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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 20 novembre 2014, n° 13-06657

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon (SAS)

Défendeur :

Andrew Taylor Still Academy (SARL), Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

T. com. Lyon, du 25 juill. 2013

25 juillet 2013

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

En novembre 2010 l'Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon (ISO) a été informé d'un projet création par la société ATSA, qui jusqu'alors se cantonnait à la formation continue, d'une formation initiale à l'ostéopathie à destination des bacheliers, d'anciens salariés de l'ISO devant rejoindre la structure. Mi-décembre 2010, le président de l'ISO a reçu sur sa messagerie trois courriels en provenance d'une adresse inconnue de lui contenant divers documents corroborant les rumeurs de création d'une formation initiale par ATSA d'une SARL ATSAFI (Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale) et grâce à la collaboration et aux informations directement données par MM Vigniatelli, ancien directeur de clinique de l'ISO, et Popoff, ancien directeur des admissions et enseignant de l'ISO.

Par procès-verbal du 12 janvier 2011, Me Mamet, huissier de justice, a ainsi pu constater ;

- qu'étaient joints aux mails un certain nombre de documents attestant des démarches effectuées en vue de la création d'un établissement dispensant de la formation initiale et qu'un dossier administratif avait notamment été déposé à l'Agence Régionale de santé Rhône-Alpes,

- qu'était joint un document intitulé 3 associés.doc rédigé par Yvan Popoff selon lequel la structure serait composée de "3 associés ; Jean Lambrou, Stéphane Vigniatelli et Yvan Popoff",

- qu'étaient joints au mail "atsa info" du 24 décembre 2010 un dossier intitulé "2009" dans lequel figuraient 5 fichiers présentant des synoptiques des enseignements pour chacune des années d'enseignement de formation initiale envisagée par ATSA et/ou ATSA FI dans le cadre de son projet de création d'une école.

Ces fichiers étaient libellé "ehaouy", or Elvine Haouy était la directrice des études, salariée de l'ISO de Lyon,

- qu'était joint au même mail un document sous format word intitulé "explication-de l'organigramme-essai-1.doc" dont l'auteur était libellé "Isoportable4".

Par ordonnance du 8 février 2011, l'ISO de Lyon a été autorisée par le président du Tribunal de grande instance de Lyon à faire procéder par huissier des constats chez MM. Vignatelli et Popoff ainsi que chez les sociétés ATSA et ATSAFI.

Me Mamet, Huissier de Justice, a procédé à un constat, le 24 mars 2011, au siège social d'ATSA et ATSA FI où elle a pu rencontrer Jean Lambrou, le gérant de ces deux sociétés, qui a formellement contesté les faits qui lui étaient reprochés "en expliquant qu'il n'avait aucun rapport avec Messieurs Popoff et Vignatelli et qu'il suffisait de le vérifier sur les extraits K-bis d'ATSA et ATSA FI". Ce même huissier a également constaté que ;

- la boîte mail "[email protected]", tout comme celle de Jean Lambrou, avaient été entièrement vidées sur chacun des postes informatiques du personnel d'ATSA,

- les documents relatifs à ATSA FI et sa demande d'agrément auprès de l'IGAS (d'une taille de 28,5 Ko et 36Ko) avaient été supprimés.

Me Pras, Huissier de Justice, s'est rendu chez Stéphane Vignatelli, et a, lui aussi constaté que l'ensemble des mails et documents échangés avait été supprimé de l'adresse [email protected], sauf un document concernant la formation de clinique interne de 3 ème année. Il n'a pu avoir accès à l'ordinateur portable de Stéphane Vignatelli, celui-ci se trouvant, selon ses dires, en dépannage chez son oncle en Isère.

Me Gaussuin, Huissier de Justice, s'est rendue chez Yvan Popoff le même jour, et indique ; "Monsieur Popoff Yvan m'indique que sur chaque ordinateur se trouve enregistré le dossier d'agrément portant sur la création de l'établissement de formation initiale par ATSA. Il ajoute que ce dossier lui a été communiqué par Monsieur Jean Lambrou, directeur de la future école par le biais d'une clé USB. Monsieur Popoff Yvan m'indique qu'il lui a été demandé d'apporter les modifications et les compléments qu'il jugeait utile à ces documents". Il a en outre constaté que figuraient, sur l'ordinateur de Monsieur Yvan Popoff un certain nombre de documents ;

- un document sur la clinique interne ayant pour auteur ehaouy, c'est-à-dire Elvine Haouy, la directrice des Etudes de l'ISO Lyon,

- des synoptiques des enseignements, sur lesquels apparaît l'auteur ; ehaouy,

- un document sur les ressources structurelles qui a été établi depuis "Isoportable 4",

- des fiches de formation de clinique interne 3ème année et d'évaluation clinique qui ont pour auteur "svignatelli".

A l'issue de ces opérations, considérant qu'il y avait concurrence déloyale et détournement de clientèle, la SAS ISO a fait assigner, le 5 juillet 2011 les SARL ATSA et ATSAFI et MM Popoff et Vignatelli devant le Tribunal de commerce de Lyon.

Le 25 juillet 2013, le Tribunal de commerce de Lyon a ;

- Dit que l'action dirigée contre Yvan Popoff relève du Conseil des Prud'hommes,

- S'est déclaré incompétent rationae materiae au profit du Conseil des Prud'hommes de Lyon,

- Dit qu'à défaut de contredit, le Greffier du Tribunal, conformément à l'article 97 du Code de procédure civile, transmettra le dossier de l'affaire à la juridiction ci-dessus désignée.

- Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon à payer à Yvan Popoff la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Constaté que Stéphane Vignatelli n'a pas le statut de commerçant,

- S'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Lyon,

- Dit qu'à défaut de contredit, le Greffier du tribunal, conformément à l'article 97 du Code de procédure civile, transmettra le dossier de l'affaire à la juridiction ci-dessus désignée,

- Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon à payer à Stéphane Vignatelli la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Débouté la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon de l'ensemble de ses demandes formées contre les sociétés,

- Dit n'y avoir lieu à expertise.

- Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon à payer à chacune des sociétés Andrew Taylor Still Academy et Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée le 5 août 2013, la SAS ISO Lyon a fait appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture est du 11 février 2014.

Dans ses dernières écritures, du 28 octobre 2013, la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon demande de ;

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon,

- Réformer le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 25 juillet 2013 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formées à l'encontre de la SARL Andrew Taylor Still Academy (ATSA), la SARL Andrew Taylor Still Academy FI (ATSA FI),

- Dire et juger que la SARL ATSA et la SARL ATSA FI ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon,

- Condamner solidairement la SARL ATSA et la SARL ATSA FI à lui payer la somme de 1 743 500 euro en réparation du préjudice subi du fait de cette concurrence déloyale,

- Condamner solidairement la SARL ATSA et la SARL ATSA FI à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens, ce compris les frais de constats réalisés par Me Mamet, Me Gaussuin et Me Pras, avec distraction des dépens d'appel,

- Rejeter toutes fins, moyens et prétentions contraires,

- Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 10 décembre 1996, seront supportées par la SARL ATSA et la SARL ATSA FI.

Elle fait notamment valoir que ;

Sur la concurrence déloyale ;

- L'originalité des écoles ISO et ATSA consiste à avoir, dès l'origine, soit en 1991, décidé d'attribuer une compétence exclusive à chacune des écoles ; ISO Lyon était chargé d'assurer la formation initiale et ATSA, la formation continue.

- L'ensemble des documents essentiels à la réalisation du dossier d'agrément d'ATSA FI, et plus précisément la totalité des programmes des 5 années, l'organisation de la clinique interne, les fiches d'évaluation des étudiants, l'organisation des instances administratives de l'établissement, ne sont que des reproductions des propres documents de l'ISO de Lyon, sur lesquels seules quelques modifications de forme ont été apportées grâce au concours d' Yvan Popoff et de Stéphane Vignatelli, lesquels ont seuls eu accès à ces documents en leur qualité d'enseignant et directeur de clinique. Contrairement à ce qu'a pu indiquer le tribunal, ces documents usurpés n'ont jamais été établis en partenariat avec ATSA. Le partenariat établi entre les parties portait uniquement sur la mise en commun de moyens mais en aucun cas sur la mise en place des formations et la constitution de documents y afférents.

- Si le décret du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation fixe un cadre concernant la formation, et définit certaines unités de formation dites "les fondamentaux", ainsi qu'un nombre minimum d'heures, il n'en reste pas moins que chaque école détermine elle-même les conditions et le contenu de l'enseignement, et donc des programmes.

- Stéphane Vignatelli qui est l'auteur de plusieurs documents, apparaît expressément dans l'organigramme de la future structure et Yvan Popoff a rédigé sur son ordinateur la lettre de adressée à l'ARS en vue de l'obtention de l'agrément. Les informations qui ont été détournées par MM Popoff et Vignatelli et qui sont utilisées par ATSA et ATSA FI constituent des informations privilégiées de l'ISO de Lyon qui ont nécessité un investissement intellectuel et présentent une valeur économique certaine.

- Etait jointe au dossier d'agrément une liste des enseignants devant intervenir pour ATSA FI parmi lesquels figurent un certain nombre d'enseignants de l'ISO de Lyon (Nadia Chardon-Lingot, Bernard Fonlupt, Stéphane Lingot, Jorge Pastene, Sarah Trihn, et Vincent Travers). 10 enseignants ont simultanément quitté l'ISO de Lyon pour rejoindre ATSA FI, ce en moins d'une année.

- En ouvrant un établissement de formation initiale dispensant les mêmes enseignements dans des locaux situés à quelques 300 mètres de l'ISO de Lyon ([...] pour l'un et 330 pour l'autre), ATSA, ATSA FI créent évidemment une confusion dans l'esprit de la clientèle et notamment des bacheliers.

Sur le préjudice ;

- Il n'est pas contesté le départ, au profit d'ATSA FI, d'au moins 39 étudiants sur l'année 2011 (sans compter les démissions de l'été 2012). Et pour la rentrée 2012/2013, l'ISO de Lyon a recruté seulement 80 étudiants en 1ère année au lieu des 120 étudiants habituellement recrutés.

- Les bruits de couloirs ont largement déstabilisé étudiants et enseignants, d'où la démission de 16 enseignants, dont 2 enseignants de longue date, qui n'est intervenue que mi-juillet 2011. L'ISO de Lyon, en conséquence des agissements d'ATSA et ATSA FI, se trouve amputé d'une chance de développement.

- Le trouble commercial qui résulte des agissements déloyaux s'est trouvé amplifié par la proximité géographique des deux établissements et la parfaite connaissance qu'ont à la fois Messieurs Popoff et Vignatelli étant du corps enseignant, que des étudiants.

Pour leur part les SARL Andrew Taylor Still Academy (ATSA) et Andrew Taylor Still Academy FI (ATSA FI) n'ont conclu que le 5 janvier 2014, soit plus de deux mois après la notification des conclusions de l'appelant, de sorte qu'en application de l'article 909 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité de ces conclusions a été prononcée d'office par le conseiller de la mise en état le 11 février 2014.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION ;

Sur la concurrence déloyale ;

Attendu que l'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement la faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, ne saurait se déduire de simples présomptions ; Qu'elle suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, aux termes de l'article 1315 du Code civil, doit être rapportée par celui qui s'en prétend victime ;

- Les documents "recopiés" ;

Attendu qu'il n'a jamais été contesté en l'espèce que, si les sociétés ISO et ATSA, qui, dès 1991, avaient des compétences exclusives, la première s'étant spécialisée en formation initiale, et la seconde en formation continue d'ostéopathie, ont exercé un partenariat, celui-ci ne portait que sur la mise en commun de moyens d'exploitation (locaux et matériel) ;

Qu'en revanche aucun document versé aux débats ne permet d'établir que ce partenariat s'étendait à la mise en place des formations ou/et à l'élaboration de documents y afférents ;

Les synoptiques d'enseignement ;

Attendu qu'en revanche, par procès-verbal du 12 janvier 2011 (pages 8 et 9), Me Mamet a constaté qu'étaient joints au mail "ATSA info" du 24 décembre 2010 un dossier intitulé "2009" dans lequel figuraient 5 fichiers sous format Word qui figuraient des synoptiques des enseignements pour chacune des années de formation initiale envisagée par ATSA et/ou ATSA FI dans le cadre de son projet de création d'une école concurrente d'ISO Lyon ;

Que ces synoptiques présentent de troublantes similitudes avec les synoptiques d'enseignements de la société ISO Lyon ;

Que ces similitudes ne peuvent s'expliquer par le seul fait qu'ISO Lyon et ATSAFI exercent la même activité de formation initiale ; Qu'en effet si la réglementation impose l'enseignement d'un certain nombre de matières communes (les "fondamentaux") et un minimum d'heures, elle n'en impose par pour autant le programme de chaque école ou l'intitulé exact des matières, qui varie selon les écoles (Pièces 40, 32 et 31 de l'appelante, Pièce 3 des intimées) ; Que d'ailleurs l'IGAS, dans son rapport d'avril 2010 (Pièce 34 de l'appelante) dénonce la "grande hétérogénéité des formations" et déplore que même les enseignements fondamentaux "globalement cohérents", ne soient pas "harmonisés entre les écoles" ; Que ce même rapport (pages 31 à 33) met d'ailleurs en exergue les modalités de l'enseignement de l'ISO de Lyon et les compare à celles d'autres écoles, telles le CIDO (école d'ostéopathie de Saint Etienne), ou le CEESO (école d'ostéopathie à Lyon et Paris), mettant en évidence leurs différences ; Que pourtant, en l'espèce, on retrouve en termes identiques, dans les synoptiques d'ISO Lyon et d'ATSA FI, des intitulés tels que "sciences fondamentales et biologie humaine" ou "physiologie milieu intérieur / dépense énergétique" ;

Qu'au surplus ces fichiers étaient libellés "ehaouy", or Elvine Haouy était la directrice des études, salariée de l'ISO Lyon précisément chargée d'établir chaque année les synoptiques des enseignements de l'école ; Qu'ainsi leur origine est non sérieusement contestable ;

Les fiches d'évaluation ;

Attendu que, du temps de l'histoire commune des sociétés ISO Lyon et ATSA, chacune des sociétés avait ses spécificités propres, l'une étant spécialisée en formation initiale, l'autre en formation continue, de sorte qu'elles n'étaient pas en situation de concurrence et fonctionnaient indépendamment l'une de l'autre, quand bien même les dirigeants et les lieux d'exercice étaient communs ;

Que, du fait de leur spécificité, leurs enseignements n'étaient pas identiques, s'adressaient à des publics différents (étudiant sortant du bac puis en cursus de formation initiale pour ISO Lyon, professionnels en recherche de formation complémentaire pour ATSA) et étaient d'une durée différente (cours journaliers pour la formation initiale dispensée par ISO Lyon, un weekend de cours par mois pour la formation continue dispensée par ATSA) ;

Qu'ainsi rien ne justifiait que les deux sociétés utilisent les mêmes fiches d'évaluation et surtout rien ne prouve que ces documents aient été élaborés en commun par les sociétés ISO Lyon et ATSA ;

Qu'en l'espèce les investigations opérées par les huissiers permettent de constater que les fiches d'évaluation transmises par ATSA à ATSA FI, société concurrente de la société ISO Lyon, sont identiques à celles de la société ISO Lyon dont elles ne sont qu'un "copier-coller" ;

Qu'il suffit de se reporter aux fiches d'évaluation de la société ISO Lyon (Pièce 22 de l'appelante) pour constater que les originaux de ces documents présentent sur le côté droit une mention portant les initiales des salariés de la société ISO Lyon ayant participé à leur rédaction, ainsi que la date de la version de ces évaluations ;

Qu'il ne fait donc pas de doute que ce sont des fiches d'évaluation propriété de la société ISO Lyon et conçues par elle, qui ont été reproduites à l'identique pour les besoins de la société concurrente ATSA FI ;

L'organisation de la clinique interne ;

Attendu que la présentation de la clinique interne d'ATSA FI n'est autre que la reprise d'extraits du document de la société ISO Lyon intitulé "procédure relative à la coordination entre le processus directeur enseignement et le processus intégré enseignement clinique interne", dans ses versions du 5 novembre 2008 et du 3 mars 2009 (Pièce 19 de l'appelante) ;

Qu'il est établi que l'auteur de ce document est Elvine Haouy ( ehaouy ), salariée de la société ISO Lyon ; Que le fait qu'ATSA FI ait ajouté certains paragraphes aux extraits du document de l'ISO Lyon ne change rien au fait que, là encore, c'est à un véritable pillage des données de la société ISO Lyon auquel se sont livrées les sociétés ATSA et ATSA FI ;

L'organisation des instances administratives ;

Attendu que Me Mamet a également constaté la présence d'un document sous format word intitulé "explication-de-l'organigramme-essai-1.doc" décrivant les instances administratives d'ATSA FI dont l'auteur était libellé "Isoportable4" ; Qu'il ne fait donc pas de doute que ce document a été rédigé depuis un ordinateur portable de l'ISO Lyon ;

Que là encore la société ATSA FI n'a fait que reprendre des passages entiers d'un document propriété de la société ISO Lyon intitulé "projet de document général" daté du 29 janvier 2007 (Pièce 21de l'appelante) ; Qu'outre la similitude des formulations, on constate une police de caractère et une mise en page identiques ; Que, de même, on note la mention "-Lyon" qui correspond au premier mot figurant sur le document original de l'ISO Lyon après les mots"Institut Supérieur d'Ostéopathie" ;

Qu'au regard de ces observations il ne saurait être prétendu que ces ressemblances tiendraient à une organisation classique pour ce type de structure, s'agissant en l'espèce d'une véritable reproduction des documents de la société ISO Lyon ;

Le dossier transmis à l'IGAS pour l'obtention de l'agrément ;

Attendu que la société ATSA FI n'a jamais communiqué les documents qu'elle a transmis en vue de l'obtention de son agrément, pas plus que la société ATSA n'a communiqué le dossier d'agrément qu'elle avait transmis pour obtenir son agrément, ce en dépit de la demande qui lui en avait été faite par la société ISO Lyon dans le cadre de ses conclusions ; Que les intimées mettaient ainsi la cour dans l'incapacité de faire une comparaison des dossiers déposés ;

Que cependant la société ISO Lyon verse aux débats le dossier d'agrément déposé par ATSA FI qu'elle est parvenue à se procurer ; Que, là encore, les similitudes entre ce dossier et les pièces de la société ISO Lyon sont patentes, ce qui corrobore les dires d'Yvan Popoff (Pièce 43 de l'appelante) selon lesquels il avait collaboré à l'élaboration de ce document alors même qu'il était salarié de la société ISO Lyon après avoir été démarché en ce sens par Jean Lambrou ; "M.Lambrou a sollicité mon avis lorsqu'il a déposé un nouveau dossier d'agrément pour ATSA FI" ;

Qu'ainsi le dossier d'agrément et le programme de formation initiale ont bien été réalisés non pas sur la base de documents généraux qui pouvaient préexister en matière de formation continue, mais sur celle de supports appartenant à la société ISO Lyon et fournis par d'anciens salariés de cette société à ATSA et ATSA FI

Qu'au demeurant, M. Canetos a accédé à la présidence d'ISO Lyon le 1er juillet 2009, et un congé a été délivré à ATSA pour libérer les lieux le 30 septembre 2009, or ATSA a annoncé l'ouverture d'un établissement d'ostéopathie pour la formation initiale dès le 21 novembre 2009 et a déposé un dossier d'agrément en moins de trois mois (du 21 novembre 2009 au 12 février 2010) ; Que le montage d'un dossier d'agrément en un délai aussi bref ne peut s'expliquer que par la constatation déjà faite d'un recopiage littéral des données de la société ISO Lyon ;

Le contexte ;

Attendu que le contexte des investigations des huissiers vient éclairer ces faits d'un jour particulier ;

Attendu qu'ainsi Me Mamet, Huissier de Justice, a constaté, le 24 mars 2011, que la boîte mail [email protected], tout comme celle de Jean Lambrou, avaient été entièrement vidées sur chacun des postes informatiques du personnel d'ATSA et ATSA FI et que les documents relatifs à ATSA FI et la demande d'agrément auprès de l'IGAS pour la formation initiale en ostéopathie (d'une taille de 28,5 Ko et 36Ko) avaient été supprimés ;

Qu'à ce propos, Jean Lambrou, gérant des sociétés ATSA et ATSA FI, a prétendu n'avoir conservé aucune trace, ni informatique, ni papier du dossier d'agrément déposé auprès de l'IGAS et ajouté que le système informatique commun des sociétés ATSA et ATSA FI avait été entièrement changé le 28 janvier 2011 ;

Qu'il est cependant peu crédible que les sociétés ATSA et ATSA FI ne détiennent aucune version informatique ou papier du volumineux dossier d'agrément qui a été déposé auprès de l'IGAS et qui constitue la somme de tous les documents utiles à la formation initiale ;

Que, du reste, Me Mamet a également découvert un courriel adressé par "Sara Trihn" à Jean Lambrou le 16 février 2011 ainsi libellé ; "Salut Jean, je viens de jeter un coup d'oeil sur l'ordi qualité mais en fait, il manque tous les dossiers locaux, je n'ai accès qu'aux dossiers sur le réseau. Pour transmettre à Eric qu'il puisse remettre tous les documents locaux, au moins ceux sous le dossier sara (qui contient tous les dossiers accréditation IGAS et dossiers en cours...", qui laisse à penser que cet effacement des fichiers informatiques est survenu subitement, sans même que les partenaires de Jean Lambrou en soient avisés ;

Attendu que, pareillement, Jean Lambrou a expliqué à l'huissier "qu'il n'avait aucun rapport avec Messieurs Popoff et Vignatelli et qu'il suffisait de le vérifier sur les extraits K-bis d'ATSA et ATSA FI" ;

Mais attendu que le caractère mensonger de ces assertions est établi par les constats d'huissier puisque ;

- Me Mamet a pu constater, dans la propre boite de réception de Jean Lambrou, la présence d'un courriel reçu de [email protected] le 23 février 2011 de [email protected] ainsi libellé ; "Documents à faire passer au comptable. Bises. Attention, bien lui signaler que le taux de rentabilité ne doit pas dépasser 15 %, il faut donc sans doute adapter des postes de dépenses." et portant la signature d'Yvan Popoff,

- Me Gaussuin a, pour sa part, mentionné, dans son procès-verbal de constat ; "Monsieur Popoff Yvan (') ajoute que ce dossier (le dossier d'agrément portant sur la création de l'établissement de formation initiale par ATSA) lui a été communiqué par Monsieur Jean Lambrou, directeur de la future école par le biais d'une clé USB. Monsieur Popoff Yvan m'indique qu'il lui a été demandé d'apporter les modifications et les compléments qu'il jugeait utile à ces documents" ;

Qu'il est encore établi par un document en date du 2 février 2013 (Pièce 43 de l'appelante) par lequel Yvan Popoff "certifie avoir des relations d'amitié avec Jean Lambrou depuis plusieurs années" ;

Attendu qu'il est donc manifeste que les sociétés ATSA et ATSA FI, après avoir détourné à leur profit les ressources administratives propriété de la société ISO Lyon, n'ont rien fait pour faciliter les investigations de l'huissier instrumentaire ;

- Le débauchage et la désorganisation de l'ISO Lyon ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société ISO Lyon comptait 58 enseignants en 2009 et qu'en avril 2012, 17 enseignants ont quitté l'établissement ;

Que le commissaire aux comptes de la société ISO Lyon qui a la prudence d'indiquer que "sa mission ne porte pas sur les raisons de ces démissions" (pièce 37 de l'appelante), indique que 16 professeurs ont démissionné de la société entre le 31 mai 2010 et le 31 juillet 2011 ;

Qu'ATSA FI n'a pas communiqué la liste de son personnel alors même qu'il lui en a été fait sommation ; Que cependant le tableau des enseignants, transmis par ATSA FI au Ministère de la Santé, fait apparaitre que, sur les 16 enseignants démissionnaires, 14 enseignent désormais chez ATSA FI ;

Que Me Gaussuin et Me Mamet ont constaté qu'était jointe au dossier d'agrément une liste des enseignants devant intervenir pour ATSA FI ("demande d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé" et "organigramme pédagogique") sur laquelle figuraient ;

- Nadia Chardon-Lingot, enseignante à l'ISO de Lyon ayant démissionné en juin 2010,

- Bernard Fonlupt, actuellement formateur à l'ISO de Lyon et attaché clinique, qui figure également dans l'organigramme ATSA FI au titre de Responsable Clinique Interne,

- Stéphane Lingot, enseignant à l'ISO de Lyon ayant démissionné en juin 2010,

- Jorge Pastene, enseignant à l'ISO de Lyon,

- Sarah Trihn, enseignante à l'ISO de Lyon, qui figure également dans l'organigramme ATSA FI au titre de Responsable Clinique Qualité,

- Vincent Travers, ex-enseignant à l'ISO de Lyon ;

Qu'il résulte de ces constatations que ces départ massifs sont survenus en un très court laps de temps et quasi exclusivement au bénéfice d'ATSAFI, de sorte que, dans le contexte précédemment évoqué, ils évoquent un débauchage caractérisé ;

Attendu que les intimées, dans le but d'accréditer la thèse selon laquelle ces départs seraient la conséquence soit de choix personnels, soit du changement de direction et de divergences d'opinions avec celle-ci, mais surtout pas d'une sollicitation de Jean Lambrou, versent aux débats des attestations ; Que cependant leur fiabilité est sujette à caution dès lors qu'elles émanent d'enseignants d'ATSAFI, eux-mêmes souvent anciens étudiants et/ou salariés d'ISO Lyon (Pièces 15, 16, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 31 des intimées), c'est à dire de personnes soumises aux intimées par un lien de subordination et une communauté d'intérêts ; Qu'au surplus Caroline Lebrun (Pièce 31 des intimées) est l'épouse de Stéphane Vignatelli et Karen Desdevises (Pièce 27 des intimées) serait, selon l'appelante, la compagne d'Yvan Popoff, ce qu'elle ne mentionne pas dans son attestation ; Qu'enfin Bernard Minodier (Pièce 16 des intimées) et Jérôme Bapteste (Pièce 15 des intimées) se gardent bien d'indiquer, dans leurs attestations, qu'ils enseignent au sein de la société ATSA FI ;

Qu'il suffit d'ailleurs de se reporter au courrier d'Yvan Popoff du 2 février 2013 (Pièce 43 de l'appelante) pour constater que c'est toujours le dirigeant des sociétés ATSA et ATSA FI qui l'a sollicité que ce soit pour travailler à la préparation du dossier d'agrément d'ATSA en 2007, ou à celle du dossier d'agrément d'ATSA FI ; Qu'Yvan Popoff indique qu'il a chaque fois accepté "au titre des rapports amicaux et confraternels" et du fait que Jean Labrou avait été son enseignant à l'ISO Lyon en 1996 ;

- La proximité d'adresse et la confusion en résultant ;

Attendu que la société ATSAFI, en ouvrant un établissement de formation initiale dispensant les mêmes enseignements que la société ISO Lyon dans des locaux situés à proximité de cette structure ([...]), soit à environ 300 mètres, a inévitablement créé, dans l'esprit de la clientèle, une confusion ;

Que le fait que la société ISO Lyon ait déménagé à Ecully à la rentrée 2013, notamment pour mettre un terme à cette confusion, n'enlève rien au fait qu'elle l'a subi pendant deux ans ;

Que cette confusion ainsi que le départ de beaucoup d'enseignants d'une structure pour l'autre ont contribué à voir le nombre des inscriptions diminuer et des étudiants quitter une structure pour l'autre ;

Qu'ainsi le commissaire aux comptes de la société ISO Lyon atteste que 41 étudiants ont démissionné de l'école avant la rentrée de septembre 2011et que cinq autres ont démissionné avant la rentrée de septembre 2012 (Pièces 36 et 39 de l'appelante) ;

Que l'appelante verse aux débats un tableau non contesté (Pièce 27 de l'appelante) qui fait apparaître le départ, au profit d'ATSA FI, d'au moins 39 étudiants sur l'année 2011 ;

Que l'appelante affirme, sans être contestée, que, pour la rentrée 2012/2013, elle n'a recruté que 80 étudiants en 1ère année alors qu'elle en recrutait habituellement 120 ;

Attendu qu'au terme de ces motivations il est établi que les sociétés ATSA et ATSAFI ont ;

- détourné et réutilisé à leur profit les ressources administratives élaborées par la société ISO Lyon et qui étaient sa propriété (synoptiques d'enseignement, fiches d'évaluation, organisation clinique interne, organisation des instances administratives, dossier d'agrément), -entravé les investigations de Me Mamet, par les déclarations mensongères de leur dirigeant et le nettoyage de fichiers informatiques,

- organisé à leur profit le débauchage de salariés d'ISO Lyon, participant ainsi à la désorganisation de cette structure,

- installé leur activité concurrente dans la même rue que celle d'ISO Lyon, provoquant ainsi une confusion dans l'esprit de la clientèle d'étudiants ;

Qu'ainsi le jugement entrepris ne peut être qu'infirmé en ce qu'il a débouté la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon de l'ensemble de ses demandes formées contre les sociétés ATSA et ATSA FI ;

Que statuant à nouveau il y a lieu de dire que ces sociétés ont bien commis des actes de concurrence déloyale ;

Sur la liquidation du préjudice ;

Attendu que les faits de concurrence déloyale et de parasitisme commis par les sociétés ATSA et ATSA FI sont constitutifs d'une faute induisant un préjudice ; Qu'en l'espèce, au regard des développements antérieurs, le trouble commercial qui en est résulté n'est pas sérieusement contestable, de sorte que l'indemnisation de la société ISO Lyon, qui a été victime de ces agissements, s'impose ;

Que cependant le quantum de cette indemnisation est lié aux procédures pendantes devant le conseil des prud'hommes, concernant Yvan Popoff, et devant le tribunal de grande instance, concernant Stéphane Vignatelli ;

Qu'afin d'éviter toute contradiction entre le présent arrêt et les décisions à intervenir, il convient de sursoir à statuer sur la liquidation du préjudice en attente de décisions définitives sur les litiges pendants devant les deux autres juridictions ;

Que, dans cette attente, le caractère certain d'un préjudice direct et la certitude du lien causal avec la faute avérée, permettent de condamner, in solidum, les sociétés ATSA et ATSAFI à payer, à titre provisionnel, à la société ISO Lyon la somme de 350 000 euro ;

Sur l'article 700 ;

Attendu que, du fait du sursis à statuer, le montant définitif des frais non répétibles ne peut être connu ; Que, cependant, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ISO Lyon les frais irrépétibles qu'elle a du, d'ores et déjà, engager dans cette procédure ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société ISO Lyon à payer des frais irrépétibles aux sociétés ATSA et ATSAFI ;

Que, statuant à nouveau, la cour condamne in solidum les sociétés ATSA et ATSA FI à payer à la société ISO Lyon la somme de 5 000 euro, à titre provisionnel pour les frais exposés à ce jour ;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a, Débouté la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon de l'ensemble de ses demandes formées contre les sociétés ATSA et ATSA FI, Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon à payer à chacune des sociétés Andrew Taylor Still Academy et Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamné la société Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon aux entiers dépens de l'instance, Et, statuant à nouveau, Dit que les sociétés Andrew Taylor Still Academy et Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale (ATSA et ATSAFI) ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon, Sursoit à statuer sur la liquidation totale du préjudice en attente de décisions définitives dans les litiges pendants devant le Conseil des prud'hommes de Lyon et le Tribunal de grande instance de Lyon (affaires Yvan Popoff et Stéphane Vignatelli), Dans cette attente, Condamne, in solidum, les sociétés Andrew Taylor Still Academy et Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale (ATSA et ATSAFI) à payer à la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon , à titre de dommages et intérêts provisionnels, la somme de 350 000 euro, Condamne, in solidum, les sociétés Andrew Taylor Still Academy et Andrew Taylor Still Academy Formation Initiale (ATSA et ATSAFI) à payer à la SAS Institut Supérieur d'Ostéopathie Lyon, en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à titre provisionnel, la somme de 5 000 euro, Ordonne la radiation administrative de l'affaire du rôle, à charge pour la partie la plus diligente de justifier de la réalisation de la condition mettant fin au sursis à statuer pour que l'affaire y soit réinscrite, Reserve les dépens.