollicitaient la communication des informations relatives à cette retenue, les Douanes leur ont indiqué avoir trouvé 784 paires de chaussures dans trois magasins à l'enseigne Carrefour situés à Quimper (139 paires), Langueux (515 paires) et Vannes (130 paires), qui sont des établissement secondaires de la société Carrefour Hypermarchés.

Il a été procédé le 29 avril 2010 à un prélèvement d'échantillons sur les 26 références parmi les 784 paires de chaussures placées en retenue douanière et après analyse de ces échantillons par ses équipes techniques, la société Converse Inc. a estimé que 17 paires de chaussures ne constituaient pas des produits authentiques et étaient revêtus de la contrefaçon par reproduction ou imitation de ses marques.

C'est dans ces circonstances que, le 12 mai 2010, les sociétés Converse et Royer Sport ont fait assigner la société Carrefour Hypermarchés (ci-après société Carrefour) en contrefaçon de marques devant le Tribunal de grande instance de Paris et en concurrence déloyale.

Selon acte d'huissier du 28 décembre 2010 la société Carrefour Hypermarchés a fait assigner en intervention forcée son fournisseur; la société de la principauté d'Andorre Grup Antigon (ci-après Antigon). Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 2 mars 2011.

Par acte d'huissier du 16 août 2011 la société Grup Antigon a fait assigner son propre fournisseur la société de droit andorran Area Moda en intervention forcée. Les instances ont été jointes par ordonnance du 30 novembre 2011.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- rejeté la fin de non-recevoir,

- dit qu'en ayant importé, détenu offert à la vente et vendu en France des chaussures revêtues des marques internationales semi-figuratives "Converse All Star" n° 924653 et "All Star" n° 929078 et de la marque française semi-figurative "Converse All Star Chuck Taylor" n°1356944 qui ont été mises dans le commerce de l'Espace économique européen sans le consentement de leur titulaire, les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup antigon SL ont commis des actes de contrefaçon par reproduction,

En conséquence,

- interdit à ces deux sociétés de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 350 euro par infraction constatée, à compter de la signification du jugement,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- condamné in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon SL à payer à la société Converse Inc.. la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon des marques dont elle est titulaire,

- condamné in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon SL à payer à la société All Star CV la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de la marque dont elle est titulaire,

- condamné in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon SL à payer à la société Royer Sport la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi,

- condamné in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon SL à payer à la société Converse Inc., à la société All Star CV et à la société Royer Sport la somme globale de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les frais de constat,

- dit que la société Grup Antigon devra garantir la société Carrefour Hypermarchés de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup antigon SL aux dépens.

En cause d'appel Carrefour Hypermarchés, demande dans ses dernières écritures du 18 septembre 2014 de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé dépourvues de force probante les pièces invoquées par la société converse pour établir le caractère non authentique des chaussures converse commercialisées par la société Carrefour Hypermarchés, et à titre très subsidiaire en de qu'il a déclaré recevable et bien fondé son appel en garantie à l'encontre de la société Grup Antigon,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- à titre subsidiaire,

- ordonner aux sociétés Converse et All Star toute mesure d'instruction nécessaire de manière à démontrer que le système de distribution des produits converse a permis effectivement que des ventes passives des produits de marque converse ont été réalisés au moment des faits litigieux,

- en tout état de cause,

- condamner la société Converse Inc. et la société royer Sport à lui payer la somme de 20.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport, intimées, demandent essentiellement dans leurs dernières conclusions du 30 juillet 2014 de :

- donner acte à la société All Star CV de son intervention volontaire et la déclarer recevable et fondée,

- déclarer les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer sport recevables en leur appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que les marques litigieuses ont été contrefaites par la société Carrefour Hypermarchés et son fournisseur la société Grup Antigon, que ces dernières sociétés étaient mal fondées à invoquer l'épuisement des droits de marque auxquelles il était fait grief d'avoir porté atteinte, qu'il était fait interdiction à ces mêmes sociétés de poursuivre leurs actes de contrefaçon sous astreinte,

- pour le surplus, réformer le jugement et statuant à nouveau,

- sur la contrefaçon, dire et juger par des motifs suppléés que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté à bon droit que l'usage illicite de marque était constitué et justifiait une condamnation au titre de la contrefaçon,

- sur l'épuisement des droits dire et juger que c'est par des motifs suppléés que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que le moyen de défense tiré de l'épuisement du droit de marque n'était pas fondé et ne permettait pas aux défenderesses d'échapper à la responsabilité encourue du fait des actes d'usage illicite de marque qu'elles ont commis,

- sur les mesures réparatrices, condamner in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon à payer à :

- la société All Star CV la somme de 200 000 euro en réparation du préjudice commercial résultant de l'atteinte portée sur les trois marques,

- la société Royer Sport la somme de 200 000 euro en réparation de son préjudice commercial, et celle, à chacune d'elles, de la somme supplémentaire de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la publication de l'arrêt,

- débouter les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon de l'ensemble de leurs demandes.

La société Grup Antigon demande dans ses dernières écritures du 4 juillet 2014 portant appel incident de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé dépourvues de force probante les pièces invoquées par la société converse pour établir le caractère non authentique des chaussures Converse commercialisées par la société Carrefour Hypermarchés, et à titre très subsidiaire en de qu'il a déclaré recevable et bien fondé son appel en garantie à l'encontre de la société Grup Antigon,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- dire que la société Grup Antigon est fondée à invoquer l'épuisement des droits de la société converse sur les marques dont elle invoque la propriété

- dire que le système de distribution de la société Converse Inc. présente un risque de cloisonnement des marchés,

- dire que la société Converse Inc. et la société Royer Sport ne rapportent pas la preuve de ce que les marchandises litigieuses ont été initialement mise sur le marché en dehors de l'Espace Economique européen avec le consentement de la société Converse,

- débouter les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport de l'ensemble de leurs demandes,

Subsidiairement,

- dire et juger que la société Area Monda devra la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- condamner les sociétés Converse Inc., la société All Star CV et la société Royer Sport à lui payer la somme de 10 000 euro titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner les sociétés Converse Inc. et Royer Sport aux dépens avec droit de distraction.

Sur l'intervention de la société All Star

Il convient de recevoir la société All Star CV en son intervention volontaire, non contestée, en sa qualité de cessionnaire dûment inscrite de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 et des marques internationales désignant l'Union européenne n° 924 653 et n° 929 078 enregistrée auprès de l'OMPI le 5 octobre 2013 et régulièrement publiée, et de la déclarer recevable en application des dispositions de l'article L. 714-7 du Code de la propriété intellectuelle.

Sur les demandes relatives à la contrefaçon

Aux termes des articles L. 716-1 et L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur, et notamment, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction ou l'usage d'une marque reproduite, pour les produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement.

En application de l'article 9 du règlement CE 207-2009 du Conseil du 26 février 2009 ayant abrogé le règlement CE 40-94 du Conseil du 20 décembre 1993, le titulaire de la marque communautaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, à faire usage dans la vie des affaires :

a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits et services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

En application de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, "le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour les produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou de l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire de la marque ou avec son consentement". L'article 13 du règlement CE n° 207-2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire contient des dispositions similaires.

Il n'est pas contesté par les sociétés Carrefour et Antigon Grup que les produits litigieux reproduisent à l'identique les marques internationales désignant l'Union européenne, Converse All Star n° 924 653 et All Star n° 929 078 dont est titulaire la société Converse Inc. et la marque Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 dont est présentement titulaire la société All Star CV.

La matérialité des actes de d'importation, détention, fourniture, d'offre à la vente et vente de ces produits par les sociétés incriminées n'est pas contestée.

En regard du principe de la libre circulation des marchandises l'article 7 de la directive n° 2008-95 sur les marques, l'article 13 du règlement CE n° 207-2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire et l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoient que dès qu'un produit est mis sur le marché de la Communauté européenne, par le titulaire des droits ou avec son consentement, celui-ci ne peut plus interdire son usage et notamment sa revente.

Concernant la charge de la preuve de ce principe dit de l'épuisement du droit, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit dans l'arrêt Van Doren du 8 avril 2003 (C54-244-00) que dans l'hypothèse où le tiers poursuivi par le titulaire de la marque parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l'espace économique européen au moyen d'un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'espace économique européen. Si cette preuve est rapportée il incombe alors au tiers poursuivi d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'espace économique européen.

En l'espèce, les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport font valoir qu'il faut pour que puisse être sérieusement allégué l'épuisement du droit de marque que les produits litigieux ne constituent pas des faux et que c'est au demandeur à l'épuisement de rapporter la preuve de l'authenticité des produits qu'il a pris l'initiative de commercialiser sous la marque d'autrui, ce qui implique que s'il n'y parvient pas totalement parce qu'il existe une incertitude à cet égard, ce demandeur à l'épuisement doit supporter le risque de la preuve et être débouté de ce moyen de défense. Elles contestent l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux et exposent que les produits litigieux ont été mis sur le marché en dehors de l'Espace économique européen sans leur consentement et que leurs droits ne sont donc pas épuisés et que ces produits ne sont pas authentiques.

Elles précisent que la contrefaçon s'établit par l'absence du consentement du titulaire de la marque.

Elles ajoutent qu'il existe en l'espèce une suspicion de fraude suffisamment étayée et convergeant avec d'autres faisceaux d'indices d'absence de consentement et qu'il existe une contrefaçon.

La société Carrefour Hypermarchés oppose le caractère non probant des moyens de preuve invoqués par les sociétés Converse qui n'établissent pas la non-conformité des produits en cause.

Il convient préalablement à l'examen de la défense opposée de l'épuisement des droits, de rechercher si les produits marqués Converse, litigieux, sont contrefaisants puisqu'à défaut cette question deviendrait sans objet.

Il appartient aux sociétés Converse, All Star et Royer Sport demanderesses à l'action en contrefaçon de marque de rapporter la preuve de l'absence d'authenticité des produits en se plaçant sur le terrain de la fabrication, ou en se plaçant sur le terrain de la distribution, de l'absence d'autorisation de leur part de la mise en vente des produits litigieux sur le territoire communautaire, car contrairement à ce qu'elles soutiennent, l'existence d'une contrefaçon et sa sanction ne peuvent intervenir sur "un doute légitime" ou "une suspicion de fraude".

Sur l'authenticité des produits

La société Converse Inc. fait valoir que les produits litigieux sont manifestement contrefaisants.

Si c'est avec justesse qu'elle indique que l'authenticité des produits se démontre en comparant les produits litigieux avec les produits authentiques c'est à la condition que les marqueurs des produits authentiques soient fiables.

Pour soutenir que les produits litigieux sont manifestement contrefaisants la société Converse Inc. expose qu'elle justifie d'un faisceau d'indices concordants à cet effet car elle n'identifie pas ceux-ci comme étant des chaussures fabriquées avec son consentement par ses usines autorisées car :

- l'étiquette thermocollée à l'intérieur de 15 chaussures arguées de contrefaçon présente une mauvaise qualité d'impression par comparaison avec une chaussure authentique,

- un positionnement incorrect des étiquettes de languette sur plusieurs chaussures (références M7650, M9162, M3310 et M9160) qui ne sont pas apposées conformément aux instructions de fabrication des authentiques chaussures ; l'huissier qu'elle a mandaté le 13 mai 2011 Maître Eric Le Marec qui les a comparées avec les informations contenues dans un document technique interne intitulé Emboss & Heat Seal qui définit cet emplacement selon les références (SKU) des modèles et qui a décrit ce document dans un procès-verbal de constat du 26 juillet 2012, ce positionnement n'ayant pas varié depuis 2003 ; l'examen d'une chaussure référencée M9160 saisie avec une chaussure authentique de même référence confirme ces constatations. Mais ce constat fait apparaître que le positionnement a varié dans le temps, et ne permet pas de déterminer la date de la Charte de fabrication des chaussures Converse ni dans quelle usine cette chaussure authentique a été fabriquée.

Il n'est pas plus justifié que ce document impose une distance fixe mais, ne fait, selon ce constat que préconiser une certaine distance.

- l'absence de réaction des étiquettes thermocollées des chaussures litigieuses au test du stylo laser, qui est un marqueur lui permettant de détecter les produits de contrefaçon, comme en atteste le 20 septembre 2011 Monsieur John Baier directeur en chef de l'intégrité des produits au sein de la société Converse ; mais il n'est pas démontré que ce test soit fiable alors qu'au contraire il a été déjà établi qu'il réagit négativement sur des produits authentiques et ce devant plusieurs juridictions,

- rien dans le dossier n'établit sérieusement que les chaussures litigieuses ont été fournies par l'un de ses distributeurs autorisés de sorte que la société Carrefour ne peut se prévaloir d'une autorisation tacite donnée par la société Converse Inc.. Il est exact qu'en raison de l'acquisition des produits dont s'agit, hors réseau de distribution autorisé classique, les sociétés incriminées ne sont pas fondées à invoquer une présomption tacite d'autorisation d'usage des marques Converse en cause.

La société Grup Antigon soutient que la fabrication des chaussures Converse ne serait pas homogène. Effectivement, elle a fait examiner quatre paires de chaussures litigieuses par Monsieur Alain Corassant expert près la Cour d'appel de Paris et assesseur auprès de la Commission de Conciliation et d'Expertise douanière qui a conclu à leur "authenticité". Les sociétés Converse contestent la méthodologie employée par l'expert qui ne connaît pas les produits authentiques pour en contester la fiabilité.

Par ailleurs la seule attestation de Monsieur Azran qui expose que les chaussures litigieuses ont été expertisées par les équipes techniques compétentes au sein de la société Converse Inc. et notamment par Madame Yuki Go responsable du service technique, n'est pas de nature à établir, alors qu'il n'a pas été directement témoin des essais, et que les éléments de comparaison ne sont pas produits, l'absence d'authenticité des produits en cause dès lors qu'elle n'est pas corroborée par des éléments probants.

En regard de l'ensemble de ces éléments il ressort qu'en l'absence de preuve d'une procédure stricte de contrôle qualité clairement définie portant sur les caractéristiques du positionnement des étiquettes et de points de contrôle objectif des chaussures sortant des différentes usines fabriquant des chaussures Converse Inc., aux Etats-Unis, en Chine, à Taïwan, au Brésil, en Italie, en Islande, au Japon, en Corée, à Hong Kong, au Viet-Nam, le titulaire de la marque ne justifie pas comment un cahier des charges complexe, compte tenu du nombre de modèles différents et de la variation de la distance de la position des étiquettes, peut-être respecté par ses sous-traitants et les sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport, à qui la preuve incombe en leur qualité de demanderesses à la procédure en contrefaçon de marque, n'établissent pas suffisamment la preuve que les produits litigieux ne sont pas authentiques et donc d'une absence de consentement de mise sur le marché intra-communautaire de ces produits.

Sur l'épuisement du droit de marques Converse invoquée par la société Dieseel AG

Il appartient aux sociétés Carrefour et Antigon Grup qui invoquent cette exception, conformément aux dispositions de l'arrêt Van Doren de la Cour de justice des Communautés européennes du 8 avril 2003 rappelé ci-dessus, de démontrer, qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux pour renverser, comme elles le revendiquent, la charge de la preuve.

La société Converse Inc. dénie tout caractère cloisonné à son réseau de distribution sélective de ses produits marqués puisque ses revendeurs ou licenciés n'ont contractuellement pas d'interdiction de procéder à des ventes passives, comme en atteste Monsieur Fabrizio Mecozzi directeur Juridique de Nike Europeean Operations Netherlands BV du 25 juillet 2012.

Elle précise qu'elle justifie par de très nombreuses factures certifiées par des cabinets d'expertise comptable qu'elle communique que ses distributeurs exclusifs vendent en dehors de leur territoire respectif, lorsque ce sont d'autres distributeurs Converse qui s'adressent à eux au lieu de se fournir directement auprès d'elle ou lorsque ce sont des clients ressortissant à d'autres territoires qui s'adressent à eux au lieu de s'adresser auprès du distributeur exclusif en charge de leur territoire.

Les sociétés Carrefour et Antigon Grup font au contraire valoir que la distribution des produits Converse Inc. sur le territoire de l'Espace économique européen est cloisonnée et que les factures communiquées par les sociétés Converse émanent essentiellement de trois ou quatre revendeurs et ne sont pas significatives de l'absence d'étanchéité du réseau.

Il est établi et non contesté qu'il existe un distributeur exclusif des produits Converse, par Etat membre ou par secteur comprenant plusieurs Etats membres, et cette segmentation du territoire constitue un risque réel de cloisonnement en ce qu'elle engendre la possibilité pour le titulaire de la marque de vendre des chaussures dans des conditions commerciales ou tarifaires différentes selon les différents Etats membres si des ventes passives sont, de fait, interdites aux distributeurs respectifs.

Cependant la société Converse communique de très nombreuses factures concernant des territoires variés certifiées par des cabinets comptables qui portent sur de très importantes quantités de chaussures qui établissent l'existence de ventes passives excluant la réalité du cloisonnement auxquelles la société Carrefour Hypermarchés n'apporte aucun élément probant contraire.

Il s'ensuit qu'il appartient aux sociétés Carrefour et Antigon Grup de démontrer l'existence de l'épuisement du droit.

Sur la mise sur le marché

La société Carrefour Hypermarchés justifie s'être approvisionnée auprès de la société de droit andorran Grup Antigon qui a indiqué s'être fournie auprès de la société de droit andorran la société Area Moda, sans toutefois fournir de facture et des bons de commande, de sorte qu'elles n'établissent pas la preuve de l'exception d'épuisement du droit qu'elles invoquent.

Sur la contrefaçon

Aux termes de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits sauf autorisation du propriétaire :

a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que "formule, façon, système, imitation, genre, méthode" ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement...

Selon l'article L. 713-3 de ce même Code, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

b) la reproduction, l'usage, ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

c) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

Il n'est pas contesté que les produits litigieux reproduisent les marques dont s'agit, les sociétés Hypermarchés et Antigon Grup faisant valoir au contraire vainement qu'il s'agit de produits authentiques.

C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que les sociétés Hypermarchés et Antigon Grup avaient commis des actes de contrefaçon des trois marques dont s'agit.

Sur les mesures réparatrices

L'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle énonce que :

"Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte".

Les actes de contrefaçon ont porté atteinte au pouvoir distinctif des marques en les avilissant dont la société All Star venant aux droits de la société Converse est titulaire : la marque internationale désignant l'Union européenne converse All Star numéro 924653 et All Star numéro 929 078 et la marque française converse All Star Chuck Taylor numéro 1 356 944.

La détention, l'offre à la vente et la vente par la société Carrefour Hypermarchés des chaussures contrefaisant les marques Converse sont constitutives d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Royer Sport licenciée exclusive de ces marques et lui ont occasionné un préjudice commercial.

Il appartenait aux sociétés Converse et All Star de procéder à toutes mesures probatoires utiles et notamment à des mesures de saisie-contrefaçon de sorte que leur demande tardive plus de quatre ans après les faits tendant à voir communiquer sous astreinte des documents comptables, n'est pas fondée et doit être rejetée.

En regard des 784 paires de chaussures contrefaisantes, de l'absence de preuve de la désorganisation de l'entreprise licenciée mais des très importants investissements promotionnels engagés par celles-ci, les indemnités allouées par le tribunal en réparation de ces faits sont justifiées et il convient de les confirmer, tout comme les mesures d'interdiction sous astreinte.

Ces mesures étant suffisantes à réparer le préjudice il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication judiciaire.

Sur les autres demandes

Il est justifié que la société Sodilog qui agit en tant que commissionnaire de la société Carrefour Hypermarchés a acheté les produits litigieux auprès de la société Antigon Grup qui s'est engagée à fournir à la société Carrefour Hypermarchés des produits libres de tout droits de propriété intellectuelle et s'est engagée à prendre en charge l'ensemble des dommages et intérêts que la société Carrefour Hypermarchés pourrait être amenée à supporter au titre des actions en contrefaçon relatives aux marchandises qu'elle lui a fournies, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société Antigon Grup à la relever et garantir.

En revanche la demande en garantie de la société Grup Antigon formée à l'encontre de la société Aera Moda sans qu'il soit justifié que ses dernières écritures aient été signifiées à cette société intimée défaillante, conformément aux dispositions de l'article 68 du Code de procédure civile alors au surplus qu'aucun document tel que bon de commandes, facture, n'est communiqué au soutien de celle-ci, et que dans ses écritures au fond devant le tribunal cette société contestait avoir livré les chaussures incriminées, doit être rejetée.

L'équité commande d'allouer à chacune des sociétés Converse Inc., All Star et Royer Sport la somme supplémentaire de 5 000 euro à la charge solidum des sociétés Carrefours Hypermarchés et Antigon Grup sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les sociétés Carrefours hypermarchés et Antigon Grup.

Les dépens resteront à la charge in solidum des sociétés Carrefour Hypermarchés et Antigon Grup et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Déclare recevable l'intervention volontaire de la société ALL Star CV, en cause d'appel, Rejette les demandes des sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon, Rejette les appels incidents des sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne in solidum les société Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon à payer à chacune des sociétés Converse Inc., All Star CV et Royer Sport la somme supplémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Carrefour Hypermarchés et Grup Antigon qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.