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Décisions

Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-22.476

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Agence commerciale export (SARL)

Défendeur :

Duravit (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Fabiani, Luc-Thaler

T. com. Nîmes, du 30 mars 2012

30 mars 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 juin 2013), que la société Duravit a entretenu des relations avec la société Agence commerciale export (la société ACE) pour la commercialisation de ses produits dans un territoire comprenant les Antilles, la Réunion, l'Ile Maurice, Madagascar et l'Afrique du sud avant d'y mettre fin avec un préavis ; que revendiquant le statut d'agent commercial, la société ACE a assigné la société Duravit en paiement de commissions et d'une indemnité de cessation de contrat ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société ACE fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre d'un contrat d'agence commerciale alors, selon le moyen : 1°) que le juge national, saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d'application d'une directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette directive ; que, pour exclure la qualification d'agence commerciale, la cour d'appel s'est bornée à relever que la directive européenne fait aussi référence à la "négociation" et qu'elle n'est d'aucun secours pour interpréter ce terme dans le droit français, et a affirmé que l'interprétation d'un texte de droit ne peut différer du sens habituel et bien établi du mot en français, sauf à démontrer par exemple un sens particulier par exception, en un texte précis, résultant des travaux préparatoires de la loi, pour ensuite se livrer à une analyse étymologique incertaine et inopérante ; qu'en omettant ainsi toute recherche de la signification des termes employés par l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86-653-CEE, compte tenu de l'ensemble de ses dispositions et de ses finalités, la cour d'appel a violé l'article 288, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'UE et l'article L. 134-1 du Code de commerce, ensemble l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86-653-CEE ; 2°) qu'au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, dont les dispositions résultent de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ayant transposé en droit français la directive 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats-membres concernant les agents commerciaux indépendants, le pouvoir de négociation de l'agent commercial désigne l'accomplissement de tous les actes préparatoires à la conclusion du contrat et les prestations nécessaires à la recherche et au développement d'une clientèle au profit du mandant; que ce pouvoir s'étend ainsi nécessairement à la diffusion des offres et conditions commerciales établies par le mandant, ainsi qu'à la transmission des commandes ; qu'en l'espèce, pour exclure la qualification d'agence commerciale, les juges du fond ont énoncé que la société Duravit SA communiquait elle-même les conditions commerciales à appliquer et était seule compétente pour consentir des conditions préférentielles à ses clients, que la société ACE n'a jamais eu le pouvoir de négocier directement avec les clients pour le compte de la société Duravit et qu'il n'y a pas, en droit, de négociation si l'agent commercial n'a pas une marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique et s'il n'a pas non plus la possibilité d'engager son mandant ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 134-1 du Code de commerce et l'article 288, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'UE ; 3°) - qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; qu'il résulte de cette définition légale que la prestation caractéristique du contrat d'agence commerciale peut consister en la seule négociation des contrats énumérés par cette disposition ; que, par suite, la négociation désigne des activités nécessairement distinctes du pouvoir de conclure des actes juridiques au nom d'un mandant par application de l'article 1984 du Code civil ; qu'en l'espèce, pour exclure la qualification d'agence commerciale, les juges du fond ont retenu que la société ACE n'a jamais été investie du pouvoir de signer des contrats et de valider des commandes pour le compte de son mandant et que la notion juridique de mandat suppose que le représentant puisse s'engager à la place de son mandant, qu'il représente en étant présent au contrat en ses lieu et place ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 134-1 du Code de commerce et 1984 du Code civil ; 4°) que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'en l'espèce, en énonçant que le contrat du 27 décembre 1993 ne parle pas d'agence commerciale, qu'en aucune correspondance des parties à compter de 1993 il n'a été question d'agent commercial et que cette prétention au statut d'agent commercial n'apparaît au dossier qu'au cours de la procédure judiciaire, la cour d'appel qui n'a pas recherché comment l'activité était effectivement exercée, a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que la société ACE avait eu pour mission de promouvoir la vente des produits faisant l'objet de l'accord tandis que la société Duravit, qui assurait la publicité en lui fournissant, ainsi qu'aux clients, les échantillons, les tarifs et les documentations, se réservait le droit de refuser certaines commandes, émettait les factures dont elle percevait le paiement, et définissait les conditions particulières de vente des affaires de grande importance, retient que la société ACE ne justifie pas avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique, ni avoir eu la possibilité d'engager son mandant ; que de ces seules constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et analysé concrètement les conditions d'exécution du contrat, a exactement déduit que la société ACE, dont l'activité consistait dans la promotion des produits de la société Duravit sans pouvoir les négocier avec la clientèle, ne pouvait bénéficier du statut d'agent commercial ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société ACE fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre d'un mandat d'intérêt commun alors, selon le moyen, que la démonstration de l'existence de l'intérêt commun aux parties à un mandat constitué par l'essor de l'entreprise résultant de la création et du développement de la clientèle n'implique pas celle d'une clientèle propre au mandataire ; qu'en énonçant pour écarter la qualification de mandat d'intérêt commun, que la société ACE ne prétend pas avoir eu une clientèle propre affectée par la rupture des relations commerciales en cause, quand la qualification du mandat d'intérêt commun n'est pas soumise à la condition que le mandataire établisse l'existence d'une clientèle propre, la cour d'appel a violé l'article 2004 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société ACE s'était bornée à assurer la promotion des produits de la société Duravit sans être investie d'un pouvoir de représentation de celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que la société ACE, qui avait été un simple intermédiaire entre les clients et la société Duravit, ne pouvait revendiquer un mandat d'intérêt commun ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.