Cass. com., 25 novembre 2014, n° 13-15.166
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Smoby Toys (SAS)
Défendeur :
Splash-Toys (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocats :
SCP Rousseau, Tapie, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, revendiquant un dessin et 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007, ainsi qu'un dessin et modèle communautaire n° 000 269 105-0007 "établi de bricolage", déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009, la société Smoby Toys a fait assigner la société Splash-Toys en contrefaçon de ces deux dessins et modèles devant le juge des référés, lequel, par ordonnance du 1er décembre 2009, a prononcé des mesures d'interdiction, puis a assigné cette société au fond en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Smoby Toys fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en contrefaçon du modèle international de chariot de bricolage n° DM-062 038 alors, selon le moyen, que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions, la société Smoby Toys avait très précisément décrit les éléments caractéristiques de son modèle de "chariot de bricolage", à savoir "- Un socle de couleur noire arrondi vers l'avant se terminant par une forme arrondie et disposant d'un emplacement permettant de recueillir des accessoires ; - Deux montants latéraux aux formes arrondies, de couleur rouge, sur chacun desquels sont fixés les roues et les garde-boues. Les roues, sur lesquelles sont fixés des enjoliveurs, sont de couleur noire. Les garde-boues sont de couleur grise ; - Une tablette supérieure, de couleur noire, se caractérisant par sa forme arrondie et comportant une poignée permettant le maniement du chariot de bricolage par l'enfant. Cette tablette constitue un plateau de travail comportant un rangement pour chaque outil et un étau pivotant qui, lors de ses rotations, émet un bruit ; - Une mallette amovible, susceptible d'être utilisée séparément ou de reposer au centre du chariot de bricolage et de constituer ainsi une étagère pour recueillir des outils ; - Un set d'outils de bricolage composé principalement d'une pince, d'un tournevis, d'une clé, d'un marteau, d'une perceuse, de vis, de clous et d'un camion à assembler", ensemble d'éléments qui, expliquait-elle ensuite en recopiant la même liste pour décrire le produit commercialisé par la société Splash-Toys, avaient été repris strictement à l'identique par la société Splash-Toys ; qu'en jugeant pourtant que la société Smoby Toys ne fournirait à la cour d'appel aucun élément lui permettant d'identifier les caractéristiques qu'elle considère comme protégeables, qu'elle ne décrirait pas précisément les éléments caractérisant les modèles à ses yeux, plaçant ainsi la cour dans l'incapacité d'exercer son contrôle et ne permettant pas un débat contradictoire sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est sans dénaturer les écritures de la société Smoby Toys que la cour d'appel a retenu que cette dernière ne lui avait fourni aucun élément lui permettant d'identifier les caractéristiques considérées comme protégeables, la mettant ainsi dans l'incapacité d'exercer son contrôle sur les éléments invoqués comme suscitant pour l'observateur averti une même impression visuelle lorsque les deux modèles sont opposés et rendant impossible un débat contradictoire sur ce point ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles L. 513-4, L. 515-1 et L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle ; Attendu que pour dire que la société Smoby Toys est irrecevable à poursuivre la contrefaçon du modèle communautaire "établi de bricolage" à l'égard de la société Splash-Toys, l'arrêt, après avoir constaté que la cession du modèle a été inscrite au registre des dessins et modèles communautaires le 13 novembre 2009 et que la société Smoby Toys fonde sa demande sur un ticket de caisse émis par la société Toysrus portant la date du 24 octobre 2009 mentionnant l'achat d'un établi et sur un autre ticket émis par la société E. Leclerc daté du 13 octobre 2009 qui indique l'acquisition d'un chariot de bricolage, retient que l'acte de cession des droits sur le modèle communautaire n'avait pas encore été inscrit au registre des dessins et modèles communautaires aux dates d'acquisition des objets argués de contrefaçon ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société Splash-Toys indiquait n'avoir cessé la commercialisation de l'établi qu'à la suite de l'ordonnance de référé du 1er décembre 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des textes susvisés ;
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble l'article 954, alinéa 5, du même Code ;
Attendu que pour infirmer le jugement du chef de concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt retient que la société Smoby Toys ne caractérise pas suffisamment les éléments servilement recopiés qu'elle considère comme susceptibles de constituer une faute ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Smoby Toys, en concluant à la confirmation du jugement, était réputée s'être approprié les motifs des premiers juges qui avaient établi l'existence de copies serviles en se fondant sur la description des éléments caractéristiques recopiés de l'établi et sur la reconnaissance de la copie servile du chariot par la société Splash-Toys, la cour d'appel, qui n'a pas réfuté ces motifs, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;
Et attendu que la cassation prononcée sur le premier et sur le troisième moyen du pourvoi, pris chacun en leur troisième branche, entraîne la cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il condamne la société Smoby Toys à indemniser la société Splash-Toys de son préjudice commercial ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 27 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a dit que la société Smoby Toys était irrecevable à poursuivre la contrefaçon du modèle communautaire n° 000269105-0007 (établi) à l'égard de la société Splash-Toys, rejette les demandes de la société Smoby Toys au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme et condamne cette dernière à verser à la société Splash-Toys la somme de 45 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial, l'arrêt rendu le 25 janvier 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.