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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 5 novembre 2014, n° 13-05977

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stumpf, Weil (ès qual.), Gall-Heng (ès qual.)

Défendeur :

Hypromat France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mmes Roubertou, Alzeari

Avocats :

Mes Spieser, Schneider, Litou-Wolff, Lévy

TGI Strasbourg, JME, du 25 nov. 2013

25 novembre 2013

La SAS Hypromat France a conclu avec M. Jean-Pierre Stumpf, le 9 mars 2006, un contrat de franchise portant sur l'exploitation en Espagne d'un centre de lavage rapide en self-service pour véhicules automobiles qu'elle a donné en sous-location à la société Athic Lavage dirigée par M. Stumpf.

Aucune licence d'ouverture n'a été obtenue des autorités espagnoles, et aucune autorisation du ministère de l'Environnement n'a été obtenue pour l'emplacement des aspirateurs nécessaires à l'activité du centre de lavage.

Le centre de lavage a toutefois été ouvert par la société Hypromat en mars 2007.

L'exploitation du centre a été déficitaire et M. Stumpf a fermé le centre de lavage.

Par acte d'huissier du 12 septembre 2011, M. Stumpf, en présence de Me Claude-Maxime Weil, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de Me Evelyne Gall-Heng en qualité de mandataire judiciaire, a fait assigner la société Hypromat France devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour voir dire que le contrat de franchise est nul pour absence de cause et pour dol, en conséquence voir essentiellement condamner la société Hypromat à lui payer la somme de 449 416,27 euros TTC correspondant au montant des investissements effectués en pure perte, et la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements de la défenderesse.

La société Hypromat France a saisi le juge de la mise en état pour voir constater l'irrecevabilité de la demande formée par M. Stumpf qui n'a signé la convention qu'en représentation de la société Athic, non partie à la procédure, constater l'incompétence territoriale du tribunal saisi, constater la compétence du Tribunal de Barcelone (Espagne), constater la compétence d'ordre public des juridictions espagnoles en application des dispositions de l'article 16 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, et renvoyer M. Stumpf à mieux se pourvoir.

Elle s'est prévalue d'une clause attributive de compétence incluse dans l'article 17 de la convention signée entre les parties, en faveur des tribunaux de Barcelone.

M. Stumpf a demandé par conclusions du 11 mars 2014, de déclarer sa demande recevable, de juger que la clause attributive de juridiction est inapplicable en cas d'action visant à faire constater la nullité du contrat, et qu'en application du principe d'interprétation stricte imposé par la Cour de justice les dispositions de l'article 16 de la Convention de Bruxelles sont inapplicables à la procédure, en conséquence de débouter la société Hypromat France de son exception d'incompétence, de déclarer son action recevable à l'encontre de la société Hypromat France.

Par ordonnance du 25 novembre 2013, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent territorialement et a renvoyé M. Stumpf à mieux se pourvoir, l'a condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euros.

M. Stumpf, assisté de Me Claude-Maxime Weil, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de Me Evelyne Gall-Heng, en qualité de mandataire judiciaire, a interjeté appel de cette décision le 12 décembre 2013, puis le 16 décembre 2013. Les procédures ont été jointes.

Il a demandé par conclusions datées du 11 mars 2014, au visa du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, et du contrat de franchise :

- de le juger recevable en son appel,

- de réformer l'ordonnance du 25 novembre 2013 en ce que le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent territorialement, et par suite, de juger que c'est à tort que le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent territorialement,

- de juger que la clause attributive de juridiction dont se prévaut la société Hypromat France est inopposable en matière d'action en nullité du contrat de franchise,

- de juger qu'en application du principe d'interprétation stricte imposé par la cour de justice, les dispositions de l'article 16 de la Convention de Bruxelles sont inapplicables à la procédure.

En conséquence,

- de juger que le Tribunal de grande instance de Strasbourg est compétent pour connaître de la demande qu'il a formée contre la société Hypromat France,

- de désigner le Tribunal de grande instance de Strasbourg comme compétent pour recevoir sa demande,

- de condamner la société Hypromat France à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il rappelle que l'article 17 du contrat de franchise stipule qu'en cas de litige découlant de l'interprétation et/ou de l'application du contrat, les parties se soumettent expressément à la compétence des tribunaux de Barcelone avec exclusion de leur propre juridiction, le cas échéant, et indique qu'il y a lieu d'interpréter cette clause pour déterminer si l'action en nullité entre dans son champ d'application. Il fait valoir que la clause ne peut s'appliquer à une demande de nullité du contrat pour absence de cause et pour dol, de sorte que ce sont les tribunaux de Strasbourg qui sont compétents pour trancher le litige.

Il développe sur l'application de l'article 16 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, selon lequel en matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles, seuls sont compétents les tribunaux de l'Etat contractant où l'immeuble est situé, que l'objet de la demande est la nullité d'un contrat de franchise et que l'action ne porte pas sur un droit réel immobilier, de sorte que l'article 16 de la convention n'est pas applicable, et que ce sont bien les tribunaux de Strasbourg qui sont compétents.

Il rappelle que l'autorisation administrative d'exploiter le centre de lavage n'a pas été accordée, à tout le moins pas avant le 4 août 2010, soit plus de quatre années après la signature du contrat de franchise, et que les juridictions françaises sont à même d'apprécier s'il y a absence de cause et dol compte tenu des éléments fournis.

Il soutient la compétence des tribunaux de Strasbourg au regard du domicile de la société défenderesse.

Il développe sur l'irrecevabilité soulevée par la société Hypromat que c'est bien lui qui a signé le contrat et non la société Athic Lavage, qu'il est donc recevable à agir en nullité du contrat de franchise. Il demande de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a jugé que le juge de la mise en état est incompétent en matière de fin de non-recevoir.

La société Hypromat France demande par dernières conclusions datées du 26 mars 2014, de rejeter l'appel mal fondé, de confirmer l'ordonnance entreprise, de condamner M. Stumpf à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel.

Elle indique de son côté que M. Stumpf déclarant agir en représentation d'une société en cours de formation a conclu avec elle le contrat de franchise ; que c'est la société Athic que M. Stumpf a créée qui est devenue titulaire du contrat ; que celle-ci a d'ailleurs signé avec elle un avenant au contrat en 2007 et une convention de redevance de franchise.

Elle soutient que la convention a ainsi été exécutée et transférée à la société Athic, et qu'elle a aussi été exécutée par elle puisqu'elle a informé la société Athic de l'ouverture du centre de lavage automatique le 1er mars 2007.

Elle considère que la demande M. Stumpf est irrecevable parce que le préjudice invoqué, s'il existe, a été subi par la société Athic.

Elle fait valoir sur la question de la compétence, que le contrat signé contient une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Barcelone, que le litige porte sur l'exécution du contrat de sorte qu'elle est applicable, qu'en application de la clause le litige relève de la compétence des juridictions espagnoles.

Elle soutient qu'une demande d'annulation de contrat est un litige qui découle de l'application du contrat et qu'en pratique le litige a trait à l'exécution du contrat et aux difficultés présentées par celle-ci, rappelle que la station de lavage a bien été ouverte et qu'elle est toujours en exploitation.

Elle prétend que le litige portant à titre principal sur le remboursement de la station de lavage de véhicules automobiles, il porte sur un bien immobilier de sorte que c'est la juridiction de la situation du bien qui est compétente en application de l'article 16 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Elle indique à cet égard que le remboursement de l'investissement sollicité n'est pas directement la conséquence du contrat de franchise, mais du contrat de vente de la station de lavage.

Elle ajoute que la compétence d'ordre public du lieu de situation de l'immeuble est d'une bonne administration de la justice parce qu'il concerne l'application de règles de droit administratif espagnol que les juridictions espagnoles sont plus à même de trancher.

M. Stumpf a établi de nouvelles conclusions le 2 octobre 2014 et la société Hypromat France a demandé par écritures du même jour d'écarter des débats ces conclusions notifiées la veille de l'audience de plaidoiries et les pièces de l'appelant au-delà de la pièce n° 15, pour non-respect du principe du contradictoire.

SUR CE :

Attendu que les conclusions de M. Stumpf, de Me Weil, administrateur judiciaire, et de Me Gall-Heng, mandataire judiciaire, du 2 octobre 2014, comportent des développements supplémentaires par rapport à celles du 11 mars 2014 ; qu'elles sont en outre assorties de nouvelles pièces ;

Attendu cependant que datées de la veille de l'audience de plaidoiries, la société Hypromat n'a pu en prendre connaissance, de même qu'elle n'a pu prendre connaissance des pièces 16 à 18 de la liste des pièces dont les appelants entendent se prévaloir ;

Attendu qu'il convient en conséquence, afin de respecter le principe du contradictoire, d'écarter des débats tant les conclusions du 2 octobre 2014, que les pièces 16 à 18 du bordereau de pièces qu'elles comportent ;

Attendu qu'il en résulte que ce sont les conclusions de M. Stumpf, de Me Weil et de Me Gall-Heng, du 11 mars 2014, et les pièces figurant sur le bordereau de communication de pièces qui y est joint, qu'il convient de prendre en compte pour statuer sur les demandes en appel ;

Attendu que le contrat de franchise intervenu entre la société Hypromat France et M. Jean-Pierre Stumpf, déclarant agir pour lui et en représentation en qualité d'administrateur de la société qui exploitera le centre objet de la franchise, énonce article 17 intitulé "compétence", qu' "En cas de litige découlant de l'interprétation et/ou de l'application du présent contrat, les parties se soumettent expressément à la compétence des tribunaux de Barcelone avec exclusion de leur propre juridiction, le cas échéant" ;

Attendu que l'action engagée par M. Stumpf, Me Weil et Me Gall-Heng devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg vise à obtenir la nullité du contrat de franchise pour absence de cause et pour dol ; que dans ces conditions le litige ne découle pas de l'interprétation du contrat et/ou de l'application du contrat ; que ce sont les conditions de formation, l'existence même du contrat qui sont en cause ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'article 17 du contrat ne peut recevoir application ;

Attendu que le litige ne porte pas sur un bien immobilier, mais sur les relations d'affaires entre la société Hypromat France et M. Stumpf, seules parties dans la cause ; que l'article 16 1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 n'est en conséquence pas applicable au litige ; que M. Stumpf a, à juste titre, appelé la société Hypromat devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg, dans le ressort duquel elle a son siège social ; qu'il y a lieu ainsi d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état dont appel en ce qu'elle a retenu l'incompétence territoriale de la juridiction saisie ;

Attendu que le juge de la mise en état a à juste titre retenu dans les motifs de sa décision que l'appréciation de la fin de non-recevoir soulevée, tirée d'un défaut de qualité ou d'intérêt à agir de M. Stumpf, n'entre pas dans son champ de compétence, de sorte qu'il n'a pas statué dans son dispositif sur cette fin de non-recevoir ;

Attendu qu'il est équitable de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au seul profit de M. Stumpf ;

Par ces motifs : LA COUR, Ecarte des débats, sur le fondement de l'article 16 du Code de procédure civile, les conclusions de M. Jean-Pierre Stumpf, de Me Claude-Maxime Weil, administrateur judiciaire, et de Me Evelyne Gall-Heng, mandataire judiciaire, du 2 octobre 2014, ainsi que les pièces 16 à 18 du bordereau de pièces qu'elles comportent. Retient que l'article 17 du contrat du 9 mars 2006 conclu entre la SAS Hypromat France et M. Jean-Pierre Stumpf déclarant agir pour lui et en représentation en qualité d'administrateur de la société qui exploitera le centre objet de la franchise, ne peut recevoir application. Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 25 novembre 2013 en toutes ses dispositions. Et statuant à nouveau, Déclare le Tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, territorialement compétent pour connaître du litige opposant M. Jean-Pierre Stumpf à la SAS Hypromat France. Déboute la SAS Hypromat France de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance. Condamne la SAS Hypromat France aux dépens de première instance. Condamne la SAS Hypromat France aux dépens d'appel, et à payer à M. Jean-Pierre Stumpf, Me Claude-Maxime Weil, administrateur judiciaire, et Me Evelyne Gall-Heng, mandataire judiciaire, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Déboute la SAS Hypromat France de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.