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Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 5 novembre 2014, n° 12-03161

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Comotec (SA), Comotec Optical Products Ltd (Sté)

Défendeur :

Baron (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseillers :

Mme Soulard, M. Bruneau

Avocats :

SCP Millot-Logier, Fontaine, SCP Cabinet Lebon & associés

T. com. Nancy, du 16 nov. 2012

16 novembre 2012

Vu l'appel déclaré le 20 décembre 2012 par la société anonyme Comotec (société Comotec) représentée par son liquidateur amiable et par la société de droit étranger Comotec Optical Products Limited (société Comotec Optical), contre le jugement prononcé le 16 novembre 2012 par le Tribunal de commerce de Nancy dans l'affaire qui l'oppose à la société par actions simplifiée Baron (société Baron),

Vu le jugement déféré,

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultime e-conclusions présentées le :

- 16 octobre 2013 par la société Baron, intimée et appelante sur appel incident,

- 26 novembre 2013 par les sociétés Comotec et Comotec Optical (le Groupe Comotec), appelantes à titre principal,

Vu l'ensemble des éléments et pièces du dossier.

SUR CE,

LA COUR se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.

Il suffit de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel des parties.

1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société Baron, spécialisée dans le décolletage et la fabrication de vis de précision notamment utilisées dans l'électronique, l'horlogerie, la bijouterie et la lunetterie, est en relation d'affaires avec le Groupe Comotec depuis 1986 : elle a durant de très nombreuses années, fourni celui-ci au titre de deux familles principales de produits tels, des vis de lunetterie ainsi que des axes de charnières fabriqués sur la base d'un modèle breveté.

La société Comotec est en effet, spécialisée dans la fabrication de composants nécessaires à la conception de montures de lunettes.

Ces ventes qui, pour la période comprise entre 2000 et 2008, ont représenté une moyenne de 49,13 % du chiffre d'affaires global de la société Baron, ont mobilisé 18 des 26 machines à came lui appartenant.

Constatant que ses marges diminuaient et que sa clientèle devenait de plus en plus asiatique, la société Comotec a courant 2008, souhaité délocaliser sa production en Chine où le Groupe Comotec possède, dans la ville de Dongguan, une usine exploitée par la société O'Reilly Industrial Limited (société O'Reilly) devenue depuis août 2009, la société Comotec Optical Products. Elle a donc informé la société Baron que certains produits qu'elles lui commandaient seraient désormais directement commandés par la société O'Reilly avec une livraison sur le site de l'usine Comotec de Morez puis a demandé que les pièces soient livrées à la société O'Reilly située à Hong Kong et a invité la société Baron à étudier la possibilité de prendre en charge le coût du fret aérien.

M. Eric Boucher, dirigeant de la société Baron, s'est rendu en Chine courant décembre 2008 pour visiter l'usine de la société O'Reilly et faire la connaissance de ses interlocuteurs locaux.

Le Groupe Comotec a dans le cadre de ces échanges et de cette visite, porté à la connaissance de la société Baron les tarifs concurrentiels pratiqués par plusieurs fournisseurs chinois sur certaines familles de pièces (en particulier les vis), afin que ce partenaire puisse porter son effort sur ses tarifs et donc, préserver sur cette famille de produits, ses relations avec lui.

Estimant cependant que le Groupe Comotec avait en réalité programmé de longue date, la fin de ses relations commerciales avec elle en octobre 2010 sans l'en aviser clairement avant le mois de juillet précédent, la société Baron a, par acte extrajudiciaire du 20 mai 2011, fait assigner les sociétés Comotec et Comotec Optical devant le Tribunal de commerce de Nancy aux fins d'obtenir, sous exécution provisoire, leur condamnation solidaire à lui verser 690 356 euros pour manque à gagner subi par elle pendant la durée raisonnable du préavis qui aurait du lui être consenti outre, 50 000 euros au titre du préjudice subi pour tentative d'obtention d'avantages abusifs sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par jugement du 16 novembre 2012, le Tribunal de Commerce de Nancy a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :

- vu les articles L. 442-6-I-4° et L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- dit et juge que les sociétés Comotec et Comotec Optical Products ont sollicité et obtenu de la société Baron des avantages manifestement abusifs sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales,

- condamne solidairement les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la SAS Baron une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi,

- dit et juge que les sociétés Comotec et Comotec Optical Products ont rompu les relations commerciales établies avec la société Baron brutalement et sans aucun préavis tenant compte de la durée des relations commerciales établies,

- condamne solidairement les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la SAS Baron une somme de 417 424 euros en réparation du préjudice subi,

- condamne les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la SAS Baron la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC [Code de procédure civile],

- condamne les sociétés Comotec et Comotec Optical Products aux dépens du présent jugement,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Par ordonnance du 14 février 2013, le juge délégué par le premier président statuant en référé a autorisé les sociétés Comotec et Comotec Optical à consigner les sommes dues à la société Baron en vertu du jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 16 novembre 2012, sur un compte ouvert à cet effet auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations de Nancy dans le délai d'un mois à compter de la date de l'ordonnance.

Les sociétés Comotec et Comotec Optical ont procédé à cette consignation le 24 avril 2013 et déclaré appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 décembre 2013 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience tenue en formation collégiale le 8 janvier 2014.

A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré.

Par arrêt du 12 mars 2014, la Cour de céans a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et invité les parties à produire une traduction en langue française de chaque document rédigé en langue anglaise, produit à l'appui de leurs écritures respectives.

L'affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 23 avril 2014.

Les parties ayant déféré à la demande de la cour, la clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 juin 2014 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 17 septembre suivant tenue en formation collégiale.

A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

2. Prétentions et Moyens des parties

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile ;

Les conclusions des parties ci-avant visées, récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants :

Les sociétés Comotec et Comotec Optical prient la cour de :

- vu les articles L. 442-6-I 4° et L. 442-6-1 5° du Code de commerce,

- vu les articles 143 et s. et 232 et s. du Code de procédure civile,

- vu l'article 1149 du Code civil,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- à titre principal,

- dire et juger la société Baron mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Baron n'établit ni l'existence ni le montant de son préjudice,

- en conséquence,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

- à titre très subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice maximum subi par la société Baron au titre de la rupture des relations commerciales avec les sociétés Comotec et Comotec Optical Products s'élève à 45 100 euros,

- à titre très infiniment subsidiaire,

- désigner tel expert qui lui plaira avec pour mission d'indiquer au tribunal la marge sur coût variable réalisée par la société Baron à l'occasion de ses relations d'affaires avec les sociétés Comotec et Comotec Optical et la quote-part de charges fixes relative aux dites relations d'affaires,

- dire que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur dont l'intervention s'avérerait nécessaire,

- fixer la consignation à valoir sur les frais et honoraires de l'expert,

- dire et juger que les frais et honoraires de l'expert seront intégralement à la charge de la société Baron,

- en tout état de cause,

- condamner la société Baron à payer à chacune des sociétés Comotec et Comotec Optical Products une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Baron aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SCP Millot-Logier et Fontaine, avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Baron demande qu'il plaise à la cour de :

- vu le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 16 novembre 2012,

- vu l'article L. 442-6, I du Code de commerce,

- vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que les sociétés Comotec et Comotec Optical Products avaient sollicité et obtenu de la société Baron des avantages manifestement abusifs sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales et ainsi engagé leur responsabilité à l'égard de la société Baron sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce,

- condamné solidairement les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la société Baron une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière compte tenu des avantages manifestement abusifs ainsi obtenus par les sociétés Comotec et Comotec Optical Products,

- dit et jugé que les sociétés Comotec et Comotec Optical Products avaient rompu leurs relations commerciales établies avec la société Baron brutalement et aucun préavis tenant compte de la durée de ces relations et ainsi engagé leur responsabilité à l'égard de la société Baron sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- condamné solidairement les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la société Baron la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les sociétés Comotec et Comotec Optical Products aux entiers dépens de première instance,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation due à la société Baron au titre de la rupture brutale de ses relations commerciales avec les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à la somme de 417 424 euros correspondant à deux années de valeur ajoutée et, statuant à nouveau :

- condamner solidairement les sociétés Comotec et Comotec Optical Products à payer à la société Baron la somme de 690 356 euros correspondant au manque à gagner subi par la société Baron pendant la durée raisonnable du préavis de deux ans qui aurait du lui être consenti par les sociétés Comotec et Comotec Optical Products,

- enfin,

- condamner solidairement les sociétés Comotec et Comitec Optical Products à payer à la société Baron la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les sociétés Comotec et Comotec Optical Products aux dépens de la présente instance.

LA COUR renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé lors de l'analyse des prétentions et moyens articulés.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérations élémentaires

1. Sur les termes du litige

Attendu que la cour est saisie de la question du bien fondé d'un appel formé contre une décision des juges consulaires de Nancy ayant condamné des sociétés, spécialisées dans la fabrication de composants nécessaires à la conception de montures de lunettes (les sociétés Comotec et Comotec Products), à indemniser une société productrice (la société Baron) spécialisée dans le décolletage, technique de fabrication de pièces de révolution métallique dont l'usinage de base est obtenu sur des machines automatiques et semi-automatiques à partir de barres, de couronnes (bobines de fil) ou d'ébauches, avec qui elle était en relation d'affaires depuis près de 25 ans et ce, pour avoir obtenu de cette dernière en 2009 et 2010 des avantages manifestement injustifiés et abusifs, notamment sous forme de baisses tarifaires excessives, sous la menace d'une rupture brutale de relations commerciales et pour avoir finalement, rompu brutalement ces relations sans aucun préavis écrit ;

2. Sur la structure des motifs de cet arrêt

Attendu que pour respecter la logique d'ensemble des argumentaires des parties, les lignes de force des motifs de cet arrêt s'ordonneront en deux axes principaux se rapportant d'une part, au principe de responsabilité alléguée tant du chef de menace de rupture de relations commerciales que du chef de rupture proprement dite de relations commerciales et d'autre part, à l'indemnisation des préjudices corrélativement subis ;

1. Sur le principe de responsabilité des sociétés Comotec et Comotec Products

1.1 En ce qui concerne les menaces de rupture des relations commerciales

Attendu que les sociétés Comotec et Comotec Optical réfutent la thèse retenue par les premiers juges, désavouant avoir procédé envers la société Baron à quelque menace de rupture des relations commerciales litigieuses que ce soit ainsi qu'à toute rupture brutale de celles-ci ;

Qu'elles expliquent : - que les premiers juges se sont nécessairement contredits lorsqu'ils ont, en suivant l'argumentation de la partie adverse, jugé qu'elles avaient en janvier 2010 brutalement rompu les relations commerciales établies de longue date avec l'intimée et par ailleurs affirmé qu'elles avaient, cinq mois plus tard, menacé cette dernière d'une rupture de leurs relations, dans le but de recevoir des avantages injustifiés ; - qu'il n'est au demeurant pas exact d'analyser le courriel du 27 avril 2010 sur lesquels les premiers juges ont appuyé leur démonstration en un message porteur d'une menace de rupture, ce document se bornant en effet à informer la société Baron du caractère transitoire du maintien des relations commerciales suivies entre elles depuis plusieurs années ; - que les courriels des 26 février 2009 et 31 mars 2010 vont dans le même sens ; - que par le premier, la société Comotec Optical ne faisait en effet que confirmer qu'à prix égal, l'approvisionnement pour l'année 2009 se ferait en priorité auprès de la société Baron alors que par le second, la même société Comotec demande simplement à la société Baron de revoir ses tarifs 2010 à la baisse, pour s'aligner sur la concurrence chinoise et lui proposer d'étaler sur plusieurs mois, la baisse des prix envisagée ; - qu'il en ressort, que loin d'avoir exigé de la société Baron qu'elle baisse d'un seul coup ses tarifs au niveau de ceux pratiqués par les fournisseurs chinois, sous peine de rupture des relations commerciales existantes, elles ont en réalité temporairement accepté de "surpayer" les pièces fournies par l'intimée pour lui permettre de s'adapter à la concurrence chinoise ;

Qu'elles ajoutent : - que n'ayant jamais assorti d'engagements de commandes, en volume ou en montant, les demandes faites à la société Baron de baisser ses prix, il ne saurait être dit qu'elles ont obtenu des avantages manifestement abusifs au sens de l'article L. 442-6-I, 4° du Code de commerce ; - que la lecture des échanges entre les parties démontre que seul le bouleversement sans précédent du marché de la lunetterie à cette période explique qu'elles n'ont pu fournir aucune prévision de commandes à la société Baron ; - qu'il était ainsi en 2010 normal, après un an d'adaptation, que la société Comotec Optical demande à son partenaire de baisser ses prix et de les faire concorder avec la réalité du marché ; - qu'elles n'avaient nul besoin de faire pression sur l'intimée pour bénéficier de baisses de prix, puisqu'il leur suffisait pour cela de s'adresser aux fournisseurs locaux qui par surcroît, fabriquaient des produits de meilleure qualité ; - que quoi qu'il en soit, en dépit de la baisse de tarifs subie pour s'adapter à la concurrence chinoise, la société Baron a réalisé avec elles un chiffre d'affaires bien supérieur à celui de l'année précédente ; - qu'il est donc factuellement inexact, de prétendre qu'elles ont obtenu des avantages abusifs ; - que la différence de prix entre ceux figurant sur leurs bons de commande et ceux proposés par la société Baron est en réalité minime ; - que le dirigeant de la société Baron a par ailleurs validé lui-même, de sa propre main, chacun des bons de commande de 2010 portant mention des tarifs proposés par la société Comotec Optical ; - qu'il n'y a donc pas de tarifs unilatéralement imposés mais bien, des prix volontairement acceptés par la réclamante ; - que lorsque les prix proposés par la société Comotec Optical ne lui convenaient pas, la société Baron n'hésitait au demeurant pas, à refuser les commandes, ce qui tend à prouver que cette société n'était nullement dans une situation de dépendance économique envers elles ;

Attendu que la société Baron répond : - qu'elle a dès 1986, entretenu un partenariat étroit avec les sociétés Comotec ; - que la réorganisation courant 2008 des activités de ce groupe, les a dès cette période, conduites à réaménager leurs relations contractuelles ; - qu'elle a accepté de réviser ses tarifs à la baisse pour la famille des vis, en contrepartie d'un engagement de son partenaire commercial à poursuivre la commande de ces pièces en grande quantité et à lui confier dès 2009, la fabrication de nouvelles pièces dites "complexes" ; - qu'à compter de janvier 2009, les pièces commandées à la société Baron ont été livrées soit, dans les locaux de la société O'Reilly à Hong Kong aux frais de cette dernière pour les envois les plus légers soit, à l'usine de Dongguan pour les envois les plus lourds ; - que cependant, dès 2009 le Groupe Comotec a requis de nouvelles baisses tarifaires sans avoir lui-même respecté les engagements de commandes en conséquence desquels, elle avait notamment dû procéder à d'importants investissements, en outillage et en temps passé ; - que les commandes du Groupe Comotec sont ainsi passées au cours du premier trimestre 2009, d'environ 100 000 euros à moins de 20 000 euros et elle a par surcroît, été confrontée à d'importants retards de paiement nonobstant les assurances données à plusieurs reprises par le Groupe Comotec ; - que ce dernier lui a jusqu'en 2010, passé commande pour des volumes de pièces sensiblement équivalents à ceux connus par le passé mais qu'à l'occasion de la dernière année, une chute brutale a de nouveau été constatée puisque les commandes de marchandises, de l'ordre 140 000 euros au 4e trimestre 2009 sont passées à environ 20 000 euros au 1er trimestre de l'année suivante ; - qu'elle s'en est étonnée par téléphone et par courriel auprès des dirigeants de la société Comotec Optical qui en guise de seule réponse, lui ont transmis un tableau faisant état de différences entre les prix pratiqués par elle et ceux pratiqués par les fournisseurs chinois et l'ont invité à leur faire part de ses observations ; - qu'elle s'est trouvée contrainte de réduire progressivement ses tarifs sur 5 références et finalement à l'automne 2010, de s'aligner sur les tarifs prétendument pratiqués par les fournisseurs chinois ; - que début avril 2010, à la suite d'une nouvelle rencontre au cours de laquelle les perspectives de nouveaux partenariats avec d'autres sociétés avaient été présentées comme incertaines, elle a une nouvelle fois, sur pression du Groupe Comotec, consenti des réductions tarifaires en contrepartie d'un engagement de maintien d'un courant d'affaires équivalent à celui réalisé en 2009 ; - que cependant, en dépit de nouveaux efforts consentis par elle tout au long du printemps 2010, les commandes ponctuelles passées par la société Comotec Optical sont restées très faibles et le niveau de courant d'affaires des années précédentes n'a jamais été atteint ; - que ces réductions sans contrepartie réelle l'ont conduite à produire certaines références à perte au point de la conduire à rejeter certaines commandes du Groupe Comotec sur la base de prix unilatéralement imposés ; - qu'elle a enfin découvert courant juillet 2010, que sans l'en avoir informée, le Groupe Comotec avait en réalité programmé la fin de leurs relations et que ce Groupe cesserait totalement de s'approvisionner auprès d'elle, trois mois plus tard ; - que ce courriel du 27 juillet 2010 constitue sur ce point, un aveu judiciaire du Groupe Comotec au sens de l'article 1356 du Code civil ; - que les sociétés Comotec l'ont donc entretenue durant plusieurs années, dans l'illusion que leurs relations commerciales seraient poursuivies, en lui faisant miroiter le développement d'un partenariat avec la société O'Reilly devenue société Optical Products, sans que cette intention corresponde à la réalité ;

Vu l'article L. 442-6-I, 4 du Code de commerce ;

Attendu que le délit de menace de rupture brutale des relations commerciales établies institué par cet article suppose, non seulement la démonstration de l'existence de telles relations mais également, celle d'un second événement prenant la forme d'une menace ou de menaces de rupture dans le but de bénéficier d'avantages injustifiés ; que le régime de responsabilité institué par cet article transcende la responsabilité contractuelle et délictuelle des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil ;

Attendu que dans les circonstances précises de cette espèce, si l'existence de relations commerciales entre les parties depuis 25 ans n'est pas discutée par ces dernières, les sociétés Comotec et Comotec Products ne sauraient contester la réalité de menaces au sens des dispositions précitées et sérieusement soutenir avoir dès 2008, clairement informé leur partenaire commercial de la cessation progressive de cette relation qui faisait alors l'objet de nouvelles orientations avec l'ouverture d'un marché en Chine ; que le courriel du dirigeant de la société Baron adressée le 17 décembre 2008 à l'issue de sa visite de l'usine O'Reilly en Chine (voir pièce 2 de leur dossier), sur lequel elles fondent leurs allégations de ce chef, reflète en effet bien au contraire, la perplexité du rédacteur : après avoir discuté avec M. Brugnoni [directeur général de Comotec], il semble que les volumes de 60FF02B et de 60F016B ne soient pas clairs. Son conseil pour Baron est de ne pas investir dans de nouvelles machines pour installer de la capacité. Dans ce cas, vous reconnaîtrez que la capacité de Baron est réduite par rapport aux volumes initiaux prévus (500k annuels pour chaque référence).

Attendu que la société Baron objecte de son côté à juste titre, que les échanges de courriels versés aux débats par ses adversaires (voir pièces 1 et 2) établissent au contraire, qu'à l'issue de la visite en Chine de son dirigeant courant décembre 2008, les parties étaient officiellement convenues de préserver et de renforcer le partenariat noué entre elles depuis de longues années et qu'elle a en outre, au cours des années 2009 et 2010, été à plusieurs reprises contrainte de rappeler à son partenaire ses engagements de souscrire un volume de commandes sensiblement stable et obligée de consentir, à l'issue de chacun de ses rappels, de nouvelles baisses de tarifs ;

Attendu qu'il s'infère de la confrontation des preuves documentaires produites par les parties que faute de justifier avoir clairement établi dès 2008 avec son partenaire commercial historique, nonobstant la réalité d'une crise économique, de nouvelles règles de partenariat économique dans le cadre d'une stratégie commerciale pragmatiquement définie du fait d'une ouverture de leur activité vers la Chine, les sociétés Comotec et Comotec Optical qui, après avoir attendu à plusieurs reprises que la société Baron s'inquiète officiellement par voie de courriels de la baisse du courant d'affaires existant entre elles nonobstant les engagements de commandes consentis en sa faveur et provoque des explications, ont obtenu à plusieurs reprises des baisses de tarif en contrepartie d'une remontée temporaire du dit courant d'affaires sur des bases, dont il n'est ni allégué ni précisément justifié qu'elles aient fait l'objet d'une évaluation chiffrée objective, ont nécessairement exercé des pressions tarifaires injustifiées au sens des dispositions légales susvisées ;

Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, le jugement entrepris sera de ce chef confirmé ;

1.2. En ce qui concerne la rupture de relations commerciales établies

Attendu que les sociétés Comotec et Comotec Optical observent : - que les premiers juges les ont condamnées, non seulement pour avoir menacé la société Baron d'une rupture de leurs relations commerciales afin d'obtenir de celle-ci des avantages abusifs mais également, pour une rupture brutale de ces relations au sens de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce alors qu'à l'évidence, une rupture des relations commerciales précédées de menaces durant plusieurs mois ne saurait être brutale et donc, imprévisible, soudaine et violente au sens de cet article ; - qu'en réalité, les difficultés économiques nées de la dégradation du marché et de la concurrence de fournisseurs chinois ont nécessairement eu des répercussions sur les commandes passées auprès de la société Baron ; - qu'elles ont averties celle-ci en 2008, non pas d'une simple baisse de la demande portant sur quelques références nouvelles mais bien, d'une diminution généralisée des commandes passées par les fournisseurs de la société Comotec Optical que celle-ci ne pouvait que répercuter sur ses propres fournisseurs ; - que ces difficultés dont la réalité est corroborée par l'étude du Cabinet Xerfi d'octobre 2010 qu'elle produit aux débats, expliquent que la société Comotec se trouve aujourd'hui placée en liquidation judiciaire ; - que du fait de ces incertitudes liées au fonctionnement du marché, les sociétés Comotec ont mis en place courant 2009 et 2010, un plan de désengagement progressif de leurs relations commerciales avec la société Baron, valant préavis de rupture attesté par les échanges de courriels entre elles ; - que le dirigeant de la société Baron a par surcroît, clairement été avisé de cette situation le 4 avril 2010 ; - qu'à la suite d'un courriel du 23 juillet 2010, la société Baron était avisée de la forte diminution des commandes à venir et du fait, que les baisses de tarifs n'étaient qu'une solution temporaire visant à permettre à l'intimée de se réorganiser avant la fin de sa relation avec elles ; - que malgré le temps d'adaptation accordé, la société Baron n'a entrepris aucune réorganisation pour améliorer sa réactivité et baisser ses tarifs ; - que le 25 mars 2010, elle a communiqué à la société Comotec Optical, une liste de produits qu'elle était en mesure de lui fournir, les prix indiqués étant ceux communiqués en 2009, sans actualisation et sans égard à la concurrence chinoise et à l'évolution du marché ; - que la société Baron a par ailleurs livré en 2009 et 2010, des lots de produits présentant de très graves défectuosités, dans des proportions bien supérieures à celles de ses concurrents ; - qu'une telle circonstance explique pourquoi, elles ont souhaité s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs ; - que cette absence de contrôle qualité imputable à la société Baron leur a au demeurant occasionné de graves difficultés puisqu'elles ont notamment fait obstacle à ce que la société Comotec Optical honore en temps et en heure, les commandes que lui avaient passé ses propres donneurs d'ordre ; - que la société Baron a encore, courant 2010 et 2011, refusé sans explication valable, un certain nombre de commandes dont une très importante, passée par la société Comotec Optical ; - que compte tenu de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par la société Baron en 2011, celle-ci a à l'évidence, préféré satisfaire ses autres clients plutôt que de répondre à leurs commandes ; - que ceci est la preuve que la société Baron a finalement pu réorganiser son activité' et qu'aucune rupture brutale fautive au sens de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce ne peut pour ces raisons, leur être imputée à faute ;

Qu'elles précisent encore : - que quoi qu'il en soit, la société Baron a bénéficié d'un préavis largement suffisant au regard de la durée des relations commerciales entretenues avec elles ; - que ce délai de préavis court en effet, dès la manifestation par l'auteur de la rupture, de son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales et non pas, à compter du jour où la rupture de telles relations est consommée ; - que précisément, elles n'ont eu de cesse depuis décembre 2008, d'avertir la société Baron de la nécessité de se réorganiser et de réorienter son activité vers d'autres donneurs d'ordre ; - que la société Baron, a explicitement été informée par courriel du 27 avril 2010 qu'elle souhaitait mettre un terme à leurs relations commerciales lesquelles se sont alors poursuivies pendant plus d'un an ; - qu'un tel délai a suffi, ainsi qu'en témoigne le fait que la société Baron a en 2011, reconstitué avec d'autres donneurs d'ordre le chiffre d'affaires atteint en 2009 ; - que les premiers juges ont donc à tort, retenu un préavis de deux années ;

Attendu que la société Baron répond : - que contrairement aux allégations des société Comotec, le fait que cette rupture des relations commerciales litigieuses ait été précédée de menaces ne la rend pas moins brutale au sens des dispositions légales, dès lors que cette rupture est survenue sans préavis écrit prenant en compte la durée des relations entre les parties ; - que les sociétés Comotec tentent en vain d'éluder leur responsabilité, au moyen d'arguments fallacieux et inopérants ; - qu'à l'évidence, compte tenu des éléments de preuve versés aux débats, rien ne pouvait lui laisser présager, que ce soit en décembre 2008, en juin 2009 ni même en décembre 2009, qu'une rupture des relations commerciales existantes avec les société Comotec, allait survenir à court ou moyen terme ; - qu'à l'inverse, la forte progression du montant des commandes passées au second semestre 2009 et son effondrement au premier trimestre 2010, renforcent l'idée d'une rupture brutale des relations commerciales à laquelle, faute de préavis, elle ne pouvait s'attendre ; - que ses adversaires ne justifient d'aucun écrit, attestant de la mise en place du plan de désengagement progressif dont elles se prévalent ; - que quoi qu'il en soit, les commandes passées par elles en 2010 et 2011 procèdent d'une mauvaise foi manifeste dès lors qu'elles apparaissent avoir été faites dans l'unique but de la contraindre à les refuser et ainsi à lui imputer la responsabilité de la rupture ; - que les défectuosités dont les sociétés Comotec et Comotec Products se prévalent encore au titre des années 2009 et 2010 sont restées marginales puisqu'elles n'ont correspondu qu'à 2,88 % du montant des livraisons ; - qu'au demeurant, le fait que des avoirs aient été émis à hauteur de 2,88 % des livraisons ne signifie pas nécessairement que des pièces livrées présentaient des défauts, certaines livraisons devant parfois être intégralement rejetées et donner lieu à avoir, alors même que seule une partie des lots est défectueuse et que le tri de ces derniers s'avérerait trop long et trop coûteux ; - que les sociétés Comotec cherchant manifestement à faire feu de tout bois pour lui attribuer la responsabilité de la rupture de relations contractuelles qui, en réalité leur incombe à elles seules, le jugement entrepris doit être confirmé ;

Vu l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce ;

Attendu que le délit de rupture des relations commerciales établies instituées par cet article suppose non seulement la démonstration de l'existence de relations commerciales établies mais également, celle d'un second événement prenant la forme d'une rupture ; que comme pour celui de menace de rupture en contrepartie d'avantages injustifiés, le régime de responsabilité institué par cet article, transcende la responsabilité contractuelle et délictuelle des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil ;

Attendu que dans les circonstances précises de la présente espèce, les mêmes circonstances établissant la réalité de menaces de rupture sont à l'évidence de nature à permettre de caractériser l'existence d'une rupture brutale et ce, de manière parfaitement logique puisque, en ayant à plusieurs reprises, obtenu de la société Baron, dans le cadre de rapports de force répétés attestés par les échanges de courriels soumis à l'appréciation de la cour, des avantages tarifaires conséquents et difficiles à amortir pour celle qui les consentait, le Groupe Comotec a en réalité entretenu son partenaire commercial dans l'illusion d'une collaboration dont il reconnaît aujourd'hui que dès 2008, il ne souhaitait en réalité pas la poursuivre (voir pièce n° 28 de Comotec) pour des raisons ne tenant pas fondamentalement, ainsi qu'il semble vouloir l'affirmer aujourd'hui, à la mauvaise qualité intrinsèque des produits qui lui étaient livrés ; qu'au demeurant, la société Baron qui apparaît ne pas avoir dans ces circonstances, raisonnablement pu anticiper l'avenir, admet certes certaines livraisons défectueuses mais relève aussi, sans être véritablement contredite sur ce point, que les défectuosités constatées sont restées marginales ; que de même, les parties appelantes ne produisent aucune justification concrète et circonstanciée de la prétendue diminution de leurs besoins en pièces fabriquées par leur partenaire ni de l'élaboration d'un plan officiel et connu de son adversaire d'un plan de désengagement progressif de ses relations commerciales avec ce dernier ;

Attendu encore que faute de pouvoir dans un tel contexte et dans les circonstances ci-dessus établies, justifier d'un préavis écrit préalable à la rupture clairement exprimée par courriel du 28 juillet 2010, les sociétés Comotec et Comotec Optical ont bien commis une faute au sens des dispositions légales précitées dont elles doivent aujourd'hui répondre, cette rupture ne pouvant être qualifiée que de rupture brutale au regard de la forte progression du montant des commandes reçues par la société Baron au second semestre 2009, suivie d'une chute libre constatée à partir de janvier 2010 jusqu'au constat clair du 28 juillet suivant ;

Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, le jugement entrepris sera sur ce point encore, pleinement confirmé ;

2. Sur l'indemnisation des préjudices corrélatifs de la société Baron

2.1. Les grandes lignes des thèses en présence

Attendu que les sociétés Comotec et Comotec Optical critiquent la décision des premiers juges ayant selon elles, indemnisé deux fois le même préjudice ;

Qu'elles exposent : - qu'on ne saurait être en effet, à la fois victime d'une menace et victime de la mise à exécution de celle-ci ; - que par suite, la société Baron ne pouvait légitimement demander pour les mêmes faits, une indemnisation du chef des articles L. 442-6-1, 4° et L. 422-6-1, 5° du Code de commerce ; - que seul le préjudice réel peut au demeurant donner lieu à indemnisation sur les bases définies par l'article 1149 du Code civil ;

Attendu que la société Baron estime pour sa part, que le tribunal lui a à bon droit octroyé une indemnisation de 50 000 euros au titre du préjudice occasionné par les agissements des parties adverses en violation de l'article L. 442-6-I, 4° du Code de commerce mais qu'il a à tort, limité l'indemnisation du dommage qu'il a subi du chef de la rupture brutale des relations établies avec le Groupe Comotec à 417 424 euros correspondant à deux années de valeur ajoutée ;

2.2. La réponse de la cour

Attendu que la cour se doit de rechercher la juste appréciation du préjudice subi du chef d'octroi d'avantages injustifiés, sous condition de menaces de rupture des relations commerciales établies comme du chef d'une rupture brutale de ces relations commerciales et ce, en référence au principe de réparation intégrale excluant certes de sous-évaluer le préjudice de la victime mais tout autant, de condamner l'auteur du dommage à indemniser cette même victime, au-delà du préjudice qu'elle a réellement subi ; que cette appréciation de préjudice relève de son pouvoir souverain ;

Attendu pour ce qui concerne l'indemnisation du préjudice né de l'octroi d'avantages injustifiés sous condition de rupture brutale,

Que le Groupe Comotec observe d'une part : - qu'à supposer les menaces alléguées établies, le préjudice de la société Baron ne peut correspondre qu'à une perte de marge bénéficiaire brute calculée non pas, sur la perte du chiffre d'affaires atteint avec lui mais, de manière précise, sur les bénéfices qu'elle pouvait escompter tirer du maintien de ses relations avec lui au sens de l'article 1149 du Code civil ; - que quoi qu'il en soit, la marge réellement dégagée par une entreprise ne peut être connue qu'après imputation des coûts dits variables et donc, des charges de l'entreprise qui varient en fonction du chiffre d'affaires ; - qu'en l'espèce, la société Baron ne peut prétendre à une indemnisation supérieure à 45 100 euros correspondant à la perte de marge subie par elle et liée à la baisse du chiffre d'affaires réalisé avec lui en 2010 ;

Que la société Baron répond d'autre part : - que les agissements dont elle est victime lui ont occasionné deux préjudices distincts dont elle est aujourd'hui fondée à obtenir la juste indemnisation ; - qu'il est intolérable qu'un client, sachant son prestataire d'ores et déjà engagé dans la réalisation d'une prestation, exige de lui des remises drastiques sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales existantes ; - que les baisses de prix qui lui ont été imposées, de l'ordre de 25 à 50 % entre 2009 et 2010, se sont traduites par des pertes de marge, non compensées par les engagements de maintien de volume de commandes pris par les sociétés Comotec du chef de certaines références ; - que l'évaluation des premiers juges apparaît être dans ces conditions, parfaitement raisonnable ;

Et attendu que compte tenu du chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 392 000 euros réalisé en 2009 par la société Baron, non discuté par les sociétés Comotec et Comotec Optical, l'indemnisation de 50 000 euros octroyée par les premiers juges du chef de ce premier préjudice apparaît raisonnable et devoir être souverainement retenue, puisqu'il n'est pas sérieusement contredit que ce montant correspond a minima à la perte de marge liée à la baisse de tarifs consentie par la société Baron, non compensée par le respect des volumes de commandes annoncés par le Groupe Comotec ;

Attendu pour ce qui concerne en second lieu le préjudice subi par la société Baron en suite de la rupture brutale des relations commerciales,

Que les sociétés Comotec et Comotec Optical soutiennent, d'une part : - que l'intimée ne saurait se prévaloir uniquement de la perte de marge brute réelle qui ne peut être exactement connue qu'après imputation des coûts dits variables autrement dit, imputation des charges de l'entreprise variant selon le chiffre d'affaires réalisé ; - que sauf à être indemnisée au-delà de son préjudice réel, la société Baron ne peut se borner à exclure du calcul de son préjudice, les coûts des matières premières qu'elle n'aurait pas achetées faute de commandes reçues puisqu'en effet, outre la perte du chiffre d'affaires, tout partenaire commercial évincé brutalement économise certains coûts et notamment, ceux qu'il aurait exposés pendant la période de préavis pour les prestations ou produits qu'il aurait dû fournir ; - qu'il y a donc notamment lieu de déduire les coûts variables économisés, sous réserve que l'auteur de la rupture justifie de leur montant ; - que de ce point de vue, s'il est exact qu'elles ne disposent pas des informations nécessaires permettant de déterminer précisément le montant de ces coûts fixes et variables dès lors que la société Baron ne communique aucun élément utile et qu'elles n'ont nullement accès à la comptabilité de l'intimée, le rapport de l'Insee afférent à la sous-traitance industrielle pour 2009 qui reste un indicateur fiable, fait état pour les entreprises de décolletage, d'un taux de marge brute de 16 % ; - que le calcul de la marge brute de la société Baron tel que définie par l'Insee, révèle un taux moyen subséquent de 20 % pour la période 2009-2011 ; - que dès lors qu'en 2011, la société Baron apparaît n'avoir subi aucun préjudice puisque son chiffre d'affaire était revenu à celui qu'elle réalisait avec les commandes qu'elles passaient auprès d'elles, le préjudice subi par la société Baron peut eu égard aux chiffres d'affaires réalisés entre 2009 (392 000 euros.) et 2010 (166 500 euros.) et donc à une baisse enregistrée de 225 500 euros, peut être raisonnablement fixé à la seule somme de 45 100 euros [20 % x 225 500 euros] ; - que subsidiairement, si la cour estimait ne pas disposer des éléments utiles à la détermination précise de ce préjudice, il y aurait lieu de prescrire une mesure d'expertise et de désigner un expert-comptable chargé de déterminer les coûts variables et la quote-part de charges fixes, à déduire du calcul du préjudice subi par la société Baron ;

Que cette dernière répond, d'autre part : - que les sociétés Comotec et Comotec Optical s'affranchissent de la jurisprudence applicable en la matière et font fi de 24 années de relations commerciales suivies qui, au vu des éléments apportés aux débats, justifient l'octroi à son profit d'une indemnisation de l'ordre de 630 356 euros ; - que l'évaluation d'un tel préjudice doit en effet être apprécié au regard de la marge bénéficiaire brute que la société Baron aurait pu, en l'absence de rupture, escompter atteindre et non pas à la perte sur coûts variables ; - que l'assiette à retenir pour cette évaluation correspond à la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des trois années précédant la rupture, à laquelle il y a lieu d'affecter pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté, la "marge brute bénéficiaire" ; - que ses adversaires sont d'autant moins fondés à limiter son indemnisation à la marge perdue entre 2009 et 2010, qu'une majeure partie du chiffre d'affaires réalisé avec le Groupe Comotec l'a été sur la base de commandes passées en 2009 ; - qu'étant restée en 2010 dans l'incertitude quant à l'issue de ses relations avec le Groupe Comotec, elle n'a pu entreprendre le démarchage de nouveaux clients qu'au moment où il était parfaitement clair que le Groupe Comotec n'entendait plus réaliser d'affaires avec elle soit fin 2010 ; - que si elle a su déployer ses activités vers d'autres marchés au prix de nouveaux investissements, notamment en matière d'outillage industriel, elle n'a jamais retrouvé le même niveau de chiffre d'affaires qu'avec les productions réalisées sur ses machines à cames ; - que l'étude Xerfi versée aux débats révèle au demeurant, que la définition de la marge brute bénéficiaire qu'elle propose, correspond au chiffre d'affaires (plus la production stockée et immobilisée.), sous déduction du coût des matières premières et de l'approvisionnement ; - qu'elle est finalement, au regard de l'ensemble de ces éléments, fondée à réclamer une indemnisation de 690 356 euros correspondant à deux années de marge brute en raison, de la durée du préavis de deux années qui aurait dû être accordé, du chiffre d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture au cours des trois dernières années ayant précédé cette rupture et enfin, du pourcentage de marge brute bénéficiaire normalement réalisé ;

Et attendu que la victime d'une rupture brutale peut sur le fondement des dispositions de l'article 1149 du Code civil, réclamer à son cocontractant l'indemnisation de son préjudice, au titre du gain manqué comme au titre de la perte subie ; que dans les circonstances précises de la présente espèce, le gain manqué correspond à la marge brute que la victime de la rupture pouvait escompter tirer pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté, à l'exclusion du montant du chiffre d'affaires tandis que la perte subie peut être fixée au chiffre d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture au cours des trois dernières années précédentes pondéré par le pourcentage de marge brute bénéficiaire normalement réalisé ;

Attendu que compte tenu de l'ensemble de ce qui précède et eu égard au préavis de deux années qui aurait dû être respecté compte tenu de l'ancienneté des relations contractuelles (près de 25 ans), la cour est en mesure d'arrêter de manière raisonnable et souveraine le préjudice causal de la société Baron à la somme arrêtée par les premiers juges ; qu'il est en effet constant que cette dernière société a pu rétablir un bon niveau d'activité dès 2011 ;

3. Sur les autres demandes

Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

Attendu que les sociétés Comotec et Comotec Optical qui succombent à titre principal seront condamnées aux entiers dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés Comotec et Comotec Optical à payer à la société Baron 10 000 euros à titre de frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce compris les sommes allouées au titre des dépens et des frais irrépétibles, Y ajoutant, Condamne la société anonyme Comotec représentée par son liquidateur amiable et la société de droit étranger Comotec Optical Products Limited aux entiers dépens de l'instance d'appel, Condamne in solidum la société anonyme Comotec représentée par son liquidateur amiable et la société de droit étranger Comotec Optical Products Limited à verser à la société par actions simplifiée Baron dix mille euros (10 000 euros) à titre de frais irrépétibles d'appel, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.