CA Grenoble, ch. com., 20 novembre 2014, n° 10-03164
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Antoine, Denta Nova (EURL)
Défendeur :
Merret, Morin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rolin
Conseillers :
Mme Pages, M. Bernaud
Avocats :
Mes Ramillon, Duval, Selarl Dauphin & Mihajlovic
MM. Gilles Merret et Thierry Morin ont conclu respectivement les 8 juillet 2004 et 5 février 2004 un contrat de franchise avec M. Daniel Antoine qui exerçait une activité d'importation et de vente d'instruments dentaires rotatifs sous la marque Denta Nova.
Ces contrats, conclus respectivement pour des durées de 7 et 5 années renouvelables tacitement, prévoyaient une exclusivité territoriale pour chacun des franchisés dans plusieurs départements français, le versement d'un droit d'entrée, le paiement d'une redevance égale à 3 % du chiffre d'affaires annuel avec un minimum de 2 160 euro, ainsi qu'une exclusivité d'approvisionnement auprès d'un fournisseur allemand.
M. Daniel Antoine, qui exerçait à l'origine son activité en nom personnel, a cédé le 16 décembre 2004 son fonds de commerce à une EURL Denta Nova, dont il est l'unique associé et dirigeant.
Il a été radié du registre du commerce et des sociétés le 31 décembre 2004.
Par lettre du 5 juillet 2006 la société Denta Nova a notifié aux deux franchisés la rupture de leur contrat en faisant état de critiques permanentes, de dénigrement auprès des autres membres du réseau et de refus d'application de la politique commerciale.
Par lettre du 18 juillet 2006 MM. Gilles Merret et Thierry Morin ont contesté les motifs de la rupture.
Les 3 octobre 2006 et 24 octobre 2007 MM. Gilles Merret et Thierry Morin ont fait assigner la société Denta Nova ainsi que M. Daniel Antoine à l'effet d'entendre dire et juger que la rupture des contrats est abusive et brutale et de condamner à ce titre M. Daniel Antoine et la société Denta Nova à payer à chacun la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts, de prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de M. Antoine et de la société Denta Nova et de les condamner solidairement à payer à chacun la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 25 juin 2010 le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la jonction des instances, a refusé de mettre hors de cause M. Daniel Antoine, a prononcé la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de Monsieur Antoine et de la société Denta Nova et a condamné avec exécution provisoire ces derniers solidairement à payer à chacun des demandeurs la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 1 500 euro pour frais irrépétibles.
Les premiers juges ont retenu que la rupture des contrats était abusive en raison de l'inexistence des motifs invoqués, que le franchiseur n'avait pas en revanche exécuté ses propres obligations en raison notamment d'une mauvaise analyse du marché, de l'absence de promotion et de publicité ainsi que d'un défaut d'assistance et que les deux franchisés avaient subi un préjudice caractérisé par le versement en pure perte du droit d'entrée et de la redevance et par un manque à gagner.
M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova ont relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 16 juillet 2010.
Par ordonnance de référé du 29 septembre 2010 le premier président de cette cour a arrêté l'exécution provisoire attachée au jugement déféré.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 7 octobre 2014 par M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova qui demandent à la cour, par voie de réformation du jugement, de déclarer irrecevable toute demande formée à l'encontre de M. Daniel Antoine et de mettre celui-ci hors de cause, de débouter Messieurs Merret et Morin de l'ensemble de leurs demandes, reconventionnellement de condamner MM. Merret et Morin à leur payer chacun la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts et en tout état de cause de condamner ces derniers à leur payer une indemnité de 5 000 euro pour frais irrépétibles aux motifs :
Que les contrats ont été repris par la société Denta Nova qui a elle-même facturé le droit d'entrée et rompu le contrat à une époque où il était personnellement radié du registre du commerce,
que les contrats ont été légitimement résiliés pour les motifs prévus à l'article 11, alors que les franchisés ont adressé à l'ensemble des membres du réseau un courrier électronique dénigrant le franchiseur, accusé notamment d'avoir annoncé des chiffres d'affaires irréalistes, critiquant les choix de produits et incitant les franchisés à la contestation,
Qu'il n'y a eu aucune brutalité dans la rupture du contrat, alors que la résiliation a été prononcée par écrit moyennant le respect du préavis contractuel de trois mois après une mise en garde du 27 janvier 2006, que le 2 juin 2006,soit un mois avant la rupture, Messieurs Merret et Morin ont exprimé leur intention d'engager une procédure judiciaire et que c'est le fabricant des produits qui a décidé de ne plus accorder de délais de paiement aux franchisés après avoir été informé de la résiliation à l'issue du délai de préavis,
Que Messieurs Merret et Morin ne justifient pas du préjudice que leur aurait causé la prétendue rupture brutale des contrats, alors que la clause de non-concurrence a été levée pour leur permettre de poursuivre leur activité sur le secteur géographique concédé avec les mêmes clients et la même gamme de produits, étant précisé que seule la perte de marge brute serait indemnisable et que le préavis ne saurait être doublé en application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce puisque la relation commerciale ne portait pas sur la fourniture de produits sous marque de distributeur,
que M. Antoine et à sa suite la société Denta Nova n'ont pas manqué à leurs obligations de franchiseur, alors qu'ils ont fourni l'information précontractuelle juste et vérifiable exigée par l'article L. 330-3 du Code de commerce, qui ne sanctionne le défaut d'information que par la nullité du contrat pour vice du consentement, que M. Antoine a rédigé intégralement le "book" principal de formation, que chacun des franchisés a bénéficié de plusieurs jours d'accompagnement en clientèle sur son secteur, qu'une formation a été assurée, que des plaquettes publicitaires et des cartes de rendez-vous ont été imprimées, qu'un site Internet a été créé et qu'une réunion annuelle des membres du réseau a été organisée,
que les franchisés ont au contraire manqué à leur obligation de loyauté durant le préavis et après la rupture du contrat en dénigrant la société Denta Nova auprès de ses concurrents et en donnant à ceux-ci des informations inexactes de nature à les inciter à engager une procédure judiciaire, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 21 octobre 2014 par MM. Gilles Merret et Thierry Morin qui demandent à la cour, par voie de réformation partielle du jugement, de condamner solidairement Monsieur Daniel Antoine et la SARL Denta Nova, ou à défaut l'un ou l'autre, à payer à M. Gilles Merret la somme de 72 186,50 euro à titre de dommages et intérêts, de condamner solidairement Monsieur Daniel Antoine et la SARL Denta Nova, ou à défaut l'un ou l'autre, à payer à M. Thierry Morin la somme de 71 779 euro à titre de dommages et intérêts, de condamner solidairement Monsieur Daniel Antoine et la SARL Denta Nova, ou à défaut l'un ou l'autre, à payer à chacun d'eux une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile aux motifs:
Qu'ils sont recevables à agir à l'encontre de M. Daniel Antoine, qui a conclu en son nom personnel les contrats de franchise, lesquels n'ont pas été transférés à la société Denta Nova lors de la cession du fonds de commerce du 16 décembre 2004,
Que la résiliation des contrats est abusive, alors qu'ils n'ont jamais dénigré le réseau ni la marque Denta Nova, qu'ils ont toujours agi au contraire dans l'intérêt des membres du réseau dans le but d'accroître le chiffre d'affaires de chacun, que M. Antoine a lui-même reconnu avoir manifesté des mouvements d'humeur regrettables, que le fait d'interpeller le franchiseur sur ses obligations ne peut s'analyser en un dénigrement et que le fournisseur principal a lui-même reconnu qu'aucun grief commercial ne pouvait leur être fait,
Que la rupture du contrat est également brutale, alors que si le préavis contractuel de trois mois à été respecté, sauf en ce qui concerne les modalités de paiement, le délai devait être doublé en application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce puisque les contrats portaient sur la distribution de produits sous marque du distributeur NTI,
Qu'ils sont bien-fondés à solliciter la résiliation du contrat de franchise pour inexécution par le franchiseur de ses obligations essentielles, alors que le chiffre d'affaires annoncé ne pouvait pas être réalisé, même après plusieurs années d'activité, que le franchiseur a manqué à ses obligations de transmettre un savoir-faire établi et reconnu, de mettre en œuvre une marque ayant acquis une notoriété suffisante, d'apporter aux franchisés un soutien logistique, commercial et technique et de mettre en œuvre les moyens utiles de communication pour faire connaître la marque,
Que le réseau ne comporte aujourd'hui que trois membres, ce qui confirme l'incapacité de M. Antoine à développer la franchise litigieuse,
Qu'ils sont fondés à demander la restitution des droits d'entrée et des redevances versées,
Qu'en application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ils ont été privés de trois mois de préavis supplémentaires, ce qui leur a causé un préjudice caractérisé par la perte d'un chiffre d'affaires au titre de ces trois mois et aggravé par le fait que les conditions de règlement des marchandises ont été modifiées pendant la période de préavis contractuel,
Que le caractère abusif de la rupture leur a causé par ailleurs un préjudice économique qui doit être indemnisé sur la base d'une perte de six mois de chiffre d'affaires, étant observé que le développement de leur activité postérieurement à la résiliation des contrats n'a été possible qu'au prix d'une diversification des produits vendus, le seul marché de la fraise dentaire n'étant pas suffisamment rentable.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité des demandes formées contre M. Daniel Antoine
Les contrats de franchise ont été conclus entre Messieurs Merret et Morin et M. Daniel Antoine exerçant en nom personnel une activité d'importation et de vente d'instruments dentaires rotatifs consommables, y compris, s'agissant de Monsieur Merret, dont le contrat a été signé le 8 juillet 2004, postérieurement à l'immatriculation, le 1er juin 2004, de la SARL Denta Nova, étant observé que la radiation du RCS de M. Antoine n'est intervenue que le 31 décembre 2004.
Il n'est pas prévu à l'acte de cession de fonds de commerce régularisé le 16 décembre 2004 entre M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova que les contrats de franchise susvisés sont transférés au cessionnaire.
Au contraire, il est expressément rappelé à l'acte " qu'il n'existe aucun contrat ou accord particulier rattaché expressément à la branche de fonds commercial et se poursuivant avec un successeur éventuel... et qu'aucun contrat n'existe qui ne pourrait être résilié sans indemnité à tout moment'".
Les factures de droit d'entrée et d'avances sur redevances mensuelles, qui sont versées au dossier, sont établies sur le même papier à en-tête "Denta Nova Daniel Antoine", même si à compter du 14 octobre 2004 sont mentionnées en bas de document les références et l'identification juridique de la SARL Denta Nova.
Il n'est pas établi enfin, ni même soutenu, que les paiements effectués par les franchisés ont été libellés au nom de la SARL Denta Nova et encaissés par elle.
La preuve n'est dès lors pas rapportée du transfert des contrats à la société Denta Nova, ni d'ailleurs d'une quelconque signification de la cession alléguée dans les formes de l'article 1690 du Code civil.
M. Daniel Antoine, qui ne peut invoquer sa radiation du RCS à compter du 31 décembre 2004 pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations inhérentes à sa qualité de franchiseur et qui maintient une demande reconventionnelle en dommages intérêts, a par conséquent qualité pour défendre à l'action et ne saurait donc solliciter sa mise en cause.
L'action sera également déclarée recevable à l'égard de la SARL Denta Nova, qui reconnaît avoir elle-même résilié les contrats et qui ne conteste pas sa qualité à agir.
Sur la rupture des contrats à l'initiative du franchiseur
1. le caractère brutal de la rupture
Conformément aux stipulations contractuelles la rupture de chacun des contrats a été prononcée moyennant un préavis de trois mois commençant à courir à compter de la réception de la lettre de résiliation du 6 juillet 2006, et il est constant que les contrats ont été normalement exécutés au cours de ce délai de prévenance.
Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce que "lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous-marque de distributeur".
C'est à bon droit que les franchisés invoquent le bénéfice de cette disposition, alors que les contrats, après avoir rappelé que M. Antoine exerce l'activité d'importation et de vente d'instruments dentaires sous la marque de distribution Denta Nova, stipulent que le franchisé exercera personnellement sous cette marque l'activité d'importation et de vente à des dentistes et prothésistes de divers instruments rotatifs dentaires consommables.
Ainsi, dès lors qu'il n'est pas allégué que le délai contractuel de préavis de trois mois ne serait pas conforme aux usages du commerce, le franchiseur devait-il octroyer à Messieurs Merret et Morin un délai de préavis supplémentaire de trois mois.
Seule la perte de marge brute est toutefois indemnisable pendant le temps du préavis dont les franchisés ont été injustement privés.
Il n'est pas contesté par les appelants que les chiffres d'affaires réalisés par MM. Morin et Merret en 2006 au titre de la vente d'instruments rotatifs, objet de la franchise, se sont élevés aux sommes respectives de 76 299 euro hors taxes et de 79 802 euro HT.
Il résulte par ailleurs des extraits des grands livres versés au dossier qu'au titre de cet exercice les achats de M. Morin se sont élevés à la somme de 50 305 euro tandis que ceux de M. Merret se sont élevés à la somme de 52 007 euro.
MM. Morin et Merret ont donc réalisé respectivement des marges brutes de 34,06 % et de 34,82 %.
Ainsi, la perte indemnisable au cours des trois mois supplémentaires de préavis doit-elle être fixée aux sommes de 6 496,85 euro [(76 299/4 ) X 34,06 %] au profit de M. Morin et de 6 946,76 euro [(79 802/4) X 34,82 %] au profit de M. Merret.
A défaut de tout élément attestant de l'existence d'un préjudice financier causé par la modification des conditions de paiement au cours de la période de préavis, il sera par conséquent fait droit à ce chef de demande à concurrence des sommes susvisées qui seront mises à la charge in solidum de M. Antoine et de la société Denta Nova.
2. le caractère abusif de la rupture
Aux termes de l'article 11 des contrats conclus pour des durées déterminées de sept et cinq ans il est reconnu au franchiseur une faculté de résiliation anticipée avec un préavis de trois mois dans les cas suivants :
Non-respect de la zone territoriale par le franchisé ;
Non-respect du quota annuel d'approvisionnement auprès du fournisseur référencé pendant 2 années de suite ;
Non-paiement des redevances, et/ou des factures d'approvisionnement ;
Réalisation d'une mauvaise image du réseau Denta Nova par le franchisé auprès de la clientèle, manifesté par la perte avérée de clients, ou le mécontentement avéré de plusieurs d'entre eux ;
Non-respect de la politique commerciale du réseau ;
Agissements en défaveur du réseau, par exemple fournir à la concurrence des informations confidentielles, quelles qu'elles soient, concernant le réseau, ou tout agissement pouvant porter préjudice aux autres franchisés ou au franchiseur, d'une manière avérée et prouvée.
La résiliation des contrats dont la société Denta Nova a pris l'initiative par courriers du 6 juillet 2006 est fondée en substance sur les faits suivants :
Lors d'une réunion qui s'est tenue le 25 mars 2006 les franchisés auraient systématiquement contesté les orientations proposées, se seraient montrés agressifs et auraient menacé M. Antoine de procédures judiciaires,
Le 2 juin 2006 Monsieur Morin a adressé aux membres du réseau Denta Nova un message les informant de l'engagement d'une procédure judiciaire et de son refus de participer à la visite de l'usine du fournisseur principal en créant ainsi un climat négatif préjudiciable à la bonne marche du réseau,
Le 14 mai 2006 Monsieur Merret a adressé un message à l'ensemble des membres du réseau contenant des propos diffamatoires, humiliants ou agressifs créant une ambiance négative,
D'une façon plus générale les franchisés auraient émis des critiques permanentes, auraient manifesté leur insatisfaction, se seraient ingérés, auraient humilié M. Antoine par des comparaisons négatives avec son collègue co-responsable du réseau, auraient incité à la contestation les autres membres du réseau, auraient pratiqué le dénigrement permanent et n'auraient pas appliqué la politique commerciale du réseau depuis plus d'un an.
Force est de constater qu'aucun de ces agissements ne relève de l'un des cas limitativement énumérés autorisant le franchiseur à résilier les contrats par anticipation.
Les propos incriminés contenus dans les messages des 14 mai et 2 juin 2006 n'étaient pas en effet de nature à dégrader l'image du réseau auprès de la clientèle, puisque ces messages étaient destinés en interne aux seuls membres du réseau et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que des clients en ont eu connaissance.
La même remarque doit être faite s'agissant de l'attitude de MM. Merret et Morin au cours de la réunion des membres du réseau qui s'est tenue le 25 mars 2006.
Quant à l'agressivité et aux humiliations dont aurait été victime M. Antoine elles relèvent de la même façon d'un conflit de personnes, dont rien ne permet d'affirmer qu'il a été rendu public auprès du fournisseur ou de la clientèle, ou qu'il a eu des conséquences commerciales néfastes, en sorte que ce grief ne peut être qualifié d'agissement en défaveur du réseau, ni d'acte préjudiciable au franchiseur que les contrats envisagent sous un angle strictement économique.
Enfin les appelants ne disent pas en quoi les franchisés auraient refusé d'appliquer la politique commerciale du réseau, la lettre de résiliation ne contenant ni précisions, ni explications sur ce point, qui n'est pas plus développé dans les écritures des parties.
Comme le tribunal, qui a justement fait observer que le fournisseur principal avait exprimé par écrit sa satisfaction pour les efforts réalisés par Messieurs Merret et Morin sur leurs secteurs, la cour estime par conséquent que ne démontrant pas l'existence de l'un des cas de résiliation prévus à l'article 11 la société Denta Nova a abusivement résilié les contrats de franchise.
Cette rupture anticipée a privé les franchisés du bénéfice de la poursuite des contrats qui avaient été conclus pour des durées initiales de sept et cinq ans.
Ce préjudice est toutefois sensiblement atténué par le fait que l'obligation de non-concurrence, stipulée à l'article 12 des contrats pendant une durée de deux années après la rupture, a été levée à l'issue du préavis, ce qui a permis à MM. Merret et Morin, qui le reconnaissent, de poursuivre la commercialisation d'instruments rotatifs consommables et de diversifier leur activité.
Or, il résulte des éléments chiffrés non contestés fournis par les appelants, que M. Morin a subi en 2007 une baisse très limitée de son chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente, de l'ordre de 6 %, et a retrouvé son niveau d'activité antérieur dès l'année 2008, tandis que M. Merret a pour sa part réalisé en 2007 un chiffres d'affaires supérieur à celui de l'année 2006 et a connu ensuite une progression constante de son activité.
Le préjudice indemnisable ne saurait par conséquent excéder une perte de marge brute de trois mois, qui sera évaluée aux sommes respectives de 6 496,85 euro (M. Morin) et de 6 946,76 euro (M. Merret) sur la base des éléments de calcul retenus précédemment au titre de l'indemnisation du préavis.
Sur la demande de résiliation judiciaire des contrats aux torts du franchiseur
MM. Merret et Morin ne peuvent solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire des contrats, qui ont pris fin dès le 6 octobre 2006 ensuite de la résiliation unilatérale dont le franchiseur a pris, à ses risques, l'initiative.
Ils ne sont pas davantage fondés à réclamer une indemnisation supplémentaire sous la forme d'une restitution des droits d'entrée et des redevances d'une part et d'un préjudice économique caractérisé par "la perte de leur activité professionnelle source de revenus" d'autre part alors :
Que le prétendu défaut d'information précontractuelle relativement à l'état et aux perspectives de développement du marché concerné ne pourrait être sanctionné que par la nullité du contrat, laquelle n'est pas demandée et exige la preuve, non rapportée en l'espèce, d'un vice du consentement,
Qu'un chiffre d'affaires non négligeable de plus de 70 000 euro a été réalisé en 2006 par chacun des deux franchisés au titre de l'activité de commercialisation d'instruments rotatifs, ce qui exclut que le droit d'entrée et les redevances de franchise aient été acquittés en pure perte,
Qu'il n'est pas établi au moyen de documents comptables que l'activité de vente d'instruments rotatifs n'était pas en elle-même profitable, étant observé que les contrats ne garantissaient nullement un chiffre d'affaires ou un résultat déterminé,
Que la résiliation à l'initiative du franchiseur a mis fin à une relation contractuelle, dont les franchisés reconnaissent eux-mêmes qu'elle n'était pas suffisamment rentable,
Que du fait de la levée immédiate de l'obligation de non-concurrence et de la diversification qui a été pratiquée MM. Merret et Morin n'ont pas connu de baisse réelle d'activité et ont au contraire rapidement développé leur chiffre d'affaires.
Dès lors qu'il n'est pas justifié d'un préjudice distinct de celui qui a été causé par la rupture anticipée abusive des contrats, les intimés seront déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si M. Antoine et la société Denta Nova ont manqué à leurs obligations essentielles de transmission d'un savoir-faire établi et reconnu, de formation et d'assistance en matière commerciale, logistique, technique et de communication.
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts
Il est soutenu en substance que MM. Merret et Morin ont manqué à leur obligation de loyauté durant le préavis et après la rupture du contrat en dénigrant la société Denta Nova auprès de ses concurrents et en donnant à ceux-ci des informations inexactes de nature à les inciter à engager une procédure judiciaire.
Ces griefs ne sont toutefois fondés sur aucun témoignage, ni sur aucun document comptable ou financier de nature à établir la réalité du préjudice commercial allégué, en sorte que les appelants, qui ont échoué à démontrer que la rupture des contrats était imputable aux franchisés, seront déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages- intérêts.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, la condamnation prononcée de ce chef en première instance étant toutefois confirmée.
Par ces motifs LA COUR, Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes dirigées contre M. Daniel Antoine, consacré le caractère abusif de la résiliation anticipée des contrats et condamné solidairement M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova à payer à chacun des défendeurs une indemnité de 1 500 euro pour frais irrépétibles, Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant, Condamne in solidum M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova à payer à M. Thierry Morin la somme de 6 496,85 euro à titre de dommages intérêts pour rupture brutale de la relation contractuelle, Condamne in solidum M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova à payer à M. Gilles Merret la somme de 6 946,76 euro à titre de dommages intérêts pour rupture brutale de la relation contractuelle, Condamne in solidum M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova à payer à M. Thierry Morin la somme de 6 496,85 euro à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle, Condamne in solidum M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova à payer à M. Gilles Merret la somme de 6 946,76 euro à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle, Déboute MM. Gilles Merret et Thierry Morin de leurs demandes de prononcé de la résiliation judiciaire des contrats et d'indemnisation supplémentaire, Déboute M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova de leur demande reconventionnelle en dommages intérêts, Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, Condamne in solidum M. Daniel Antoine et la SARL Denta Nova aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de maître Ramillon, avocat.