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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 20 novembre 2014, n° 12-06672

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cil Concept Verre (SARL)

Défendeur :

OC Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Cipre, Liberas

T. com. Nice, du 12 déc. 2011

12 décembre 2011

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Un contrat d'agent commercial à durée indéterminée a été conclu en date du 8 juin 2009 entre la SARL Cil Concept Verre, mandant, et la SARL. OC Diffusion, mandataire laquelle était chargée de présenter la collection "Concept Verre" (conception et fabrication de luminaires contemporains).

La société OC Diffusion, dont le gérant est Monsieur Chen Olivier, était chargé d'établir des prospect commerciaux, prendre des commandes, entreprendre les démarches et exécuter toutes les formalités nécessaires à la conclusion de la vente pour le compte de la SARL Cil Concept Verre sur un secteur géographique large.

La prise de commande acceptée par le client générait la commission due à Monsieur Chen qui était composée de la manière suivante :

- 12 % sur le tarif général en cas de remise de 50 %

- 10 % en cas de remise de 60 %.

Par courrier du 21 décembre 2009 reçu le 28 décembre la société Cil Concept Verre a informé la SARL OC Diffusion de la rupture du contrat d'agent commercial avec un préavis d'un mois, la rupture prenant effet le 28 janvier 2010.

Par acte du 19 novembre 2010, la société OC Diffusion a fait assigner la société Cil Concept Verre devant le Tribunal de commerce de Nice pour obtenir diverses indemnités au titre de cette rupture du contrat.

Par décision rendue le 12 décembre 2011, le tribunal de commerce a condamné la SARL Cil Concept Verre à payer à la SARL OC Diffusion :

- 5 170,06 euros en réparation du préjudice subi à l'occasion de la rupture du contrat d'agent commercial

- 215,42 euros au titre des commissions non réglées sur la période du contrat d'agent commercial

- 1 000 euros au titre de l'Article 700 du Code de procédure civile.

La société Cil Concept Verre a relevé appel de cette décision.

In limine litis, la SARL OC Diffusion soutient que l'appel est caduc ou irrecevable en application de l'art 906 du Code de procédure civile faute de communication simultanée aux conclusions des pièces de procédure, mettant l'intimé dans l'impossibilité de répondre aux dites conclusions.

Subsidiairement elle demande de :

- Dire et juger qu'en application de l'art 16 et en l'absence de communication régulière les délais de réponse de l'art 909 du Code de procédure civile n'ont pu commencer à courir, et que la cour ne peut fonder sa décision à venir sur aucun moyen ou argument fondé sur des pièces non contradictoirement communiquées.

-Dire et juger que la non communication des pièces en " temps utile " pour permettre à l'intimé de répondre aux conclusions déposées est une atteinte au principe du contradictoire énoncé par les art 15 et 16 du Code de procédure civile.

La société Cil Concept Verre rétorque que l'appelant est fondé à conclure que les conclusions et les pièces ne constituent pas un tout indissociable, l'absence de pièces communiquées simultanément n'entraîne ni la déchéance de l'appel ni l'irrecevabilité des conclusions.

Sur le fond elle soutient que le contrat d'agent commercial du 8 juin 2009 a été valablement résilié pour faute grave et que par conséquent la rupture ne sera pas assortie de l'indemnité compensatrice contractuelle.

Elle reproche à son agent :

- une insuffisance de chiffre d'affaires lequel était parfaitement réalisable,(première année chiffre d'affaire minimum 80 000 euros indexé de 05 % par an non réalisé, 15 590,67 euros en six mois),

- un manque de professionnalisme,

- une mentalité partisane,

- l'absence de retour d'informations sur les activités commerciales et retours marchés ainsi que cela a été reconnu puisqu'il écrit lui-même le 21 décembre qu'il ne rendait pas compte de ses prétendues visites.

L'appelante précise que Monsieur Chen était multicartes, que ses frais devaient se répartir, et qu'il a reçu plusieurs avertissements restés sans réponse.

Elle précise que Monsieur Chen a réalisé un chiffre d'affaires de 17 170 87 euros HT, qu'il réclame au total plus que le chiffre d'affaires jamais réalisé sur sa zone et demande en réalité des commissions sur des commandes qui n'ont jamais existé, ce qui est la preuve de sa mauvaise foi.

Elle indique que la rupture du contrat prenant effet au 21 janvier 2010, Monsieur Chen ne peut prétendre à la moindre rémunération sur les commandes prises au salon qui s'est déroulé du 22 au 26 janvier puisque que les rémunérations se font sur le chiffre d'affaires facturé et payé et non sur les prises de commandes faites durant le salon (souvent annulées, modifiées etc.).

En conséquence, la société Cil Concept Verre demande de statuer ainsi :

Infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il n'a pas assorti la rupture du contrat d'agent commercial de la qualification de faute grave et qu'il l'a condamnée à un solde de commission.

Dire et juger que le contrat d'agent commercial du 8 juin 2009 a été valablement résilié pour faute grave et que par conséquent la rupture ne sera pas assortie de l'indemnité compensatrice contractuelle.

Débouter la SARL OC Diffusion de l'ensemble de ses demandes, en particulier au titre des commissions.

Condamner la SARL OC Diffusion à payer à la société Concept Verre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société OC Diffusion rétorque que toutes les correspondances, propositions ou factures émises par le mandant à destination de ce secteur dans lequel l'exclusivité est accordée à l'agent lui étaient adressées.

Elle ajoute que les démarches de prospection recouvrent un travail important que Monsieur Chen effectuait avec le plus grand professionnalisme puisqu'il rendait compte du travail fourni et de l'ensemble des commandes passées par les magasins prospectés.

Elle prétend qu'aucune faute grave ne peut être retenue à son encontre et indique que la baisse du chiffre d'affaire ne peut être considérée comme constitutive d'une telle faute.

Elle fait valoir qu'on ne peut lui reprocher une absence d'information et que les mails du 9 novembre 2009 et 9 décembre 2009 entre autres, font état d'un échange entre le mandant et le mandataire qui ne laisse paraître aucun reproche à l'encontre de Monsieur Chen, et qu'une ancienne salariée du la société Cil Concept Verre atteste du contact régulier entre l'agent et son mandant.

Elle soutient que la société Concept Verre par courrier réceptionné le 28 décembre 2009 l'informait de son souhait : "de mettre un terme à notre contrat avec un préavis d'un mois à partir de la première présentation de la présente".

Le courrier ayant été réceptionné par la société OC Diffusion le 28 décembre 2009, la rupture prenait alors effet à compter du 28 janvier 2010.

Or la société Concept Verre ayant empêché la société OC Diffusion de se rendre sur le salon Maison et Objet du 22 au 26 janvier 2010, elle n'a pas respecté le préavis imposé par la loi et repris dans le contrat.

Elle prétend que le préjudice causé par le non-respect de ce préavis devra donner lieu au paiement d'une indemnité.

En conséquence, la société OC Diffusion demande à la cour de statuer ainsi :

Confirmer la décision rendue par le Tribunal de commerce de Nice le 12 décembre 2011 en ce qu'il a constaté que la rupture du contrat d'agent commercial est intervenue aux torts exclusifs de la SARL Cil Concept Verre,

Réformer la décision dont appel sur le quantum des sommes allouées et condamner la SARL Cil Concept Verre au paiement des sommes suivantes :

-19 680 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 10 000 euros au titre des commissions dues à titre provisionnel sur les bons de commandes passées du 8 juin 2009 au 28 janvier 2010 sur les zones visées dans le contrat d'agent commercial,

- 10 000 euros au titre des commissions détournées,

- 10 000 euros au titre de l'atteinte à l'image commerciale de la SARL OC Diffusion,

- 6 000 euros au titre des frais de prospections engagés sur la zone géographique couverte par la SARL OC Diffusion,

- 10 000 euros au titre du préjudice lié au non-respect du préavis,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité de l'appel ou sa caducité soulevée par la société OC Diffusion.

Par application de l'article 914 du Code de procédure civile, qui donne compétence au seul conseiller de la mise pour prononcer la caducité de l'appel ou déclarer celui-ci irrecevable faute de communication simultanée des pièces et conclusions, les moyens soulevés par l'intimée sur ces fondements sont rejetés.

Le principe du contradictoire a été parfaitement respecté, les parties ayant échangé pièces et conclusions en temps utiles.

Sur le fond.

La faute justifiant la cessation du contrat d'agent commercial est celle qui porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

L'article 6 du contrat indique que l'agent jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et précise que "dans l'intérêt commun des parties, l'agent s'oblige à informer mensuellement le mandant de l'état du marché, des souhaits de la clientèle, des difficultés rencontrées et des actions de la concurrence".

Contrairement à ce qu'affirme le mandant, des courriers électroniques ont été échangés entre les parties en novembre et décembre 2009. Mademoiselle Magali Dor, qui a été employée au sein de la société Concept Verre du 1er juin 2006 au 28 juillet 2009 au poste de responsable commercial France, atteste qu'elle a toujours eu un contact régulier avec la société OC Diffusion et qu'elle était informée par la société au moins chaque semaine par téléphone de l'avancée de sa prospection et des diverses informations liées à son secteur d'activité ainsi que les clients qu'il visitait.

Pour établir une faute de son mandataire, la société Concept Verre fait état d'un courriel du 21 décembre 2009 envoyé par M. Chen selon lequel "je n'ai volontairement pas mentionné toutes les visites faites au cours des derniers mois "Cependant cette phrase ne se termine pas ainsi mais est rédigée de la façon suivante : "je n'ai volontairement pas mentionné toutes les visites faites au cours des derniers mois, mais chacun d'entre eux a fait l'objet d'un suivi régulier et d'une relance de ma part systématiquement en vue d'obtenir une commande d'implantation".

La société appelante ne peut dès lors se prévaloir d'une faute grave de son agent pour absence d'informations.

L'article 6 du contrat prévoit que "l'agent s'engage pendant la première année civile d'existence du présent mandat à réaliser dans son secteur un chiffre d'affaires minimum de 80 000 euros."

Six mois après la signature du contrat le mandant a mis fin à celui-ci en invoquant l'absence de réalisation du chiffre annuel puisque seul un chiffre d'affaire de 15 590,67 euros avait été réalisé au cour de la période précitée.

Cette justification s'avère sans fondement, le mandant ne pouvant après six mois d'activité de son agent soutenir une absence de réalisation du chiffre annuel puisque des clients démarchés par la société intimée pouvaient très bien passer des commandes jusqu'en juin 2010.

M. Chen affirme d'ailleurs sans être contredit avoir ouvert pas moins de 12 comptes client en seulement six mois d'activité.

La société appelante ne peut donc pas six mois après la signature du contrat pour non réalisation d' un objectif annuel, imputer une faute grave à son agent alors qu'elle n'établit pas une insuffisance chronique de prospection et un manque d'activité notoire.

En conséquence la rupture du contrat par la société Cil Concept Verre ne résulte nullement d'une faute grave de l'agent.

C'est par une exacte application de l'article 9 du contrat et des faits de la cause que le tribunal a fixé l'indemnité de rupture abusive à la somme de 5 170,06 euros.

De même les premiers juges, par application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, ont parfaitement évalué la demande en paiement de commissions sur la base d'un mois d'activité compte tenu du chiffre d'affaire réalisé sur sept mois d'activité soit la somme de 215,42 euros.

La société intimée n'établit pas avoir été victime de commissions détournées et la demande présentée à ce titre est rejetée.

L'article 6 du contrat prévoit que l'agent supportera tous les frais occasionnés par son activité. La demande en paiement d'une somme de 6 000 euros au titre des frais de prospections engagés sur la zone géographique couverte par la SARL OC Diffusion est rejetée.

Au titre du non-respect du préavis, il est justifié que la société OC Diffusion n'a pu se rendre au salon "Maison & objet" qui s'est tenu du 22 au 26 janvier 2010 alors que son contrat devait prendre fin le 28 janvier 2010.

L'absence de respect du préavis par le mandant constitue une perte de chance pour la société OC Diffusion de percevoir des commissions dans le cadre du salon et sera indemnisée par la somme de 3 000 euros.

La société OC Diffusion n'établit pas que son image aurait été atteinte du fait de l'attitude de la société Cil Concept Verre, et le jugement ayant refusé cette demande est confirmé à ce titre.

Il est équitable de condamner la société Cil Concept Verre, dont les réclamations sont rejetées, à verser à la société OC Diffusion une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté l'indemnisation du préjudice liée à l'absence de respect de préavis, L'infirmant à ce titre et statuant à nouveau, Condamne la société Cil Concept Verre à payer à la société OC Diffusion une somme de 3 000 euros au titre de l'absence de respect de préavis, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société Cil Concept Verre aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.