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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 28 novembre 2014, n° 12/05188

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selafa MJA (ès qual.), Leloup Thomas (ès qual.), IPA Systems (SA)

Défendeur :

Promocion Tecnologica y Commercial (Sté), Promotion Technologique et Commerciale (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Touzery-Champion

Conseillers :

M. Richard, Mme Prigent

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Briswalder, de Carlan, Lallement, Cazeau

T. com. Paris, du 24 févr. 2012

24 février 2012

La société Promocion Tecnologicay Commercial (dite par abréviation Protect Media), société de droit espagnol, a une activité de conception de logiciel, d'installation, maintenance et mise à jour d'applications informatiques ; elle a mis au point un ensemble de produits software dénommé "Millenium Cross Media", une plate-forme logicielle complète permettant la gestion, la production et la diffusion de contenus éditoriaux et publicitaires. Elle a créé en 2003 en France une filiale du même nom.

La société IPA Systems (dite par abréviation IPA), société de droit français, créée depuis 1992, est spécialisée dans l'intégration de systèmes informatiques qu'elle distribue puis installe, fournit également une assistance technique pour les solutions informatiques destinées à l'industrie graphique et éditoriale.

Ces deux sociétés vont signer deux contrats de distribution, le premier daté du 14 mai 2002 d'une durée de 2 années, le second daté du 12 octobre 2004 d'une durée de trois années, par lesquels la société Protect Media confie à la société IPA la distribution exclusive en France des produits "Millemium Cross Média", la maintenance et le support technique, à l'exclusion de 43 clients dont la liste figure en annexe D.

Par lettre recommandée du 15 mars 2007, la société Protect Média informe la société IPA qu'elle ne souhaite pas renouveler le contrat en raison de ses retards de paiement récurrents et de ses insuffisances techniques.

Le 25 juillet 2007, ces sociétés vont conclure un accord transactionnel aux termes duquel elles conviennent de la cessation du contrat de distribution, de la réduction de la dette de la société IPA à la somme de 250 000 euro, du fait que le solde débiteur de la société IPA ne doit pas excéder 250 000 euro pendant la durée du contrat.

Invoquant le non-respect de cette obligation essentielle, la société Protect Media met un terme à cet accord le 27 janvier 2011.

Le 12 avril 2011, la société Protect Media fait assigner la société IPA pour non-paiement de factures d'un montant de 290 860 euro tandis que le 29 juin suivant la société IPA fait assigner la société Protect Media et sa filiale française en leur reprochant des agissements déloyaux, un détournement de clientèle et une atteinte à son image de marque et en leur réclamant une somme de 784 825 euro à titre de dommages et intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris qui dans un jugement du 24 février 2012, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- joint ces deux procédures,

- dit que les deux sociétés Protect Media (espagnole et française) n'ont pas commis d'acte de concurrence déloyale, en estimant pour l'essentiel que les sociétés avaient organisé leurs relations contractuelles et la fin de ces relations dans un cadre qui ne relève pas d'une situation de concurrence,

- débouté la société IPA de toutes ses demandes en responsabilité délictuelle,

- dit que la société Protect Media a fautivement rompu l'accord du 25 juillet 2007 et l'a condamnée à verser à la société IPA la somme de 59 000 euro au titre de sa responsabilité contractuelle,

- condamné la société IPA à verser le solde de sa dette une somme de 290 860,68 euro assortie des intérêts au taux légal à compter 12 avril 2011, outre une somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Le 3 mai 2012 la société IPA a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par conclusions signifiées le 22 octobre 2014, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître Valérie Leloup-Thomas en qualité de liquidateur de la société IPA Systems, appelante :

- demande l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit recevable la société IPA en sa demande à l'encontre de la société Protect Média France et dit que la société Protect Média a fautivement résilié l'accord transactionnel,

- demande acte de son intervention volontaire de la SELAFA MJA en qualité de liquidateur judiciaire de la société IPA,

- estime que les deux sociétés Protect Media ont commis des actes déloyaux à l'encontre de la société IPA caractérisés notamment par un dénigrement, un colportage de fausses rumeurs, un démarchage systématique de sa clientèle, et que ses agissements ont conduit à une désorganisation de l'activité de la société IPA, à un détournement très important de sa clientèle ainsi qu'à une atteinte irréparable de son image de marque,

- souhaite la condamnation solidaire des deux sociétés Protect à lui verser la somme de 800 000 euro,

- réclame la constatation des manquements contractuels de la société Protect au titre de l'exécution des prestations de maintenance,

- sollicite la condamnation en conséquence de la société Protect à lui verser la somme de 150 000 euro en réparation du préjudice subi,

- sur le paiement des factures réclamées par la société Protect, considère que :

Les factures émises le 16 avril 2010 par la société Protect sont contestables et irrecevables, es factures du 1er juillet 2009 de 1 301,76 euro et 12 948,24 euro ont été compensées avec la facture du 13 mars 2006 d'un montant de 14 250 euro émise par elle,

- fait valoir que la société Protect a manqué à son obligation de résultat au titre des prestations software update et hotline fournies par cette dernière,

- soutient en conséquence que la société IPA est déliée de ses obligations de paiement de factures,

- demande le rejet de toutes les demandes de la société de la société Protect,

- prétend que la société Protect Espagne n'apporte pas la preuve d'un manquement contractuel de la part de la société IPA et ne justifie pas du montant des dommages et intérêts réclamés par elle,

- souhaite la condamnation solidaire des sociétés Protect Espagne et France à lui verser la somme de 20 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant écritures signifiées le 11 septembre 2014, la société espagnole Promocion tecnologica y commercial et la société française Promotion Technologique et commerciale :

- sollicitent la confirmation du jugement rendu le 24 février 2012 : en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement d'un montant de 290 860,68 euro au titre des factures impayées, en ce qu'il a retenu qu'elles n'avaient commis aucun acte de concurrence déloyale et débouté la société IPA de ses demandes à ce titre, en ce qu'il a retenu que la société IPA n'avait pas respecté ses engagements à l' égard de la société espagnole,

En ce qu'il a débouté la société IPA de ses autres demandes,

- réclament l'infirmation du jugement, en ce qu'il a considéré que la société Protect espagnole avait rompu abusivement l'accord du 25 juillet 2007, et débouté cette dernière de ses prétentions,

- souhaitent l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société IPA de la somme de 290 860,68 euro assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2011 au titre des factures impayées au profit de la société Protect espagnole,

- soutiennent que la société Protect espagnole n'a pas manqué à ses obligations dans l'exécution des prestations de maintenance,

- estiment irrecevables faute d'intérêt légitime, né et actuel l'ensemble des demandes formulées par la société IPA sur des actes déloyaux et demandent le rejet des prétentions de cette dernière,

- répliquent à titre subsidiaire, n'avoir commis aucun acte déloyal et en conséquence demandent le rejet des prétentions de la société IPA,

- à titre subsidiaire, si des faits de concurrence déloyale étaient retenus, considèrent que la société IPA ne rapporte pas la preuve de l'existence ou du quantum des préjudices réparables à hauteur de ses demandes et qu'elle doit être déboutée de cette prétention,

- font valoir que la société IPA a manqué à son obligation de loyauté à l'égard de la société Protect Espagne,

- souhaitent l'inscription au passif de la liquidation de la société IPA de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- demandent la condamnation de la société IPA à payer la somme de 10 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Protect Espagne ou en tant que de besoin l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société IPA de cette même somme.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est constaté que si la société IPA a limité son appel aux chefs du jugement rendu le 24 février 2012 par le tribunal de commerce, dont elle a été déboutée, les sociétés Protect, formant appel incident, sollicitent l'infirmation du jugement sur les chefs exclus de l'appel partiel de la société IPA, de sorte que l'intégralité de cette décision est soumise à l'examen de la cour d'appel.

Sur les demandes de la société IPA :

La société IPA réclame, en premier lieu, une indemnisation de 800 000 euro en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale commis par les sociétés Protect, caractérisés selon elle par un dénigrement, un colportage de fausses rumeurs, un démarchage systématique de sa clientèle, la résiliation fautive de l'accord entraînant la résiliation brutale des contrats de maintenance et la fourniture de prestations de maintenance de piètre qualité ; elle estime que l'ensemble de ces agissements a conduit à une désorganisation de son activité, à un détournement massif de sa clientèle et à une atteinte irréparable à son image de marque.

Les sociétés Protect contestent cette demande en soutenant que la société IPA n'a jamais eu d'exclusivité absolue pour distribuer ses produits, que les entreprises ne sont pas concurrentes, tant dans la période contractuelle que post contractuelle, dans la mesure où la société IPA ne conçoit ni ne développe des logiciels, que les griefs de dénigrement, de démarchage systématique de la clientèle ne sont pas démontrés, que la société espagnole a toujours rempli ses obligations de bonne foi.

Il convient de distinguer deux périodes au cours desquelles les obligations de chacune des parties diffèrent selon que leurs relations sont régies soit par un contrat de distribution soit par un accord transactionnel ; en effet l'accord signé le 25 juillet 2007 marque la cessation du contrat de distribution à l'échéance du 12 octobre 2007 (date à compter de laquelle la société IPA a cessé de démarcher en France pour la distribution des produits de la société Protect ) et organise les futures relations commerciales entre les sociétés IPA et Protect pendant une période transitoire de manière à permettre à la société IPA de se réorganiser pour faire face à ses obligations nées de l'éventuelle signature de contrats définitifs de fourniture avec des clients sur le territoire avant le 12 octobre 2007.

Aux termes du contrat de distribution du 12 octobre 2004, la société espagnole Protect a confié à la société IPA le droit de commercialiser ses produits "Millémium Cross Media" de manière exclusive sur le territoire français - à l'exception de 43 clients français - ainsi que la maintenance des produits Protect des produits dont elle avait assuré la vente, mais la société IPA avait également d'autres fournisseurs tels qu'Alpha Média qui commercialisait un produit concurrent à celui de la société Protect "Millémium Cross Média" dénommé "Open Média". Par ailleurs, si la société espagnole Protect avait pour activité le développement, l'installation et l'intégration de système, elle avait également pour activité la maintenance d'applications informatiques, alors que la société IPA avait dans son objet social la même activité de fourniture d'une assistance technique pour les solutions informatiques destinées à l'industrie graphique et éditoriale. Enfin, la société française Protect avait pour objet la conception, la création, le développement, l'intégration, la vente, l'achat, la distribution sous toutes les formes permises d'équipements matériels et solutions informatiques, y compris les travaux de maintenance, conservation et mise à jour des équipements et des applications, ainsi que la formation du personnel.

Ces sociétés pouvaient donc potentiellement être en situation de concurrence pour l'activité de commercialisation de solutions informatiques dédiées aux entreprises de presse ou pour les travaux d'assistance technique ou de maintenance. Par ailleurs, la société espagnole Protect n'est pas fondée à soutenir que les clients qui ont acquis ses produits étaient ses propres clients au moins pour ceux se trouvant dans la clientèle de la société IPA antérieurement à la signature des contrats de distribution, tels que le Parisien, le Télégramme de Brest, les Echos, ou la Montagne. Au demeurant elle reconnaît dans l'acte transactionnel en page 3 paragraphe premier que la société IPA a sa propre clientèle en France et en page 30 de ses écritures que le distributeur peut développer une clientèle propre attachée à son fonds de commerce. Pour les autres clients, certains pouvaient être communs dans la mesure où chacune des sociétés a pu prospérer grâce aux prestations accomplies par l'autre, en raison d'une part de la qualité des produits Millémium et en raison du travail de recherche de clientèle accompli par la société IPA.

Néanmoins, dans un cadre de libre concurrence, il appartient à la société IPA d'apporter la preuve d'actes caractérisant une concurrence déloyale commis par les sociétés Protect.

Or, de simples allégations ne peuvent suffire à rapporter la preuve d'un dénigrement ou de colportage de rumeurs malveillantes ou d'un détournement de clientèle en proposant 50 % de rabais, pendant le cours des deux contrats de distribution. De même, la circonstance que la société Protect aurait tenté de débaucher son directeur général n'est étayée par aucune pièce. La société IPA ne se prévaut d'une perte de certains clients qu'entre la fin de l'année 2009 et mi- 2010, donc après la rupture des contrats de distribution.

La société IPA reproche également à la société française Protect, dont l'objet social a été rapporté ci-dessus, des actes de concurrence déloyale. Elle fait valoir en premier lieu qu'elle n'a pas été informée de sa création en 2003, ce qui démontrerait les mauvaises intentions de la société mère à son égard dont l'unique but était de déployer une concurrence de manière déloyale à son encontre.

Or il ressort de la lecture du contrat de distribution du 12 octobre 2004 en page 2 que l'existence de cette filiale "Protect SA" créée en 2003 était bien mentionnée, de sorte la société IPA ne pouvait en ignorer son existence ; cet argument est en conséquence inopérant.

Par ailleurs, il convient de relever que la société IPA ne verse aucune pièce pour asseoir ses simples assertions rédigées au conditionnel, selon lesquelles "il serait très surprenant que cette société n'ait pas d'une part, profité des connaissances de la clientèle d'IPA acquises dans le cadre de l'accord afin de récupérer de manière déloyale sa clientèle et continuer à exécuter des prestations pour le compte des clients d'IPA après leur détournement". La circonstance que cette société a ses locaux en France et que ses salariés parlent la langue française ne saurait suffire à démontrer que la société française Protect a pu bénéficier d'un détournement de la clientèle de la société IPA. De même, la progression du chiffre d'affaires de cette société en 2004 et 2005 ne peut avoir de lien de causalité avec la rupture des relations entre les parties en 2007. Enfin, tous les contrats litigieux évoqués par la société IPA ont été conclus avec la société espagnole ; la lettre du 1er avril 2011, par laquelle la société Protect annonce à ses clients la fin de sa collaboration avec la société IPA renvoie ses derniers à la société espagnole et non à sa filiale française.

Ainsi la société IPA ne fait pas la preuve, qui lui incombe, d'actes de concurrence déloyale commis par la société française Protect et la société espagnole Protect au cours des deux premiers contrats de distribution ; les premiers juges seront donc confirmés en ce qu'ils ont rejeté la demande de la société IPA visant les actes de concurrence déloyale.

Il reste à examiner, contrairement à l'argumentation retenue par la société IPA qui fait une confusion entre ces deux périodes, la situation des parties après la cessation du dernier contrat de distribution, dans la mesure où elles ont organisé leurs nouveaux rapports commerciaux par un acte transactionnel du 25 juillet 2007 ; il y est prévu en page 6 une clause de non-concurrence par laquelle "IPA s'interdit de proposer aux clients faisant partie de la liste définitive des prospects (..) des solutions applicatives concurrentes de celles de Protect jusqu'au 12 octobre 2008", de sorte que si une situation limitée de concurrence subsistait, chacune des parties avait pour l'essentiel l'obligation de respecter des engagements très précisément définis. Dans le cadre de la présente instance, chacune fait grief à l'autre de ne pas les avoir respectés.

Il était prévu à l'accord du 25 juillet 2007 en page 5 que "nonobstant la cessation du contrat de distribution (...), les parties conviennent que la société IPA conservera les droits et obligations liés à la signature des contrats de maintenance et de supports qu'elle aura signés avec les clients qui auraient contracté un contrat d'achat de licences des produits "Protect" avant le 12 octobre 2007 (...).

La société Protect s'engage à maintenir en vigueur pendant un délai de 5 ans (...) ses propres contrats de fourniture de services de Hotline fin et Update à la société IPA".

Une clause de maintien de qualité des prestations des parties figure en page 6 de cet accord selon laquelle "IPA s'engage à maintenir (...) le meilleur niveau de qualité de toutes les prestations qu'elle effectuera (...) Pour sa part Protect transmettra les informations nécessaires et suffisantes afin que le personnel de la société IPA soit constamment à jour des produits contractuels ainsi que des nouvelles exigences du marché, ces informations devront permettre à IPA de garantir le meilleur niveau de qualité".

En page 5, il est fait mention d'un solde débiteur de 374 996,62 euro selon détail figurant en annexe 7 et de modalités de paiement de cette dette et en page 6 la société IPA s'est engagée à ce que son solde débiteur soit constamment inférieur ou égal à 250 000 euro, cette clause constituant une condition substantielle de l'accord, la société Protect se réservant la possibilité de notifier la caducité de l'accord , après une mise en demeure de régulariser les paiements demeurée sans effet.

La société IPA reproche à la société espagnole Protect une résiliation fautive tant de cet accord que des contrats de maintenance et une fourniture de piètre qualité au titre des prestations de maintenance de logiciels.

Le premier manquement invoqué par la société IPA porte sur une résiliation fautive de l'accord du 25 juillet 2007 par la société Protect pour non-paiement des factures alors que, selon elle, la dette ne peut porter sur des prestations de maintenance réalisées en 2006 et 2007, que l'intégralité n'était pas exigible, que certaines factures ont fait l'objet d'une compensation et que la société Protect a mal exécuté certaines prestations, tandis que la société espagnole Protect estime que la dette de l'appelante s'élevant à la somme de 290 860,69 euro elle était en droit de résilier leur accord le 27 janvier 2011 prévoyant une réduction de la dette à 250 000euro , après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse.

Mais à bon droit les premiers juges ont estimé que la société Protect a fautivement rompu l'accord transactionnel dans la mesure où à la date de la mise en demeure du 5 janvier 2011 à effet du 27 janvier 2011, elle ne pouvait réclamer le paiement de la somme de 290 860,68 euro, puisque la somme de 70 868,55 euro n'était pas encore exigible, la date d'échéance de ces factures étant fixée au 2 février 2011, de sorte que seule une somme de 219 992,13 euro était due.

En outre, il convient d'observer que la société Protect a brutalement et unilatéralement inséré dans ce décompte des sommes dues au titre d'anciennes prestations réalisées entre 2006 et 2007, donc avant l'établissement du décompte figurant dans l'accord transactionnel du 25 juillet 2007 dont la société IPA aurait pu croire, à défaut de réserves, qu'il était définitif. La première société devait donc au moins pour ces prestations engager un dialogue avec son contractant, d'autant qu'une contestation avait été émise dès le 27 octobre 2006 (pièce 38 de la société IPA).

La société Protect n'est pas fondée à se prévaloir du risque couru par elle d'être suspecté de soutien abusif pour n'avoir pas respecté les termes d'un accord qu'elle a rédigé et dont elle a pu mesurer les termes.

Elle a donc résilié de manière anticipée les prestations "Hot Line" et "Up Date" qu'elle fournissait à la société IPA, empêchant cette dernière d'exécuter ses propres obligations. Les fautes de la société espagnole Protect sont ainsi caractérisées.

La société IPA prétend en second lieu qu'elle a été contrainte de pallier les manquements de la société Protect en fournissant à sa place des prestations, notamment tester des applications, procéder au débogage des applications de Protect, pour 250 incidents de 4 heures environ, représentant 7 heures d'intervention par jour sur 140 jours, dont la moitié sortait du cadre de ses obligations en raison de la mauvaise qualité des produits "Protect", si bien qu'elle a dû embaucher du personnel supplémentaire pour régler ces incidents. Elle estime le préjudice subi à ce titre à la somme de 150 000 euro.

Mais à juste titre, la société espagnole Protect réplique que les manquements qui lui sont imputés ne sont pas démontrés ; en effet cette preuve, qui pèse sur la société IPA, ne peut être rapportée par la production aux débats d'une seule pièce numérotée 40 recensant une liste d'erreurs, émanant d'elle-même, nul ne pouvant se constituer un titre à lui-même. Par ailleurs il est impossible en l'absence de pièces de faire le départ entre les prestations qui ressortiraient de l'activité contractuelle de la société IPA de celles qui ne le seraient pas. Cet argument est donc dénué de sérieux. Ce chef de demande ne saurait prospérer.

Les premiers juges seront donc confirmés en ce qu'ils ont retenu, par des motifs que la cour adopte, d'une part que la société Protect a rompu fautivement cet accord et d'autre part qu'il en est résulté un préjudice économique pour la société IPA à hauteur de la somme de 59 000 euro, selon des modalités pertinentes, que la cour fait siennes. Il est en effet démontré (pièces 19, 20 et 21 de l'appelante) qu'à la suite de l'envoi par la société espagnole le 1er avril 2011 d'une lettre circulaire informant la clientèle "qu'elle était à sa disposition pour résoudre directement tout problème de support concernant les produits Protect à son adresse mail et à ses numéros de téléphone", la société IPA a perdu de nombreux clients et a perdu toute chance de proposer à ceux-ci d'autres produits concurrents, cette correspondance étant source de confusion dans l'esprit de la clientèle qui a pu croire que la société Protect était la seule à pouvoir fournir des prestations de maintenance (étant précisé que les contrats résiliés en 2009 et 2010 ne sauraient être pris en compte, dès lors qu'ils sont antérieurs à la résiliation fautive).

Il s'en est également suivi pour la société IPA une dégradation de son image de marque dans ce secteur restreint d'activité (neuf grands groupes de presse) et une désorganisation de sa force de vente, une perte de la valeur de son fonds de commerce, que la cour évalue, au vu des éléments dont elle dispose, à la somme de 40 000 euro.

Sur les demandes de la société espagnole Protect :

La société Protect sollicite, en premier lieu, le paiement de la somme de 290 860,69 euro que la société IPA reste lui devoir.

Cette dernière conteste être redevable des prestations de maintenance réalisées en 2006 et 2007 alors qu'un compte définitif a été établi le 27 juillet 2007 ; elle oppose également un principe de compensation, enfin elle soutient que certaines prestations mal exécutées par la société Protect ne sont pas dues.

Il convient d'observer que l'accord transactionnel du 27 juillet 2007 ne porte pas la mention d'un solde de tout compte, de sorte qu'il ne peut être analysé juridiquement comme arrêtant définitivement un compte entre les parties même si une interprétation différente de la société IPA était possible. La société IPA ne peut d'ailleurs, sans contradiction, arguer d'un compte définitif et solliciter une compensation avec des factures antérieures audit compte.

Par ailleurs, même si le retard mis par la société Protect à réclamer à la société IPA la réversion des montants facturés par cette dernière au client (Le journal Le Progrès) est imputable à celle-ci (qui n'aurait pas fourni en son temps la copie des contrats de maintenance souscrits par le client), il n'en reste pas moins qu'en l'absence de prescription, les factures du 16 avril 2010 se rapportant aux services de maintenance de l'application Ciclon pour ledit client réalisées entre 2006 et 2010 ainsi qu'il ressort de la lettre du Groupe Progrès du 6 septembre 2010 (pièce 9 de la société IPA), sont dues.

Enfin la société IPA se prévaut d'une exception d'inexécution par la société Protect de son obligation de résultat au titre des prestations "Software Up Date" et "Hot Line" de mettre à jour certains de ses logiciels et des applications, de fournir des améliorations des fonctionnalités de ses logiciels, d'être réactive dans la correction des bugs pour justifier le non-paiement des factures.

Mais ses assertions ne sont corroborées par aucune pièce, hormis son propre courrier du 2 novembre 2010 constituant sa pièce n° 12, alors que si les clients se plaignaient auprès d'elle, elle devait être en mesure de produire leurs correspondances. Cet argument ne peut donc être accueilli.

L'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société IPA de la somme de 290 860,68 euro, au titre des factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 12 avril 2011 valant mise en demeure (le courrier du 5 janvier ne contenant pas une interpellation au sens de l'article 1153 du Code civil) sera en conséquence ordonnée .

En second lieu la société espagnole Protect réclame le paiement de la somme de 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des manquements de la société IPA, qui démontreraient une intention nuisible à l'égard de l'image de la société Protect.

Toutefois la société Protect, qui a conservé la clientèle, ne démontre pas que par ses agissements la société IPA ait pu porter atteinte à son image .Le règlement de factures anciennes a été réparé par la condamnation au paiement desdites factures ; le manque de transparence dans les contrats de maintenance avec le journal Sud-Ouest n'est pas démontré, puisque la société Protect produit des factures pour les 2, 3 et 4ème trimestre de l'année 2010. Dans ces conditions, cette demande ne saurait prospérer.

Aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en faveur de l'une ou l'autre des parties.

La société IPA qui succombe dans l'essentiel de ses demandes devra supporter les dépens d'appel.

Par ces motifs Statuant contradictoirement, Confirme le jugement du 24 février 2012, hormis en ses dispositions relatives aux condamnations de la société IPA Systems du fait de sa liquidation judiciaire, et, à la condamnation de la société IPA Systems à verser à la société Promocion Tecnologica Y Commercial la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, Statuant à nouveau et ajoutant, Déboute la SELAFA MJA prise en la personne de Maître Leloup-Thomas en qualité de liquidateur de la société IPA Systems de sa demande de 150 000 euro à titre de dommages et intérets, Fixe la créance de la société Promocion Tecnologica Y Commercial d'un montant de 290 860, 68 euro, au titre des factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 12 avril 2011 au passif de la liquidation judiciaire de la société IPA Systems, Condamne la société Promocion Tecnologica Y Commercial à verser à la SELAFA MJA prise en la personne de Maître Leloup-Thomas en qualité de liquidateur de la société IPA Systems la somme de 40 000 euro à titre de dommages et intérêts supplémentaires, Déboute la société Promocion Tecnologica Y Commercial de sa demande de 50 000 euro à l'encontre de la société IPA en liquidation judiciaire, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SELAFA MJA prise en la personne de Maître Leloup-Thomas en qualité de liquidateur de la société IPA Systems aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.