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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 19 décembre 2014, n° 12/08977

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Publicité Vision (SARL)

Défendeur :

Métropolitaine de Publicité et d'Affichage (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Richard

Conseillers :

Mmes Prigent, de Lacaussade

Avocats :

Mes Boyer, Baechlin, Lousqui

T. com. Paris, du 13 avr. 2012

13 avril 2012

La société Publicité Vision exécute en qualité de sous-traitante des prestations d'affichage classique dans le métro parisien pour le compte de la société SMPA. Elle exécute des prestations classiques et des prestations dites dessus de voies qui supposent un statut particulier dans la mesure où il est nécessaire de couper le courant pour des raisons de sécurité.

La société Publicité Vision soutenant que la société SMPA avait annulé de nombreux chantiers depuis 2006 a assigné la société SMPA devant le tribunal de commerce de Paris le 23 avril 2011 pour la voir condamner à lui verser les sommes de 1 357 664,50 € au titre du manque à gagner du fait de l'annulation de très nombreux chantiers depuis 2006, de 80 436,80 € HT correspondant au manque à gagner du fait du retrait des stations Porte de Vincennes, Château de Vincennes et Porte de Champerret et de 7 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 13 avril 2012, le Tribunal de commerce déboutait la société Publicité Vision de l'ensemble de ses demandes et la condamnait à payer la somme de 10 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Publicité Vision a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 octobre 2014 la société Publicité Vision demande à la cour de voir :

- à titre principal :

constater que la société SMPA a manqué depuis Juin 2008 à son obligation contractuelle de produire des listings récapitulatifs des ordres de pose et des délais de pose correspondants entraînant la désorganisation de son activité,

ordonner à la société SMPA de remettre quotidiennement avec 24 heures d'avance, le listing récapitulatif des ordres de pose et les délais de pose correspondant sous astreinte de 100€/manquement à compter de la signification de l'arrêt,

condamner la société SMPA à lui payer les sommes de 2 053 897,56 € HT au titre de la perte de CA subie du fait des annulations de chantiers de janvier 2006 à décembre 2011 en violation de l'article 10 du contrat,

- à titre subsidiaire, les sommes :

de 545 868,68 € au titre des coûts salariaux subis en pure perte,

et de 106 849,92 € HT au titre de la perte du CA durant les périodes de préavis non respectées liés au retrait des stations Porte de Vincennes ,Château de Vincennes et Porte de Champerret et

- à titre subsidiaire, 88 940,28 € HT et 10 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société SMPA en date du 28 octobre 2014 tendant à :

- la confirmation du jugement entrepris, déclarer irrecevable car nouvelle en cause d'appel - la demande de la société Publicité Vision tendant à l'indemnisation des coûts salariaux,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande sur le fondement de l'article 32 -1 du Code de procédure civile

- condamner la société Publicité Vision à payer 10 000 € à titre de dommages intérêts

- condamner la société Publicité Vision à payer 10 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que les sociétés SMPA et Publicité Vision sont en relations contractuelles depuis 1997 et que celles-ci sont actuellement régies par un contrat négocié et signé le 7 mars 2006 avec effet rétroactif au 1er janvier 2005 ;

Considérant que l'article 1 du contrat stipule que "SMA confie au prestataire qui l'accepte, les prestations de pose , décapage et entretien de l'affichage publicitaire réalisé par pose et collage direct sur les supports et mobiliers du réseau ferré métropolitain de la RATP correspondant aux lots définis en annexe 1 du contrat" ;

Que l'annexe 1 intitulé 'Mobiliers et Supports "Lot 13 liste les stations concernées, savoir : Alesia, Denfert Rochereau, Montparnasse, Mouton-Duvernet, Raspail, et Vavin et précise le nombre de quais, de grands couloirs, de couloirs et de rampes pour chacune des stations ;

Que la rubrique quais D V qui signifie dessus de voies est resté vierge, aucune de ces stations n'étant équipées de cadre d'affichage au-dessus des voies ;

Considérant que la société Publicité Vision soutient que le contrat signé en 2006, concerne également les stations nécessitant une intervention de nuit qui bien que non visées expressément dans l'objet du contrat en font tout de même partie intégrante et ont donné lieu à l'article 10 du contrat ; qu'il s'agit des stations suivantes : Porte de Champerret, Pont de Levallois, Anatole France, Place d'Italie, La Courneuve, Porte de la Villette, Porte de Vincennes, château de Vincennes, Porte de Clichy ;

Considérant que la société Publicité Vision soutient au visa de l'article 1156 du Code civil qu'il appartient au juge du fond de rechercher quelle a été la commune intention des parties ; que les indices qui permettent d'affirmer que le contrat 2006 couvre toutes les prestations réalisées par la société Publicité Vision sont nombreux, que l'article 10 du contrat régit l'annulation des chantiers de dessus des voies, que l'application du contrat de 2006 aux prestations de dessus des voies est d'autant plus logique qu'aucun autre contrat ne les couvre, que l'application du contrat 2006 aux prestations de dessus des voies a été directement admise par la société SMPA ;

Mais, considérant que lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis il n'est pas permis au juge de les interpréter ou de les modifier ;

Considérant qu'il résulte clairement et sans aucune ambiguïté que le contrat signé en 2006 ne concerne que les prestations effectuées de jour ;

Que l'article 1 précité du contrat en précise l'objet et renvoie à une annexe qui liste les stations concernées par les prestations ; qu'aucune prestation de nuit n'est prévue dans les dites stations et qu'en conséquence les prestations de dessus de voie ne figurent pas ;

Considérant que dans ces conditions sauf à dénaturer les clauses claires de la convention, la cour dira que le contrat exclut les prestations de dessus de voies ;

Considérant que la société Publicité Vision sollicite la condamnation de la société SMPA à lui verser la somme de 2 053 298,56 € HT au titre de l'indemnisation des annulations de chantiers du 1er janvier 2006 au 30 juin 2014 ;

Mais, considérant que l'article 10 du contrat stipule que "dans l'hypothèse d'une annulation de chantier après 18 heures, le jour précédant la pose de nuit, le prestataire percevra l'intégralité de la rémunération" ; que le contrat de 2006 ne concerne pas les prestations de nuit (dessus des voies) puisque le lot 13 décrit supra seul concerné ne vise que les prestations de jour ; que l'article 7 du contrat qui, quant au délai de pose, fait référence à l'article 10 ne concerne également que la pose de nuit des prestations de dessus des voies et ne rentre donc pas dans le champ contractuel ;

Considérant que la société Publicité Vision demande à la cour de condamner la société SMPA à lui remettre avec 24 heures d'avance le listing des ordres de pose ;

Mais, considérant que les articles 7 et 10 sur lesquels la société Publicité Vision fonde sa demande n'est pas applicable comme dit supra ;

Considérant que la société Publicité Vision sera déboutée de ces demandes ;

Considérant que la société Publicité Vision demande à la cour de condamner la société SMPA à lui verser la somme de 106 849,92 €HT au titre de la perte du CA durant les préavis non respectés liés au retrait des stations Porte de Vincennes, Château de Vincennes, et Porte de Champerret ;

qu'elle soutient que de manière inattendue, la société SMPA lui a indiqué par courrier en date du 30 septembre 2010 que les stations Porte de Vincennes et Château de Vincennes sortiraient de son périmètre du contrat à compter du 1er janvier 2011 en ne justifiant pas ce retrait intempestif, aucune station supplémentaire ne lui ayant été confiée ;

Mais, considérant que l'interdiction de poursuivre les prestations dans ces deux stations fait suite aux incidents survenus le 8 octobre 2009 au cours desquels, il a été constaté par l'équipe de sécurité que les intervenants de la société Publicité Vision non seulement ne respectaient pas les mesures de sécurité mais encore ont refusé de quitter les lieux à la demande des préposés de la RATP qui ont du faire appel au GPSR ( groupe de sécurité ) ; que la mesure d'interdiction de toute intervention de la société Publicité Vision a donc été prise par le responsable de la ligne 1 ; que l'absence de préavis se justifie par le manquement grave de la société Publicité Vision dans le respect de ses obligations ;

Qu'en ce qui concerne la station Porte de Champerret qui a été retirée à la société Publicité Vision, ce retrait a été justifié par plusieurs décollement d'affiches survenus en mars 2010 et juin 2010 ; que le 20 octobre 2010, la société SMPA adressait à la société Publicité Vision une mise en demeure d'avoir à respecter ses obligations et à la suite d'un nouveau décollement constaté le 17 janvier 2011, la société SMPA lui a adressé un courrier de retrait de la station à partir du 28 février 2011 ;

Que ces décollements constatés entraînaient soit le dépassement des affiches sur les voies soit leur chute ce qui conduisait la RATP à interrompre le service en raison de la coupure du courant électrique ;

Considérant que la société Publicité Vision soutient que la société SMPA devait respecter un préavis de 6 mois ;

Mais, considérant d'une part que le contrat de mars 2006 ne stipule aucun délai de préavis hormis celui de l'article 14 visant la notification 6 mois avant le terme du contrat du refus de le reconduire tacitement ;

Qu'il est stipulé à l'article 15 qu'"En cas de manquement grave ou répété par l'une des parties, l'autre pourra après une mise en demeure adressée avec AR résilier le contrat un mois après" ;

Considérant qu'en l'espèce il ne s'agissait pas de la résiliation de la totalité du contrat mais de la suppression partielle du périmètre d'intervention de la société Publicité Vision ; que la société SMPA a respecté un délai suffisant compte tenu de la gravité des manquements et de leur répétition ;

que la société SMPA n'avait donc pas à respecter un préavis de 6 mois.

Considérant que la société Publicité Vision soutient encore qu'une telle réduction de chantier est constitutive d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie au visa de l'article L. 442-6 1 du Code de commerce ;

Mais, considérant que l'article L. 442-6-1 dispose que les "dispositions qui précèdent ne font pas obstacles à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations" ;

Considérant que le retrait de l'intervention dans plusieurs stations de métro est justifié par des manquements graves et ne constitue pas en conséquence une rupture brutale d'une relation établie au sens de l'article L. 442 -6-1 du Code de commerce ;

Considérant que la société SMPA demande la condamnation de la société Publicité Vision à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Mais, considérant que l'abus de procédure ne résulte pas seulement de la témérité d'une partie à tenter d'obtenir gain de cause après avoir été déboutée en première instance ; que la Cour de cassation exige que soit caractérisée une intention de nuire à la partie adverse, ce qui n'est pas le cas ;

que la cour ne peut que relever la témérité de la société Publicité Vision qui a utilisé les règles de procédure civile sans que soit démontrée son intention de nuire à la société SMPA ;

Considérant qu'il sera fait application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Statuant contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Publicité Vision à payer 10 000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Publicité Vision aux dépens qui seront recouvrés dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.