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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 décembre 2014, n° 12-15517

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Bodin Casalis, Nasry, Lallement, Chartier

CA Paris n° 12-15517

3 décembre 2014

Par acte du 13 septembre 2010, l'association de consommateurs l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) a assigné la société Société Française de Radiotéléphone (SFR) devant le Tribunal de grande instance de Paris, en soutenant que les publicités diffusées par la société SFR, relatives à la formule d'abonnement intitulée "Le Forfait internet 3G+ illimité" seraient constitutives d'une pratique commerciale déloyale au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation.

Par jugement du 3 juillet 2012 le tribunal a :

- débouté l'UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

- condamné l'UFC Que Choisir à payer à la société SFR la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné l'UFC Que Choisir aux dépens.

Le 16 août 2012, l'association UFC Que Choisir a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 29 septembre 2014, par lesquelles l'association UFC Que Choisir demande à la cour de :

Aux visas des articles L. 411-1, L. 421-1 et suivants, L. 121-1 et suivants du Code de la consommation et 1382 du Code civil,

- déclarer l'association UFC-Que Choisir recevable et bien fondée en son appel et y faire droit,

En conséquence,

- réformer le jugement en toutes des dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'UFC-Que Choisir est recevable et bien fondée en son action en réparation du préjudice porté à la collectivité des consommateurs par les pratiques commerciales trompeuses commises par la société SFR, et en ses demandes d'injonction et de publication,

- constater que la société SFR a mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse,

- enjoindre la société SFR de cesser d'utiliser le terme "Internet" et l'adjectif "illimité" dans les offres présentant l'accès à l'Internet mobile sans faire figurer dans des conditions de présentation identiques à celle de l'allégation principale, les mentions restreignant l'usage de ce service et les conséquences de ces restrictions en termes d'utilisation du service et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, une fois expiré un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision,

- condamner la société SFR à verser à l'association UFC-Que Choisir la somme de 100 000 € en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs,

- condamner la société SFR à la publication d'un communiqué judiciaire dans les journaux Le Point, Le Figaro et Le Parisien aux frais de la défenderesse, et à concurrence de 10 000 € par insertion,

- dire que le contenu du communiqué judiciaire à publier sera le suivant :

"Communiqué judiciaire

Par arrêt en date du [...], la Cour d'appel de Paris a condamné la société SFR pour avoir mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse :

En l'espèce, pour avoir sciemment omis dans les publicités relatives au "Forfait Internet 3G+ Illimité" de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d'usage apportées à ce service, telle que la réduction du débit de connexion au-delà d'un certain volume de données téléchargées.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs.

- dire que ce texte devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, et que l'intitulé devra apparaître en majuscules, en gras et en rouge,

- dire que cette publication devra intervenir dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, à peine d'une astreinte de 10 000 € par jour de retard constaté,

- dire que ce communiqué judiciaire devra être publié sous cette forme sur la page d'accueil du site Internet de la société SFR : www.sfr.fr, aux frais de la défenderesse, et ce pendant un délai d'un mois minimum,

- dire que cette publication devra intervenir dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 10 000 € par jour de retard constaté,

- débouter la société SFR de l'ensemble de ses demandes exposées tant en première instance qu'en cause d'appel,

- condamner la société SFR à verser à l'association UFC-Que Choisir la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SFR aux entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés par la Selarl Recamier, représentée par Maître Bodin Casalis, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 octobre 2014, par lesquelles la société SFR demande à la cour de :

Aux visas des articles L. 421-2, L. 421-6, L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, la Directive du 11 mai 2005, l'article 122 du Code de procédure civile,

- Constater qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que SFR diffusait encore les publicités critiquées à la date de l'introduction de l'instance, ni qu'elle en ait diffusé ultérieurement.

En conséquence :

- dire et juger que l'action d'UFC Que Choisir, qui a le caractère d'une action préventive en cessation d'agissements illicites, est irrecevable et en tout cas sans objet et donc mal-fondée ;

- confirmer en conséquence le Jugement dont appel, dont SFR s'approprie les motifs, en ce qu'il a débouté UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

- débouter UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement :

- dire et juger que les publicités en cause ne constituent pas des pratiques commerciales trompeuses.

En conséquence :

- débouter UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer en conséquence le jugement dont appel, en ce qu'il a débouté UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes.

A titre encore plus subsidiaire :

- constater que SFR ne fait plus usage, depuis plus de quatre ans, du terme 'illimité' dans le cadre de sa communication sur ses Offres Internet Clés 3G+ ;

- prendre acte des engagements pris par les opérateurs de communications électroniques dans l'Avis du CNC du 30 novembre 2011 ;

- dire et juger que les demandes de publication et d'interdictions sous astreinte n'ont plus d'objet et ne sont en toute hypothèse ni légitimes, ni nécessaires, ni proportionnées ;

- dire et juger qu'UFC Que Choisir ne démontre par la réalité du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle invoque, ni dans son principe ni dans son étendue,

En conséquence :

- débouter UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a débouté UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

- condamner UFC Que Choisir à verser à SFR la somme complémentaire de 7 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérant que l'association UFC Que Choisir expose que pour commercialiser son "Forfait Internet 3G+ illimité" la société SFR a multiplié les campagnes publicitaires présentant les caractéristiques essentielles de cet accès à Internet mobile comme étant illimité, alors que ce forfait ne donne pas accès à l'ensemble des fonctionnalités de l'Internet, que les clients ne bénéficient que partiellement de la technologie 3G+ et, en cas de dépassement de 1 Go d'échange de données par mois, les débits de connexion sont considérablement bridés, ce qui dégrade la qualité du service ; que ce n'est que par une mention restrictive rédigée en termes de très petite taille et disproportionnée au regard de la mention principale que l'opérateur faisait état, dans des termes obscurs, des restrictions non négligeables au service offert ;

Considérant que l'appelante expose, qu'en sa qualité d'association de consommateurs agréée, elle exerce, au nom de la collectivité des consommateurs, l'action civile prévue à l'article L. 421-1 du Code de la consommation, qui peut être exercée soit devant la juridiction pénale, soit devant la juridiction civile, alors même que l'agissement illicite a cessé ; qu'il n'est pas nécessaire que l'agissement illicite soit une infraction pénale, aucune pratique ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs n'étant exclue des prévisions de la loi ; qu'elle est en droit d'obtenir, d'une part, la cessation de la pratique mise en œuvre par la société SFR, constitutive d'une publicité trompeuse, sur le fondement des articles L. 421-2 et L. 421-6 du Code de la consommation, d'autre part, la réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, qu'elle a vocation à représenter, du fait de la pratique commerciale en cause, sur le fondement des articles L. 421-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil, enfin la publication d'un communiqué destiné à informer les consommateurs, sur le fondement de l'article L. 421-9 du Code de la consommation ;

Considérant que la société SFR expose que les actions en cessation fondées sur les articles L. 421-2 et L. 421-6 du Code de la consommation, telles que celle engagée par l'association UFC Que Choisir, sont irrecevables et/ou deviennent sans objet lorsque les agissements argués d'illicéité ont cessé avant l'introduction de l'instance ou en cours d'instance ; que les demandes subséquentes en dommages et intérêts et visant à voir la décision publiée, formulées par l'association de consommateurs qui a engagé une action en cessation irrecevable et/ou devenue sans objet, sont en conséquence dépourvues de fondement ;

Considérant que, en application de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, l'association de consommateurs agréée UFC Que Choisir dispose d'une action en justice fondée sur une infraction pénale, telle la publicité trompeuse, lorsque les faits incriminés portent une atteinte directe ou indirecte à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle défend ; que, en application de l'article L. 421-2 du même Code, l'association UFC Que Choisir peut exercer son action devant la juridiction civile afin d'obtenir, d'une part, réparation, notamment par l'octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice porté directement ou indirectement à l'intérêt collectif des consommateurs et, d'autre part, la cessation des agissements illicites ; que les dispositions de l'article L. 421-6 du Code de la consommation rendent recevable l'action des associations de consommateurs agréées en cessation d'agissements illicites même en l'absence d'infraction pénale ;

Considérant que les publicités qualifiées de trompeuses par l'association UFC Que Choisir ont été diffusées en 2008, 2009 et au cours du premier trimestre de l'année 2010 ; qu'il n'est pas contesté que ces publicités avaient cessé le 13 septembre 2010, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance ; qu'en conséquence, aucune mesure tendant à la cessation, même partielle, de publicités qui ne sont plus diffusées depuis plusieurs mois ne peut être ordonnée ; que l'action ouverte à l'association UFC Que Choisir par les dispositions des articles L. 421-1, L. 421-2 et L. 421-6 du Code de la consommation est une action préventive en cessation ou en interdiction d'agissements illicites tendant à réparer un préjudice existant et prévenir un préjudice futur ; que l'action intentée le 13 septembre 2010, postérieurement à l'abandon définitif des publicités litigieuses par la société SFR, dans le contexte rappelé par le tribunal, est dépourvue d'objet et donc irrecevable ;

Considérant que, de même, la possibilité pour l'association UFC Que Choisir de demander la publication d'un communiqué dans la presse, tel que prévu par l'article L. 421-9 du Code de la consommation, a pour finalité d'éviter que les intérêts des consommateurs ne soient atteints à l'avenir ; que la société SFR ayant définitivement cessé d'utiliser le terme "illimité" dans sa communication sur ses offres Internet clé 3G+ depuis près de 5 années et avant l'introduction de l'action en justice de l'appelante, la demande de publication d'un communiqué judiciaire est également sans objet ;

Considérant que l'action de l'association UFC Que Choisir étant sans objet, il n'y a pas lieu d'examiner si les publicités en cause constituent des pratiques commerciales trompeuses ; que la demande de dommages et intérêts de l'appelante doit être rejetée faute d'établir l'existence d'une atteinte causée par ces publicités à l'intérêt collectif des consommateurs ; que, au surplus, l'atteinte invoquée avait disparu lorsque l'association UFC Que Choisir a introduit son action devant le tribunal de grande instance ;

Par ces motifs : Confirme le jugement, sauf en ses dispositions ayant débouté l'association UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes ; Et statuant à nouveau dans cette limite, Constate que les publicités contestées n'étaient plus diffusées lorsque l'association l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) a introduit son action en justice et n'ont plus été diffusées ultérieurement ; Dit que l'action de l'association l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) est sans objet ; Dit n'y avoir lieu à examiner si les publicités en cause constituent des pratiques commerciales trompeuses ; Condamne l'association l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) à verser à la société Société Française de Radiotéléphone (SFR) la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'association l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.