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Décisions

Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-18.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Barreau

Défendeur :

Gestion Protection Sécurité (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon

Rapporteur :

Mme Corbel

Avocat général :

Mme De la Tour

Avocats :

SCP Masse-Dessen Thouvenin, Coudray, SCP Cécile, Blancpain, Soltner

Orléans, du 4 avr. 2013

4 avril 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Barreau, engagé par la société Gestion Protection Sécurité le 8 août 1994 en qualité de représentant, lié par une clause de non-concurrence avec faculté pour l'employeur d'y renoncer dans les quinze jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail, a été licencié le 7 avril 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le 7 juin 2011, l'employeur lui a envoyé une lettre mentionnant son intention de renoncer à la clause de non-concurrence ; que le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement, a demandé des dommages-intérêts pour harcèlement moral et le paiement de la contrepartie financière due au titre de la clause de non-concurrence ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement d'une somme au titre de l'indemnité de la clause de non-concurrence et de l'indemnité de congés payés, de dire que la clause de non-concurrence s'imposait à lui, de le condamner à restituer à l'employeur en deniers ou quittance valables, la contrepartie financière perçue en net au titre de la clause de non concurrence à compter du 15 novembre 2011, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt, de surseoir à statuer sur le montant des dommages-intérêts sollicités par l'employeur au titre de sa demande reconventionnelle dans l'attente de la décision de la chambre commerciale de la Cour d'appel d'Orléans, alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel ne pouvait condamner le salarié au remboursement sans préciser quelles sommes étaient contractuellement dues par l'employeur en principal et indemnité de congés payés ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher ni a fortiori préciser quelle était la somme due par l'employeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que dans son courrier du 7 juin 2010, la société GPS n'a pas subordonné la renonciation à la clause de non concurrence à l'accord du salarié ; que la cour d'appel a affirmé que l'employeur avait demandé l'accord du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 7 juin 2010 en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la renonciation de l'employeur à la clause de non concurrence est un acte unilatéral ne supposant pas l'accord du salarié ; que ni le contrat de travail ni l'avenant du 1er avril 2010 ne subordonnaient la renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence à l'accord du salarié ; que la cour d'appel a considéré que la clause de non-concurrence s'imposait à M. Barreau aux motifs qu'il n'avait pas donné son accord pour une renonciation à la clause de non-concurrence ; qu'en ajoutant une condition qui n'était pas prévue contractuellement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que dès lors que l'employeur s'est abstenu de payer la contrepartie financière mensuelle à la clause de non-concurrence payable dès la rupture du contrat de travail, le salarié est délivré de son obligation de non-concurrence ; que le salarié a soutenu que suite à son licenciement intervenu le 7 avril 2011, l'employeur n'avait commencé à verser les indemnités de non concurrence que le 15 septembre 2011 (après la saisine du Conseil de prud'hommes par le salarié) et avait en outre cessé tous règlements le 31 mai 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que l'absence de paiement, par l'employeur, de l'indemnité mensuelle avait libéré le salarié de son obligation de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que l'employeur n'avait pas renoncé à la clause de non-concurrence dans le délai de quinze jours prévu au contrat de travail et qu'il avait versé au salarié, qui en exigeait le paiement, la contrepartie financière au moins jusqu'au 15 novembre 2011, ce dont il résultait que le salarié était tenu à l'obligation de non-concurrence et, d'autre part, que celui-ci n'avait plus respecté cette obligation à compter du 15 novembre 2011, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en condamnant le salarié à rembourser à l'employeur les sommes nettes perçues à tort à ce titre à compter du 15 novembre 2011 ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié : - Vu les articles L. 1152-1, L. 1154-1 du Code du travail ; - Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que ni les propos désobligeants et menaces ni la baisse de la rémunération ou le non-respect des stipulations de l'avenant au contrat de travail ne sont établis, que la note du 2 novembre 2010 n'est qu'une lettre circulaire destinée à rappeler la réglementation et les normes à respecter et ne peut dès lors être retenue comme un agissement relevant d'un harcèlement, que le salarié a accepté les modifications de son contrat de travail, en sorte qu'il ne peut se plaindre d'une rétrogradation ;

Qu'en statuant ainsi, sans examiner ni se prononcer sur tous les éléments invoqués par le salarié parmi lesquels celui d'avoir reçu de l'employeur le 8 décembre 2010 une lettre de reproche injustifié et en procédant à une appréciation séparée de chacun des éléments retenus, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que pour condamner l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne produit pas les registres du personnel de ses établissements ce qui interdit à la cour de vérifier qu'aucun poste susceptible d'être proposé au salarié n'était disponible au moment de son licenciement et qu'il a effectivement rempli son obligation de reclassement par des recherches sérieuses et loyales ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier du registre d'entrée et de sortie du personnel de l'entreprise qui figurait sur le bordereau de pièces annexé aux écritures de l'employeur, dans lesquelles celui-ci précisait qu'il s'agissait du registre unique du personnel, et dont la communication n'avait pas été contestée par la partie adverse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société GPS au paiement des sommes de 12 086,46 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 602,64 euros d'indemnité de préavis et 460,26 euros de congés payés afférents et en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt rendu le 4 avril 2013, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bourges.