CA Colmar, 2e ch. civ. A, 7 novembre 2014, n° 13-02404
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Philipps
Défendeur :
Hock GmbH & Co KG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leiber
Conseillers :
Mmes Diepenbroek, Blind
Avocats :
Mes Tassel-Benchabane, Spieser
Monsieur Christian Philipps demeurant en France a été employé en qualité de responsable commercial salarié par la société Hock GmbH & Co KG qui a son siège social en Allemagne et qui fabrique et vend des produits écologiques pour le bâtiment, du 1er janvier 2008 au 15 novembre 2008.
Le 29 octobre 2008, Monsieur Philipps s'est fait immatriculer au registre des agents commerciaux.
Le 13 novembre 2008, la société Hock a proposé à son ancien salarié un contrat permettant à celui-ci d'intervenir, dans un secteur correspondant au nord-est de la France, comme intermédiaire pour les ventes.
Monsieur Christian Philipps a refusé à plusieurs reprises de signer ce contrat.
Il a néanmoins développé, à partir du 15 novembre 2008 une certaine activité pour le compte de la société Hock et a obtenu à ce titre, le paiement de quelques commissions relatives à des contrats conclus par son entremise entre mi-novembre 2008 et fin avril 2009.
Le 2 juin 2009, la société Hock faisant référence à un précédent mail du 16 mai 2009 s'est étonnée de l'absence de signature du contrat établi six mois auparavant et a informé Monsieur Philipps de ce qu'elle ne procéderait plus à aucun versement tant que la situation ne sera pas régularisée.
Le 10 juillet 2009, constatant que rien n'évoluait, elle a proposé de mettre un terme, à partir du 30 juin 2009, à leur partenariat et de payer les commissions restant dues pour les mois de mai et juin 2009, ce, sans reconnaissance d'une responsabilité juridique.
Cette proposition étant restée sans suite, la société Hock a fait savoir à Monsieur Philipps que, par précaution, elle résiliait, pour raison sérieuse et avec effet immédiat, l'éventuel contrat liant les parties.
Par lettre simple datée du 29 octobre 2009, Monsieur Philipps a sollicité le versement d'un montant de 100 000 euro correspondant au préjudice subi du fait de la rupture selon lui brutale et injustifiée des relations contractuelles.
Par assignation délivrée le 21 mars 2011, Monsieur Philipps a saisi le Tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir la condamnation de la société Hock au paiement de ce montant.
Le tribunal a, par jugement du 28 mars 2013, dit que le litige est soumis au droit français, rejeté les prétentions du demandeur, condamné ce dernier aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 1 800 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Philipps a interjeté appel de ce jugement le 16 mai 2013.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 avril 2014, il demande à la cour de dire qu'il peut revendiquer le statut d'agent commercial selon le droit français, de condamner la société Hock au paiement de la somme de 10 000 euro au titre du préjudice subi du fait de la rupture des relations.
Il sollicite en outre que l'intimée soit condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code civil ainsi qu'au versement de la somme de 5 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir que si aucun contrat n'a été signé, il a bien travaillé en qualité d'agent commercial, conformément aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ; il se prévaut à cet égard du projet de contrat élaboré par la société Hock faisant référence à l'article 84 du Code civil allemand relatif au statut d'agent commercial en Allemagne ; il soutient qu'il résulte en outre de l'article 6 de ce projet, qu'il avait tout pouvoir pour négocier. Il produit également des attestations et des échanges de mails susceptibles de conforter ses affirmations, ainsi qu'une lettre circulaire de janvier 2008 invitant la clientèle à s'adresser à lui pour toute question technique ou commerciale.
Selon lui, l'intimée elle-même a reconnu initialement le statut d'agent commercial puisque son avocat, dans un courrier du 16 novembre 2009, n'a discuté que le montant de l'indemnisation et non son principe.
Il soutient par ailleurs qu'aucune cause grave ne justifiait la rupture des relations contractuelles, précisant que le refus de signer le contrat aux conditions posées par la société n'est pas constitutif d'une faute.
S'agissant du préjudice, Monsieur Philipps fait valoir qu'il est constitué de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation en commun de la clientèle et doit s'apprécier au regard de la durée de la collaboration entre les parties.
La société Hock a conclu le 1er avril 2014 à la confirmation du jugement déféré, à la condamnation de Monsieur Philipps aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle affirme que si elle était disposée à poursuivre une relation avec Monsieur Philipps, après la rupture du contrat de travail, c'est uniquement sur les bases du contrat soumis à l'intéressé, contenant des clauses essentielles à ses yeux relatives à la définition de la mission, l'application du droit allemand et la compétente des juridictions allemandes.
Elle explique que si elle a payé quelques commissions à l'appelant, c'est seulement parce qu'il avait promis qu'il signerait le contrat.
De plus, le fait que Monsieur Philipps ait souhaité exercer son activité par le biais d'une société SARL Alsace Maison Autonome n'a fait qu'aggraver le désaccord entre les parties.
Subsidiairement, l'intimée soutient n'avoir jamais confié à Monsieur Philipps un mandat de représentation ni le pouvoir de négocier, ainsi qu'il résulte des termes du projet de contrat, dont il se prévaut.
Elle dénie toute force probante aux attestations versées par l'appelant et affirme que la teneur des mails produits ne permet pas de retenir que Monsieur Philipps concluait lui-même les contrats ou discutait les prix.
Elle conteste également toute reconnaissance d'un droit de Monsieur Philipps fondé sur l'article L. 134-2 du code précité.
Très subsidiairement, l'intimée soutient n'avoir jamais réceptionné la lettre simple du 29 octobre 2009 produite par l'appelant de sorte qu'il n'établit pas avoir respecté le délai d'un an imposé par l'article L. 134-12 du Code de commerce pour faire valoir le droit à indemnité compensatrice.
Encore plus subsidiairement, s'agissant des fautes de Monsieur Philipps, elle lui reproche le fait de n'avoir pas voulu signer un contrat écrit, d'avoir négligé des clients qui se sont plaints auprès d'elle et d'avoir proposé à la clientèle des produits concurrents des siens par le biais de la société qu'il a créée.
Elle conteste enfin le montant de l'indemnité réclamée.
Vu l'ordonnance de clôture du 1er juillet 2014 ;
Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats ;
Il convient en premier lieu de constater que la loi applicable au litige est la loi française, pour les motifs adoptés du jugement, non sérieusement contestés.
L'article L. 134-1 alinéa 1er du Code de commerce dispose que "l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achats ... au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ...".
Si le contrat d'agent commercial est consensuel depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1991, le contrat d'agent, support d'une activité civile, relève, sur le plan probatoire, des dispositions de l'article 1341 du Code civil ; il se prouve donc en principe par écrit ou commencement de preuve par écrit ; sont recevables à cet égard le projet de contrat, les attestations et échanges de mails.
Le projet de contrat établi par la société Hock, s'il est intitulé contrat d'agent commercial et renvoie à l'article 84 du Code de commerce allemand relatif au statut d'agent commercial, définit de manière stricte et limitée la mission de Monsieur Philipps, son rôle consistant à présenter les produits de la société Hock, à en faire la promotion, sans pouvoir conclure les contrats au nom de la société, ni modifier les conditions de vente fixées par elle.
L'article 2 du projet de contrat prévoit ainsi que l'agent n'est pas habilité à percevoir des paiements, ne possède aucun pouvoir de représentation ni d'engagement contractuel de la société, ne doit conclure aucune vente en son nom propre des produits de la société, sans l'accord préalable de cette dernière.
Monsieur Philipps se prévaut pour sa part de l'article 6 du projet de contrat selon lequel "si la société devait se voir contrainte, notamment pour des raisons liées à la concurrence, d'accepter un prix anormalement bas dans des cas isolés, elle peut réduire la commission ... " pour affirmer qu'elle lui reconnaissait ainsi le droit de négocier le prix de vente ; cependant, les termes mêmes de la clause révèlent qu'il devait s'agir de situations exceptionnelles, le prix négocié étant par ailleurs toujours soumis à l'accord préalable de la société Hock qui avait seule pouvoir pour conclure les contrats.
La lettre circulaire de janvier 2008 aux termes de laquelle la société Hock invite ses clients à s'adresser à Monsieur Philipps pour toute question technique ou commerciale n'est aucunement probante puisqu'elle date d'une période où Monsieur Philipps travaillait encore en qualité de salarié et que son contenu n'est pas contradictoire avec la version de l'intimée.
Monsieur Philipps produit par ailleurs des attestations émanant notamment de son associé, de clients, de son ancienne secrétaire et des échanges de mails tendant à démontrer, selon lui, qu'il négociait les prix ou accordait des remises.
La société Hock a, à juste titre, remis en cause la neutralité de l'attestation de l'associé de Monsieur Philipps ainsi que celle d'un ancien collaborateur.
Elle a par ailleurs démontré que la plupart des sociétés, à l'origine des attestations n'étaient pas ou plus ses clients lorsque Monsieur Philipps a exercé l'activité litigieuse.
Par ailleurs, rien n'indique que les propositions de prix n'ont pas été discutées au préalable avec la société Hock.
Quoiqu'il en soit, cette dernière n'a jamais entendu que Monsieur Philipps exerce son activité professionnelle autrement que dans le cadre du contrat établi par elle, définissant strictement sa mission, les conditions de son activité, incluant notamment une clause de non-concurrence, y compris après la cessation du contrat, et soumettant tout litige éventuel à la compétence des tribunaux allemands, avec application de la loi allemande.
En effet, il ressort d'un mail du 19 décembre 2008 "nous attendons le contrat" puis d'un mail ultérieur du 2 juin 2009 faisant référence à un mail précédent du 25 mai 2009 ainsi que du courrier du 10 juillet 2009 que l'intimée réclamait avec insistance depuis plusieurs mois que Monsieur Philipps signe le contrat "Depuis une demi-année, il devrait tout de même être possible de nous retourner le contrat signé ... nous ne paierons plus rien, tant que nous n'aurons pas le contrat ...".
Il est constant que Monsieur Philipps n'a pas répondu à ces sollicitations ; bien plus, il ressort des termes "trotz entsprechender Zusagen" (malgré vos engagements conformes) qu'il avait promis sa signature, laissant la société Hock dans l'expectative.
Or, l'article L. 134-2 du Code de commerce dispose que chaque partie a le droit, sur sa demande, d'obtenir de l'autre partie un écrit signé mentionnant le contenu du contrat d'agence, y compris celui de ses avenants.
Monsieur Philipps ne saurait à présent se prévaloir de droits qu'il s'est arrogé lui-même et les opposer à l'intimée.
Il ne pouvait encore moins imposer à la société Hock que lui soit substituée, dans les relations contractuelles, en qualité d'agent commercial, la société Alsace Maison Autonome qu'il a créée en juin 2009 avec un autre associé, et dont le site Internet affichait de nombreuses marques de produits.
Enfin, le fait que l'avocat de la société Hock lui ait répondu en novembre 2009 en lui demandant des explications sur la base de calcul des indemnités réclamées ne permet pas de retenir que l'intimée a reconnu ses droits à indemnisation sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Force est de constater que Monsieur Philipps ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du statut d'agent commercial et de son droit à indemnisation, sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Le jugement déféré sera donc confirmé en son intégralité.
Monsieur Philipps partie succombante sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'au versement de la somme de 1 000 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne Monsieur Philipps aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Hock la somme de 1 000 euro (mille euros), par application de l'article 700 du Code de procédure civile.