Livv
Décisions

CA Lyon, 8e ch., 9 décembre 2014, n° 13-09690

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Protisfi - EMC Elyse (SAS)

Défendeur :

TT Immobilier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vencent

Conseillers :

Mmes Defrasne, Clément

Avocats :

SCP Baufumé-Sourbe, SCP August & Debouzy, Selarl Boirivent & Kaempf, Me Sabatié

T. com. Lyon, prés., du 10 déc. 2013

10 décembre 2013

EXPOSE DU LITIGE

La société Elyse Avenue Services, en qualité de franchiseur, a signé le 25 novembre 2011 avec la SARL TT Immobilier un contrat de franchise d'une durée de deux années renouvelables ayant pour objet la transmission par le franchiseur au franchisé des moyens nécessaires à la duplication du concept "Elyse Avenue" dans le département des Alpes Maritimes.

Dès l'année 2012, des difficultés sont apparues dans la mise en œuvre du contrat, concernant notamment les campagnes de recrutement et le développement du site Internet.

La société Elyse Avenue Services, confrontée à des difficultés financières, a fait l'objet d'un redressement judiciaire et le Tribunal de commerce de Lyon, par jugement du 4 juin 2013, a arrêté le plan de cession de l'entreprise au bénéfice de la société Protisfi Newco, en prévoyant la poursuite de tous les contrats clients, à l'exception de trois franchisés.

Le 26 juin 2013, la société TT Immobilier, estimant que les engagements pris par le franchiseur n'étaient pas respectés, a résilié le contrat de franchise.

La société Protisfi, considérant que la dénonciation du contrat était nulle au regard du jugement arrêtant le plan de cession et que des redevances n'avaient pas été payées, a saisi, le 3 octobre 2013, le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon pour avoir paiement de la somme provisionnelle de 4 347,05 euros TTC.

Par ordonnance du 10 décembre 2013, le juge des référés l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 16 décembre 2013, la SAS Protisfi EMC Elyse a interjeté appel de cette décision.

L'appelante demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance querellée,

- de condamner la société TT Immobilier à lui payer la somme de 5 710,49 euros à titre de redevances, actualisées au 1er novembre 2013, ainsi que la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que le jugement homologuant le plan de cession d'Elyse Avenue Services n'avait pas exclu la poursuite du contrat de franchise de TT Immobilier et que ce contrat doit s'appliquer,

- que seule une faute grave au sens de l'article 17 du contrat aurait pu justifier la résiliation anticipée de ce dernier mais que tel n'est pas le cas en l'espèce et en tout cas, pas de la part du franchiseur,

- que contrairement à l'avis du juge des référés, le contrat est conclu en considération de la personne du franchisé, qui s'interdit de céder ou de transférer le fonds de commerce franchisé sans l'accord du franchiseur mais qu'à l'inverse, l'accord du franchisé n'est pas exigé et ce d'autant moins qu'en l'espèce, il s'agit d'une cession autorisée par décision de justice,

- que par ailleurs, il n'est pas démontré que le nouveau franchiseur proposait un nouveau projet de développement substantiellement différent pouvant justifier la dénonciation du contrat,

- qu'enfin, l'affirmation par le juge des référés que le franchiseur aurait méconnu ses obligations contractuelles et que le cessionnaire se serait contenté d'envoyer ses factures moins d'un moins après la cession, n'est pas fondée car le nouveau franchiseur a adressé différents courriers à la société TT Immobilier démontrant la réalité de prestations accomplies (actions de formation, arrivée de nouveaux personnels, diffusions en magasin, mise en place de commissions...).

Qu'en conséquence, la créance n'est pas sérieusement contestable.

La SARL TT Immobilier demande de son côté à la cour :

- de confirmer l'ordonnance querellée et de condamner la société Protisfi aux dépens ainsi qu'au paiement de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que le contrat de franchise est un contrat intuitu personae et que le maintien de la relation contractuelle était impossible en l'état des relations inexistantes avec le repreneur et en l'absence d'accord du franchisé,

- qu'en outre, le projet du nouveau franchiseur comportait un repositionnement sur le haut de gamme, un réseau non seulement de franchisés mais aussi de mandataires et que cette nouvelle politique ne correspondait plus au projet auquel elle avait adhéré,

- qu'elle avait donc un droit légitime à dénoncer le contrat,

- que la société Protisfi réclame le paiement de redevances sans contrepartie car elle n'assure pas l'intégralité des prestations initialement convenues,

- que sa réclamation est sérieusement contestable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il est constant que le jugement du Tribunal de commerce de Lyon date du 4 juin 2013 a arrêté le plan de cession de la société Elyse Avenue Services au bénéfice de la société Protisfi Newco en prévoyant la poursuite par le cessionnaire de tous les contrats clients, ce qui incluait le contrat de franchise conclu avec la société TT Immobilier qui ne faisait pas partie des trois exclusions ;

Attendu par ailleurs que l'article 16 de ce contrat de franchise subordonne la cession du contrat au seul agrément du franchiseur, l'accord du franchisé n'étant pas exigé ;

Que dans ces conditions, la société TT Immobilier ne peut s'opposer à la poursuite de la relation contractuelle avec le repreneur, motif pris qu'elle n'a pas donné son agrément à la cession ;

Attendu que la société Protisfi réclame le paiement des redevances de franchise et communication/publicité prévues aux articles 9.2 et 9.3 du contrat de franchise pour la période de juin 2013 à novembre 2013 d'un montant total de 5 710,49 euros ;

Attendu que pour s'opposer à cette demande, la société TT Immobilier fait valoir l'absence de contrepartie en évoquant des difficultés survenues dans le courant de l'année 2012 avec la société Elyse Avenue et la modification par le repreneur du projet initial auquel elle avait adhéré ;

Qu'il y a lieu de constater que sa résiliation du contrat de franchise par l'intermédiaire d'un conseil le 26 juin 2013 est seulement postérieure de trois semaines à la cession, se réfère à des événements de l'année 2012 et non pas à la nouvelle politique du repreneur ;

Que ces événements, même s'ils révèlent certaines défaillances de la société Elyse Avenue en raison de ses difficultés économiques, ne sont pas imputables à la société Protisfi, cessionnaire de cette société à compter du 4 juin 2013 ;

Que la correspondance produite par l'intimée ne permet pas de vérifier ses griefs sur le repositionnement et le réseau mis en place par la société Protisfi ;

Que par ailleurs, il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé à la requête de l'appelante que le 23 août 2013, la société TT Immobilier continuait à utiliser le nom et le logo "EA", et "elyseavenue.com" sur la vitrine de son agence et que jusqu'au 19 septembre 2013, elle utilisait également la mention Elyse Avenue dans l'adresse de son site Internet et sur les offres immobilières de ce site ;

Qu'il n'apparaît pas que la société TT Immobilier ait élevé la moindre protestation à réception des factures qui ont été adressées par la société Protisfi entre juin et septembre 2013 ;

Attendu que la société Protisfi produit plusieurs correspondances électroniques adressées entre juillet et novembre 2013 à de nombreux franchisés, y compris la société TT Immobilier, pour les informer d'actions de formation, de communication interne et externe, de la mise en place d'une hotline, de l'arrivée de nouveaux personnels, de diffusion de magazines, de la mise en place de commissions (outils et méthodes, communication, formation et recrutement) qui s'inscrivent dans l'exécution de ses obligations de franchiseur ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, la créance dont se prévaut la société Protisfi au titre des redevances du contrat de franchise n'apparaît pas sérieusement contestable au sens de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile à hauteur de la somme de 4 347,05 euros, au titre des redevances de juin, juillet, août et septembre 2013 ;

Qu'il sera donc alloué à la société Protisfi ladite somme à titre provisionnel ;

Attendu que la société TT Immobilier supportera les entiers dépens ; qu'il convient d'allouer à la société Protisfi la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Infirme l'ordonnance querellée et statuant à nouveau : Condamne la SARL TT Immobilier à payer à la SAS Protisfi - EMC Elyse la somme provisionnelle de 4 347,05 euros au titre des redevances du contrat de franchise avec intérêts légaux à compter des mises en demeure adressées pour chacune des échéances concernées, Condamne la société TT Immobilier à payer à la SAS Protisfi - EMC Elyse la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL TT Immobilier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.