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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 20 novembre 2014, n° 14-03069

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gloriette Immobilier (SARL), Gloriette Distribution (SARL)

Défendeur :

Brico'Tech (SARL), Sapin (ès qual.), Billioud (ès qual.), Gaujax (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rolin

Conseillers :

Mme Pages, M. Bernaud

Avocats :

Mes Fayol, Gay, Ennedam

T. com. Grenoble, du 2 juin 2014

2 juin 2014

La SARL Brico'Tech exploite à Chatte (Isère) un magasin de bricolage, décoration, jardinage et équipement de la maison sous l'enseigne Brico'Pro.

La SAS Gaujax exploite un commerce de même nature sur le territoire de la commune proche de Saint-Sauveur sous l'enseigne Bricomarché.

La société Gloriette Immobilier a obtenu le 22 septembre 2010 un avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial en vue de l'exploitation d'un magasin de bricolage à Chatte sur une parcelle située en face de celle occupée par la société Brico'Tech.

Cette surface commerciale est exploitée par la société Gloriette Distribution depuis le 27 juillet 2011 sous l'enseigne Bricorama.

À la requête des sociétés Brico'Tech et Gaujax, mais également d'un troisième concurrent, le conseil d'État a annulé la décision de la commission nationale d'aménagement commercial selon ordonnance du 21 mars 2012, à défaut pour la décision d'avoir été précédée de l'ensemble des avis ministériels exigés par la loi.

Dès le 27 mars 2012, une nouvelle demande d'autorisation a été présentée à la commission.

N'ayant pas obtenu du préfet de l'Isère une décision de fermeture au public de la surface de vente exploitée par la société Gloriette Distribution, les sociétés Brico'Tech et Gaujax ont fait assigner la société Gloriette Immobilier devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Grenoble à l'effet d'obtenir la fermeture sous astreinte du magasin Bricorama de Chatte et sa condamnation par provision au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 17 juillet 2012 le juge des référés a renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur le fond, estimant que les demandes excédaient sa compétence.

Le 11 juillet 2012 la commission nationale d'aménagement commercial a délivré à la société Gloriette Immobilier une nouvelle autorisation d'implantation, qui n'a pas été contestée.

Par acte d'huissier du 23 mai 2013 les sociétés Brico'Tech et Gaujax ont fait assigner les sociétés Gloriette Immobilier et Gloriette Distribution devant le Tribunal de commerce de Grenoble statuant au fond en paiement de dommages et intérêts sur la base de l'expertise amiable réalisée à leur demande par l'expert-comptable Christophe Collin (103 820 euros pour la société Brico'Tech et 368 704 euros pour la société Gaujax).

Les sociétés défenderesses ont formé une demande reconventionnelle en dommages- intérêts estimant que les demanderesses avaient abusé de leur droit d'agir en justice (92 394,91 euros).

Le redressement judiciaire de la société Brico'Tech a été ouvert par jugement du Tribunal de commerce de Vienne en date du 5 novembre 2013, qui a désigné Me Sapin en qualité d'administrateur judiciaire et Me Billioud en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 2 juin 2014 le Tribunal de commerce de Grenoble, devant lequel les organes de la procédure collective ne sont pas intervenus, s'est déclaré d'office incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lyon en application des dispositions de l'article L. 420-7 du Code de commerce qui donne compétence à des juridictions spécialisées en matière de pratiques anticoncurrentielles, estimant que le litige relevait des articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce.

Les sociétés Gloriette Immobilier SARL et Gloriette Distribution SARL ont formé contredit à l'encontre de cette décision selon déclaration reçue au greffe du tribunal de commerce le 17 juin 2014 aux motifs :

que leur action est fondée, non pas sur une pratique anticoncurrentielle, mais sur un acte de concurrence déloyale relevant de l'article 1382 du Code civil,

qu'en relevant d'office son incompétence le tribunal a méconnu l'objet du litige,

que selon la jurisprudence de la Cour de Cassation l'exploitation d'un établissement commercial en méconnaissance de la réglementation administrative constitue un acte de concurrence déloyale'

que le Tribunal de commerce de Grenoble était donc compétent pour connaître de l'action.

Vu les observations écrites déposées le 8 septembre 2014 par la SARL Brico'Tech, assistée de Me Sapin ès qualité d'administrateur judiciaire et de Me Billioud ès qualité de mandataire judiciaire, et par la SAS Gaujax qui demandent à la cour d'infirmer le jugement attaqué, de dire et juger que le Tribunal de commerce de Grenoble était compétent pour statuer sur les demandes et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction, sauf pour la cour à évoquer le fond du litige et à inviter les parties à conclure.

MOTIFS DE L'ARRÊT

L'action indemnitaire formée par les sociétés Brico'Tech et Gaujax est fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil et tend à la réparation du préjudice qui aurait été subi du fait de l'exploitation irrégulière sans autorisation du magasin concurrent à l'enseigne Bricorama, qualifiée expressément d'acte de concurrence déloyale.

Comme le tribunal l'a rappelé, sans en tirer toutefois les conséquences juridiques appropriées, il est de principe constant que le non-respect de la réglementation administrative, notamment dans le domaine de l'aménagement commercial, constitue pour les commerces concurrents un acte de concurrence déloyale à l'origine d'un trouble commercial indemnisable.

Le présent litige, qui n'est pas relatif à l'application des articles L. 420-1 et L. 420-5 du Code de commerce prohibant certaines pratiques anticoncurrentielles, lesquelles dispositions légales ne sont pas même invoquées, ne relève donc pas de la compétence exclusive des juridictions spécialisées visées à l'article L. 420-7.

Ainsi que les sociétés Brico'Tech et Gaujax en conviennent elles-même, le Tribunal de commerce de Grenoble était par conséquent territorialement et matériellement compétent pour connaître de l'action.

Faisant droit au contredit, la cour renverra dès lors l'affaire et les parties devant cette juridiction pour jugement sur le fond, étant observé que la nature du litige ne justifie pas qu'il soit dérogé au principe du double degré de juridiction.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Accueillant le contredit, dit et juge que le Tribunal de commerce de Grenoble était matériellement et territorialement compétent pour connaître de l'action, Renvoie par conséquent l'affaire et les parties devant cette juridiction et dit que le dossier lui sera transmis selon les modalités de l'article 97 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens du présent contredit et les partage par moitié entre les parties.