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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 10 janvier 2014, n° 12-03333

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

K par K (SAS)

Défendeur :

Lefebvre, Projet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boiffin

Conseillers :

Mmes Piet, Dubaele

Avocats :

Mes Plateau, De Villeneuve, Woimant, Delahousse, Sageot

TI Amiens, du 25 mai 2012

25 mai 2012

Ainsi que le premier juge l'a exactement indiqué par un rappel des faits du litige auquel la cour se réfère pour leur plus ample exposé, Mme Monique Lefebvre, après avoir annulé une première commande passée le 2 décembre 2009, à l'occasion de laquelle elle avait versé un acompte de 700 euros, a, le 9 janvier 2010, à nouveau commandé à la société K par K la fourniture et la pose de menuiseries extérieures destinées à son domicile pour une valeur totale de 13 978 euros TTC, en ayant versé un nouvel acompte de 700 euros, et, suivant deux offres préalables datées du même jour, successivement contracté auprès de la société Projeo deux ouvertures de crédit renouvelables, l'une, d'un montant maximum autorisé de 13 278 euros, au TEG annuel de 11,98 %, remboursable par mensualités de 240 euros, et l'autre, d'un montant maximum autorisé de 15 278 euros, au TEG annuel de 11,98 %, remboursable par mensualités de 280 euros.

Les menuiseries commandées ont été installées en avril 2010.

Les 7 et 9 mars 2011, Mme Monique Lefebvre a assigné les sociétés K par K et Projeo devant Le Tribunal d'instance d'Amiens afin d'obtenir, au visa des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, l'annulation des contrats de vente et de prêt ainsi que l'allocation de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 25 mai 2012, le Tribunal d'instance d'Amiens a :

- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 9 janvier 2010 entre Mme Lefebvre et la société K par K,

- condamné la société K par K à restituer à Mme Lefebvre la somme de 1 400 euros au titre des acomptes versés, outre celle de 13 278 euros au titre du solde du chantier, et Mme Lefebvre à restituer à la société K par K "les fenêtres, portes et volets installés à son domicile, objet du contrat judiciairement annulé", en ayant dit que Mme Lefebvre devra les tenir à la disposition du vendeur et que "le démontage et le transport en seront à la charge et aux frais avancés de la société K par K",

- requalifié 'les contrats de crédit renouvelables utilisables par fraction conclus le 9 janvier 2010 entre Mme Lefebvre et la société Projeo en contrats de crédit affectés au financement de l'achat d'un bien ou de la fourniture d'un service" et en a constaté l'annulation ainsi que celle des deux avenants du 15 janvier 2010,

- condamné Mme Lefebvre à restituer à la société Projeo la somme de 10 138 euros "au titre du prêt judiciairement annulé", avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- condamné la société K par K "à relever et garantir Mme Lefebvre du remboursement de la somme de 10 138 euros",

- débouté la société Projeo et Mme Lefebvre de leurs demandes de dommages-intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum les sociétés K par K et Projeo aux dépens et à verser à Mme Lefebvre la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu l'appel de ce jugement formé par la société K par K et ses conclusions signifiées le 22 octobre 2012 par lesquelles, poursuivant l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, elle demande à la cour de débouter Mme Lefebvre de toutes ses prétentions ou, à titre subsidiaire, de condamner la société Projeo à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et, en tout état de cause, de condamner Mme Lefebvre en tous les dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2013 par lesquelles la société Projeo, intimée, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte "quant au prononcé de la nullité du contrat principal et des contrats de crédit", de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Lefebvre à lui restituer les sommes perçues 'au titre du prêt judiciaire annulé' sauf à élever le montant de celles-ci à 12 138 euros et de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société K par K aux dépens et à verser à Mme Lefebvre une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la société K par K à lui restituer cette somme qu'elle a versée en exécution de la décision dont appel ainsi qu'aux entiers dépens et/ou, le cas échéant, toute partie succombante, à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les conclusions signifiées le 11 décembre 2012 par lesquelles Mme Monique Lefebvre, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 9 janvier 2010 et celle des contrats de prêt, a condamné la société Projeo à lui rembourser l'intégralité des échéances acquittées depuis leur souscription et a condamné la société K par K à lui rembourser la somme de 1 400 euros 'indûment versée au titre des acomptes', mais de l'infirmer pour le surplus et de dire qu'il appartiendra à la société Projeo de demander à la société K par K le remboursement du capital emprunté, de condamner les sociétés K par K et Projeo à lui verser, pour chacune d'elles, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et, solidairement, aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la nullité du contrat de vente conclu le 9 janvier 2010 avec la société K par K :

Considérant qu'à l'appui de son recours et pour s'opposer à la demande de nullité du contrat de vente du 9 janvier 2010 formée par Mme Lefebvre, la société K par K fait valoir que cette dernière ne démontre d'aucune façon avoir été dans une situation de faiblesse dont elle aurait abusée lors de la signature de ce contrat, que le second acompte de 700 euros, réglé par chèque, a été perçu et encaissé après l'expiration du délai de rétractation, de sorte que les "dispositions réglementaires applicables en matière de vente à domicile" n'ont pas été méconnues, et que, contrairement à ce qu'a aussi retenu le premier juge, le contrat principal faisait bien référence aux modalités de financement de la prestation commandée ;

Mais considérant que les développements de la société K par K sur l'absence de démonstration par Mme Lefebvre d'un abus de faiblesse sont sans objet et inopérants puisque le premier juge n'a pas fondé sur ce fait sa décision d'annuler le contrat de vente et qu'en cause d'appel, Mme Lefebvre ne l'invoque pas davantage ;

Considérant, de plus, que comme l'intimée le soutient et l'a exactement relevé le premier juge, il est établi et, du reste, non contesté par la société K par K, que Mme Lefebvre lui a remis, le jour même de la signature du contrat de vente, un acompte de 700 euros par chèque libellé à son ordre, alors, de surcroît, que le vendeur avait conservé le précédent d'un montant identique, versé à l'occasion de la conclusion du premier contrat du 2 décembre 2009 ;

Que cette violation des dispositions de l'article 121-6 du Code de la consommation justifie à elle seule le prononcé de la nullité du contrat, peu important à cet égard que le chèque émis le 9 janvier 2010 n'ait été encaissé qu'après l'expiration du délai de réflexion, ainsi que l'oppose la société K par K ;

Qu'au surplus, le contrat de vente conclu le 9 janvier 2010 ne précise pas les modalités de paiement, aucune des mentions y étant afférentes n'ayant été renseignées, en méconnaissance des exigences de l'article L. 121-23 du Code de la consommation prescrites à peine de nullité, alors que comme l'a aussi relevé le premier juge, ont été remises à l'acheteuse deux offres de crédit d'un montant différent ;

Que le jugement entrepris doit ainsi être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 9 janvier 2010 entre la société K par K et Mme Lefebvre, et, en conséquence de cette nullité et de son effet rétroactif, condamné la première à restituer à la seconde la somme de 1 400 euros correspondant aux acomptes, outre celle de 13 278 euros au titre du solde du prix de vente, et dit, par une disposition non critiquée par Mme Lefebvre, que celle-ci devra restituer à la société K par K les menuiseries extérieures objet du contrat ;

- sur la nullité des contrats de prêt et ses conséquences :

Considérant que c'est aussi par des motifs pertinents, adoptés par la cour et non critiqués par la société Projeo, que le premier juge a retenu que "les crédits renouvelables" souscrits par Mme Lefebvre auprès de cette société l'avaient été dans le but de financer le contrat de vente préalablement conclu avec la société K par K et a, en vertu de l'article L. 311-21 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, constaté leur annulation de plein droit en conséquence de celle de cet autre contrat ;

Considérant que pour prétendre être "exonérée" de son obligation de restituer à la société Projeo les fonds prêtés, Mme Lefebvre soutient, à l'appui de son appel incident sur ce point et comme en première instance, que cette société a commis une faute en ayant versé le 15 avril 2010 à la société K par K l'intégralité des fonds alors que les travaux n'étaient pas encore entièrement réalisés à cette date, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de réception dressé le 10 avril 2010 ;

Considérant, cependant, que Mme Lefebvre a signé le rapport d'installation valant procès-verbal de réception du 10 avril 2010 avec la mention manuscrite "bon pour paiement" et ainsi "demandé à Projeo d'adresser le chèque de financement correspondant à l'opération à K par K", tel qu'indiqué sur ce rapport ;

Qu'elle n'est donc pas fondée à reprocher à la société Projeo d'avoir versé à la société K par K les fonds prêtés pour vouloir se soustraire à son obligation de les restituer en conséquence de l'annulation des contrats ;

Que les fonds prêtés s'étant élevés à 15 278 euros ainsi qu'en justifie la société Projeo, Mme Lefebvre doit, déduction faite des remboursements effectués à hauteur de 3 140 euros, être condamnée à lui restituer la somme de 12 138 euros et le jugement entrepris, réformé en ce sens ;

Considérant que l'annulation du contrat principal étant survenue du fait du vendeur, la société K par K, la société Projeo, prêteur, est en droit, en vertu de l'ancien article L. 311-22 du Code de la consommation applicable au litige, d'obtenir la condamnation de celle-ci à garantir l'emprunteur, c'est à dire Mme Lefebvre, du remboursement de cette somme ; que le jugement entrepris doit aussi être confirmé en ce qu'il a statué en ce sens, sauf à élever cette garantie à hauteur de la somme de 12 138 euros restant du e et non à celle de 15 278 euros, montant de la totalité du capital prêté, comme le sollicite la société Projeo ;

Considérant que pas plus qu'en première instance, la société Projeo ne justifie, en appel, du préjudice qu'elle invoque au titre de la perte des intérêts ou de l'indemnité d'exigibilité anticipée prévue au contrat de prêt ;

Que c'est ainsi à juste titre que le premier juge l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef à l'encontre de la société K par K ;

- sur les demandes de dommages-intérêts formées par Mme Lefebvre à l'encontre des sociétés Projeo et K par K :

Considérant qu'au visa de l'article 1382 du Code civil, Mme Lefebvre reproche à la société K par K d'avoir usé de manœuvres fautives pour la contraindre à régulariser en janvier 2010 le contrat de vente litigieux, dont le montant dépassait ses capacités financières, alors qu'elle avait déjà manifesté son refus de le conclure ;

Considérant, cependant, que si Mme Lefebvre établit avoir connu des problèmes de santé à cette époque, elle ne produit, en revanche, pas d'élément propre à démontrer la réalité des manœuvres dont elle fait état ;

Considérant qu'elle fait aussi grief à la société Projeo de lui avoir accordé un crédit alors que cette société n'ignorait pas qu'elle ne pourrait faire face à son remboursement, compte tenu de ses revenus limités et de son endettement résultant de la charge de précédents prêts ;

Mais considérant qu'en dehors de son propre écrit du 22 décembre 2009, Mme Lefebvre qui procède uniquement par voie d'affirmation sur ce point, ne produit pas non plus d'élément justifiant du montant des charges qu'elle invoque lors de la souscription du crédit litigieux et de la situation de surendettement qui en serait résultée ;

Qu'à défaut de rapporter la preuve des fautes qu'elle impute aux sociétés K par K et Projeo, elle doit être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts formées à leur encontre et le jugement entrepris confirmé en ce qu'il a statué en ce sens ;

- sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que les contrats de prêt étant annulés et la société Projeo ayant conclu en première instance à titre principal au rejet des prétentions de Mme Lefebvre, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamnée in solidum avec la société K par K aux dépens et à verser à celle-là la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société K par K qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel et à verser à Mme Lefebvre la somme de 1 000 euros par application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les sociétés K par K et Projeo doivent être déboutées de leurs demandes fondes sur ce même article ;

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort : - confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition relative au montant de la somme devant être restituée par Mme Lefebvre à la société Projeo avec la garantie de la société K par K ; - statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant : Condamne Mme Monique Lefebvre à restituer à la société Projeo la somme de 12 138 euros et Condamne la société K par K à la relever et garantir du remboursement de cette somme ; Condamne la société K par K aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à Mme Monique Lefebvre la somme de 1 000 euros par application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les sociétés K par K et Projeo de leurs demandes formées en appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.