CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 décembre 2014, n° 13-07467
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sermadiras
Défendeur :
Ventilairsec (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Di Crescenzo, Grappotte-Benetreau, Abras, Dizier
Faits et procédure
Le 3 juillet 2008, la société Ventilairsec qui a pour activité la production de matériel dédié à l'assainissement de l'air de l'habitat et commercialise un système exclusif de renouvellement de l'air des locaux dit "Ventilation Mécanique par Insufflation" (VMI) a confié la représentation de ses produits dans treize départements dans le cadre d'un contrat d'agent commercial à durée indéterminée à M. Sermadiras.
Ce contrat prévoyait une exclusivité pour un secteur géographique donné, une rémunération par commissions de 13 % pour tous les clients, ainsi qu'une clause de non-concurrence. La résiliation devrait être réalisée en respectant un préavis de trois mois dès la troisième année commencée et avec l'allocation d'une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de cette résiliation sauf en cas de force majeure ou de faute de l'agent.
En avril 2009, la société Ventilairsec a étendu le secteur de son agent à seize autres départements.
Par lettre recommandée du 8 septembre 2011, la société Ventilairsec a résilié le contrat d'agent commercial pour résultats insuffisants. La proposition de transaction, qui accompagnait la lettre, a été refusée par M. Sermadiras.
C'est dans ces conditions que le 30 janvier 2012, M. Sermadiras a fait assigner la société Ventilairsec aux fins d'obtenir les sommes dues au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial.
Par jugement du 25 mars 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Melun a :
- condamné la société Ventilairsec à verser par provision à M. Sermadiras la somme de 29 445,33 au titre de l'indemnité compensatrice légale,
- débouté M. Sermadiras du surplus de ses prétentions, fins et conclusions,
- condamné la société Ventilairsec à payer à M. Sermadiras la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 12 avril 2013 par M. Sermadiras contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 août 2014 par M. Sermadiras par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 25 mars 2013,
En conséquence,
- condamner la société Ventilairsec au paiement en quittances et deniers de la somme de 78 996,21 au titre de l'indemnité compensatrice légale augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011, date de la demande de paiement,
- condamner la société Ventilairsec au paiement de la somme de 21 328,97 au titre de l'indemnité de remploi augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011,
- condamner la société Ventilairsec au paiement de la somme de 62 000 au titre d'indemnités complémentaires augmente des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011,
- condamner la société Ventilairsec au paiement de la somme de 4 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeter l'intégralité des demandes de la société Ventilairsec et de la dire mal fondée.
M. Sermadiras soutient que l'extension du secteur exclusif dont il bénéficiait à seize nouveaux départements démontre qu'il donnait pleinement satisfaction à la société Ventilairsec.
Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute et qu'il a droit à une indemnité compensatrice pour le préjudice subi du fait de la rupture afin de réparer l'absence de gain du fait de la rupture sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la part de marché. De même, il affirme qu'il n'y a pas lieu de distinguer si les rémunérations sont issues d'une clientèle préexistante ou apportée par l'agent. Il estime cependant que l'historique des ventes démontre un développement de la clientèle.
Il indique solliciter une indemnité de remploi visant à compenser la charge fiscale pesant sur lui au titre de l'indemnité de fin de contrat d'agent commercial, à concurrence de 21 328,97 . De même, il demande une indemnité au titre des conséquences dues à la perte subite du droit de contacter ses clients et à l'atteinte à l'image en découlant.
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2014 par la société Ventilairsec par lesquelles il est demandé à la cour de :
- débouter M. Sermadiras de toutes demandes, fins et conclusions,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Ventilairsec à payer à M. Sermadiras la somme de 29 445 au titre de l'indemnité légale compensatrice,
- le confirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau,
- constater que M. Sermadiras a reçu une clientèle préexistante dans le cadre d'une durée de collaboration de trois ans dont il n'a assuré le développement que de manière résiduelle ;
- dire et juger que M. Sermadiras n'a pas exécuté le mandat d'intérêt commun qui le liait à la société Ventilairsec en bon professionnel, ce en quoi il est fautif ;
- donner acte à la société Ventilairsec de ce qu'elle offre de payer une indemnité maximale de 20 000 à M. Sermadiras.
En conséquence,
- condamner M. Sermadiras à 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Ventilairsec soutient que l'agent commercial a droit à la réparation du préjudice lié à la cessation des relations commerciales lorsqu'il est privé de commissions dont l'exécution du contrat lui aurait permis de bénéficier et ce, en procurant au mandant des avantages substantiels liés à son activité ou lorsque cet agent n'a pas pu amortir les frais et dépenses qu'il a engagés pour l'exécution et, qu'en tout état de cause, aucune disposition n'impose de verser deux années de commissions comme le demande l'appelant.
Elle fait valoir que M. Sermadiras s'est vu confié une clientèle préexistante sans que celle-ci augmente pendant son mandat et que de tels résultats commerciaux justifiaient la rupture.
Elle indique qu'elle avait proposé de conclure une convention de transaction et un nouveau contrat d'agent commercial à durée déterminée sur une zone géographique plus réduite, qui a été rejetée par M. Sermadiras.
Elle expose enfin que M. Sermadiras a bien été libéré de son obligation de non-concurrence post-contractuelle et qu'il n'est pas démontré que M. Sermadiras ait rencontré des difficultés pour obtenir de nouvelles cartes commerciales en plus de celles qu'il avait conservées.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'indemnité compensatrice :
Considérant que la société Sermadiras ne conteste pas devoir une indemnité compensatrice à la suite de la résiliation par elle du contrat d'agent commercial de M. Sermadiras, demandant à la cour de lui donner acte de ce qu'elle offre de lui payer une indemnité maximale de 20 000 ;
Considérant que M. Sermadiras soutient que tant le montant fixé par les premiers juges soit 29 445,33 que l'indemnité proposée par la société Ventilairsec sont insuffisantes.
Considérant que la société Ventilairsec fait valoir que M. Sermadiras a bénéficié d'un apport de clientèle qui, douze mois après le début de son activité et trois mois après l'extension de son secteur, constituait encore 92 % de son activité ;
Considérant que le contrat d'agent commercial comportait en annexe une liste de 15 comptes numérotés 1 à 5 représentant un état des principaux clients actifs ; que la société Ventilairsec affirme que cette liste n'était pas exhaustive dans la mesure où elle avait en réalité 42 clients dont M. Sermadiras a également bénéficié ; que lorsqu'elle a étendu son secteur, elle lui a confié 27 clients ;
Considérant que M. Sermadiras ne conteste pas cet apport, faisant valoir que les clients non visés par l'annexe initiale étaient des clients passifs qu'il a réactivés ;
Considérant que l'activité d'un agent commercial est certes de rechercher des clients pour son mandant mais aussi de maintenir une clientèle existante et de raviver une clientèle qui a pu exister mais qui n'avait plus passé de commande depuis un certain temps ; que, par ailleurs le secteur de M. Sermadiras était composé après son extension de 29 départements comportant 69 clients actifs et passifs, de sorte que la seule activité de M. Sermadiras auprès de ces différents clients constituait une charge importante ; que la société Ventilairsec ne saurait le contester puisque dans un premier temps elle a étendu le secteur de M. Sermadiras, intégrant à nouveau des clients et dans un second temps, en juillet 2011, estimant que son apport en nouveaux clients était insuffisant, elle lui a proposé de restreindre son secteur à seulement 8 départements ;
Considérant que la société Ventilairsec ne conteste pas que M. Sermadiras a néanmoins apporté de nouveaux clients ; que celui-ci a perçu des commissions de 17 348 pour la période 2008/2009, 34 506 pour la période 2009/2010 et 36 462 pour la période 2010/2011 ce qui démontre une progression de son activité ; que, si dans le même temps le chiffre d'affaires de la société Ventilairsec a augmenté dans des proportions plus conséquentes, cette comparaison n'est pas pertinente pour apprécier le travail de M. Sermadiras quand bien même la société Ventilairsec l'estime insuffisant ;
Considérant que M. Sermadiras affirme avoir engagé des actions tels qu'envois de mailings et produit copie de la publicité envoyée, avoir effectué des visites et assuré un service après-vente ; que la société Ventilairsec n'a formulé aucune observation à M. Sermadiras sur son activité avant la résiliation de son contrat, bien au contraire puisqu'elle avait étendu son secteur initial ;
Considérant que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent et constitué par la perte pour l'avenir de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée ;
qu'il n'y a pas lieu de distinguer si les rémunérations sont issues d'une clientèle préexistante ou apportée par l'agent ;
Considérant que M. Sermadiras fait valoir que l'usage fixe cette indemnité à deux ans de commissions, usage contesté par la société Ventilairsec ;
Considérant qu'il appartient au juge d'apprécier le préjudice subi par l'agent afin de fixer ce montant ;
Considérant que M. Sermadiras ne conteste pas être un agent commercial multicartes ; qu'il n'a exercé les fonctions d'agent commercial de la société Ventilairsec que pendant 3 ans et deux mois et qu'il a bénéficié dès l'origine d'une clientèle acquise à la société Ventilairsec ; que, prenant en compte ces circonstances, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnité compensatrice en fixant celle-ci à un an de commissions ; que toutefois ils ont procédé au calcul sur la moyenne des trois années pleines d'activité de M. Sermadiras alors que la première année n'a pas été affectée par l'extension de son secteur et sans prendre en compte ses derniers mois d'activité en 2011 ; qu'il y a lieu de retenir les revenus perçus en 2009, 2010 et 2011, à raison de 9 mois pour cette dernière année, respectivement :
24 675,84 en 2009
36 568,15 en 2010
33 906,85 en 2011
soit un total de 95 140,84 sur 33 mois, soit une moyenne mensuelle de 2 883,05 ; qu'il y a lieu en conséquence de fixer le montant de l'indemnité compensatrice à la somme de 34 596,60 et de réformer le jugement entrepris.
Sur les autres demandes de M. Sermandiras
Considérant que M. Sermandiras demande à la cour de condamner la société Ventilairsec au paiement de la somme de 21 328,97 au titre de l'indemnité de remploi et au paiement de la somme de 62 000 au titre d'indemnités complémentaires.
Considérant qu'il fait valoir que l'indemnité compensatrice est soumise à une imposition fiscale de 27 % et qu'il est injuste que cette charge pèse sur lui :
Considérant que l'indemnité compensatrice correspond à des commissions que l'intéressé aurait pu continuer à percevoir ; que dès lors, s'il les avait perçues, elles auraient été soumises à l'impôt ; que dès lors il ne saurait faire peser la charge de l'impôt susceptible d'être dû au titre de cette indemnité sur son débiteur ;
Considérant que M. Sermadiras fait valoir qu'il a subi un préjudice du fait des agissements de la société Ventilairsec qui, d'une part l'a privé de son droit à exécuter son préavis, d'autre part, après avoir levé la clause de non concurrence, a informé à tort la société Callisto de l'existence de cette clause ;
Considérant que la société Ventilairsec a écrit à son agent le 8 septembre 2011 qu'elle le dispensait d'exécuter son préavis et que celui-ci lui serait réglé sur la base de ses commissions ; que M. Sermadiras n'a formulé aucune contestation ; qu'il ne démontre au demeurant aucun préjudice ;
Considérant que la société Ventilairsec conteste avoir contacté téléphoniquement la société Callisto pour invoquer la clause de non concurrence de M.Sermadiras dont elle avait accepté la levée ;
Considérant que M. Sermadiras verse un courriel et une attestation de M. Tarrago, gérant de la société Callisto, qui fait état de ce qu'il a été contacté par M. Bardoul, gérant de la société Ventilairsec, le 10 mai 2012, celui-ci ayant eu connaissance par un tiers de son intention d'établir une collaboration avec M. Sermadiras ; que la société Ventilairsec conteste avoir pris quelque contact que ce soit avec M. Tarrago qu'elle ne connaît pas et alors qu'elle n'avait aucune raison de le faire, ignorant les projets de M. Sermadiras ; qu'il convient de relever que M. Tarrago atteste d'une conversation téléphonique qui, à la supposer établie, ne permet pas d'identifier que M. Bardoul comme ayant été l'interlocuteur de M. Tarrago ;
Considérant en conséquence que M. Sermadiras ne démontre pas ses allégations et que c'est à juste titre qu'il a été débouté de sa demande par les premiers juges.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que M. Sermadiras a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice, et statuant à nouveau Condamne la société Ventilairsec à payer à M. Sermadiras la somme de 34 596,60 au titre de l'indemnité compensatrice. Condamne la société Ventilairsec à payer à M. Sermadiras la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. Sermadiras aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.