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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 12 décembre 2014, n° 14-06477

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alpargatas (SA), Alpargatas Europe (SLU), Alpargatas France (SARL)

Défendeur :

JA Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Masson, Boccon-Gibod, Sanna

TGI Paris, 3e ch. sect. 1, du 13 févr. 2…

13 février 2014

La société de droit brésilien Alpargatas SA, qui se présente comme le créateur, en 1962, de tongs dénommées "Havaianas" notamment commercialisées en faisant intervenir ses filiales, espagnole : Alpargatas Europe SLU, et française : Alpargatas France SARL, et qui fait état de leur succès en raison, selon elle, de leur distinctivité tenant, en particulier, à la présence d'une frise sur leur lanière, de formes en grain de riz et de formes en paille de riz reproduites, respectivement, sur le dessus et le dessous de la semelle, est notamment titulaire :

- de la marque communautaire figurative (représentant une frise), n° 8170953, déposée le 23 mars 2009 pour désigner des produits en classe 25,

- de la marque communautaire tridimensionnelle, n° 9 039 892, déposée le 1er avril 2010 pour désigner des produits en classe 25, avec la description suivante : "forme en trois dimensions, à savoir tong, composée d'un ovale placé au centre de la partie supérieure de la semelle, avec inscription de la marque "ha-vaianas", d'un modèle en relief apposé sur les lanières, d'un modèle en relief différent utilisé sur la semelle et de la marque "ha-vaianas" apposée sur la face extérieure de la lanière. L'ombré illustré sur la représentation graphique ne fait pas partie de la marque ; aucune couleur n'est revendiquée".

Avisées par le service des douanes de Montpellier, le 19 mai 2011, de la retenue de 16 025 paires de tongs susceptibles de contrefaire ces marques, il a été porté à leur connaissance que ces chaussures étaient importées de Chine et commercialisées depuis 2010 par la société JA Diffusion, si bien que par acte du 31 mai 2011, les trois sociétés Alpargatas précitées ont assigné la société JA Diffusion en contrefaçon des deux marques sus-évoquées, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement contradictoire rendu le 13 février 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et sans prononcer l'exécution provisoire :

- déclaré la société Alpargatas France irrecevable en sa demande au titre de la concurrence déloyale,

- déclaré mal fondée la demande de nullité de la demande de retenue et des opérations de prélèvement d'échantillons effectuées le 19 mai 2011,

- prononcé la nullité des deux marques précitées sur le fondement des articles 7-a et 7-e i) du règlement communautaire 207-2009 pour les produits de la classe 25, avec transmission à l'OHMI quand la décision sera devenue définitive,

- déclaré la société Alpargatas SA irrecevable en ses demandes de contrefaçon de ces deux marques, la société Alpargatas Europe irrecevable en ses demandes de concurrence déloyale fondées sur la contrefaçon, et les sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe mal fondées en leur demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire fondées sur des faits distincts en les en déboutant,

- dit qu'il sera procédé à la mainlevée de la retenue douanière du 19 mai 2011, une fois le jugement devenu définitif,

- débouté la société JA Diffusion de ses demandes indemnitaires et de publication judiciaire,

- condamné "solidairement" les requérantes à verser à la défenderesse la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2014, la société de droit brésilien Alpargatas SA, la société de droit espagnol Alpargatas Europe SLU et la société à responsabilité limitée Alpargatas France [ci-après : les sociétés Alpargatas] appelantes demandent pour l'essentiel à la cour, au visa du règlement (CE) n° 2007-2009 du Conseil du 26 février 2009, des articles L. 716-14, L. 716-15 et L. 717-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a validé la procédure douanière et :

- de considérer successivement qu'elles sont toutes trois recevables à agir, que sont valables les deux marques communautaires revendiquées, que la société JA Diffusion a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Alpargatas SA en achetant, important et commercialisant des tongs reproduisant la marque communautaire tridimensionnelle précitée sans son autorisation et des actes distincts de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe au moyen de pratiques commerciales trompeuses ainsi que des actes de parasitisme au préjudice de la seconde en imitant servilement les produits par elles commercialisés en France et en Europe et en utilisant indûment ses investissements,

en conséquence, d'ordonner, sous astreinte, la communication de divers documents relatifs à la production et à la commercialisation des tongs arguées de contrefaçon, d'ordonner également sous astreinte, les mesures d'interdiction et de destruction, de confiscation et de publication (par voie de presse) d'usage, de condamner l'intimée à verser aux sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe une provision d'un montant de 206 535 euros sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon outre une provision au montant de 386 052,46 euros au titre des actes de concurrence déloyale,

- de débouter l'intimée de toutes ses demandes en la condamnant à leur verser à toutes trois une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2014, la société à responsabilité limitée JA Diffusion demande en substance à la cour, au visa des articles 31, 32, 56 et 648 du Code de procédure civile, du Règlement (CE) n° 207-2009 (articles 7-1 b) et 52) et de l'article 3 b) de la directive 89-104, de l'article 6 ter de la Convention d'union de Paris, des articles L. 711-2, L. 711-3, L. 712-7, L. 713-1 à L. 713-3, L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil :

- de rejeter toutes les prétentions adverses, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence d'intérêt à agir de la société Alpargatas France, de l'infirmer en ses dispositions relatives à la validité des opérations de retenue et de saisie douanière en écartant des débats les pièces s'y rapportant, de le confirmer en ses dispositions relatives à la nullité des deux marques revendiquées ainsi qu'à la prétendue contrefaçon (principalement du fait de l'annulation de ces marques et, subsidiairement, en raison de l'absence de risque de confusion) et de le confirmer, par ailleurs en ce qu'il déboute les requérantes de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme en rejetant, par conséquent, leurs entières demandes de mesures réparatrices,

- de l'infirmer, toutefois, en ses dispositions relatives à ses demandes reconventionnelles en constatant que les opérations douanières sont intervenues avant la période estivale décisive pour la vente de tongs, qu'elle a été dans l'impossibilité de vendre ses stocks et d'honorer ses commandes, que la procédure a été engagée avec malice et maintenue abusivement et de condamner, en conséquence, in solidum les appelantes à lui verser les sommes indemnitaires de 8 500 euros (au titre de la perte subie), de 219 266 euros (au titre du gain manqué), de 15 000 euros (au titre de son préjudice moral) et de 15 000 euros (pour procédure abusive) en ordonnant, sous astreinte, la publication de la décision à intervenir (par voie de presse et sur internet),

- de les condamner, enfin, in solidum, à lui verser la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir opposée à la société Alpargatas France

Considérant qu'alors que le tribunal, sur le fondement des articles 31 et 32 du Code de procédure civile, a déclaré cette société irrecevable à agir aux motifs que selon le contrat qui la lie à la société espagnole Alpargatas Europe son activité ne porte que sur des activités de marketing et d'événementiel en France, qu'elle n'a pas la qualité de licenciée et qu'elle ne commercialise pas les produits en cause, les appelantes poursuivent l'infirmation du jugement sur ce point ;

Que l'intimée qui en sollicite la confirmation fait valoir que la société Alpargatas France SARL ne dispose d'aucun droit intellectuel et n'est qu'un prestataire de services en relevant que ses prétentions se limitent à l'autorisation de publier la décision à intervenir et à une condamnation au titre de ses frais non répétibles, ceci conjointement avec les sociétés brésilienne et espagnole ;

Considérant, cela étant exposé, que force est de considérer qu'en méconnaissance des exigences de l'article 954 du Code de procédure civile selon lequel "la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance", les appelantes ne développent aucun moyen de fait ou de droit au soutien de leur demande d'infirmation de cette disposition du jugement ;

Que la demande sera, dans ces conditions, rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

Sur la validité de la retenue douanière

Considérant que, formant appel incident, la société JA Diffusion observe que l'avis adressé par le service des Douanes le 19 mai 2011 ne précise pas son destinataire, estime qu'il est "très probable" que la procédure ait été menée par la SARL Alpargatas France et qu' "il y a tout lieu de redouter" que l'absence de qualité et intérêt à agir de cette dernière entache d'irrégulière cette procédure ; qu'elle poursuit donc la nullité de cette retenue et des actes subséquents en se fondant sur les dispositions des articles R. 716-6, 716-8 et 716-11 du Code de la propriété intellectuelle ou réclame, à défaut, la mise à l'écart des débats des pièces obtenues ;

Mais considérant que, ce faisant, elle s'abstient de critiquer ni même d'évoquer la motivation circonstanciée du tribunal qui doit pourtant être approuvé en qu'il retient que la société Alpargatas SA, titulaire de la marque communautaire précitée et comme telle habilitée à former une demande d'intervention communautaire auprès d'un service de douanes d'un pays de l'Union, ceci en vertu de l'article 5 § 4 du règlement (CE) 1383-2003 du Conseil du 22 juillet 2003, justifie du dépôt d'une demande de retenue auprès des Douanes italiennes, le 6 juin 2010, renouvelée par déclaration du 17 septembre 2012, ce dont les services des Douanes françaises ont été informés ;

Qu'il suit que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la validité de la marque figurative communautaire n° 8170953 déposée le 23 mars 2009 Considérant que les appelantes reprochent au tribunal d'avoir annulé cette marque pour un défaut de distinctivité (article 7 § 1 sous b) du règlement sur la marque communautaire (CE) 207-2009) qui n'est, selon elles, que prétendu, et non sur celui de l'aptitude d'un signe à constituer une marque valable (articles 4 et 7 § 1 sous a) du RMC) tout en utilisant des arguments de cette dernière catégorie alors qu'il s'agit de deux questions juridiques différentes ;

Qu'évoquant à titre liminaire les produits visés, le public pertinent et la date à prendre en considération, elles soutiennent d'abord que cette marque figurative est susceptible de constituer une marque, critiquant notamment l'analyse qu'a fait le tribunal du sondage qu'elles versent aux débats dans la mesure où il en a tiré des conclusions relatives à sa distinctivité ;

Qu'elles font valoir, par ailleurs, que le public percevra cette marque (identifiable en ce qu'elle se caractérise par la complexité de son agencement mais aussi par la simplicité de ses traits et un motif qui n'a rien d'usuel) comme une indication de son origine commerciale, ceci immédiatement et sans réflexion particulière, si bien que le caractère distinctif de ce signe doit lui être reconnu, son aspect décoratif n'excluant nullement qu'il puisse remplir sa fonction essentielle ; qu'elles considèrent que sont inopérants les arguments opposés par l'intimée tenant à la présentation à la vente du produit sous emballage ou encore à l'absence de description au dépôt et estiment que le tribunal, énonçant que seule la marque verbale présente sur les produits est apte à en identifier l'origine, s'est mépris en statuant sur les conditions d'exploitation du signe ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il est vrai que la marque figurative en cause ne fait pas l'objet d'une description au dépôt ; que, cependant et contrairement à ce que prétend l'intimée, cette circonstance n'affecte pas l'examen de sa validité, de même que les conditions de son exploitation sous emballage fermé, dès lors, en particulier, qu'il convient de rechercher si le signe revêt un caractère distinctif ou arbitraire à l'égard des produits et services visés à l'enregistrement (en l'espèce, les "vêtements, chaussures, chapellerie") et à la date de sa demande (en l'espèce le 23 mars 2009) ce que soutiennent à juste titre les sociétés Alpargatas en se fondant sur les textes précités et les enseignements de la jurisprudence communautaire, ajoutant tout aussi justement que le public pertinent sera le consommateur moyen, moyennement attentif, des articles visés à l'enregistrement ;

Que, s'agissant de l'aptitude de la marque figurative en cause à constituer une marque, la juridiction communautaire a dit pour droit qu'elle peut être constituée "par un signe qui n'est pas en lui-même susceptible d'être perçu visuellement à condition qu'il puisse faire l'objet d'une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective" (CJCE, 12 déc. 2002, Sieckman) ;

Que les appelantes doivent être suivies lorsqu 'elles décrivent ce signe, quelle que soit la dénomination que lui donne l'intimée, comme la représentation graphique de deux suites de "S" allongés qui sont placés en biais, intercalés et inversés entre eux par effet de miroir, formant une sorte d'épi de blé ;

Que si sa capacité à constituer une marque est contestée par l'intimée qui évoque l'image, pour le public interrogé dans le sondage produit par ses adversaires, d'une empreinte de pneumatique ou d'un épi et leur oppose son caractère décoratif, il y a lieu de considérer, à l'aune des critères d'appréciation dégagés par la juridiction communautaire, que la frise litigieuse revêt une complexité suffisante pour que le consommateur la mémorise facilement et rapidement, ce qui ne serait pas le cas en présence d'un simple pentagone ou d'une simple ligne par exemple, et que l'aspect décoratif d'un signe n'exclut pas qu'il puisse remplir une fonction de marque ;

Qu'à l'instar de signes figuratifs constitués de bandes ou de rayures (tels les signes enregistrés et exploités par les sociétés Nike, Adidas ou Puma) que le public de l'Union européenne a coutume de voir sur des produits similaires ou identiques à ceux visés à l'enregistrement de la marque dont s'agit, ce signe, du fait de sa complexité, de son caractère arbitraire et indépendamment de l'aspect ornemental auquel l'intimée tente vainement de le réduire, doit être considéré comme ayant la capacité d'individualiser les produits qu'il désigne ;

Que, s'agissant du critère autonome de distinctivité tenant à l'aptitude de ce signe figuratif à distinguer, du point de vue du public pertinent, les produits qu'il désigne des produits provenant d'autres entreprises en assurant ainsi sa fonction essentielle, force est de considérer que le sondage réalisé dans la Communauté européenne à la requête des sociétés Alpargatas (pièce 26, sondage CSA de mars 2013 question "reconnaissance de la marque") tend à démontrer qu'une importante majorité des sondés (97 % en Espagne, 96 % aux Pays-Bas, 95 % en Italie, 92 % en France) perçoit ce signe comme susceptible d'authentifier l'origine commerciale des produits, peu important, à cet égard, qu'il n'évoque, comme reproché par l'intimée, aucune "image" bien définie ou que soit systématiquement associée à cette marque figurative une marque verbale pour commercialiser les produits de l'entreprise, comme énoncé par le tribunal pour motiver son annulation ;

Qu'il s'évince de ce qui précède que cette marque figurative satisfait aux exigences des articles 7 § 1 sous b) et § 1 sous a) du règlement sur la marque communautaire (CE) 207-2009 si bien que le jugement qui en dispose autrement doit être infirmé ;

Sur la validité de la marque tridimensionnelle communautaire n° 90039892 déposée le 1er avril 2010 désignant en classe 25 les "chaussures, sandales" Considérant que les appelantes reprochent au tribunal d'avoir porté une appréciation erronée sur le signe en considérant que l'objet de la protection portait sur "une tong dans sa forme la plus banale" et devait être annulée sur le fondement de l'article 7 § 1 sous e (i) du RMC qui refuse à l'enregistrement "les signes constitués par la forme imposée par la nature même du produit" alors qu'elle revendique la protection d'une marque tridimensionnelle portant sur la combinaison d'éléments arbitraires apposés cumulativement sur une forme de tong, que cette argumentation ne pourrait d'ailleurs valoir que pour des sandales mais pas pour des chaussures et qu'il est constant qu'une combinaison d'éléments dénués de distinctivité peut néanmoins être distinctive ;

Qu'elle réfute, par ailleurs, l'argumentation adverse relative au dépôt frauduleux en affirmant qu'en essayant d'obtenir une protection par le droit des marques qu'elle savait ne pouvoir obtenir par le droit des dessins et modèles, elle détourne ce droit de sa finalité alors que sont indifférents les critères de protection au titre du Livre V du Code de la propriété intellectuelle et que sa mauvaise foi n'est pas démontrée ; qu'il en va de même des termes de la description de la marque qui est facultative et qu'est indifférente l'absence de nouveauté, qui plus est étayée par des documents ne reprenant pas ces éléments ou bien concernant la population asiatique, laquelle constitue un critère différent de celui de la distinctivité ;

Qu'elle revendique le caractère distinctif de sa marque, en regard des critères dégagés par la jurisprudence communautaire, en se prévalant des pièces versées aux débats qui lui permettent, en particulier, de justifier de l'intensité, de l'étendue géographique et de la durée de l'usage de sa marque ainsi que de l'importance des investissements faits pour la promouvoir ;

Considérant, ceci exposé, que selon une jurisprudence communautaire constante, les critères d'appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l'apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques, étant toutefois ajouté que la démonstration en est plus difficile car le consommateur moyen n'a pas l'habitude de présumer de l'origine des produits en se fondant sur leur forme (notamment TPICE, 19 septembre 2012, Fraas GmbH - OHMI) ;

Qu'il doit être considéré que les éléments que combine cette marque tridimensionnelle, à savoir : un ovale placé au centre de la partie supérieure de la semelle comportant l'inscription de la marque "ha-vaianas", l'apposition sur les lanières d'un modèle en relief diffèrent du modèle en relief utilisé pour la semelle et l'apposition de la marque verbale "ha-vaianas" sur la face extérieure de la lanière, sont aptes à l'individualiser dans la mesure où elle ne constitue pas, pour le public pertinent de la communauté européenne, une représentation ordinaire de cette forme, telles les zoris asiatiques citées par l'intimée; qu'il décèlera d'emblée dans la combinaison de ces éléments une forme inhabituelle la différenciant substantiellement de formes similaires existant sur le marché ;

Qu'indépendamment de la question de savoir si cette forme aurait pu faire l'objet d'un dépôt de modèle, indifférente puisque les critères d'appréciation de la protection ne sont pas les mêmes et que la titularité d'un droit de propriété industrielle n'est pas soumise à la condition tenant à la titularité d'un autre titre de propriété industrielle, ce signe remplit une fonction d'identification, s'agissant des produits concernés ;

Que, par ailleurs, rien ne permet d'affirmer qu'elle ne permettra pas au consommateur pertinent de considérer que les produits qui en sont revêtus proviennent d'une entreprise déterminée et se distinguent de produits de même nature provenant d'entreprises concurrentes œuvrant dans le même secteur d'activité ;

Que sur cet autre point le jugement qui a prononcé la nullité de cette marque tridimensionnelle doit être infirmé ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu'alors que les sociétés Alpargatas tirent argument, s'agissant de la marque figurative représentant, comme il a été dit, deux suites de "S" allongés qui sont placés en biais, intercalés et inversés entre eux par effet de miroir, formant une sorte d'épi de blé, de l'apposition, sur les produits objets de la retenue douanière, d'un motif reproduisant servilement cette marque et de l'évidence de la contrefaçon, la société JA Diffusion se borne à reprendre son argumentation sur l'inaptitude du signe revendiqué à constituer une marque du fait qu'il ne s'agit que d'éléments décoratifs sans signification particulière pour conclure que la contrefaçon n'est que prétendue ;

Mais considérant qu'il s'agit là de moyens inopérants ; que la représentation servile de la marque figurative, dont la cour ne peut que faire le constat à l'examen du motif de frise apposé sur les produits identiques à ceux couverts par la marque, à savoir : les chaussures, ceci sans autorisation du titulaire de la marque, la conduit à considérer qu'en faisant l'acquisition et en important de tels produits, la société JA Diffusion, contrevenant aux dispositions de l'article 9 § 1 sous a) du RMC précité, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon au préjudice de la société de droit brésilien Alpargatas SA ;

Considérant, s'agissant des faits d'imitation de la marque tridimensionnelle précitée, que si l'identité des produits en cause doit, de la même façon, être retenue, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que fait valoir la société Alpargatas, l'impression d'ensemble produite par ce signe et la forme du produit saisi qui conduit à tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et de leur caractère dominant et distinctif, ne permet pas de retenir l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public concerné ;

Que le produit argué de contrefaçon reproduit, certes, l'élément constitué par une frise ; que, toutefois, il n'est pas combiné avec les autres éléments composant la marque tridimensionnelle, élément verbal ou encore motifs de semelle dont la société Alpargatas ne peut valablement laisser entendre à ce stade qu'ils pourraient être tenus pour insignifiants alors qu'elle les met en exergue dans son moyen tendant à voir reconnaître à cette marque un caractère distinctif ;

Que les différences non négligeables entre la marque tridimensionnelle et la forme du produit argué de contrefaçon, prises dans leur ensemble, conduisent à exclure un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, en dépit de l'identité des produits ;

Qu'ainsi, seule la contrefaçon de la marque figurative n° 9170953 peut être retenue, le jugement étant infirmé de ce seul chef par motifs substitués ;

Sur "les actes concurrence déloyale"

Considérant que les sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe se prévalent, sous cette unique désignation, de pratiques commerciales trompeuses et de faits de parasitisme ;

Qu'elle font valoir que l'apposition de drapeaux brésiliens sur les produits importés de Chine trompe le consommateur sur leur origine géographique, ce qui contrevient aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et crée, ce faisant, une distorsion de la concurrence au préjudice de la société brésilienne Alpargatas qui fabrique de tels produits ;

Qu'elles incriminent, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des faits de parasitisme en faisant état du succès commercial certain des produits "Havaiannas" symbolisé par son modèle de tongs dénommé "Brasil" revêtu d'un drapeau brésilien, de sa très forte notoriété internationale et du détournement de clientèle, à leur préjudice, résultant du pillage dont elles s'estiment victimes ;

Qu'elles critiquent les affirmations de l'intimée, simple société d'importation en gros d'articles de mode (principalement des bijoux, chapeaux et chaussures) qui se prévaut, sans le démontrer valablement, d'une commercialisation antérieure de ses produits, laquelle, en toute hypothèse, constituerait une fraude à ses droits puisqu'elles-mêmes commercialisent leurs produits en Espagne et en France depuis 2001 ;

Considérant, ceci étant exposé, qu'il ne peut être considéré que les conditions d'application de l'article L. 121-1 précité sont, en l'espèce, satisfaites dès lors qu'il n'est pas établi que la pratique banale consistant à apposer un drapeau sur un produit est perçue par le consommateur comme une indication d'origine du produit et que fausserait le libre jeu de la concurrence la simple présence d'un élément de cette nature, fût-ce selon une apposition similaire, étant relevé que la lanière constitue le seul élément sommital de ce type de soulier ;

Que la présence d'un drapeau évoquant une nation connue pour la beauté de ses plages et les performances sportives de ses ressortissants sera, d'ailleurs, d'autant moins comprise au cas particulier comme un indicateur d'origine que les tongs arguées de contrefaçon portent la mention "sport et fashion" et son étiquette la mention "made in China", exclusive d'un risque de confusion pour le consommateur s'il venait à se soucier de son lieu de fabrication et à en faire un critère de sélection lors de son acte d'achat ;

Que, s'agissant des faits de parasitisme cumulativement incriminés, si les sociétés Alpargatas SA et Europe peuvent être suivies lorsqu'elles se prévalent de la création d'une valeur économique du fait de la création, de la fabrication et de la commercialisation de ces tongs, ceci au prix d'investissements humains et financiers non négligeables, en affirmant notamment, sans être contestées, que trois milliards de paires ont été vendues de par le monde depuis leur origine, force est de considérer que les produits litigieux ont fait l'objet de retenues en douane sans être commercialisés et qu'elles ne peuvent valablement se prévaloir de l'appropriation effective des efforts qu'elles ont déployés mais tout au plus d'une atteinte au caractère distinctif de la marque, à la faveur d'un comportement non détachable de la contrefaçon et qui sera réparée à ce titre ;

Que ces demandes doivent, par conséquent, être rejetées ainsi qu'en dispose le jugement entrepris ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seule doit être sanctionnée la contrefaçon de la marque figurative précitée ;

Que les sociétés Alpargatas SA et la société Alpargatas Europe - qui précise que son contrat de licence a été publié antérieurement aux faits litigieux - font état d'une masse contrefaisante portant sur les 16 025 produits saisis ;

Que si, pour caractériser le préjudice en résultant, elles invoquent à juste titre l'atteinte au droit de marque visée à l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle et sa dilution alors qu'elles consacrent d'importants investissements à la communication et au marketing (pièce 12), la réparation financière réclamée se révèle surévaluée de sorte que les dommages-intérêts qui leur seront alloués à ce titre seront ramenés à la somme de 35 000 euros ; qu'eu égard aux faits de l'espèce et plus précisément au fait que, depuis le mois de mai 2011, les produits contrefaisants font l'objet de retenue et saisie douanière, les appelantes ne peuvent, en revanche, solliciter des dommages-intérêts correspondant à un manque à gagner et à des bénéfices réalisés qui ne sont que prétendus ;

Que la somme indemnitaire de 35 000 euros ainsi allouée doit être considérée comme représentant le montant de la réparation définitive des faits de contrefaçon dont la cour est saisie, sans qu'il y ait lieu de faire droit, près de quatre années après cette retenue douanière, à la demande relative à la communication de documents supplémentaires qui n'est étayée par aucun élément permettant d'en apprécier la pertinence ;

Considérant que seront également ordonnées les mesures d'interdiction, de confiscation et de destruction de nature à mettre un terme aux faits délictueux retenus, ainsi qu'explicité au dispositif ;

qu'en revanche, la mesure de publication également réclamée ne se justifie pas ;

Sur les autres demandes

Considérant que la teneur du présent arrêt conduit à débouter la société JA Diffusion de ses demandes destinées à obtenir la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi consécutivement aux opérations douanières à l'origine de cette procédure (perte subie, gain manqué, préjudice moral), à rejeter sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure tout comme sa demande de publication de la décision à intervenir ;

Considérant, sur l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il y a lieu de réformer le jugement en sa condamnation des demanderesses à l'action de ce chef ; que l'équité commande de condamner la société JA Diffusion à verser aux sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe SLU une somme de 6 000 euros au profit de chacune ;

Que, succombant, l'intimée sera déboutée de ce dernier chef de prétentions et condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé la nullité des deux marques communautaires, figurative et tridimensionnelle, revendiquées, débouté les requérantes de leur action au titre de la contrefaçon de la marque figurative et de leurs demandes subséquentes en les condamnant sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ; Déboute la société JA Diffusion SARL de sa demande aux fins d'annulation de la marque communautaire figurative, n° 8170953, déposée le 23 mars 2009 et de la marque communautaire tridimensionnelle, n° 9039892, déposée le 1er avril 2010 pour désigner, l'une et l'autre, des produits en classe 25 ; Dit qu'en acquérant et en important des produits reproduisant, sans l'autorisation de la société Alpargatas SA, la marque figurative n° 8170953, la société JA Diffusion SARL a commis des actes de contrefaçon au préjudice de cette dernière ; Condamne, en conséquence, la société JA Diffusion SARL à lui verser la somme de 35.000 euros réparant à titre définitif les faits de contrefaçon ainsi retenus sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication de documents supplémentaires telle que requise ; Fait interdiction à la société JA Diffusion SARL de poursuivre ces agissements de contrefaçon et, en particulier, de faire fabriquer, de promouvoir, d'importer et-ou de commercialiser des produits reproduisant ou imitant la marque n° 8170953, ce sous astreinte de 100 euros par produit et 1 500 euros par jour de retard, huit jours après la signification du présent arrêt ; Ordonne la confiscation et la destruction de l'intégralité du stock de produits contrefaisants ainsi que de tous documents destinés à leur commercialisation aux frais exclusifs de la société JA Diffusion SARL, ceci sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard huit jours après la signification du présent arrêt ; Déboute les sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe du surplus de leurs prétentions, tant au titre de la contrefaçon et des mesures réparatrices sollicitées qu'au titre des pratiques commerciales trompeuses et du parasitisme ; Déboute la société JA Diffusion SARL de l'intégralité de ses demandes ; Condamne la société JA Diffusion SARL à verser à chacune des sociétés Alpargatas SA et Alpargatas Europe la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.