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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 5 novembre 2014, n° 12-01625

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Davaci BV (Sté)

Défendeur :

Starkey

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mame O'Yl

Conseillers :

MM. Bancal, Ramonatxo

Avocats :

SCP Taillard-Janoueix, Mes Nahum, Rivière, Gault

T. com. Bordeaux, du 27 janv. 2012

27 janvier 2012

Vu le contrat d'agent commercial du 26 novembre 2006,

Vu le jugement du 27 janvier 2012 rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux, du du 27 janvier 2012 par lequel la société Davaci a été déboutée de sa demande d'application de la loi suisse et condamné à payer à Monsieur Starkey la somme de 317 566,36 euro au titre des commissions impayées, et Monsieur Starkey a été condamné à payer à la société Davaci la somme de 30 000 euro au titre de la rupture du contrat,

Vu l'appel interjeté le 20 mars 2012 par la société Davaci BV,

Vu les conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées et déposées le 3 février 2014 par la SA Davaci BV,

Vu les conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées et déposées le 12 février 2014 par Monsieur Starkey,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 février 2014,

SUR CE :

Sur les relations contractuelles : régime juridique des relations contractuelles

La société Davaci Opération Ltd, société immatriculée à Malte, représentée par Monsieur SILK signe le 26 novembre 2006 un contrat d'agent commercial avec effet rétroactif au 1er janvier 2006 avec Monsieur Max Starkey rédigé en langue anglaise et intitulé "Account Executive Agreement" (pièce n° 1 du dossier de l'intimé).

L'objet de la convention est de prospecter la clientèle hospitalière en France dans le but de permettre à la société Davaci BV, spécialisée en Europe dans le domaine de réduction des coûts (optimisation des blocs opératoires, amélioration des systèmes et des processus de soins, management de l'occupation des lits, formation action, changement de comportement, réduction de l'absentéisme, amélioration du codage et de la facturation) d'offrir ses prestations en conseil d'organisation.

Le 9 mars 2010, la société Davaci Opération Ltd cède son contrat et tous les droits attachés au profit de la société Davaci BV immatriculé aux Pays-Bas par acte sous seing privé (pièce n° 20 dans le dossier de l'appelante).

C'est donc dans ces circonstances qu'intervient le présent litige.

S'agissant du droit applicable :

Le contrat mentionne en page 12 dans son article 21 que le présent "accord est soumis aux lois Suisse et à celles du canton de Vaux et seul les tribunaux du Canton de Vaud auront une compétence juridique."

La cour constatera que les juridictions helvétiques ont été saisies du litige opposant désormais la société Davaci BV venant aux droits de la société Davaci Opération Ltd et il ressort des pièces versées aux débats par l'appelante (pièces n° 31 et 32 du dossier) qu'elles n'ont reconnu ni leur compétence ni l'application du droit suisse à la convention litigieuse.

Dans ces conditions, le tribunal de commerce en considérant que les relations contractuelles liant Monsieur Starkey et la société Davaci BV seront soumise à la seule loi française, la France constituant pour l'agent le lieu de son établissement principal pays où il doit exécuter son mandat, a fait une juste appréciation des faits et en a tiré comme conséquence que le litige devait être soumis dans son intégralité à la loi française.

La décision sera donc confirmée sur ce premier point.

Sur les arriérés de commissions :

L'article 9 du Code de procédure civile énonce :

"Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention".

L'article 1315 alinéa premier du Code civil stipule que : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver", nul ne pouvant se constituer une preuve à lui-même.

Le 3 mars 2009, par lettre recommandée avec AR, Monsieur Max Starkey notifie à la société Davaci BV la rupture du contrat pour refus de paiement de commissions et refus de communiquer les éléments comptables lui permettant d'établir un compte à facturer.

Monsieur Starkey entendait donc ainsi se prévaloir d'une exception d'inexécution par le mandant de ses obligations dans les conditions prévues par l'article L. 134-13 2° du Code de commerce et réclamer à ce titre outre le paiement des arriérés de commissions le versement d'une indemnité de rupture.

La cour constatera que Monsieur Starkey via son conseil relancera par courriers recommandés sans succès plusieurs fois la société Davaci, le 25 mars 2009, le 28 avril 2009, le 9 juillet 2009.

La cour comme le Tribunal estime pour la résolution du présent litige déjà ancien d'enjoindre à la société Davaci BV la production des justificatifs des sommes perçues par cette dernière au titre de chaque contrat négocié par l'intermédiaire de son agent commercial Monsieur Starkey.

La cour se référera aux pièces utiles versées par les parties et notamment la pièce n° 24 du dossier de l'appelante qui apporte des précisions sur les sommes effectivement encaissées par la société Davaci, pièce non produite en première instance.

A titre liminaire, la cour rappellera que le droit à le droit à commission et rémunération variable est posé dans l'article 5 de l'annexe 1 de la convention du 2 novembre 2006 qui prévoit le versement d'une commission de 12 % nets de TVA pour chaque projet menée à partir d'une "analyse qualifiée", et une commission de 8 % pour les projets menés à partir d'une "analyse semi qualifiée".

Dans le cadre de l'accord, une analyse qualifiée consiste dans la fourniture aux clients d'une proposition contractuelle permettant à ce dernier de s'engager dans une analyse de son système de management, que cette analyse, soit suivie ou non par la finalisation du projet rémunéré au profit du mandant, en l'espèce la société Davaci.

La notion d'analyse qualifiée est contractuellement définie comme l'analyse réunissant les conditions suivantes :

- rencontre du décisionnaire ultime pour un projet de réorganisation ou d'améliorations des coûts,

- la disponibilité de ce même décisionnaire à une réunion d'information, ainsi que durant tout le processus en ce compris la présentation finale du projet,

- prise de décision à la fin de l'analyse et si celle-ci s'avérait positive mise en place immédiate du projet,

- volonté d'engranger les économies afférentes à la mise en place du projet,

- projet dans le champ de compétence du mandant (Davaci),

- solvabilité du client pour financer le projet.

A contrario, la notion d'analyse semi qualifiée doit être retenue conformément aux dispositions contractuelles dès lors qu'un des pré-requis mentionné n'est pas acquis.

Aucun élément probant n'est versé aux débats permettant de contester à Monsieur Starkey son droit s'agissant de ses clients présentés à la société Davaci d'invoquer son droit à percevoir une allocation de commission à hauteur de 12 %.

Ainsi se fondant sur la pièce 24 versée aux débats par l'appelante, le compte des commissions restant dues à Monsieur Starkey doit s'établir de la manière suivante :

- sur le marché du Centre hospitalier Château Thierry, le solde des commissions s'élève à 6 360 euro,

- sur le marché du Centre Hospitalier de Jonzac, le solde des commissions s'élève à 22 800 euro,

- sur le marché des Hôpitaux du lac Léman à Thonon, le solde des commissions s'élève à 2 100 euro,

- sur le marché du Centre Hospitalier Bélair à Charleville Mézières, le solde des commissions s'élève à 19 600 euro,

- sur le marché du Centre Hospitalier André Grégoire à Montreuil, le solde des commissions s'élève à 140 460 euro,

- sur le marché du Centre Hospitalier Haut Bugey à Oyonnax, le solde des commissions s'élève à 40 800 euro,

- sur le marché du Centre Hospitalier Georges Claudinon au Chambon Feugerolles, le solde des commissions s'élève à 37 800 euro,

Soit un total de 269 920 euro de commissions restant dues qui sera mis à la charge de la société Davaci.

Sur le quantum, la cour réformera donc la décision.

Contrairement aux allégations de la société Davaci, ces sommes calculées sur la base de justificatifs produites par l'appelante elle-même ne sauraient se voir diminuer en raison de manquements ou de fautes prétendument commises par l'intimé dans le cadre de l'exécution de ses engagements.

Aucune pièce probante ne permet d'accréditer un comportement fautif de l'intimé justifiant de le priver de son doit légitime à commissions.

Au contraire plusieurs attestations produites par les clients ou des chargés de mission de Davaci BV attestent du sérieux et de la qualité des prestations fournies par Monsieur Starkey (cf, pièce 42 Monsieur Lambert Montevecchi, pièce n° 67, 68, 84, 79 à 82).

Sur la résiliation du contrat d'agent commercial et l'indemnité de rupture:

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant pour des raisons autres que celles précisées à l'article L. 134-13 du même Code (faute grave de l'agent, initiative de sa part ou cession de contrat), l'agent commercial, qui en fait la demande dans l'année de la cessation du contrat, a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

En l'espèce, Monsieur Max Starkey qui a adressé la lettre de rupture le 8 mars 2009 estime dès cet instant que la cessation des relations contractuelles est imputable au mandant puisqu'il ne lui aurait pas permis de continuer à exercer sa profession, notamment en refusant de lui communiquer les éléments chiffrés lui permettant de facturer ses commissions, ce point constituant le grief mentionné en premier sur ce courrier mais ne mentionne en aucune façon sa volonté de réclamer au mandant l'indemnité qui pourrait lui être due au cas où celle-ci interviendrait.

Bien au contraire, dans les différents courriers de relance adressés par le conseil de Monsieur Starkey le 29 mars 2009, le 28 avril 2009, le 9 juillet 2009, il n'est question que du paiement d'arriérés de commissions et de l'éventualité même de négocier un autre contrat.

La question de l'indemnité de rupture n'est absolument pas évoquée ni dans son principe ni dans son quantum.

La cour ne pourra que constater que cette demande ne sera portée à la connaissance du mandant que par l'intermédiaire de l'assignation introduite le 14 mai 2010 soit plus d'an après l'extinction effective des relations contractuelles.

Sur ce point la cour constatant la déchéance de Monsieur Max Starkey de son droit à indemnité réformera en ce sens la décision des premiers juges.

Sur le non-respect du délai de préavis contractuel inséré dans la convention du 2 novembre 2006 imputable à Monsieur Starkey :

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'en envoyant sa lettre de rupture pour mettre fin au contrat le 8 mars 2009 alors qu'il débutait dès le lendemain un emploi de salarié dans la société Celerant Consulting et en dépit des retards de paiement de ses commissions, l'intimé n'avait pas respecté la clause contractuelle imposant un préavis de quatre semaines et qu'ils en ont déduit qu'il avait ainsi commis une faute contractuelle susceptible de réparation pour le préjudice subi par la société.

C'est également à bon droit qu'ils ont estimé devoir réparer le préjudice subi à hauteur de 30 000 euro.

C'est également à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande de compensation des sommes dues par les parties.

La décision sera donc confirmée sur ces deux points.

Sur les demandes reconventionnelles présentées par la société Davaci BV s'agissant d'actes de concurrence déloyale imputables à Monsieur Max Starkey :

En droit :

La liberté du commerce et de l'industrie est une liberté publique de valeur constitutionnelle, permettant à toute personne d'entreprendre et d'exploiter un commerce dans le cadre des règles d'ordre public, en s'installant dans tout lieu de son choix non prohibé par les règlements publics.

La concurrence entre commerçants est également libre et n'est restreinte que de façon exceptionnelle par le législateur ou par des accords conventionnels dérogatoires entre acteurs économiques, autorisés par les autorités françaises ou européennes de régulation de la concurrence.

Il est loisible d'insérer pour les parties dans leurs accords commerciaux une clause de non-concurrence restreignant de fait cette liberté du commerce, faut-il encore qu'elle respecte les dispositions d'ordre public prévues par les articles L. 134-14 et suivants du Code de commerce qui imposent un certain formalisme.

En l'espèce, les dispositions contractuelles insérées dans la convention du 2 novembre 2006 aux § 6 et 7 sous les rubriques "incitement" et "non-sollicitation" peuvent s'analyser comme une clause de non-concurrence limitée dans le temps (applicable dans les 12 mois qui suivent la fin de la relation commerciale).

En revanche, la cour observera qu'elles ne mentionnent en aucune façon une zone géographique délimitée territorialement comme le prévoit l'article L. 134-14 du Code de commerce.

En conséquence, la cour déclarera en application de l'article L. 134-16 du Code de commerce comme étant réputée non écrite cette stipulation contractuelle.

Pour autant, les dommages subis par un commerçant du fait de la concurrence émanant d'un autre commerçant peuvent constituer un préjudice réparable, dès lors qu'une faute délictuelle a été commise par ce dernier, consistant en un acte de concurrence déloyale ou une activité parasitaire traduisant un abus de cette liberté de concurrence, ce qui permet alors d'agir sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

S'il est loisible à un employeur de solliciter le personnel d'une entreprise concurrente en application du principe de la liberté d'embauche, dans certaines conditions, le débauchage de membres du personnel d'un concurrent peut être considéré comme illicite, compte tenu notamment du nombre de salariés concernés, de leurs qualifications professionnelles et de la simultanéité de leur départ.

Tout comportement déloyal et tout acte de parasitisme génèrent nécessairement un trouble commercial constitutif d'un préjudice, fût-il seulement moral.

Mais la preuve de la commission d'une faute incombe à celui qui l'invoque, en l'espèce la société Davaci BV.

En l'espèce s'il n'est pas contesté que Monsieur Starkey Max a effectivement signé le 12 février 2009 un contrat de travail prenant effet au 9 mars 2009 avec la société Celerant Consulting, société concurrente de la société Davaci BV, ce fait ne saurait constituer à lui seul un acte de concurrence déloyale.

Force est de constater que la société Davaci BV n'est pas en mesure de caractériser par Monsieur Starkey un détournement d'une clientèle déjà acquise ou simplement en contact avec la société Davaci comme cela ressort des pièces produites par l'intimé (pièce n° 43 courrier du professeur Meflah, pièce n° 44 courrier de Monsieur Mosconi directeur de Charles Perrens, pièce n° 45 courrier de Monsieur Jezequel directeur du centre hospitalier de Sedan).

Il est de même s'agissant des accusations portées par à l'encontre de Monsieur Starkey s'agissant du débauchage d'anciens salariés de la société Davaci.

La cour constatera que les salariés de Davaci prétendument débauchés par l'intimé n'ont jamais eu le statut de salarié mais celui contractuel (cf pièce n° 59 pour Mme Verneuil, pièce n° 58 M. Baggiani) et n'ont pas fait l'objet d'embauche par la société Celerant.

Enfin, il apparaît que la non-attribution de certains marchés au profit de la SA Davaci BV résulte non pas des agissements déloyaux de Monsieur Starkey et la société Clerant Consulting mais du simple mécanisme des appels d'offres qui régissent ces contrats, la société Davaci BV n'étant pas la mieux disante dans ses offres.

Dans ces conditions, la cour ne pourra que rejeter les demandes indemnitaires formulées par l'appelante au titre de la réparation d'un préjudice subi du fait d'agissements déloyaux.

Sur la demande indemnitaire pour résistance abusive :

Réclamant le versement d'un arriéré de commissions à la société Davaci BV, Monsieur Max Starkey ne justifie pas de la réalité d'un préjudice distinct au titre d'une résistance abusive.

Il sera donc débouté sur ce point.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Si, en première instance, l'équité commandait d'allouer à Monsieur Max Starkey 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, il en est de même en appel et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 5 000 euro.

L'équité ne commande nullement d'allouer à la société Davaci BV la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Succombant, l'appelante supportera les dépens.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, Contradictoirement, Confirme partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont, Rejette l'application de la loi suisse, Condamne Monsieur Max Starkey à payer à la société Davaci BV la somme de 30 000 euro au titre du non-respect du préavis, Ordonne la compensation des sommes dues par les parties, Condamne la société Davaci BV à payer à Monsieur Max Starkey la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Le Reforme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Condamne la société Davaci BV à payer à Monsieur Max Starkey la somme de 269 920 euro au titre des commissions, Prononce la déchéance du droit à percevoir une indemnité pour rupture sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, Déboute en conséquence Monsieur Max Starkey de sa demande d'indemnité, Déboute la société Davaci BV de ses demandes indemnitaires fondées sur la concurrence déloyale, Déboute Monsieur Max Starkey de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive, Y ajoutant, Condamne la société Davaci BV à payer à Monsieur Max Starkey la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Davaci BV de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Davaci BV aux dépens d'appel.