CA Pau, 1re ch., 26 novembre 2014, n° 13-01026
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Editions Atlas (SAS)
Défendeur :
Godefroy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
M. Castagne, Mme Catugier
Avocats :
Mes Landon, Mariol, Morlon
Selon acte sous seing privé du 7 avril 2008, la SAS Editions Atlas a signé avec M. Thierry Godefroid un contrat qualifié "d'agent commercial" pour la vente à domicile d'ouvrages issus de son activité d'édition, sur le département des Landes et une partie de celui des Pyrénées-Atlantiques, représentant une population de 192 447 personnes, avec un objectif de chiffre d'affaires net HT de 12 000 euro par mois.
Par avenant du 4 novembre 2010, les parties ont convenu d'étendre le secteur d'activité de M. Godefroy sur une zone représentant 467 373 personnes, sans modification des objectifs à atteindre.
Par lettre du 11 janvier 2011, M. Godefroy a notifié à la SAS Atlas la rupture de son contrat d'agent commercial en soutenant que certains changements intervenus dans la politique commerciale ne lui permettaient plus de travailler dans le respect des obligations réciproques des parties.
Par acte du 11 avril 2011, M. Godefroy a fait assigner la SAS Atlas en paiement de l'indemnité compensatrice prévue par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce en faisant valoir que la rupture du contrat était justifiée par des circonstances imputables à son mandant qui aurait, à parti r de 2008, modifié sa stratégie commerciale, notamment en réduisant ses investissements publicitaires et ses lancements de produits nouveaux, avec pour effet, sinon pour objectif, de tarir la clientèle traditionnelle exploitée par les agents commerciaux au moyen de l'attribution de coupons dont le nombre n'a cessé de décroître, avec suppression à la fin de l'année 2010 de la division "fascicules" et mise en œuvre, sans information ni concertation préalables, d'un plan social touchant à l'organisation de la commercialisation des produits vendus à domicile.
Par jugement du 27 février 2013, le Tribunal de grande instance de Dax a :
- dit que la rupture d'agent commercial à l'initiative de M. Godefroy est justifiée par des circonstances exclusivement imputables à la société Editions Atlas,
- condamné la société Editions Atlas à payer à M. Godefroy la somme de 64 704,24 euro (non soumise à TVA) au titre de l'indemnité compensatrice et celle de 9 673,28 euro TTC au titre de l'indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011,
- débouté M. Godefroy de sa demande au titre des décommissionnements,
- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de 50 %,
- condamné la société Editions Atlas à payer à M. Godefroy la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SAS Editions Atlas a interjeté appel de cette décision selon déclaration remise au greffe de la cour le 18 mars 2013.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 11 avril 2014.
Dans ses dernières conclusions déposées le 14 mars 2014, la société Editions Atlas demande à la cour, réformant le jugement entrepris :
- de dire que la convention du 7 avril 2008 et les conditions réelles de son exécution ne permettent pas à M. Godefroy de se prévaloir du statut légal d'agent commercial,
- de débouter M. Godefroy de ses demandes et de le condamner à restitution des sommes perçues en exécution de la décision déférée, outre la somme de 7 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, la SAS Editions Atlas soutient à titre principal :
- que M. Godefroy ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la réunion des conditions d'application de l'article L. 134-1 du Code de commerce dès lors que les parties étaient liées non par un contrat d'agent commercial mais par un mandat simple ou un courtage révocable ad nutum,
- qu'en effet, M. Godefroy n'avait ni pouvoir de représentation ni pouvoir de conclure des contrats au nom et pour le compte d'Atlas alors que l'agent commercial est par définition un mandataire qui est chargé de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de son mandant et qui exerce une fonction de négociation impliquant le pouvoir de discuter les conditions d'un éventuel contrat,
- que la qualification que les parties ont entendu donner à leur contrat est sans incidence dès lors que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée,
- qu'en l'espèce, les prix et conditions de vente sont prédéterminés, que M. Godefroy est un simple intermédiaire sans la qualité de mandataire, peu important la qualification donnée dans le contrat qui d'ailleurs ne lui conférait que le pouvoir de prendre des commandes que le mandant se réservait le droit d'accepter définitivement, sur des formulaires établis par le mandant et à des conditions de prix et de paiement définies par celui-ci,
- que les obligations mises à la charge de la SAS Editions Atlas sont incompatibles avec le mandat d'intérêt commun qu'est le contrat d'agent commercial et que l'intermédiaire qui n'est investi d'aucun pouvoir de représentation ne peut revendiquer l'existence d'un mandat d'intérêt commun, alors même que la seule perception d'une rémunération par l'intermédiaire est insuffisante à caractériser l'intérêt commun,
- qu'il ne peut lui être fait grief de soulever ce moyen pour la première fois en cause d'appel dès lors :
Que l'article 12 du Code de procédure civile interdit qu'une demande de requalification soit déclarée irrecevable,
Que la théorie dite de l'estoppel ne peut recevoir en l'espèce application dans la mesure où il n'existe aucune contradiction dans ses demandes puisque la requalification du contrat ne constitue pas une demande ou une prétention mais un simple moyen dont la nouveauté n'est pas une cause d'irrecevabilité, en application des articles 563, 564 et 565 du Code de procédure civile,
Qu'elle n'a jamais renoncé expressément ou implicitement mais de manière non équivoque au moyen tiré de l'absence de contrat d'agent commercial alors même que les dispositions de l'article 1356 du Code civil sont inapplicables en l'espèce, s'agissant de la qualification d'un contrat,
- que le contrat liant les parties est soit un mandat de droit commun soit un contrat de courtage,
Que s'il s'agit d'un mandat de droit commun, dès lors que n'existe aucune obligation de motiver la renonciation au mandat ni sa révocation, la résiliation de celui-ci n'ouvre pas droit à une indemnité de fin de mandat,
Que s'il s'agit d'un contrat de courtage, cette convention est révocable sans motif et sans indemnité, quelle que soit l'ancienneté des relations contractuelles.
La société appelante soutient à titre subsidiaire :
- qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles en ce qui concerne la fourniture de produits nouveaux alors même qu'elle n'avait aucune obligation de lui remettre les coupons publicitaires que lui adressaient des clients potentiels intéressés par l'un ou l'autre de ses produits,
- que M. Godefroy ne peut se plaindre d'une baisse des coupons publicitaires alors qu'il s'est abstenu d'exploiter la totalité de ceux dont il a disposé tout en enregistrant une croissance de son chiffre d'affaires et de ses commissions de plus de 20 %,
- qu'en toute hypothèse, l'indemnité susceptible d'être allouée à M. Godefroy ne saurait excéder le montant net des commissions perçues au titre des 24 mois ayant précédé la résiliation du contrat, étant par ailleurs considéré que l'intimé ne rapporte pas la preuve du caractère prétendument injustifié des décommissionnements dus aux défaillances des clients qui lui ont été imputés conformément aux articles 7-6 à 7-8 du contrat.
Dans ses dernières conclusions déposées le 28 janvier 2014, M. Godefroy, formant appel incident, demande à la Cour, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce :
1 - Sur la qualification des relations contractuelles entre les parties :
- de constater que dans ses écritures de première instance, la SAS Editions Atlas a expressément reconnu sa qualité d'agent commercial, ce qui constitue un aveu judiciaire,
- de dire que la SAS Editions Atlas ne rapporte pas la preuve que le contrat d'agent commercial devrait être requalifié, de débouter la SAS Editions Atlas de ses demandes de ce chef et de constater que le contrat liant les parties est un contrat d'agent commercial,
- subsidiairement, si le contrat était requalifié, de dire que la SAS Editions Atlas a commis une faute en le trompant délibérément sur la nature du contrat et la condamner sur le fondement de l'article 1147 du Code civil à des dommages-intérêts d'un montant égal à celui de l'indemnité qu'il aurait dû percevoir du fait de son statut d'agent commercial,
- à titre principal :
- de dire que la SAS Editions Atlas a profondément modifié l'équilibre du contrat et manqué à ses obligations contractuelles à son égard, que la rupture du contrat lui est imputable et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a imputé la rupture du contrat à la SAS Editions Atlas et condamné celle-ci à lui payer les sommes de 9 673,28 euro TTC sur le fondement de l'article L. 134-11 du Code de commerce et de 64 704,24 euro non soumise à TVA à titre d'indemnité de cessation de contrat,
- réformant le jugement de ce chef, de condamner la société Editions Atlas à lui payer la somme de 13 983,74 euro TTC au titre des arriérés de commissions,
- de dire que les sommes qui lui seront allouées produiront intérêts à compter du 11 janvier 2011, date de la lettre de notification de la rupture du contrat et subsidiairement à compter de la date de l'assignation introductive d'instance,
- de condamner la SAS Editions Atlas à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Longin - Mariol.
Il soutient pour l'essentiel :
- Sur la qualification des relations contractuelles entre les parties :
- que la SAS Editions Atlas ne peut, sans faire preuve d'une déloyauté procédurale sanctionnable car destinée à nuire aux intérêts de son adversaire, contester l'application du statut d'agent commercial après s'en être constamment prévalue en première instance mais aussi soutenir qu'il avait toute latitude pour organiser son activité pour prétendre ensuite le contraire,
- qu'en effet, la SAS Editions Atlas a créé une apparence, par son attitude et ses constantes affirmations, sur laquelle il a fondé son action et élaboré sa défense devant le premier juge,
- que demeurant les termes clairs et univoques du contrat, il appartient à la SAS Atlas qui conclut à sa requalification et forme ainsi une demande reconventionnelle de ce chef de rapporter la preuve que cette convention ne constitue pas un contrat d'agent commercial,
- qu'en toute hypothèse, les conditions requises pour la caractérisation d'un contrat d'agent commercial sont en l'espèce réunies, s'agissant de l'exercice, par un professionnel indépendant, d'une activité permanente par laquelle il négocie des contrats au nom et pour le compte de son mandant avec lequel il est lié par un contrat d'intérêt commun, l'activité de l'intimé ne se limitant pas à proposer des contrats pré-remplis mais à démarcher la clientèle alors même qu'il disposait d'une marge de négociation puisqu'il avait la possibilité de réduire sa commission pour conclure une affaire,
- que si le mandat liant les parties devait être requalifié, cela révélerait une faute de la SAS Atlas qui, pour recruter et garder son agent au sein de sa structure, lui a constamment fait croire qu'il bénéficierait du statut protecteur d'agent commercial, réalisant ainsi une véritable tromperie constitutive d'une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
- Sur la rupture des relations contractuelles :
- que bien que la résiliation procède de l'initiative de l'agent ou, comme en l'espèce, qu'elle soit sollicitée en justice, l'agent est en droit de bénéficier de l'indemnisation prévue par la loi s'il peut établir que la cessation du contrat est justifiée par des circonstances imputables à son mandant pouvant être constituées tant par des fautes que par toutes circonstances objectives portant atteinte à l'équilibre du contrat, étant considéré que le mandant doit respecter ses obligations contractuelles, ne pas entraver l'exécution du mandat et mettre l'agent en mesure d'exécuter normalement son contrat,
- qu'en l'espèce ces circonstances consistent dans le fait :
D'avoir substantiellement modifié le volume des produits mis à disposition en supprimant plus des 2/3 des nouveaux produits dont il disposait habituellement,
D'avoir réduit drastiquement d'au minimum 73 % les coupons correspondant à la clientèle potentielle qui lui était normalement confiée, le maintien du chiffre d'affaires invoqué par la société Editions Atlas ne s'expliquant que par l'extension du territoire de prospection,
De lui avoir imposé de vendre des produits à des prix absolument non concurrentiels par rapport à ceux pratiqués par le commerce électronique,
De l'avoir mis devant le fait accompli, sans le moindre délai raisonnable, relativement à des décisions à effet immédiat impactant son chiffre d'affaires, en mettant en place, fin 2010, un important plan social et en mettant fin à l'activité de son département "fascicule" (qui représentait une part substantielle des produits que les agents commercialisaient).
2 - Sur les comptes entre les parties :
- que les demandes d'indemnités ont été calculées conformément à un usage constant, sur la base de la moyenne des commissions brutes (avant décommissionnement) des trois dernières années, afin de "lisser" l'impact de la dégradation de la situation, non imputable à l'agent, dans les derniers temps d'exécution du mandat,
- que l'indemnité de préavis est due même si la rupture est sollicitée par l'agent dès lors que ladite rupture est imputable au mandant qui ne l'a plus mis en mesure d'exécuter son mandat,
- que s'agissant des décommissionnements, la SAS Atlas ne rapporte pas la preuve - qui lui incombe au regard des stipulations contractuelles et des dispositions de l'article 1315 du Code civil - des conditions de leur mise en œuvre qui suppose la preuve d'une intervention du service contentieux vis-à-vis des clients défaillants et de son caractère infructueux.
MOTIFS
I - Sur la qualification des relations contractuelles entre les parties :
Le principe de loyauté des débats, gage d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen, implique notamment que nul ne puisse se contredire au détriment d'autrui en se prévalant d'une position contraire à celle qu'il a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers, dans le cadre d'actions de même nature, fondées sur les mêmes conventions et opposant les mêmes parties.
Il est en l'espèce constant qu'après avoir proposé à la signature de l'intimé une convention qualifiée de contrat d'agent commercial et n'avoir jamais dénié à celui-ci le bénéfice du statut correspondant, y compris dans le cadre de la procédure de première instance au titre de laquelle M. Godefroy sollicitait, comme en cause d'appel, l'octroi de dommages-intérêts en réparation d'une rupture prétendument abusive du contrat, la SAS Editions Atlas soulève, pour la première fois en cause d'appel, le moyen tiré de la nécessaire requalification du contrat litigieux qui ne peut selon elle constituer un contrat d'agent commercial.
La circonstance qu'une partie est en droit d'invoquer, en tout état de cause, un moyen de droit nouveau ne l'autorise cependant pas à se contredire au détriment de son adversaire lorsque, comme en l'espèce, il ne s'agit pas d'un moyen seulement destiné à répliquer à un moyen soutenu par celui-ci mais de procéder à un changement de position qui modifie l'objet du litige en ce qu'il ne porte plus sur l'existence d'une rupture éventuellement abusive mais sur l'existence même d'un contrat d'agent commercial dont la SAS Editions Atlas soutenait devant le premier juge que la résiliation - injustifiée - était imputable à M. Godefroy, en contestant avoir manqué aux obligations résultant de la convention litigieuse, quand bien même aucun aveu judiciaire ne pourrait être tiré de ses conclusions de première instance, la qualification d'un contrat constituant une question de droit exclusive de l'application de l'article 1356 du code civil.
Il existe ainsi une véritable contradiction entre les deux positions successivement adoptées par la SAS Editions Atlas et un avantage théorique effectif retiré de ce changement de position puisque les éventuels droits à indemnisation de M. Godefroy - qui a engagé son action en fonction d'une analyse initialement non contestée et même partagée, en seraient directement affectés.
Il convient dès lors, considérant que le comportement procédural de la SAS Editions Atlas constitue un manquement à l'obligation générale de loyauté présidant aux débats judiciaires, de déclarer irrecevable son moyen de défense tiré de la requalification de la convention liant les parties et de considérer que celles-ci sont bien liées par un contrat d'agent commercial au sens des articles L. 134-1 et suivants du code civil.
II - Sur l'imputabilité de la résiliation du contrat d'agent commercial :
L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties, que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et que le mandant doit mettre l'agent en mesure d'exécuter son mandat.
Par ailleurs, l'article L. 134-12 dudit code précise qu'en cas de cessation de ses relations avec son mandat, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et qu'il perd ce droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
En outre, l'article L. 134-13 de ce même code dispose que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque :
- 1° - la cessation du mandat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,
- 2° - la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée,
- 3° - selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
En l'espèce, il appartient à M. Godefroy, qui a pris l'initiative de la rupture et sollicite le prononcé de la résiliation aux torts de son mandant, de rapporter la preuve de la réunion des conditions d'application de l'article L. 134-13 2° en établissant l'existence de circonstances imputables au mandant par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée, étant considéré, comme l'a exactement relevé le premier juge :
- d'une part, que ces "circonstances" peuvent consister dans des fautes imputables au mandant mais également dans toute circonstance objective résultant d'une décision non fautive du mandant mais portant atteinte à l'équilibre du contrat,
- d'autre part, qu'aucune disposition n'interdit à l'agent commercial, non tenu de motiver sa décision de résilier le contrat, d'invoquer, dans le cadre de son action en paiement d'indemnités de rupture, des circonstances qu'il n'aurait pas visées dans sa lettre de notification de la résiliation.
En l'espèce, le contrat initial du 7 avril 2008 affectait à M. Godefroy un périmètre géographique regroupant le département des Landes et divers cantons des Pyrénées-Atlantiques représentant une population de 192 447 habitants mais le 4 novembre 2010, les parties ont conclu un avenant étendant le secteur de prospection de M. Godefroy à une zone représentant une population de 467 373 personnes, avec un chiffre d'affaires net HT mensuel minimum de 12 000 euro, sur la base d'une proposition des Editions Atlas ainsi rédigée : "Vous avez eu l'occasion dans le passé de travailler sur un secteur complémentaire à votre secteur géographique fixé dans votre contrat en date du 7 avril 2008 et ainsi, de bénéficier d'un fichier client déjà existant additif. Nous vous proposons aujourd'hui de vous attribuer ce secteur définitivement...".
Par lettre datée du 11 janvier 2011, M. Godefroy a notifié à son mandant la dénonciation du contrat en indiquant : "Veuillez prendre acte de ma rupture de contrat suite à vos nouveaux changements, à savoir plus de possibilité de travailler depuis plusieurs mois, vos décisions d'annuler tout investissement, soit un manque total de coupons dans mon secteur 40/64 m'ont obligé à travailler dans des départements éloignés pendant plusieurs mois. Je suis donc dans l'obligation financière et professionnelle après six ans de rompre notre contrat".
Dans le dernier état de ses conclusions, M. Godefroy se prévaut d'une modification unilatérale de l'équilibre du contrat par la SAS Editions Atlas résultant d'une réduction des produits à commercialiser, de retraits de clientèle, d'une absence de protection contre la concurrence et d'une violation de ses obligations d'information et de loyauté.
C'est à bon droit que le premier juge a considéré que si la SAS Editions Atlas est libre de définir sa stratégie commerciale et si le contrat ne met à sa charge aucune obligation chiffrée en terme de niveau d'investissements publicitaires, de lancement de nouveaux produits ou d'attribution de coupons-réponses, toute modification de sa stratégie, fût-elle commandée par des nécessités économiques, qui aurait seulement même pour effet de bouleverser les conditions d'exécution du contrat, au point d'en rendre la poursuite intolérable, ouvre droit à indemnisation.
La réalité et l'ampleur de la diminution du volume des produits à commercialiser par les agents sont établies par les tableaux statistiques (pièce n° 73 produite par M. Godefroy) émanant de la société appelante et concernant le nombre des produits testés et commercialisés sur les exercices 2007 (respectivement 14 nouveaux produits et 45 tests), 2008 (8 et 25), 2009 (3 et 15) et 2010 (4 et 11), ainsi que leurs conséquences sur l'activité des agents qui devaient commercialiser des produits des collections anciennes et de rares produits nouveaux, par ailleurs déjà exploités par les autres circuits de commercialisation (VPC, partenaires extérieurs) alors qu'auparavant les agents commerciaux bénéficiaient d'une période d'exclusivité.
Les conséquences de ce changement de stratégie commerciale sur l'activité des agents commerciaux et spécialement de M. Godefroy se constatent également en terme de réduction du nombre de coupons-réponse adressés par la SAS Editions Atlas (1er semestre 2009 : 744, 2ème semestre 2009 : 649, 1er semestre 2010 : 523, 2ème semestre 2010 : 159) alors que pendant la même période le taux d'exploitation de ces coupons (58,30 % en 2009, 52,92 euro en 2010) par M. Godefroy demeurait quasi-constant et que son territoire de prospection avait été étendu de manière importante (cf. ci-dessus), avant même la régularisation de cette situation par la conclusion de l'avenant du 4 novembre 2010.
Par ailleurs, l'incidence négative du changement de stratégie commerciale sur l'activité de l'intimé s'évince également d'autres indicateurs chiffrés et spécialement des ratios "nombre de coupons / nombre d'habitants" (7,24 pour 1000 en 2009, 2,15 pour 1000 en 2010) et "chiffre d'affaires / nombre d'habitants" (0,51 euro pour 1 000 en 2009, 0,25 euro pour 1 000 en 2010), l'augmentation du chiffre d'affaires 2010 par rapport à celui de 2009 s'expliquant par l'extension du secteur d'activité de l'agent et ne masquant pas le caractère chroniquement déficitaire de ladite activité.
Enfin, il y a lieu de considérer qu'en acceptant de conclure avec M. Godefroy un avenant qui ne pouvait que le conforter dans la croyance de la pérennisation de son activité, sans l'aviser de la suppression imminente (en décembre 2010) de la division "fascicules" qui fournissait aux agents commerciaux en charge du secteur vente à domicile une part essentielle de leur activité, alors même que cette suppression n'a pas été décidée précipitamment mais n'est que la résultante des difficultés d'exploitation de cette activité depuis plusieurs années, la SAS Editions Atlas a manqué à son obligation de loyauté et d'information à l'égard de son agent.
M. Godefroy rapporte ainsi la preuve suffisante de circonstances imputables à son mandant par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée au sens de l'article L. 134-13 2° du Code de commerce, en sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la SAS Editions Atlas.
III - Sur les conséquences de la résiliation du contrat d'agent commercial :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Godefroy de sa demande en paiement de sommes au titre de décommissionnements prétendument injustifiés, dès lors que l'article 7 du contrat d'agent commercial stipule :
- en son paragraphe 7-7, que la partie des commissions payées d'avance sera reprise dès que l'analyse du compte d'un client fera apparaître un retard de paiement qui sera considéré comme une absence de paiement définitive à partir de 60 jours de retard,
- en son paragraphe 7-8, que si l'intervention du service contentieux du mandant auprès du client s'avère positive, l'agent sera recrédité de la commission, déduction faite des frais de recouvrement engagés,
Ce dont on déduit que la validité du décommissionnement n'est pas subordonnée à la justification de l'inefficacité de l'intervention du service contentieux.
L'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce se calcule selon l'usage sur la base de la moyenne des commissions brutes perçues par l'agent pendant les deux dernières années d'exécution du contrat, sauf, lorsqu'il existe des circonstances aggravant le préjudice subi par l'agent, à prendre en compte une période plus longue, lorsque, comme en l'espèce, les derniers exercices ont généré une réduction du chiffres d'affaires non imputable à l'agent en sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a pris pour base de calcul la période s'étant écoulée entre mai 2008 et décembre 2010, afin de "lisser" l'impact de la diminution de l'activité non imputable à M. Godefroy.
Au regard des justificatifs produits par M. Godefroy (tableau des commissions perçues pour la période de mai 2008 à décembre 2010, pièce n° 17), l'indemnité compensatrice sera calculée sur la moyenne mensuelle des "commissions payées HT" pendant la période correspondante (74 580,24 euro, soit une moyenne mensuelle de 2 330,63 euro), les sommes correspondant aux décommissionnements dont M. Godefroy a été ci-dessus débouté de sa demande en paiement ne pouvant être intégrées dans ce calcul et M. Godefroy ne justifiant d'aucun solde impayé.
Il convient donc, réformant le jugement entrepris qui a intégré dans la base de calcul le montant des décommissionnnements litigieux, de condamner la SAS Editions Atlas à payer à M. Godefroy les sommes de :
- 55 935,12 euro (2 330,63 x 24) à titre d'indemnité compensatrice de rupture,
- 6 991,89 euro au titre de l'indemnité contractuelle de préavis de trois mois (article 9-1 et 2 du contrat) due à M. Godefroy dès lors que la rupture du contrat ne lui est pas imputable, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2011, date de l'assignation introductive d'instance.
L'équité commande d'allouer à M. Godefroy, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 4 500 euro au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
La SAS Editions Atlas sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Longin - Mariol.
Par ces motifs LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu le jugement du tribunal de grande instance de Dax en date du 27 février 2013, Déclare irrecevable le moyen de défense soulevé en cause d'appel par la SAS Editions Atlas et tiré de la requalification de la convention liant les parties, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Godefroy de sa demande en paiement d'arriérés de commissions au titre de décommissionnements prétendument indus, Réformant le jugement pour le surplus, Condamne la SAS Editions Atlas à payer à M. Godefroy les sommes de : 55 935,12 euro (cinquante-cinq mille neuf cent trente-cinq euro et douze centimes) à titre d'indemnité compensatrice de rupture, 6 991,89 euro (six mille neuf cent quatre-vingt-onze euro et quatre-vingt-neuf centimes) au titre de l'indemnité contractuelle de préavis, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2011, Condamne la SAS Editions Atlas à payer à M. Godefroy, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme globale de 4 500 euro (quatre mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, Condamne la SAS Editions Atlas aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Longin - Mariol, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.