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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 12 novembre 2014, n° 12-00840

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Piccoli

Défendeur :

Isoplus Fernwärmetechnik Gesellschaft MBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mmes Roubertou, Alzeari

Avocats :

Mes Roussel, Rugraff, Cahn, Plankensteiner

TGI Strasbourg, 2e ch. com., du 26 août …

26 août 2011

La société Isoplus est une société autrichienne spécialisée dans la production des conduites précalorifugées utilisées principalement dans les systèmes de chauffage urbain.

Par contrat sous seing privé en date du 5.7.1991 signé en langues italienne et allemande, Monsieur Stefano Piccoli et la société Isoplus Fernwärmetechnik Gesellschaft MBH, ont signé un accord de représentation commerciale exclusive pour l'Italie, par lequel Isoplus chargeait M. Piccoli de vendre "en son nom tous ses produits sur le territoire italien, insulaire et péninsulaire".

Le contrat était passé pour une durée minimum de cinq ans, à partir du 5.7.1991, tacitement renouvelable pour une nouvelle période de cinq ans, sauf si l'une ou l'autre des parties décidait de mettre fin au contrat en avisant son cocontractant six mois avant la première échéance (alinéas 5 et 6 du contrat).

Les parties ont enfin convenu : qu'"En cas de litige éventuel, le tribunal compétent sera celui de Strasbourg conformément au Code de droit international " (art. n° 8 de l'additif).

Des difficultés étant nées dans l'exécution de ce contrat, la société Isoplus considérant que Monsieur Piccoli ne remplissait pas ses objectifs et Monsieur Piccoli considérant que la société Isoplus l'empêchait d'exécuter correctement son contrat, Monsieur Piccoli a saisi les juridictions italiennes et a engagé une procédure à l'encontre de la société Isoplus en date du 17.11.1995, devant le Tribunal du travail de Bari.

Le litige opposant Monsieur Piccoli à la société Isoplus a été porté jusqu'à la Cour de cassation italienne, qui a, en Chambres réunies, par arrêt du 24.11.2003, accueilli le pourvoi formé par Isoplus, et déclaré les tribunaux italiens territorialement incompétents pour statuer sur le litige.

Avant de réengager la procédure devant le Tribunal de Strasbourg désigné comme juridiction compétente par la Cour de cassation italienne, M. Piccoli est intervenu auprès d'Isoplus afin de tenter de trouver un accord à l'amiable ;

Ses propositions ayant été rejetées et Isoplus ayant en 2008 maintenu son refus de transiger, M. Piccoli a saisi le Tribunal de grande instance de Strasbourg par actes signifiés les 22 octobre 2008 et 19 mars 2009.

Par jugement du 26 août 2011 la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a :

" Constaté la prescription de l'action de Monsieur Piccoli,

Déclaré irrecevable l'ensemble de ses demandes,

Condamné Monsieur Piccoli à payer à la société Isoplus la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné Monsieur Piccoli aux dépens

Ordonné l'exécution provisoire ".

Le tribunal a qualifié la relation contractuelle nouée le 5 juillet 1991 entre la société Isoplus Fernwärmetechnik Ges.m.b.H (ci-après "Isoplus") et Monsieur Stefano Piccoli (ci-après " Monsieur Piccoli ") comme un " contrat de concession de vente " tant à la lumière des termes du contrat que de l'activité de distributeur effectivement déployée pendant trois années par ce dernier.

En faisant application de l'article 8 de l'additif au contrat qui stipule " Le Droit international sera applicable ", le Tribunal de grande instance de Strasbourg s'est référé aux règles internationales régissant la matière et notamment à la Convention de New York sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises en ses articles 8 et 17 pour constater que " la procédure engagée par Monsieur Piccoli devant les juridictions italiennes qui a pris fin le 2.10.2003 ouvrait à Monsieur Piccoli un délai d'un an soit jusqu'au 2.10.2004 pour introduire une demande devant les tribunaux français ce qu'il n'a fait que quatre ans plus tard en octobre 2008 " et, partant, pour conclure, à raison, que " il y a dès lors lieu de constater la prescription de son action en application de la convention sus-visée ".

Monsieur Piccoli a interjeté appel de cette décision et demande à la cour dans des dernières conclusions du 19 février 2014 de :

I - In limine litis,

A titre principal :

Rejeter la fin de non-recevoir adverse ;

Débouter la société Isoplus de sa demande tendant à faire juger l'appel formé par Monsieur Piccoli irrecevable.

En conséquence :

Dire et Juger recevable et bien fondé l'appel formé par Monsieur Piccoli.

A titre subsidiaire :

Renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris

A titre plus subsidiaire :

Pour le cas où la cour ferait droit à la fin de non-recevoir adverse, Condamner la société Isoplus à payer à Monsieur Piccoli une somme de 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 123 du Code de procédure civile.

II Sur le fond :

Dire Et Juger l'appel formé par Monsieur Piccoli bien fondé.

En conséquence :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en date du 26 août 2011 sous référence RG : 08-1858

Et statuant à nouveau :

Dire et Juger les demandes de Mr Piccoli non prescrites, recevables et bien fondées.

En conséquence :

Dire et Juger que la société Isoplus a manqué à ses obligations, en particulier qu'elle a commis des violations des règles sur la concurrence loyale, de son devoir de correction et de bonne foi et violations de l'exclusivité.

En conséquence, Condamner la société de droit autrichien Isoplus Fernwärmetechnik GmbH à verser à M. Stefano Piccoli :

1 - la somme principale déjà réévaluée de 236 572,85 euros au titre de la perte subie.

Sur cette somme, il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

2 - la somme principale déjà réévaluée de 261 651,60 euros au titre du gain manqué par M. Piccoli, en raison du contrat conclu avec AEM de Milan et refusé de manière injustifiée par Isoplus.

Sur cette somme, il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

3 - la somme principale déjà réévaluée de 943 653,68 euros au titre du gain manqué par M. Piccoli pour l'ensemble des négociations qui ont eu lieu.

Sur cette somme il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

3a - en voie subordonnée, par rapport à la requête au point 3 et toujours au titre du gain manqué par M. Piccoli, liquider une somme en équité, au titre de l'article 1226 du Code civil italien, et déjà réévaluée, comprise entre euros 140 000 et euros 190 000, pour chacune des cinq années de contrat, depuis le juillet 1991 au juin 1996, avec un total compris entre euros 700 000 et 950 000 euros.

Sur cette somme, il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

4 - une somme fixe, déjà réévaluée, à multiplier par les trois années de violation de l'exclusivité accomplies par Isoplus (1994-1995-1996), quantifiée entre 50 000 euros.et 80 000 euros par an soit ne somme entre 150 000 euros et 240 000 euros pour l'ensemble de la période considérée, à titre de dommages intérêts à raison de la violation par Isoplus de l'exclusivité.

Sur cette somme, il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

5 - une somme déjà réévaluée comprise entre 550 000 euros et 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices non patrimoniaux.

Sur cette somme réévaluée selon les critères actuels, il faudra verser les intérêts, et ce, depuis la date de la décision jusqu'au jour de l'acquittement effectif de la somme, en appliquant le taux prévu pour les transactions commerciales internationales.

6 - un montant de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'instance d'appel et une somme de 30 000 euros au titre de l'instance d'appel.

Débouter la société intimée de l'ensemble de ses moyens, prétentions et conclusions,

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir compte tenu de l'ancienneté de cette affaire.

Condamner la société intimée aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, et ce, y compris les actes d'huissier et les factures de traduction de l'assignation et des pièces.

Monsieur Piccoli soutient que la question soumise à la cour dans la présente instance est de savoir si le comportement d'Isoplus, cocontractant de Monsieur Piccoli n'a pas constitué une faute justifiant que la rupture du contrat qui liait les parties (que Monsieur Piccoli qualifie de contrat d'agent commercial et la société Isoplus de concession de vente) soit imputable à la société Isoplus et par suite, les conséquences financières de cette rupture mises à sa charge.

Monsieur Piccoli fait valoir que le comportement reproché à Isoplus est notamment la fixation à Monsieur Piccoli de prix de vente trop élevés par rapport au marché et l'absence de réactivité pour certains appels d'offres et que cette politique d'Isoplus s'explique par sa participation à l'entente communautaire.

Monsieur Piccoli affirme que la nature du litige n'a donc rien à voir avec l'application des règles anticoncurrentielles mais avec l'existence ou non d'une faute commise dans le cadre d'un contrat d'agent commercial.

Monsieur Piccoli reproche à l'intimée d'avoir confié à un tiers au contrat (la société RACI), et ceci avant l'expiration dudit contrat, la commercialisation de ses produits, bref d'avoir violé l'exclusivité dont il bénéficiait.

Monsieur Piccoli prétend que ce grief n'a rien à voir avec l'application des articles 101 et 102 du TFUE, rappel étant fait que les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, dispositions françaises, ne sont pas applicables au présent litige.

Monsieur Piccoli conclut que la cour est donc en présence d'un litige portant sur la rupture d'un contrat d'agent commercial dont une partie impute la faute à l'autre pour plusieurs causes dont une s'assimilerait à la violation d'une pratique anticoncurrentielle pour la partie adverse.

Cette hypothétique nature "anticoncurrentielle" d'une unique cause, au surplus non dominante parmi toutes celles invoquées, ne peut être de nature à faire rattacher tout le débat à la Cour d'appel de Paris.

Dans des dernières conclusions du 17 mars 2014, la société Isoplus, au visa des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, demande à la cour de :

A titre principal,

Déclarer irrecevable l'appel formé par M. Piccoli à l'encontre du jugement de la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 26 août 2011 ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement frappé d'appel.

En tout état de cause,

Condamner Monsieur Piccoli à payer à la société Isoplus 80 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, incluant les dépens de première instance.

La société Isoplus affirme que Monsieur Piccoli fonde ses prétentions sur une violation des règles du droit de la concurrence pour une période différente de celle retenue par la Commission européenne dans sa décision du 21 octobre 2008 relative au cartel des produits calorifugés, que cette évolution dans les moyens articulés par l'appelant pose la question de la recevabilité de l'appel formé par Monsieur Piccoli car le litige est désormais relatif à l'application de l'article 101 TFUE et seule la Cour d'appel de Paris a le pouvoir de la connaître en vertu des articles L. 420-7 et R. 420-5 du Code de commerce, que l'inobservation de la compétence spéciale de la Cour d'appel de Paris est sanctionnée par une fin de non-recevoir, et qu'en conséquence l'appel de Monsieur Piccoli doit être déclaré irrecevable.

Sur ce moyen, Monsieur Piccoli fait valoir que :

La convention signée par les parties et prévoyant la compétence du Tribunal de grande instance de Strasbourg date de 1991, soit d'une époque bien antérieure aux règles prévoyant des compétences spéciales.

que l'intimée a accepté l'application de la Convention de Rome.

que la Convention de Rome permet aux parties de choisir le lieu de juridiction.

Le droit communautaire prime le droit français, en particulier l'article L. 420-7 du Code de commerce.

qu'il en ressort que par la suite, la modification de l'ordonnancement juridictionnel d'un état membre ne peut pas être de nature à priver d'une voie de recours un cocontractant, si par extraordinaire la cour d'appel de céans devait décider que l'appel était irrecevable.

qu'il a appliqué la décision de la Cour de cassation italienne et la clause du contrat.

que l'arrêt de la Cour de cassation italienne a autorité de chose jugée et la convention a force de loi entre les parties.

qu'il a droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la CEDH.

que c'est l'indication de la Cour d'appel de Colmar qui figure sur l'acte de signification du jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg et qui est indiqué comme juridiction pour l'instance d'appel.

que les juridictions spécialisées sont issues du décret du 30 décembre 2005 n° 2005-1756 entré en vigueur le 1er janvier 2006.

que l'article 22 du décret précisait que : "la juridiction primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret".

que cet article est devenu l'article 8 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009.

qu'il est constant que le présent litige a été introduit après l'entrée en vigueur du décret du 30 décembre 2005.

que le Tribunal de grande instance de Strasbourg a été saisi, que la société Isoplus a contesté sa compétence devant le juge de la mise en état qui par l'ordonnance rappelée ci-dessus, a maintenu la compétence de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour statuer sur le litige.

que cette ordonnance n'a pas été contestée.

que l'appel d'un jugement prononcé par le Tribunal de grande instance de Strasbourg devait dès lors se faire "naturellement" devant la Cour d'appel de Colmar et non devant la Cour d'appel de Paris, qui ne peut être compétente que pour statuer sur les jugements prononcés par les 8 juridictions spécialisées, nouvellement compétentes (pour la métropole) :

"La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".

Sur la loi applicable, Monsieur Piccoli soutient que la loi italienne est applicable, dès lors que le contrat qui le lie à la société Isoplus est un contrat d'agent commercial, que l'objet de la convention était de lui permettre de négocier des contrats de vente pour les produits Isoplus au nom et pour le compte de la société Isoplus, que les prestations ont été exécutées en Italie, qu'en conséquence la loi italienne s'applique.

Monsieur Piccoli en déduit que sa demande n'est pas prescrite dès lors que la loi italienne prévoit une prescription de 10 ans.

La société Isoplus développe une analyse divergente en affirmant que la définition de l'agent commercial est identique en droit national et en droit communautaire, et que le contrat du 5 juillet 1991 est un contrat de distribution, dès lors que Monsieur Piccoli achetait les produits Isoplus pour ensuite les revendre, qu'il bénéficiait d'une autonomie de gestion et de décision et le droit de fixer librement les prix de vente en Italie et qu'en conséquence le droit applicable est le droit international tel que cela est prévu dans la version allemande du contrat et qu'en application de l'article 8 de la convention de New-York sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises de 1974, telle que modifiée par le protocole de Vienne est de quatre ans.

La société Isoplus rappelle que l'article 17 de ladite Convention prévoit que " lorsqu'une procédure a été introduite conformément aux articles 13 [une procédure judiciaire], 14, 15 ou 16 avant l'expiration du délai de prescription, celui-ci est réputé avoir continué de courir si la procédure s'est terminée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire et que lorsqu'à la fin de cette procédure, le délai de prescription était expiré ou devait expirer dans moins d'un an, le créancier bénéficie d'un délai d'un an à partir de la fin de la procédure " ;

La société Isoplus indique que la procédure engagée par Monsieur Piccoli devant les juridictions italiennes a pris fin avec l'arrêt de la Cour de cassation italienne du 2 octobre 2003 qui a déclaré les juges italiens incompétents pour juger de la présente affaire et que conformément aux dispositions de la Convention précitées, le délai de prescription de quatre ans a continué à courir pendant cette procédure engagée en 1995 et était expiré à la date de la décision de la Cour de cassation italienne qui clôturait la procédure devant les tribunaux italiens sans se prononcer sur le fonds. et que l'appelant disposait donc d'un an, soit jusqu'au 2 octobre 2004, pour saisir les tribunaux français.

La société Isoplus précise que Monsieur Piccoli a saisi le Tribunal de Strasbourg en octobre 2008 soit cinq ans après la fin de la procédure devant les juridictions italiennes, alors que son action était déjà prescrite en application de l'article 17 de la Convention précitée.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la recevabilité de l'appel :

L'article 2 du décret n° 2009-1384, relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestation désigne comme juridictions spécialisées pour connaître notamment des contentieux relevant de la rupture des relations commerciales, un certain nombre de juridictions commerciales énumérées dans un tableau de l'Annexe 4-2-1. Il dispose également que "la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".

Il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5, et D. 442-3 du Code de commerce que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir", peu importe que l'objet du litige ne porte pas exclusivement sur des demandes ayant trait à la réparation du dommage pour rupture brutale des relations commerciales, mais également sur le paiement de factures. Dès lors que certaines demandes relèvent de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il y a lieu de mettre en œuvre la règle de spécialisation des juridictions énoncée par l'article D. 442-3 du Code de commerce.

Cependant, l'article 8 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 réserve compétence à la juridiction "primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur", soit le 1er décembre 2009.

Dès lors que l'acte introductif de première instance est antérieur au 1er décembre 2009, les cours d'appel situées dans le ressort des tribunaux saisis demeurent compétentes pour connaître du recours interjeté contre les jugements rendus, quand bien même lesdits jugements auraient été rendus postérieurement à son entrée en vigueur.

En l'espèce, la procédure a été introduite par une assignation délivrée le 28 octobre 2008, jugée régulière par le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Strasbourg dans sa décision du 30 Novembre 2009.

La procédure a donc été engagée par Monsieur Piccoli, antérieurement au 1er décembre 2009, date de l'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009, les dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui en sont issues ne sont pas applicables et par suite ne peuvent soumettre cette procédure au pouvoir juridictionnel exclusif dévolu à la Cour d'appel de Paris.

En conséquence, l'appel interjeté par Monsieur Piccoli devant la Cour d'appel de Colmar est recevable.

- Sur la prescription de l'action engagée par Monsieur Piccoli :

Il appartient à la cour d'appel de qualifier la relation d'affaires existant entre Monsieur Piccoli et la société Isoplus, pour ensuite déterminer la loi applicable.

Monsieur Piccoli a critiqué le raisonnement retenu dans la décision critiquée, alors que depuis la directive 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986, la définition de l'agent commercial est identique dans tous les pays européens qui l'ont transposé dans leur droit interne et notamment en France.

En conséquence, l'application des dispositions de l'article L. 134-1 alinéa 1er du Code de commerce par les premiers juges, pour définir l'agent commercial, était pertinente et conforme au droit communautaire.

Le jugement déféré a jugé que Monsieur Piccoli était lié à la société Isoplus par un contrat de concession de vente et non par un contrat d'agent commercial, en a déduit que le droit applicable était le droit international et notamment les articles 8 et 17 de la convention de New-York sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises modifiée par le protocole de Vienne du 11 avril 1980, et que l'action de Monsieur Piccoli était prescrite, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, à défaut d'autres moyens nouveaux et de nouvelles preuves.

- Sur les autres demandes :

Monsieur Piccoli succombant, sera condamné aux dépens.

L'équité commande l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Isoplus Fernwärmetechnik Gesellschaft MBH;

L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur Piccoli.

Par ces motifs : LA COUR, Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur Piccoli sur le jugement rendu le 26 août 2011, par la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg ; Confirme le jugement rendu le 26 août 2011, par la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg ; Condamne Monsieur Piccoli aux entiers dépens. Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur Piccoli ; Condamne Monsieur Piccoli à verser à la société Isoplus Fernwärmetechnik Gesellschaft MBH la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.