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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 novembre 2014, n° 12-24436

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Satisfeu (SARL)

Défendeur :

Sécurité Protection Feu (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Voisin, D'Orso-Biancheri

T. com. Marseille, du 15 nov. 2012

15 novembre 2012

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Satisfeu et Sécurité Protection Feu exercent la même activité commerciale dans la même zone géographique du sud de la France, soit la vente, l'installation et l'entretien des matériels de protection contre les incendies.

Au cours du mois de novembre 2011, la société Satisfeu a constaté le démarchage de certains de ses clients commis par des salariés de la société Sécurité Protection Feu, accompagnés d'actes de dénigrement et d'usurpation de qualité.

Par acte du 28 décembre 2011, la société Satisfeu a fait assigner la société Sécurité Protection Feu devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Marseille aux fins de voir ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale sous astreinte et prononcer sa condamnation au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 2 février 2012, la société Satisfeu a été déboutée de sa demande en raison de la cessation des actes de concurrence déloyale par suite du licenciement de deux salariés par la société Sécurité Protection Feu.

Par acte du 19 avril 2012, la société Satisfeu a fait assigner la société Sécurité Protection Feu devant le Tribunal de Commerce de Marseille aux fins de voir prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à valoir sur le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre, et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre condamnation aux dépens.

Par jugement du 15 novembre 2012, le Tribunal de Commerce de Marseille a :

- débouté la société Satisfeu de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Satisfeu à payer à la société Sécurité Protection Feu la somme de 1 000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Satisfeu aux dépens.

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

Par déclaration au greffe du 28 décembre 2012, la société Satisfeu a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 26 mars 2013, la société Satisfeu demande à la cour d'appel de :

- réformer la décision dont appel ;

- condamner la société Sécurité Protection Feu à payer à la société Satisfeu la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à valoir sur le préjudice subi et la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Sécurité Protection Feu aux entiers dépens.

La société Satisfeu soutient :

- qu'en novembre 2011, elle a constaté que trois de ses clients avaient été démarchés par des salariés de la société Sécurité Protection Feu qui ont indiqué de manière mensongère que la société Satisfeu avait fait faillite,

- qu'il a été fait état auprès d'autres clients de la fausse qualité de salarié de la société Satisfeu

- que ces pratiques sont de nature à engendrer la confusion dans l'esprit de ses clients,

- que selon attestation de messieurs Idir et Noel, ces derniers ont agi sur instruction du chef d'agence du secteur sud-est,

- que les attestations des clients produites par la concluante sont conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile et émanent de personnes clairement identifiables,

- que le bon d'intervention identifie clairement la personne ayant démarché les clients de la concluante,

- que la société Sécurité Protection Feu est responsable de ses salariés et de leurs agissements, et que ces derniers ont agi sur directive de leur employeur, - qu'aucune mise en demeure n'est prévue par les textes en la matière et qu'il était urgent de mettre un terme aux agissements déloyaux,

- que le lien de causalité entre la perte des clients et les agissements fautifs de la société Sécurité Protection Feu sont évidents,

- que la perte de chiffre d'affaire doit s'exercer sur plusieurs exercices,

- que la rumeur selon laquelle la concluante aurait fait faillite est difficilement

maîtrisable et porte atteinte à l'image commerciale de la concluante.

Dans ses dernières conclusions du 24 mai 2013, la société Sécurité Protection

Feu demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Satisfeu comme infondées ;

- condamner la société Satisfeu au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Sécurité Protection Feu conteste toute concurrence déloyale en faisant observer :

- que les attestations des clients de la société Satisfeu sont dépourvues de valeur probante et sont insuffisantes à démontrer l'intervention de ses salariés auprès de ces clients,

- que les attestations établies par messieurs Noel et Idir sont irrégulières au regard des dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, et que ces témoins n'indiquent pas avoir mis en œuvre les consignes qu'ils disent avoir reçues,

- que les bons de commande remplis par les clients ayant établi des attestations ne démontrent pas le dénigrement allégué,

- qu'en l'absence de preuve, aucune faute ne peut être imputée à la concluante,

- que la concluante est de bonne foi et que les salariés concernés ont été licenciés,

- que la société Satisfeu ne rapporte pas la preuve d'agissements déloyaux postérieurs au licenciement des deux salariés concernés, ce qui démontre le caractère isolé des actes allégués et la bonne foi de la concluante,

- que les faits imputés aux salariés concernés ont été commis sans contrôle ni directive de leur employeur,

- qu'aucune mise en demeure n'a été adressée à la concluante aux fins de faire cesser les prétendus actes de concurrence déloyale, et que l'action engagée par la société Satisfeu pourrait constituer elle-même un acte déloyal,

- que la société Satisfeu ne produit aucune pièce démontrant l'existence et le montant du préjudice allégué, et que son chiffre d'affaire et son résultat sont en augmentation.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les actes de concurrence déloyale

Le démarchage de la clientèle d'une société concurrente est licite sauf acte déloyal commis au détriment de celle-ci.

La société Satisfeu produit cinq attestations manuscrites établies conformément aux prescriptions de l' article 202 du Code de procédure civile par des commerçants clients de cette société ainsi que cinq facturations établies par la société Sécurité Protection Feu.

Monsieur Berengier (magasin Body Minute à Marseille-13006), madame Dumas (magasin Body Minute à Aix en Provence) et Monsieur Le Moing (société Le Moing à Marseille) ont respectivement attesté que les 4 novembre, 7 novembre et 8 novembre 2011 un salarié de la société Sécurité Protection Feu s'est présenté dans leurs locaux pour effectuer le contrôle et l'entretien des extincteurs en les informant que la société Satisfeu avait déposé le bilan, et que la société Sécurité Protection Feu avait racheté son fichier client.

A ces attestations sont jointes les trois factures établies à cette occasion n° 24 300, 24 301 et 24 302 à en tête de la société Sécurité Protection Feu mentionnant notamment l'adresse de facturation, l'acceptation du client ainsi que le nom et la signature de l'agent en l'occurrence Monsieur Idir.

Madame Ok (magasin China express à Cabries) et madame Matteo (magasin Body Minute à Marseille-13001) ont respectivement attesté que le 15 novembre 2011 et à une date non précisée en novembre 2011, une personne se présentant comme un salarié de la société Satisfeu s'est présentée dans leurs locaux pour effectuer le contrôle et l'entretien des extincteurs mais que la facture a été établie au nom de la société Sécurité Protection Feu.

A ces attestations sont jointes les deux factures établies à cette occasion n° 203 et 24 299 mentionnant notamment l'adresse de facturation, l'acceptation du client ainsi que le nom et la signature de l'agent non identifiable sur les documents produits.

Aucun élément ne permet de mettre en doute la réalité des faits rapportés par les témoins qui n'ont pas d'intérêt personnel dans la cause.

Constituent des actes déloyaux de concurrence le dénigrement de la société concurrente et l'emprunt d'une fausse qualité de nature à entraîner une confusion dans l'esprit des clients de la société concurrente.

Les faits rapportés sont en conséquence constitutifs d'agissements déloyaux de la société Sécurité Protection Feu à l'égard de la société Satisfeu.

Il importe peu à cet égard qu'ils aient été ou non commis sur instruction de la société Sécurité Protection Feu à ses salariés et que Monsieur Idir ait été licencié à la suite de ces faits, dès lors que l'employeur est en tout état de cause responsable des agissements de ses salariés.

Par ailleurs, aucune disposition n'impose l'envoi d'une lettre de mise en demeure en matière de concurrence déloyale dont le fondement est la responsabilité délictuelle et non contractuelle, l'assignation en référé du 28 décembre 2011 valant en tout état de cause mise en demeure d'avoir à cesser les agissements illicites.

La responsabilité délictuelle de la société Sécurité Protection Feu est en conséquence engagée à l'égard de la société Satisfeu.

Sur l'indemnisation du préjudice

Le seul préjudice matériel dont la preuve est rapportée par la société Satisfeu est le montant des factures encaissées par la société Sécurité Protection soit la somme de 899,12 euros, la société Satisfeu ne démontrant pas que des clients auraient été détournés par suite de ces agissements et/ou que son résultat d'exploitation en aurait été affecté.

Le préjudice d'image auprès des clients concernés est établi dès lors qu'il a été allégué de manière mensongère que la société Satisfeu aurait déposé son bilan, ce qui est de nature à altérer la confiance de ses clients dans sa solvabilité et sa pérennité.

Il n'est pas démontré en revanche que l'image de la société Satisfeu aurait été altérée de manière générale auprès de l'ensemble de ses partenaires commerciaux.

Le préjudice sera en conséquence réparé par une somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La société Sécurité Protection Feu qui succombe n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner la société Sécurité Protection Feu à payer à la société Satisfeu la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce compris les dépens, Et statuant à nouveau, Déclare la société Sécurité Protection Feu responsable de faits de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société Satisfeu en novembre 2011, Condamne la société Sécurité Protection Feu à payer à la société Satisfeu la somme de 899,12 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice d'image auprès de ses clients, Déboute la société Sécurité Protection Feu de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sécurité Protection Feu à payer à la société Satisfeu la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sécurité Protection Feu aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.