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Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. civ., 13 juin 2014, n° 13-1879

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Société Réunionnaise du Radiotéléphone (Sté)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Froment

Avocats :

Mes Girard, Hubert

TGI Saint-Denis de La Réunion, JLD, du 1…

10 septembre 2013

Par une note du 2 septembre 2013, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a prescrit une enquête, sur proposition du rapporteur désigné, dans le secteur des services de téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à la Réunion et à Mayotte.

Par requête du 3 septembre 2013, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a demandé, au JLD du TGI de Saint-Denis de la Réunion, l'autorisation de réaliser des opérations de visite et saisie dans les locaux de SRR à Sainte Clotilde aux fins d'établir si ladite entreprise se livre à des pratiques prohibées par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Par ordonnance en date du 10 septembre 2013, le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion a autorisé Madame Virginie Beaumeunier, Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, à procéder ou faire procéder aux visites et aux saisies prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce dans les locaux de la société SRR situés 21 rue Pierre Aubert, Z.E. du Chaudron, 97490 Sainte-Clotilde, 7 rue Edouard Manes et 1 rue Gabriel de Kerveguen, 91490 Sainte-Clotilde.

L'ordonnance principale fait suite à une requête de Madame Virginie Beaumeunier du 3 septembre 2013, elle-même prise sur demande d'un rapporteur auprès de l'Autorité de la concurrence, Monsieur Laurent Binet.

Le 12 septembre 2013, les opérations de visite et saisie ont débuté à 9h10 dans les locaux de SRR situés 21 rue Pierre Aubert, Z.E. du Chaudron, 97490 Sainte Clotilde en présence de Messieurs Nicolas Delestre et Pierre Larcher, rapporteurs des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ainsi que de Monsieur Guillaume Fo-Yam, officier de police judiciaire, après justification de leur qualité.

Ces personnes ont été rejointes à 9h20 par Messieurs Laurent Binet et Julien Neto, rapporteurs des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, ainsi que par Messieurs Philippe Raguenez et Gérard Raynaud, inspecteurs de la DGCCRF, et par Madame Véronique Leichnig, officier de police judiciaire.

L'ordonnance principale a alors été notifiée à l'occupant des lieux, Monsieur Bertrand Guillot.

Le procès-verbal de visite et saisie révèle que Monsieur Bertrand Guillot a indiqué que la direction des affaires financières de la société SRR était située 28 nie Gabriel de Kerveguen à 97490 Sainte Clotilde Monsieur Lament Binet a alors informé le JLD par téléphone (à 9h30, selon le Procès-verbal de visite et saisie) de l'adresse de la direction financière de la société SRR. Monsieur Laurent Binet a reçu l'autorisation verbale du JLD de procéder aux investigations dans les locaux de la Seconde Adresse.

Une équipe d'enquêteurs s'est transportée sur les lieux situés à la seconde adresse à 9h40. Les enquêteurs ont été accueillis par Madame Agnès Joulin, désignée par Monsieur Bertrand Guillot comme représentante de l'occupant des lieux de la seconde adresse.

Une heure après le début des opérations menées à cette seconde adresse (soit à 10h45), une ordonnance rectificative du JLD autorisant les enquêteurs à effectuer ces opérations dans les locaux de SRR situés à la seconde adresse a été notifiée à Monsieur Bertrand Guillot.

Par acte en date du 20 septembre 2013, la société Réunionnaise du Radiotéléphone (SRR) représentée par Maître Girard, avocat au Barreau de Saint Denis a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et saisies autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention de Saint Denis du 10 septembre 2013 rectifiée par ordonnance dul2 septembre 2013, dans les locaux de la SRR sis :

- 21, Rue Pierre Aubert - ZI du Chaudron - 97490 Sainte Clotilde

- 7, Rue Edouard Manes - 97490 Saine Clotilde

- 28, Rue Gabriel de kerveguen - 97490 Sainte Clotilde

- 1 Rue Gabriel de kerveguen - 97490 Sainte Clotilde

Dans ses écritures des 18 décembre 2013 et 19 décembre2013, la SRR, au soutien de son recours devant le premier président demande

À titre principal

- de déclarer le recours recevable et fondé.

- de constater que les agents de l'autorité de la concurrence ont, lors des opérations de visite et saisie qui se sont déroulées les 12 et 13 septembre 2013 au sein des locaux de SRR, saisi une masse importante de documents couverts par la confidentialité de la correspondance avocat/client,

- en conséquence, de constater que les agents de l'autorité ont violé le secret professionnel et les droits de la défense de SRR et jeté le doute sur l'impartialité du rapporteur en charge de l'affaire, de constater que la méthode de saisie globale de documents a violé le droit de SRR au respect de la vie privée ainsi que le principe d'interdiction des interventions arbitraires et disproportionnées, de constater que l'opération de visite et saisie qui s'est déroulée à la seconde adresse est constitutive d'une voie de fait,

- en conséquence, elle demande

- à titre principal, d'annuler l'ensemble des visites et saisies effectuées dans les locaux de SRR;

- à titre subsidiaire, d'annuler la saisie des documents couverts par le secret professionnel;

- à titre également subsidiaire, d'annuler l'ensemble des visites et saisies effectuées dans les locaux de la seconde adresse,

- au surplus, d'enjoindre à Monsieur Laurent Binet de cesser d'instruire les affaires concernant SRR,

- en toute hypothèse, de condamner l'Autorité de la Concurrence à payer à SRR la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la nécessaire annulation des opérations en raison de la violation par le JLD de son obligation de contrôle

Les opérations de visite et saisie sont placées tout au long de leur déroulement sous le: contrôle de l'autorité judiciaire. C'est ainsi que l'article L. 450-4 al. 3 du Code de commerce dispose que " la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées ". La personne visitée doit pouvoir saisir directement le juge pour lui faire part des incidents survenus lors des opérations.

Ici aucune des conditions n'a été respectée. SRR n'a pu saisir le JLD.

Il est apparu au cours des opérations de visite et saisie, que les enquêteurs procédaient à la saisie de l'intégralité des boîtes email et archives de boîtes email d'un certain nombre de dirigeants et cadres de la société SRR Le représentant de SRR et son conseil ont alors attire l'attention de M Laurent Binet sur le fait que les éléments saisis comportaient des correspondances entre SRR et ses avocats, pièces couvertes par le secret professionnel.

Maître Matthieu Girard, avocat de SRR, a proposé à Monsieur Lament Binet d'extraire lesdites correspondances et pièces avant qu'elles ne soient saisies, notamment par une recherche de mots-clés, ce qui a été refusé.

Dans ces circonstances, Maître Mathieu Girard s'est déplacé au Tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion afin de saisir le JLD, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, d'une difficulté apparue durant les opérations de saisies. Maître Matthieu Girard est arrivé au tribunal à 18h15.

En l'absence du JLD, un substitut du Procureur de la République présent au tribunal a accepté de joindre le JLD par téléphone afin de l'informer dccc que Maître Girard souhaitait s'entretenir avec elle d'une difficulté intervenant durant les opérations de saisies. Néanmoins, le JLD a refusé de prendre Maître Matthieu Girard au téléphone, lui faisant dire par ce substitut de revenir le lendemain " aux heures d'ouverture du greffe ", même s'il ne faisait aucun doute que les opérations de visite et saisie seraient alors terminées.

Il n'est pas contestable qu'à 18h15 (heure à laquelle Maître Girard s'est présenté au tribunal de grande instance), les opérations étaient loin d'être achevées, ces dernières s'étant terminées à 00h25. Or, le JLD ne pouvait ignorer qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, "sa mission de contrôle s'achève avec les opérations, lors de la remise de la copie du procès-verbal et de l'inventaire à l'occupant des lieux (...) ".

La société SRR a, dans ses conclusions initiales, démontré que le refus d'intervenir opposé par le JLD était d'autant moins acceptable qu'elle entendait empêcher une violation avérée du secret professionnel, violation qui selon la Cour de cassation, trouve son origine dans la simple saisie des documents couverts par ledit secret. Malheureusement, en l'absence de toute intervention du JLD, les enquêteurs ont pu en toute impunité, saisir de très nombreux documents couverts par le secret professionnel.

SRR a pu adresser un fax à l'attention du JLD. Néanmoins, contrairement à ce qu'affirme l'Autorité, ce fax n'a pas été envoyé directement au bureau du JLD (dans la mesure où Maître Girard ne disposait pas du numéro de télécopie du JLD) mais au bureau du Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion, comme en atteste le numéro de télécopie figurant sur le fax, mais rien n'indique que ce fax ait été transmis à son destinataire. Aucune réponse ne lui a été donnée. Il était demandé au JLD de régler cet incident.

S'agissant des officiers de police judiciaire présents au moment de l'incident et censés "veiller au respect de la régularité des opérations et en référer au JLD en cas de difficulté ", force est là encore de constater qu'ils ont manqué à leurs obligations, aucun d'entre eux n'étant intervenu pour tenter de régler l'incident ou pour saisir le juge.

II est soutenu par l'Autorité de la Concurrence que SRR s'est abstenue d'actionner les autres voies à sa disposition, à savoir les rapporteurs et les agents de la DGCCRF en charge des investigations et surtout les officiers de police judiciaire présents, dont c'est le rôle d'entrer en contact téléphonique avec le juge du contrôle.

Il est observé que M. Laurent Binet n'a eu aucune difficulté pour s'entretenir directement avec le juge en début de journée et lui demander une extension de l'ordonnance s'agissant des adresses.

Il n'est pas normal que l'entreprise visitée n'ait accès au juge que parle filtre des enquêteurs et des OPJ.

Les enquêteurs ne représentent sur place le JLD.

De plus, si SRR n tenté de joindre le juge, c'est parce que les enquêteurs n'ont pas fait droit à sa demande tendant à empêcher la saisie de documents couverts par le secret professionnel.

En réalité, le conseil de l'entreprise visitée a le choix entre interpeller l'OPJ ou saisir le JLD directement, cc qu'a fait le conseil de SRR.

II n' est pas acceptable qu'un juge, en charge du contrôle de la régularité des opérations et de la sauvegarde des droits fondamentaux et libertés individuelles, se contente de faire dire au conseil de l'entreprise visitée qui vient le saisir d'une difficulté, de revenir le lendemain " aux heures d'ouverture du greffe " alors même que sa mission, censée durer jusqu'à la fin des opérations, lui imposait d'intervenir pour régler l'incident.

SRR n'a pas bénéficié de la garantie fondamentale prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce, ce qui, d'emblée, devra entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations de visites et saisies.

Sur les conséquences à tirer de la saisie massive et indifférenciée de documents électroniques par les agents de l'autorité,

Une telle saisie viole les droits de la défense tels que garantis par les droits français et européen, et vicie donc totalement et irrémédiablement l'ensemble de la saisie, cette dernière ne pouvant donc pas être " sauvée " par la restitution des seuls documents concernés.

Une telle saisie massive et indifférenciée de documents électroniques, dès lors qu'elle aboutit à la saisie de documents personnels ou étrangers a l'objet de l'enquête, porte atteinte au droit de SRR au respect de sa vie privée et au principe d'interdiction des interventions arbitraires et disproportionnées, ce qui, là encore devra nécessairement conduire à l'annulation d'une telle saisie.

Il n'est pas nécessaire pour être nulle que la saisie de correspondances couvertes par le secret professionnel procède d'une recherche délibérée par les rapporteurs de correspondances étrangères à leur mission.

Il résulte des arrêts du 24 avril 2013 que la solution dégagée jusqu'alors, consistant à affirmer que la simple restitution des pièces couvertes par le secret professionnel constituait une réparation suffisante à la saisie illicite de telles pièces, n'est plus acceptable : Si la seule restitution ne suffit pas, c'est l'annulation qui doit être prononcée.

La violation dudit secret intervient des que le document est saisi par les enquêteurs.

Contrairement au premier président de la Cour d'appel de Paris dont l'ordonnance a ainsi cassée, la Cour de cassation rejette explicitement toute idée de repentir : la saisie de documents couverts par le secret professionnel entraîne une violation immédiate et irrémédiable des droits de la défense, qui ne peut être ensuite réparée par la simple restitution.

L'Autorité de la Concurrence soutient que les fichiers de messagerie électronique dans lesquels se trouvent les correspondances qui posent problème sont " insécables ", qu'il ne serait pas techniquement possible d'individualiser tel ou tel type de messages, seule une saisie globale serait possible.

Les arrêts du 24 avril 2013 de la Cour de cassation imposent que l'Autorité de la Concurrence revoie sa méthode de saisie,

La méthode de l'Autorité de la Concurrence est contraire à la loi du 31 décembre 1971 qui protège le secret professionnel.

Le principe européen de protection de la confidentialité des correspondances avocats/clients.

Si l'importance de ces arrêts de la Cour de cassation ne saurait être ignorée, l'affaire doit également être jugée dans le respect du droit de l'Union européenne. L'Ordonnance principale invoque l'article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (" TFUE "), ce qui entraîne l'obligation de respecter l'ensemble du cadre juridique correspondant, et notamment les droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cc qui ressort sans aucune ambigüité de l'arrêt Akzo du 17 septembre 2007, c'est qu'il doit être garanti que les enquêteurs n'auront jamais accès, même de façon sommaire, à un document couvert par le secret de la correspondance avocat-client.

L'arrêt Akzo Nobel du Tribunal de première instance de l'Union européenne " TPIUE "), " Le seul fait pour la commission de ne pas pouvoir utiliser les documents protégés comme éléments de preuve dans une décision de sanction ne suffit, dès lors pas à réparer ou à éliminer les préjudices qui résulteraient de la prise de connaissance du contenu des dits documents ".

Pour le TPIUE, la prise de connaissance par la Commission du contenu d'un document confidentiel constitue en elle-même une violation de ce principe.

La protection de la confidentialité dépasse l'exigence que les informations confiées par l'entreprise à son avocat ou le contenu de l'avis de ce dernier ne soient pas utilisées contre celle-ci dans une décision de sanction aux règles de concurrence.

En parfaite violation de la jurisprudence nationale et européenne dont l'Autorité ne pouvait ignorer l'existence au moment des opérations, les enquêteurs ont saisi des documents couverts par le secret professionnel. Ces documents sont désormais, et depuis déjà plus de trois mois, entre les mains des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, sans aucun contrôle, laissant à ces derniers une totale liberté pour les lire à leur guise.

Cette saisie massive a été effectuée en connaissance de cause et non par inadvertance par les enquêteurs Monsieur Laurent Binet avait été informé. Il lui avait été proposé une recherche par mot clef pour extraire les correspondances couvertes par le secret, ce qu'il a refusé.

700 000 documents saisis, dont 2 000 correspondances avocat-client confidentielles ont été identifiées cf ; annexe 10 ; liste des documents qui ont répondu à des mots clés comportant soit des mots de portée générale (tels que " avocat ") soit le nom de cabinets d'avocats conseillant la société.

Une première conséquence de cette saisie massive de correspondances avocat-client est la violation des droits de la défense de SRR dans les procédures en cours devant l'Autorité de la concurrence. La violation du secret professionnel des correspondances avocats clients est une faute en l'absence de démonstration de ce que les droits de la défense auraient été violés.

Le 19 juin 2009, la société Outremer Télécom a déposé une plainte contre SRR devant l'Autorité de la concurrence qui visait à la fois le marché de la téléphonie mobile grand public et le marché de la téléphonie mobile professionnel. Ces deux aspects de la plainte ont fait, depuis plus de quatre ans l'objet de mesures d'instruction de la part de Monsieur Laurent Binet. Il va sans dire que SRR a échangé des correspondances avec ses avocats sur ces différents aspects. Ces correspondances ont été saisies.

Ainsi depuis plusieurs mois, Monsieur Laurent Binet et plus généralement les services d'instruction de l'Autorité, sont-ils en possession de correspondances entre SRR et ses avocats qui portent précisément sur l'affaire qui va être instruite sur la base des documents saisis ainsi que sur une autre affaire toujours en cours.

L'Autorité, même si elle les restitue et même si elle ne les cite pas formellement dans la procédure, peut donc accéder aux réflexions les plus secrètes que SRR a menées avec ses conseils sur les plaintes dirigées contre elle.

La saisie de documents couverts par le secret professionnel, en lien avec les affaires pendantes devant l'Autorité, porte directement atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer.

En accédant aux réflexions échangées entre le client et son avocat sur d'éventuels arguments en défense, le rapporteur peut développer son instruction dans un sens qui visera à les affaiblir par avance. SRR à l'inverse ignorera tout de la façon dont le rapporteur développera son argumentation sera ainsi victime d'une rupture de l'égalité des armes entre l'accusation et la défense.

Ce risque a été identifié par la jurisprudence européenne.

Au-delà de la violation des droits de la défense dans les affaires en cours devant l'Autorité de la concurrence, est également en cause le principe de protection du secret professionnel tel que garanti par : l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971

Au regard de la loi applicable, la saisie de toutes les correspondances avocat-client est nulle, et non seulement celle des documents strictement " liés à l'exercice des droits défense ". Les consultations de l'avocat sont couvertes par la confidentialité qu'elles interviennent dans le domaine de la défense ou du conseil.

Seule l'annulation de l'ensemble des opérations de visite et saisie permet de sanctionner les irrégularités commises.

La restitution des correspondances est insuffisante.

La nullité ne peut porter sur la saisie des seules correspondances avocat-client ; elle doit nécessairement englober l'ensemble de l'opération et donc conduire à l'annulation de la saisie de l'ensemble des documents.

La position de l'Autorité de la concurrence, confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation, a toujours été de considérer qu'il n'est techniquement pas possible, lors de la saisie d'une messagerie électronique, d'individualiser tel ou tel type de messages, de sorte que les enquêteurs n'ont d'autre choix que de procéder à une saisie globale du serveur, sans pouvoir faire la distinction entre les messages couverts par le secret professionnel ou sans rapport avec l'infraction recherchée, et les autres. C'est l'argument technique lié à l'insécabilité des fichiers de messageries systématiquement avancé par l'Autorité pour valider la méthode des saisies massives. On voit mal comment, si l'insécabilité empêche une saisie différenciée, il serait légalement et pratiquement possible de recourir à une annulation et donc à une restitution différenciée.

A titre subsidiaire :

La violation du secret professionnel devra a minima entraîner l'annulation de la saisie des documents couverts par le secret professionnel et par conséquence leur restitution à SRR.

C'est pourquoi le TPIUE a validé la méthode de la Commission consistant à recourir au procédé de l'enveloppe scellée, permettant de conserver les documents dans l'attente d'une décision formelle, la Commission n'étant pas " en droit de prendre connaissance du contenu du document avant d'avoir adopté une décision permettant à l'entreprise concernée de saisir utilement le Tribunal et, le cas échéant, le juge des référés ".

Contrairement à ce qu'affirme l'Autorité, le problème ici n'est pas celui de la restitution et de l'absence d'utilisation des documents couverts par le secret professionnel, mais celui de leur prise de connaissance.

L'Autorité de la Concurrence soutient que l'enquête n'étant entourée que de la garantie du respect du principe de loyauté, SRR n'est pas en droit d'invoquer une atteinte au principe d'égalité des armes à ce stade de la procédure.

SRR dit que les documents saisis peuvent être utilisés dans le cadre d'une autre enquête en cours qui l'oppose à la société Outremer Télécom instruite par l'Autorité de la Concurrence alors que dans les pièces saisies il existe des échanges de SRR avec ses avocats sur ce dossier. Si les pièces saisies étaient conservées, SRR serait en situation de net désavantage par rapport à l'Autorité de la Concurrence.

Il est vain d'affirmer comme le fait l'Autorité de la Concurrence, que SRR n'est pas en droit d'invoquer une atteinte au principe d'égalité des armes au stade de la procédure d'enquête le problème que feint de ne pas comprendre l'Autorité, n'est pas celui du risque d'une rupture d'égalité des armes au stade de la procédure d'enquête mais au stade de l'instruction en cours.

L'Autorité de la Concurrence fait valoir que les arrêts du 24 avril 2013 de la Cour de cassation ayant circonscrit la nullité aux seuls documents couverts par le secret professionnel, la demande de SRR tendant à l'annulation des opérations et des saisies informatiques doit être rejetée.

Pour SRR, si selon la Cour de cassation, la simple restitution ne peut être regardée comme une solution acceptable, de même devrait-il en être, au vu de ce qui précède, de la simple annulation partielle.

En toute hypothèse, sur l'annulation des saisies informatiques globales en raison de l'atteinte au droit au respect de la vie privée

La saisie globale des messageries informatiques, si elle permet aux enquêteurs de saisir des éléments intéressant l'enquête, conduit nécessairement, en pratique a la saisie de documents personnels et de documents professionnels situés hors du champ de l'enquête.

Ces saisies globales et indifférenciées ont violé le droit de SRR au respect de sa vie privée et le principe d'interdiction des interventions arbitraires et disproportionnées des autorités publiques, règles qui sont issues à la fois du droit français et du droit européen.

Cf art préliminaire 56 du CPP; l'OPJ ne maintient que la saisie des données informatiques utiles à la manifestation de la vérité. L'article 7 de la Charte 32 et de l'article 8 CESDH.

Sur la nécessaire annulation des opérations de visites et saisies menées à la seconde adresse

A titre principal :

Les opérations menées à la seconde adresse ont été effectuées en l'absence de toute notification des ordonnances principale et rectificative à l'occupant des lieux de cette seconde adresse.

Il ressort clairement du procès-verbal de visite et saisie que les enquêteurs ont procédé à des investigations dans les locaux de SRR situés à la seconde adresse, sans que ni l'ordonnance principale, ni l'ordonnance rectificative n'aient été portées à la connaissance même de l'équipe d'enquêteurs désignée pour assister aux opérations menées à la seconde adresse et notifiées à Madame Joulin, en sa qualité de représentante de l'occupant des lieux de la seconde adresse.

Il n'est à aucun moment démontré, dans ledit procès-verbal, que les enquêteurs désignés pour procéder aux opérations de visite et saisie dans les locaux de la seconde adresse ont eu ne serait-ce que connaissance tant des dispositions de l'ordonnance principale que des dispositions de l'ordonnance rectificative.

L'équipe d'enquêteurs s'est directement présentée devant les locaux de la seconde adresse à 9h40.

Elle a procédé à des opérations de visites et saisie et à des saisies de documents dans les locaux de la seconde dresse, sans avoir pris connaissance des dispositions de l'ordonnance principale et de l'ordonnance rectificative.

Les enquêteurs n'ont notifié ni l'ordonnance principale ni l'ordonnance rectificative à Madame Joulin, l'occupant des lieux de la seconde adresse.

Les enquêteurs ne pouvaient se contenter de notifier les ordonnances (principale et rectificative) à Monsieur Bertrand Guillot ; ils devaient également les notifier Madame Joulin en sa qualité de représentant de l'occupant des lieux de la seconde adresse.

Cela ressort incontestablement des dispositions mêmes de l'article L. 450-4 du Code de commerce en vertu duquel " l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant ".

Il n'y a pas eu un, mais deux lieux visités, il n'y avait pas un mais deux occupants des lieux, de sorte qu'en application de l'article L. 450-4, chacun d'eux devait se voir notifier " sur place " les ordonnances principale et rectificative.

Les opérations menées à la seconde adresse ont malgré tout été effectuées en partie, sur la base d'une simple autorisation orale dans des conditions irrégulières.

C'est à 9h30 et par téléphone, donc oralement, que le JLD aurait autorisé les agents à se rendre dans les locaux situés à la seconde adresse.

Les opérations ont commencé 28 rue Gabriel de Kerveguen à 97490 Sainte-Clotilde dès 9H40 alors que l'ordonnance rectificative n'a été notifiée à Monsieur Bertrand Guillot, en sa qualité d'occupant des lieux de la première adresse, qu'à 10h45.

Les opérations de saisie ont commencé sur la foi d'une simple autorisation orale.

Les conditions de validité d'une autorisation orale sont les suivantes selon la jurisprudence présence de l'occupant des lieux au moment de l'obtention de l'autorisation verbale, capacité de cet occupant des lieux d'entendre le juge délivrer l'autorisation orale.

Ces conditions de validité n'ont manifestement pas été remplies en l'espèce.

Le procès-verbal de visite et saisie n'indique nullement que l'occupant des lieux était présent au moment où les enquêteurs ont obtenu l'autorisation verbale, ni qu'il a eu connaissance des dispositions de l'ordonnance (par exemple parce que l'amplificateur aurait été branché.)

Outre ses demandes d'annulation, SRR demande qu'il soit fait injonction à Monsieur Laurent Binet de cesser d'instruire les procédures visant SRR encore "pendantes devant l'autorité de la concurrence.

Monsieur Laurent Binet, a pu, pendant des mois, consulter des documents dont la saisie est pourtant nulle. Même si le premier président faisait droit à l'une ou l'autre des demandes d'annulation de SRR, cela ne mettrait probablement pas fin à l'instruction de la présente affaire (et) compte tenu du rôle primordial joué par ce dernier dans les procédures visant SRR et pendantes devant l'Autorité et de l'atteinte grave portée au secret professionnel dans la présente affaire, SRR estime que la poursuite de l'instruction par Monsieur Laurent Binet serait constitutive d'une violation des droits la défense et ferait naître un doute légitime quant à l'impartialité de ce dernier.

Le rapporteur est investi du pouvoir d'instruire les dossiers dont il a la charge. Il est maître de la conduite de l'instruction, et apprécié librement l'opportunité de mettre en œuvre les mesures qu'il estime nécessaires dans le cadre de l'instruction (mesures d'expertise, etc.). C'est lui qui décide des griefs qu'il convient de notifier à l'entreprise concernée et établit le rapport qui sera porté devant l'organe délibérant de l'autorité.

Or il lui est reproché des violations des droits de la défense, au principe de l'impartialité, cf art 6 CESDH.

La quantité importante de correspondances avocats-clients parmi les documents saisis et le fait qu'un nombre certainement non négligeable de ces correspondances contient des informations en lien direct avec les affaires dont Monsieur Laurent Binet a la charge suffit à faire naître des doutes quant à son impartialité.

La connaissance acquise de telles pièces par le rapporteur a pu lui permettre en toute irrégularité, de se faire, dès le départ, une opinion sur SRR et sur l'affaire en général.

Le fait que le rapporteur en charge de l'affaire ait, depuis plus de trois mois, accès à des documents confidentiels en lien avec l'affaire qu'ils n'auraient en principe jamais dû détenir suffit à faire naître un doute légitime, objectivement justifié, sur le fait que le rapporteur instruit et continuera d'instruire la présente affaire de façon impartiale.

L'Autorité de la Concurrence conclut dans ses écritures du 24 février 2014 en ces termes :

- rejeter la demande d'annulation de l'ensemble des opérations et des saisies informatiques;

- rechercher si les documents listés en annexe 10 des conclusions de SRR sont des correspondances avocat-client protégées par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée;

- prononcer l'annulation, le cas échéant, de la saisie des seuls documents qui seraient couverts par le secret professionnel entre un avocat et son client et les droits de la défense;

- rejeter la demande d'annulation des opérations réalisées dans les locaux de la direction administrative et financière de SRR sis 28, rue Gabriel de Kerveguen, 97490 Sainte Clotilde;

- rejeter la demande qu'il soit fait injonction à Monsieur Laurent Binet, rapporteur, de cesser d'instruire les affaires visant SRR;

- condamner la société SRR au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

1. Sur l'annulation des opérations en raison de la violation par le juge des libertés et de la détention de son obligation de contrôle des opérations.

L'Autorité de la Concurrence soutient que l'impossibilité pour SRR de joindre le JLD n'a été portée à la connaissance de l'Autorité de la Concurrence qu'à l'occasion de la communication de ses écritures du 18 décembre 2013, que les 5 rapporteurs ni les inspecteurs de la DGCCRF n'ont pas été interpellés pendant les opérations alors que SRR savait qu'ils étaient en contact avec le JLD. Pas davantage, SRR n'a interpellé les OPJ, représentants du juge, et chargés de le tenir informé du déroulement des opérations.

Le fax adressé le 12 septembre 2013 à 20H40 par la SRR au JLD prouve qu'elle a pu aviser ce dernier de la difficulté soulevée.

Ce fax n'avait pas pour objet une demande de suspension ou d'arrêt des opérations.

Les OPJ qui représentent le JLD étaient les mieux placés pour saisir ce dernier.

Le moyen allégué selon lequel la société SRR aurait été illégalement privée du droit fondamental d'avoir accès au juge ayant autorisé les opérations et chargé du contrôle de celles-ci ne pourra être accueilli, toute difficulté quant à la régularité des opérations ayant pu être portée à la connaissance du juge chargé du contrôle pendant les opérations, et ensuite du premier président de la Cour de céans, après la clôture de celles-ci.

Sur la prétendue saisie massive et indifférenciée de documents électroniques.

Loin d'être massive et indifférenciée, la saisie effectuée par les enquêteurs s'est limitée à une sélection de fichiers présents sur les ordinateurs et les espaces serveurs d'uniquement 7 salariés de l'entreprise. Au bas de ces listings apparaît le nombre total d'éléments présents sur le PC de chacun des sept salariés ayant fait l'objet d'investigation et le nombre de fichiers saisis par les rapporteurs. Ainsi, sur les 92 601 fichiers analysés sur l'ordinateur de Mme Joulin, les rapporteurs n'en ont saisi que 519 (soit 0,6 %), sur les 61 138 fichiers analysés sur l'ordinateur de Mme Boulay les rapporteurs n'en ont saisi que 175 (soit 0,3 %), sur les 9 034 fichiers analysés sur l'ordinateur de M. Lefevre, les rapporteurs n'en ont saisi que 154 (soit 1,7 %), sur les 10 7361 fichiers analyses sur l'ordinateur de M. Guillot, les rapporteurs n'en ont saisi que 6140 (soit 5,8 %), sur les 294 702 fichiers analysés sur l'ordinateur de Mme Hamadouche, les rapporteurs n'en ont saisi que 946 (soit 0,3 %), sur les 181 858 fichiers analysés sur l'ordinateur de Mme Yribarren, les rapporteurs n'en ont saisi que 6 708 soit 3,7% et enfin sur les 370 114 fichiers analysés sur l'ordinateur de Mme Warlop, les rapporteurs n'en ont saisi que 537 (soit 0,2 %).

Sur la saisie de documents couverts par le secret professionnel.

Elle ne résulte pas d'une recherche volontaire de la part des rapporteurs mais de leur présence dans des fichiers de messageries électroniques professionnelles saisis parce qu'ils contenaient et principalement des éléments entrant, investigations autorisées par le JLD.

Chaque fois qu'il a été possible d'éviter la saisie de documents potentiellement couverts par le secret professionnel, cela a été fait ; cf P 2 pv relatant le déroulement des opérations.

Les documents que la requérante estime couverts par le secret professionnel et dont elle fournit un listing en annexe 10 à ses écritures, sont tous des courriers électroniques présents dans les boîtes de messageries électroniques professionnelles saisies lors des investigations et qui ont été retenues par les rapporteurs parce qu'elles contenaient, par ailleurs et surtout, des éléments entrant dans le champ des investigations.

Les messageries professionnelles utilisées par les salariés de SRR sont du type Microsoft Outlook dont le fonctionnement repose sur le fait que chaque messagerie électronique est stockéc dans un fichier unique sur le disque dur de l'ordinateur de l'utilisateur ou sur le réseau informatique de l'entreprise. Cela signifie que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts. Cette organisation informatique n'est en aucun cas le fait des rapporteurs mais préexiste avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée.

Il n'est pas possible à l'Autorité de la Concurrence d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation sous peine de créer sur l'ordinateur visité des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre l'authenticité même des messages en modifiant leurs dates de création, de modification et de dernier accès (métadonnées).

Cette méthode est validée par la jurisprudence des juridictions du fond, de la cour suprême et de la CEDH.

Ce n'est pas la simple prise de connaissance, hypothétique en l'espèce, par les rapporteurs de documents protégés par le secret professionnel qui constitue une violation de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, mais bien leur saisie, comme le précise clairement la Cour de cassation dans un de ces cinq arrêts rendus le 24 avril 2013 :

"Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les pièces et supports informatiques dont la saisie était contestée par la société étaient ou non couverts par le secret professionnel entre un avocat et son client, pour prononcer, le cas échéant, l'annulation de leur saisie, le premier pn3sident n'a pas justifié sa décision" (Cass. crim., 24 avril 2013, n° 12- 80335).

Le seul fait, pour un enquêteur lui-même soumis au secret professionnel, de prendre, involontairement connaissance de manière sommaire de messages couverts par le secret, involontairement saisis ne vicie pas la procédure et ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors que, annulés et restitués à l'intéressé, les messages ne peuvent en aucun cas servir de base dans la procédure d'instruction et a fortiori de sanction.

Il en ressort de l'arrêt Akzol Nobel du Tribunal de première instance de Communautés européennes (TPICE), en date du 17 septembre 2007 que :

- l'entreprise doit identifier les documents pour lesquels elle sollicite la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients.

- un différend persiste sur le caractère confidentiel des documents entre la Commission et l'entreprise.

- la contestation des documents s'effectue devant un juge qui examine in concreto chaque pièce querellée.

L'entreprise Akzo Nobel ne demandait pas l'annulation de l'intégralité de l'inspection réalisée dans les locaux mais seulement l'annulation des 5 documents qu'elle considérait, à tort, comme entrant dans le champ de la protection légale de la correspondance avocat-client.

La société SRR demande l'annulation des opérations de visite et saisie, notamment les saisies informatiques, y compris celles entrant dans le champ de l'autorisation.

Une telle demande outrepasse la défense de l'exercice de la profession d'avocat ainsi que la protection des droits des avocats.

Les droits de la défense, tels que définis par l'article 6 CESDH, ne sont pas pleinement applicables au stade de ta procédure de constatation des infractions qui inclut la mise en œuvre de la recherche de la preuve.

La Haute juridiction a considéré que le principe de la contradiction est sans application aux enquêtes, préalables à la notification des griefs, auxquelles le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers peut décider de procéder.

Le principe du contradictoire notamment la mise à disposition du dossier, ne commence qu'a la communication des griefs par l'Autorité de la concurrence (article L. 463-1 du Code de commerce). Cette position est conforme à " la clause d'ordre public " énoncée par la CEDH qui autorise l'Etat à limiter l'exercice d'un droit.

Le principe du contradictoire constitue un droit conditionnel au regard de la CEDH. On peut donc le suspendre mais pas le restreindre sauf en cas d'application de la " clause d'ordre public " qui autorise l'Etat à limiter l'exercice du droit proclamé.

L'enquête préalable n'est quant à elle entourée que de la garantie du respect du principe de loyauté. Par ailleurs, par un arrêt du 27 avril 2011 (Cass. Crim., 27 avril 2011, n° 11-90010), la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à transmettre au Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution de l'article 76 du Code de procédure pénale, qui ne garantit pas le respect du contradictoire des perquisitions dans le cadre d'une enquête préliminaire. Cette décision est parfaitement transposable aux opérations de visite et saisie de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Cf aussi (Cass. com., 28 novembre 2012, n° 12-18410) rendue dans le domaine du droit de la concurrence qui précise :

Dans le même sens ; " ne constitue pas par elle-même une atteinte aux droits de la défense, en particulier au principe de l'égalité des armes, ni au droit à un recours juridictionnel effectif, dès lors que le principe de l'égalité des armes ne s'applique pas à ce stade, non contradictoire, de la procédure d'enquête ".

Le principe de loyauté a été garanti.

II l'a été par la notification de l'ordonnance d'autorisation qui mentionne l'objet de l'enquête, la connaissance et le respect des règles éthiques, déontologiques et de probité par les enquêteurs de la DGCCRF et les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, la présence possible d'un conseil (l'ordonnance d'autorisation mentionne toujours cette faculté laissée à l'initiative de l'entreprise visitée et exercée au cas d'espèce par la présence de deux avocats dont maître Girard dans les locaux de la société SRR le jour des investigations en lien avec le cabinet Clifford Chance LLP à Paris, la présence d'OPJ désignés par le JLD qui contrôlent le respect de la procédure, la saisine possible et le déplacement du JLD et le recours contre le déroulement des opérations.

Il n'est pas démontré que des moyens déloyaux auraient ôté mis en œuvre par l'Autorité de la Concurrence lors des investigations. Les rapporteurs ont u contraire fait extraire des fichiers informatiques un fichier qui portait le nom d'un cabinet d'avocat.

Il existe deux affaires sur le secteur de la téléphonie SRR, l'une relative à la clientèle grand public, l'autre relative à la clientèle non résidentielle (clientèle non professionnelle). Les opérations contestées ont eu lieu dans le cadre de ce second dossier. La décision de disjonction a été notifiée à SRR. Elle a pour effet que les documents saisis dans la présente affaire ne pourront pas être utilisés dans l'autre.

SRR a demandé dès le 31 juillet 2013, dans le premier dossier relatif à la clientèle grand public, a bénéficier du régime prévu à l'article L. 464-2 du Code de commerce relatif à la non-contestation des griefs lui permettant d'obtenir le cas échéant une réduction de sanction de 10 %. L'Autorité de la concurrence ne pouvait matériellement pas se servir de documents appréhendés le 12 septembre 2013 pour fonder des griefs notifiés dès le 12 juillet 2013, soit deux mois avant les opérations querellées.

Il est inopérant de comparer les pouvoirs de visite et de saisie des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence agissant sur autorisation judiciaire, sous le contrôle d'un juge et d'officiers de police judiciaire et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif avec la pratique des inspections des agents de la Commission européenne qui agissent sur le fondement d'une décision administrative, sans contrôle d'un juge, hors la présence de tout officier de police judiciaire et qui n'ouvrent pas un contrôle juridictionnel direct.

Les arrêts rendus le 24 avril 2013 par la Cour de cassation affirment le rôle du premier président dans la détection de pièces relevant du secret professionnel visé à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, et lui impose d'annuler leur saisie. La Haute cour refuse que le juge se contente d'un accord de l'Autorité de la concurrence sur les pièces à restituer. Loin de faire prévaloir la protection du secret professionnel de l'avocat sur les nécessités de l'enquête au point d'annuler l'ensemble des saisies informatiques, comme le prétend SRR, la Haute Cour a simplement constaté l'insuffisance du procédé habituellement retenu par les juges du fond, à savoir la simple restitution, par l'Autorité, d'une liste de documents couverts par le secret de la correspondance avocat-client, proposée par l'entreprise visitée. Une fois que le juge a constaté que les pièces relèveraient de la correspondance avocat-client et des droits de la défense, le Premier président doit en prononcer l'annulation.

La Cour de cassation n'a pas entendu procéder à un revirement de sa jurisprudence sur la saisie globale des messageries électroniques par ses arrêts rendus le 24 avril 2013 puisque par l'un de ceux-ci - oublié par SRR dans ses écritures - elle confirme qu' " un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son entier s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête ; " (Cass. crim. 24 avril 2013, n° 12-80332).

Une jurisprudence constante précise que la présence dans la saisie informatique, de documents couverts par le secret professionnel, ne saurait avoir pour effet d'invalider la totalité de l'opération :

"La présence dans une messagerie électronique, de courriels couverts par le secret professionnel n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments de cette messagerie dès lors que certains des courriels se rapportent aux faits visés par l'ordonnance d'autorisation ", (Cass. com., 18 janvier 2011).

"qu'enfin le juge a dit à bon droit que l'invalidation des saisies de documents confidentiels ou couverts par le secret professionnel n'entraînait pas la nullité de l'ensemble des opérations" (Cass. 11 janvier 2012, n° 10-87087).

Le premier président d'appel de Versailles sur renvoi après cassation partielle par l'un des arrêts du 24 avril 2013 a très exactement rappelé et fait application de cette position " Dans les limites de la cassation partielle, mais également et de surcroît dans la droite ligne d'une jurisprudence désormais établie que l'arrêt du 24 avril2013 ne remet pas en cause, la nullité de la saisie ne peut être que partielle, pour concerner uniquement les documents couverts par la confidentialité assurée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, sans invalidation pour le surplus des opérations de saisie ne donnant pas lieu a d'autre critique " (Ord. CA Versailles, 30 janvier 2014, n° 13-04058, frappée d'un pourvoi en cassation par l'entreprise).

L'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tenant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcé par le juge.

C'est d'ailleurs cc que rappellent les arrêts du 24 avril 2013 de la Cour de cassation, qui ont circonscrit la nullité aux seuls documents couverts par le secret professionnel en cassant partiellement les ordonnances rendues par le premier président de la Cour d'appel de Paris " mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation de la saisie des pièces relevant de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client et des droits de la défense, toutes autres dispositions étant expressément maintenues (...)".

Il appartiendra au premier président de rechercher si les pièces listées en annexe 10 aux écritures de SRR bénéficient de la protection des correspondances avocat/client et des droits de la défense, et le cas échéant en prononcer l'annulation.

2.2 Sur la saisie de documents hors champ ou relatif à la vie privée

S'il ne peut être exclu que les fichiers de messageries électroniques professionnelles, appréhendés par les rapporteurs (au terme d'un processus d'analyse leur permettant de conclure que ces derniers comportent des éléments intéressant le champ de leurs investigations), contiennent également des messages hors du champ de l'enquête ou à caractère personnel, SRR n'en apporte cependant aucunement la preuve. Elle en invoque seulement la possibilité.

La jurisprudence s'est plusieurs fois prononcée sur la saisie d'éléments hors champ et relatif à la vie privé, conséquence de la saisie globale d'une messagerie électronique et a rappelé de manière constante que ces éléments n'étaient pas par nature exclus du champ des investigations : "Attendu que le fait que ces messageries aient contenu des éléments hors champs, afférents à une période atteinte par la prescription ou de nature à porter atteinte à la protection du secret des affaires (dont aucune liste n'est produite permettant de les identifier éventuellement) est sans incidence sur la régularité de leur saisie; qu'il convient d'observer que des documents personnels ne sont pas nécessairement, par nature, exclus du champ de l'autorisation ... . Paris, Premier président, 20 mai 2010, n° 09-08663).

Que le fait que les messageries professionnelles, seules visitées et saisies en la cause, soient susceptibles de comporter des éléments à caractère personnel ne saurait suffire à remettre en cause la régularité de l'OVS alors que la fonction habituelle de telles messageries est par nature professionnelle,...

III- Sur l'annulation des opérations effectuées dans les locaux de SRR sis 28, rue Gabriel de Kerveguen - 97490 Sainte-Clotilde

SRR soutient, d'une part, qu'il aurait fallu notifier les ordonnances principale et rectificative au 28, rue Gabriel de Kerveguen à la prétendue occupante des lieux de ces locaux et, d'autre part, que les opérations ont débuté sur la base d'une autorisation préalable orale du juge dans des conditions irrégulières.

L'ordonnance principale d'autorisation de visite et saisie a été notifiée à Monsieur Bertrand Guillot, directeur général de SRR, à 9h20 et comportait 3 adresses différentes, dans le même périmètre, où se trouvaient des locaux appartenant à cette société et placés sous la responsabilité et l'autorité hiérarchique de son plus haut dirigeant, pris en la personne de son directeur général. Lors de la première notification, le directeur général a indiqué aux rapporteurs dont Monsieur Laurent Binet, chef d'équipe, que la direction administrative et financière de sa société visée expressément par l'ordonnance d'autorisation (page 4) ne se trouvait pas au 1, rue Gabriel de Kerveguen mais au numéro 28 de la même rue.

Le rapporteur chef d'équipe, Monsieur Laurent Binet a alors pris contact, à 9h30, avec le JLD pour l'informer de la situation concernant la localisation de la direction administrative et financière de SRR.

Le JLD a donné, dès 9h30, son autorisation verbale afin de débuter immédiatement les investigations au 28, rue Gabriel de Kerveguen et confirmé celle-ci par une ordonnance rectificative faxée qui a été notifiée, dès sa réception à 10h45, à Monsieur Bertrand Guillot, directeur général de SRR.

L'article L. 450-4 du Code de commerce dispose clairement : "L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal ". Au cas présent, Monsieur Bertrand Guillot, directeur général, plus haut responsable de l'entreprise SRR, était dans les locaux de SRR et a accepté le rôle d'occupant des lieux en signant les deux procès-verbaux de notification, celui concernant l'autorisation principale et celui relatif à l'ordonnance rectificative d'adresse.

Dans le fax adressé par le conseil de SRR au JLD il n'a pas été fait état d'une difficulté sur ce point.

Une fois les ordonnances principale et rectificative notifiées à Monsieur Bertrand Guillot en sa qualité de directeur général de la société pour occuper la fonction d'occupant des lieux, il n'y avait nul besoin ou nécessite de notifier, une nouvelle fois, les ordonnances principale et rectificative à Madame Agnès Joulin, salariée, au 28 rue Gabriel de Kerveguen, placée sous la subordination juridique de son directeur général.

Si Monsieur Bertrand Guillot avait voulu désigner Mme Agnès Joulin en qualité d'occupante des lieux, le mandat écrit de celui-ci l'aurait explicitement indiqué. Or tous les mandats signés par le directeur général et annexés au procès-verbal de visite et saisie n'accordent que le rôle de représentant de l'occupant et ce, y compris pour Mme Agnès Joulin, ce qui explique d'ailleurs que cette dernière n'était pas obligée de signer le procès-verbal de visite et saisie, la signature de l'unique occupant des lieux, Monsieur Bertrand Guillot, étant suffisante pour l'ensemble des locaux autorisés.

La direction administrative et financière est bien placée sous la responsabilité et le pouvoir hiérarchique de son directeur général et ne constitue pas une entité juridique distincte de la personne morale SRR qui a pour dirigeant et occupant des lieux, Monsieur Bertrand Guillot. En second lieu, la requérante prétend que si la notification des ordonnances principale et rectificative a Monsieur Bertrand Guillot, directeur général, est suffisante, il n'en reste pas moins que les opérations effectuées au 28, rue Gabriel de Kerveguen, l'ont été sur la base d'une simple autorisation orale dans des conditions irrégulières.

Mais il n'est pas contesté par SRR que Monsieur Laurent Binet a appelé le JLD en la présence de Monsieur Bertrand Guillot, occupant des lieux, et de celle de l'officier de police judiciaire, pour obtenir l'autorisation orale de commencer immédiatement les investigations au 28, rue Gabriel de Kerveguen.

Il ne fait aucun doute que le JLD a accordé à 9h30 son autorisation de débuter les investigations à la nouvelle adresse puisque cette autorisation verbale donnée est reprise intégralement dans l'ordonnance rectificative écrite signée par le juge, faxée et notifiée à l'occupant des lieux à 10h45, le temps nécessaire pour le juge, outre ses autres missions, de la rédiger de la façon suivante : " Confirmons notre autorisation verbale donnée ce jour à 9h30 par téléphone à Monsieur Laurent Binet de pouvoir procéder immédiatement aux dites investigations ".

" Que, par ailleurs, les opérations pouvaient débuter avant la notification de la deuxième ordonnance dès lors que le juge des libertés et de la détention avait donné son autorisation oralement et que la première ordonnance, comprenant les droits pour la société saisie de recourir à un avocat, avait été notifiée à la société saisie avant le déroulement desdites opérations ;"

IV - Sur la demande qu'il soit fait injonction à Monsieur Laurent Binet de ne plus instruire d'affaires concernant SRR

La société SRR allègue que la poursuite de l'instruction par le rapporteur, Monsieur Laurent Binet, serait constitutive d'une violation des droits de la défense et ferait naître un doute légitime sur l'impartialité de ce dernier, du fait de l'atteinte grave portée au secret professionnel dans la présente affaire. Cette demande est totalement hors de propos dans le cadre d'un recours contre le déroulement d'une opération de visite et saisie car elle concernerait la phase de l'instruction qui ne relève pas de la compétence du premier président de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, mais de celle de l'Autorité de la concurrence puis de la Cour d'appel de Paris. " Mais il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président, saisi dans les conditions et limites de l'article L. 450-4 du Code de commerce et dont la sphère d'intervention limite aux opérations de saisie, d'interférer apriori dans l'exploitation faite des documents régulièrement saisis, ni de donner quelque injonction que ce soit à l'Autorité de la concurrence quant aux modalités d'instruction du dossier ".

DISCUSSION

Attendu que lors des opérations de visite et saisie qui se sont déroulées les 12 et 13 septembre 2013 au sein des locaux de SRR, il a été procédé à la saisie d'un nombre important de documents qui seraient selon SRR couverts par la confidentialité de la correspondance avocat/client. Que pour SRR, cette saisie " massive" ne relève pas de l'inadvertance : 700 000 documents saisis, dont 2000 correspondances avocat-client confidentielles ont été identifiées, cf, annexe 10 liste des documents qui ont répondu à des mots des comportant soit des mots de portée général (tels que " avocat ") ou le nom de cabinets d'avocats consultant la société, qu'il s'agit de documents protégés par le secret professionnel, ce qui constitue notamment une violation de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celle portant la mention " officielle ", et plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel";

Que l'Autorité de la Concurrence réplique que les messageries professionnelles utilisées par les salariés de SRR sont du type Microsoft Outlook dont le fonctionnement repose sur le fait que chaque messagerie électronique est stockée dans un fichier unique sur le disque dur de l'ordinateur de l'utilisateur ou sur le réseau informatique de l'entreprise, qu'il en résulte que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts, que cette organisation informatique n'est pas le fait des rapporteurs mais préexiste avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée, qu'il n'est pas possible à l'Autorité de la Concurrence d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation sous peine de créer sur l'ordinateur visité des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre l'authenticité même des messages en modifiant leurs dates de création, de modification et de dernier accès (métadonnées contenues dans le fichier lui-même : titre, auteur, taille, dates, localisation, signature ... ), que les fichiers de messagerie électronique dans laquelle se trouvent les correspondances qui posent problème sont "insécables ", qu'il n'est pas techniquement possible d'individualiser tel ou tel type de messages, que seule une saisie globale est possible.

Attendu qu'il est soutenu par la société SRR que lors des opérations de visite, l'attention de Monsieur Binet, rapporteur de l'Autorité de la Concurrence, avait été attirée sur le fit que la saisie allait porter sur des documents couverts par la confidentialité de la correspondance avocat/client alors que l'Autorité de la Concurrence affirme n'avoir pris connaissance de cette difficulté qu'à l'occasion de la lecture du premier jeu d'écritures de SRR.

Attendu qu'il est constant que Maître Girard, conseil de SRR a adressé au JLD le 12 septembre 2013 à 20H20 par télécopie au n° 262 40 23 49 le texte suivant,

" Je me suis déplacé ce jour à, 18h15, au Tribunal de grande instance afin de vous saisir d'une difficulté durant les opérations de saisie que vous avez autorisées au siège de la société SRR ainsi qu'aux bureaux situés au 28, rue de Kerveguen à Sainte Clotilde (97490).

En votre absence, un substitut du procureur a accepté de vous joindre téléphoniquement et vous a indiqué que je souhaitais m'entretenir avec vous d'une difficulté intervenant durant les opérations de saisie.

Je regrette que vous ayez refusé de me prendre au téléphone, me faisant dire par ce substitut de revenir demain " aux heures d'ouverture du greffe", alors même que vous ne pouvez ignorer que les opérations de saisie seront alors terminées.

Je me dois de vous rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, " la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées ".

En l'espèce, je ne puis que constater et regretter que le contrôle du juge nous ait été refusé durant les opérations de saisie.

La difficulté que la société SRR rencontre dans le cadre des opérations de saisie est au surplus particulièrement importante puisqu'elle touche à la confidentialité de la relation client-avocat ainsi qu'à la confidentialité de la défense dans le cadre de procédures en cours. En l'espèce. Il apparaît que les agents actuellement présents, sous la coordination de Monsieur Laurent Binet, ont procédé à la saisie de l'intégralité des boîtes mail et archives de boîtes, mail d'un certain nombre de salariés et, notamment de Monsieur Bertrand Guillot (dirigeant) de Madame Agnès Joulin (DAF), Monsieur Eric Lefevre (responsable règlementation). Il a été attiré l'attention de Monsieur Binet de ce que les éléments saisis comportait des correspondances et pièces couvertes par le secret professionnel entre un avocat et son client ainsi que des correspondances et pièces liées à l'exercice des droits de la défense dans le cadre de procédures actuellement en cours.

Il a été proposé à Monsieur Binet, notamment par une recherche par mots-clés, d'extraire lesdites correspondances et pièces avant qu'elles ne voient saisies, ce qui nous a été refusé Monsieur Binet a par ailleurs refusé que nos demandes soient actées au procès-verbal ou dans tout autre document annexe. Des lors de la même manière nous n'avons pu exprimer la moindre réserve sur le procès-verbal. J'exprime donc au nom de SRR les plus extrêmes réserves concernant la régularité des opérations de saisies ".

Que la preuve de l'envoi de ce fax figure dans les pièces produites par SRR,

Que l'Autorité de la Concurrence ne peut sérieusement soutenir que SRR aurait ainsi pu faire connaître directement au juge, de manière argumentée, l'objet de la difficulté qu'elle rencontrait et ce, au cours de la visite, comme le démontre le rapport d'émission du fax, certifiant sa réception à 20h42, alors que ledit fax n'a même pas reçu de réponse de la part de son destinataire,

Que du reste, il a été adressé au parquet et non au secrétariat du JLD;

Attendu qu'en application de l'article 450-4 du Code du commerce, la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées, que le juge peut se rendre sur place dans les locaux pendant l'intervention. A tout moment, il peut décider de la suspension ou l'arrêt de la visite,

Qu'il est rappelé dans l'ordonnance du JLD du 10 septembre 2013 : " en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées n'apparaissent pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre puisque les intérêts et droits de l'entreprise concernée sont garantis dès lors que les pouvoirs des agents mentionnés à l'article L. 450-61 du Code de commerce sont utilisés sous notre contrôle ";

Que cette ordonnance mentionne en son dispositif, " disons que pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les lieux situés dans notre ressort et Nous tenir informée de leur déroulement et de toute contestation Le chef de service de police territorialement compétent nommera des OPJ... ",

Que l'Autorité de la Concurrence fait valoir que "si SRR avait voulu entrer en contact avec le juge du contrôle pour lui soumettre une difficulté, la voie la plus rapide et la plus sûre était de s'adresser directement aux OPJ qui étant les représentants du JLD surplace, auraient sans aucun doute relayé par un appel sur le téléphone mobile du magistrat toute contestation", mais attendu que la saisie des officiers de police judiciaire ne constitue pour le conseil de l'entreprise qu'une simple alternative à celle du juge et non un préalable nécessaire, qu'il était loisible au conseil de SRR de saisir directement le JLD, sans filtrage de l'OPJ,

Que de façon pertinente, il est observé par SRR que dès le matin du 12 septembre 2013, le rapporteur de l'Autorité de la Concurrence avait pu avoir un contact téléphonique direct avec le JLD pour lui demander d'autoriser des opérations de visite et de saisie a une autre adresse que celles visées dans l'ordonnance initiale et que, dans les mêmes conditions, le conseil de SRR devait pouvoir joindre le JLD, sans passer par un OPJ,

Que l'appelante ajoute que si le conseil de SRR a tenté de saisir le JLD, c'est parce que les représentants de l'Autorité avaient refusé de faire droit à sa demande tendant à empêcher la saisie de documents couverts par le secret professionnel,

Attendu qu'il ressort du fax susvisé que vainement SRR a : " proposé à Monsieur Binet, notamment par une recherche par mots-clés, d'extraire lesdites correspondances et pièces avant qu'elles ne soient saisies, ce qui nous a été refusé. Monsieur Binet a, par ailleurs, refusé que nos demandes soient actées au procès-verbal ou dans tout autre document annexe ".

Que si cette affirmation n' est pas attestée par des éléments de preuve, le fait que le conseil de SRR ait pris la peine de se déplacer à 18 H15 au Tribunal de grande instance de Saint-Denis pour y rencontrer le JLD la rend très plausible, qu'en l'occurrence, il est suffisamment établi par la pièce produite que le JLD, joint par un magistrat du parquet, a refusé de connaître en temps utile de la difficulté que Maître Girard voulait lui soumettre, l'invitant à se présenter à une heure à laquelle les opérations de visite et de saisie seraient nécessairement terminées, étant observé que la mission de contrôle du JLD prend fin lors de la remise de la copie du procès-verbal et de l'inventaire à l'occupant des lieux ou son représentant,

Qu'à 18h15, heure à laquelle Maître Girard s'est présenté au TGI, les opérations étaient loin d'être achevées, qu'elles se sont terminées à 00h25,

Qu'à bon droit, la société SRR affirme qu'elle n'a pas bénéficié de façon effective de la garantie fondamentale de ce contrôle de l'exécution de la visite et des saisies par le JLD, alors qu'elle invoquait un incident sérieux relatif à la saisie de correspondances avocat client,

Que dans ces conditions, il convient d'annuler la totalité des saisies effectuées, et d'ordonner la restitution des pièces saisies,

Attendu qu'outre ses demandes d'annulation, SRR entend qu'il soit fait injonction à monsieur Laurent Binet de cesser d'instruire les procédures visant SRR encore " pendantes devant l'autorité de la concurrence ", au motif que Monsieur Laurent Binet, a pu, pendant des mois, consulter des documents dont la saisie est nulle, qu'il existe un doute légitime quant à l'impartialité de ce dernier, mais attendu que cette demande concerne la phase de l'instruction qui ne relève pas de la compétence du premier président de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, mais de celle de l'Autorité de la concurrence puis de la Cour d'appel de Paris, qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président, saisi dans les conditions et limites de l'article L. 450-4 du Code de commerce et dont la sphère d'intervention se limite aux opérations de saisie, d'interférer a priori dans l'exploitation faite des documents régulièrement saisis, ni de donner quelque injonction que ce soit à l'Autorité de la concurrence quant aux modalités d'instruction du dossier,

Que cette demande sera rejetée,

Que les autres demandes sont sans objet,

Qu'il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société SRR les frais irrépétibles par elle engagés,

Par ces motifs, Annule la totalité des saisies opérées par les rapporteurs des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence dans le cadre de la visite des locaux de la société SRR des 12 et 13 septembre 2013, et ordonne la restitution des pièces saisies, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne l'Autorité de la concurrence aux dépens.