CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 février 2014, n° 10-18285
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Doux Aliments Bretagne (SNC), Doux Aliments Bretagne (SARL), Doux Aliments Cornouaille (SNC), Doux Aliments Vendée (SNC), Valliot (ès qual.), Gautier (ès qual.)
Défendeur :
Ajinomoto Eurolysine (Sté), Ceva Santé Animale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Luc, M. Douvreleur
Avocats :
Mes Belfayol Broquet, Lehman, Regnier, Michot, Hardouin, Fribourg
FAITS ET PROCEDURE
Le groupe Doux, qui comprend notamment les sociétés Doux Aliments Bretagne SARL, Doux Aliments Bretagne SNC, Doux Aliments Cornouaille et Doux Aliments Vendée (les sociétés Doux) a conclu avec plusieurs centaines d'éleveurs de poulets des contrats d'élevage à façon de volailles aux termes desquels il leur fournit les aliments destinés à celles-ci.
La lysine synthétique est utilisée comme additif dans un certain nombre d'aliments destinés aux volailles soit qu'ils ne contiennent pas ou pas suffisamment de lysine naturelle, les aliments auxquels la lysine est ajoutée pouvant aussi se substituer aux aliments qui en contiennent suffisamment à l'état naturel.
De 1991 à 1995, les quatre sociétés du groupe Doux ont procédé à des achats de lysine auprès de la société Eurolysine, devenue la société Ajinomoto Eurolysine, par l'entremise de son distributeur exclusif, la société Sanovi Santé Nutrition Animale devenue la société Ceva Santé Animale.
Par décision du 7 juin 2000 (2001-418-CE), la Commission européenne s'est prononcée sur une procédure ouverte le 28 octobre 1998 relativement aux " accords sur les prix, les volumes et l'échange d'information sur les volumes de ventes d'entreprises produisant et commercialisant auprès des distributeurs et/ou d'utilisateurs industriels dans l'Espace économique européen de la lysine destinée à être utilisée dans les aliments pour animaux " ; la Commission a retenu que plusieurs entreprises, dont la société Ajinomoto Eurolysine, de juillet 1990 à juin 1995, avaient enfreint les dispositions de l'article 81 §1 du traité CE (devenu l'article 101 du TFUE), en participant à des accords sur les prix, sur les volumes de vente et d'échange d'informations individuelles, et sur les volumes de ventes de lysine synthétique et a notamment considéré, d'une part, que l'infraction en cause avait eu pour effet de faire monter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint autrement et de restreindre le volume des ventes, d'autre part que la société Ajinomoto Eurolysine qui était alors le leader sur ce marché a eu un rôle de "chef de file dans la coordination",
La société Ajinomoto Eurolysine a été condamnée à une amende de 28 300 000 pour ces faits sur la période de juillet 1990 au 27 juin 1995.
Les sociétés Doux se plaignant du fait que l'entente sanctionnée a eu pour effet d'augmenter le prix de vente de la lysine aux producteurs de volailles entraînant pour elles une perte de marge et de compétitivité ont fait assigner les sociétés Ajinomoto Eurolysine (AE) et Ceva afin d'obtenir réparation de leur préjudice. Par un jugement en date du 29 mai 2007, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit recevables mais mal fondées, la société Doux Aliments Bretagne SARL, la société Doux Aliments Vendée, la société Doux Aliments Cornouaille et la société Doux Aliments Bretagne SNC, en leur action à l'encontre de la société Ceva Santé Animale et la société Ajinomoto Eurolysine,
- mis hors de cause la société Ceva Santé Animale,
- débouté la SARL Doux Aliments Bretagne, la société Doux Aliments Vendée, la société Doux Aliments Cornouaille et la SNC Doux Aliments Bretagne de leurs demandes,
- condamné solidairement la SARL Doux Aliments Bretagne, la société Doux Aliments Vendée, la société Doux Aliments Cornouaille et la SNC Doux Aliments Bretagne à payer à la société Ceva Santé Animale la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par un arrêt en date du 10 juin 2009, la Cour d'appel de Paris a :
- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la SNC Doux Aliments Bretagne, la SARL Doux Aliments Bretagne, la société Doux Aliments Vendée et la société Doux Aliments Cornouaille de leurs demandes à l'encontre de la société Ajinomoto Eurolysine ;
- confirmé celui-ci pour le surplus ;
- condamné la société Ajinomoto Eurolysine à payer, à titre de dommages et intérêts, à la SNC Doux Aliments Bretagne la somme de 56 000 euros, à la SARL Doux Aliments Bretagne celle de 177 000, à la société Doux Aliments Vendée celle de 105 000, et à la société Doux Aliments Cornouaille celle de 42 000 ;
- condamné la société Ajinomoto Eurolysine à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à chacune des sociétés Doux Aliments Bretagne SNC, Doux Aliments Bretagne SARL, Doux Aliments Vendée et Doux Aliments Cornouaille la somme de 6 000 euros ;
- condamné solidairement la SNC Doux Aliments Bretagne, la SARL Doux Aliments Bretagne, la société Doux Aliments Vendée et la société Doux Aliments Cornouaille à payer à la société Ceva Santé Animale la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Par arrêt en date du 15 juin 2010, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ;
- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé celles-ci devant la cour d'appel, autrement composée ;
- vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejeté la demande ;
aux motifs que la cour d'appel a :
- privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, en ne recherchant pas si les sociétés Doux avaient, en tout ou partie, répercuté sur leurs clients les surcoûts résultant de l'infraction commise par la société AE, de sorte que l'allocation de dommages-intérêts aurait pu entraîner leur enrichissement sans cause ;
- violé l'article 16 du Code de procédure civile en relevant d'office un moyen tiré de la perte d'une chance, sans inviter les parties à présenter leurs observations, alors que les sociétés Doux invoquaient un excédent de facturation.
Vu la déclaration de saisine sur renvoi après cassation en date du 21 juillet 2010,
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 juillet 2012 par lesquelles la société en nom collectif Doux Aliments Bretagne, la société à responsabilité limitée Doux Aliments Bretagne, la société Doux Aliments Vendée et la société Doux Aliments Cornouaille demandent à la cour de :
- donner acte à Me Sophie Gautier et à la SCP Valliot-Le Guerneve-Abitbol, prise en la personne de Me Régis Valliot leur intervention volontaire ès qualités d'administrateurs judiciaires des sociétés Doux Aliments Bretagne SARL, Doux Aliments Vendée, Doux Aliments Cornouaille et Doux Aliments Bretagne SNC ;
- constater la reprise de l'instance initiée devant cette cour sous le numéro de répertoire général 10-18285 ;
- recevoir les sociétés Doux Aliments Bretagne SARL, Doux Aliments Vendée, Doux Aliments Cornouaille et Doux Aliments Bretagne SNC en leur appel les y déclarant bien fondées ;
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
A titre principal :
- poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :
"Le fait d'exiger que la victime d'une entente sur les prix ne puisse obtenir réparation du préjudice qui en découle que si elle prouve qu'elle n'a pas répercuté le surcoût illégal sur le consommateur ne rend-il pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits qui lui sont conférés par l'ordre juridique communautaire ?"
A titre subsidiaire :
- dire et juger que la charge de la preuve de la prétendue répercussion des surcoûts illégaux sur le consommateur final invoquée comme moyen de défense par les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale incombe à ces dernières ;
- dire et juger que les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale échouent à établir cette preuve ;
En conséquence :
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale à verser à titre de dommages et intérêts pour excédent de facturation :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 590 358 euros ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 347 667 euros ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 139 126 euros ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 187 0169 euros ;
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale à verser en raison du retard dans le paiement :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 295 269 euros ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 173 833,50 euros ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 69 563 euros ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 93 508 euros.
A titre très subsidiaire :
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale à verser au titre de la perte de chance :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 413 376,60 euros ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 243 366,90 euros ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 97 388,20 euros ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 130 091,12 euros.
A titre très très subsidiaire :
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale à restituer leur excédent de facturation, soit :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 590 358 euros HT ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 347 667 euros HT ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 139 126 euros HT ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 187 016 euros HT ;
- dire et juger qu'au regard de la mauvaise foi des sociétés intimées, lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 1995, lesquels intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;
A titre infiniment subsidiaire :
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :
. se faire communiquer tout document utile relatif à l'acquisition de la lysine par les sociétés du groupe Doux auprès de la société Ceva Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine ;
. prendre connaissance des éléments de comptabilité et de l'environnement économique des sociétés du groupe Doux, tant en amont qu'en aval de leur production d'aliments ;
. chiffrer le préjudice subi par les sociétés du groupe Doux du fait de la surfacturation du prix de la lysine, notamment en terme de perte de bénéfice ;
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé Animale à verser à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 250 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 100 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 50 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 100 000 euros.
En tout état de cause :
- condamner solidairement les sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé animale à verser en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :
. à la société Doux Aliments Bretagne SARL : 48 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Vendée SNC : 10 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Cornouaille SNC : 7 000 euros ;
. à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 10 000 euros.
Les appelantes soutiennent que l'entente litigieuse sur les prix constitue une violation de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et donc une faute au sens de l'article 1382 du Code civil responsabilité engageant la responsabilité des sociétés Ajinomoto Eurolysine et Ceva Santé animale.
Elles font valoir que les présomptions ou règles de preuve visant à rejeter sur la victime la charge d'établir que les préjudices subis du fait des agissements anticoncurrentiels n'ont pas été répercutés sur des tiers, sont contraires au droit de l'Union européenne et demandent à la cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle.
Elles exposent que la répercussion des surcoûts illicites n'est pas une pratique habituelle et normale et affirment qu'un opérateur économique ne peut modifier son prix à chaque fois que le coût d'un élément de production est modifié, la fixation du prix dépendant de la conjonction d'une multitude de facteurs économiques et non de la seule hausse du coût d'un élément de production.
Elles produisent le rapport d'un expert, M. Mouchet, qui, sur l'ensemble de la période s'étendant de juillet 1990 à juin 1995, a déterminé que le montant de l'excédent de facturation à une somme comprise entre 900 593 euros et 1 100 725 euros HT, ce qui correspond à 30 % du prix qu'elles ont payé.
A titre subsidiaire, elles font valoir que, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une répercussion totale du surcoût, leur préjudice résulterait d'un manque de compétitivité qui doit s'analyser en une perte de chance qu'il est raisonnable de fixer à 70 % des sommes réclamées à titre principal.
Elles affirment à titre très subsidiaire, pouvoir agir en répétition des sommes indument perçues par Ajinomoto et Ceva. Les appelantes soutiennent, s'agissant de la recevabilité, que la seule preuve qui incombe au "solvens" est celle du caractère indu du paiement. Elles font en outre valoir que le "sur-prix" fixé par la société Ajinomoto a bien été perçu par cette dernière via son distributeur exclusif, la société Ceva.
A titre infiniment subsidiaire, les appelantes sollicitent une expertise judiciaire, compte tenu de l'ancienneté des faits et de la difficulté probatoire inhérente à une action indemnitaire fondée sur une entente sur les prix.
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2013 par lesquelles la société Ajinomoto Eurolysine demande à la cour de :
A titre principal
- débouter les sociétés Doux de leur demande de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne afin de renvoi d'une question préjudicielle,
- débouter les sociétés Doux de leurs demandes fondées sur l'article 1382 du Code civil,
- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Doux fondées sur l'article 1376 du Code civil,
- En tout état de cause, les en débouter.
- débouter les sociétés Doux de leur demande d'expertise judiciaire et de condamnation au versement d'une provision ;
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du le Tribunal de commerce de Paris du 29 mai 2007.
A titre subsidiaire
- Si la cour devait considérer que la charge de la preuve de la répercussion des surcoûts prétendument subis par les sociétés Doux pèse sur la société Ajinomoto Eurolysine, enjoindre aux sociétés Doux de communiquer à la société Ajinomoto Eurolysine l'ensemble des documents contractuels, comptables et financiers lui permettant d'établir les conditions dans lesquelles les sociétés Doux achètent et revendent leurs poulets, nourris avec les aliments qu'elles ont fabriqués et fournis aux éleveurs.
En tout état de cause,
- condamner les sociétés Doux à verser à la société Ajinomoto Eurolysine la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée soutient que les appelantes ne démontrent ni l'existence du préjudice qu'elles allèguent, ni l'éventuel lien de causalité entre ce préjudice et les pratiques sanctionnées par la Commission européenne.
A l'appui de ces affirmations, l'intimée, qui fournit un rapport de M. Spector critiquant le rapport de M. Mouchet, indique que les appelantes ne démontrent aucun impact des pratiques anticoncurrentielles en cause sur leurs achats de lysine, et ne fournissent aucun élément sérieux quant au quantum du préjudice allégué.
Elle ajoute que les appelantes ne sauraient non plus se prévaloir d'une distorsion de concurrence ou d'une perte de compétitivité de leurs produits, alors même que les pratiques sanctionnées par la Commission ont été le fait de l'ensemble des producteurs de lysine sur l'ensemble du marché, et donc sur l'ensemble des concurrents des appelantes.
L'intimée insiste sur le fait que les appelantes ne donnent aucune explication sur la manière dont elles ont pu refacturer à leurs clients tout ou partie du surcoût qu'elles prétendent avoir supporté.
En ce qui concerne la question préjudicielle, l'intimée fait valoir que l'analyse des appelantes repose sur une interprétation erronée du droit communautaire, qui laisse aux Etats membres le soin de se prononcer sur la question de la responsabilité.
Elle soutient par ailleurs que l'action en répétition de l'indu ne peut être exercée qu'à l'encontre de celui qui a reçu un paiement indu. L'intimée indiquant n'avoir jamais eu de relation contractuelle avec les sociétés Doux et n'avoir jamais reçu aucun paiement de leur part, fait valoir que ces dernières n'ont aucun intérêt à agir à son encontre sur ce fondement.
L'intimée soutient enfin que les appelantes n'ayant pas établi le principe même de leur préjudice, ni l'existence d'un lien de causalité entre les pratiques incriminées par la décision et ledit préjudice, une expertise ne saurait être ordonnée.
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2013 par lesquelles la société Ceva Santé Animale demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action engagée par les sociétés du groupe Doux à l'encontre de la société Ceva Santé Animale, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 juin 2009 étant devenu irrévocable à son égard.
Subsidiairement,
- déclarer mal fondées les sociétés du groupe Doux en leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Ceva Santé Animale.
- condamner les sociétés du groupe Doux à régler la somme de 7 500 euros à la société Ceva Santé Animale sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée soutient que la cassation prononcée le 15 juin 2010 ne concerne que les rapports entre la société Ajinomoto Eurolysine et les sociétés du groupe Doux. Elle fait valoir que les appelantes sont désormais irrecevables à la mettre en cause, en vertu de l'autorité de la chose jugée.
L'intimée insiste enfin sur le fait qu'elle a été attraite à la procédure à des fins probatoires, bien qu'elle soit étrangère à l'objet du litige et que rien ne prouve la mauvaise foi ou le comportement déloyal dont les appelantes l'affligent.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile
MOTIFS
Considérant que l'arrêt de cassation retient, d'une part, que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, en ne recherchant pas si les sociétés Doux avaient, en tout ou partie, répercuté sur leurs clients les surcoûts résultant de l'infraction commise par la société AE, de sorte que l'allocation de dommages-intérêts aurait pu entraîner leur enrichissement sans cause, d'autre part, a violé l'article 16 du Code de procédure civile en relevant d'office un moyen tiré de la perte d'une chance, sans inviter les parties à présenter leurs observations, alors que les sociétés Doux invoquaient un excédent de facturation.
Sur la répercussion des surcoûts
Sur la demande des sociétés Doux tendant à poser une question préjudicielle :
Considérant que les sociétés Doux font valoir que les présomptions ou règles de preuve visant à rejeter sur la victime la charge d'établir que les préjudices subis du fait des agissements anticoncurrentiels n'ont pas été répercutés sur des tiers, sont contraires au principe d'effectivité du droit communautaire de la concurrence et à celui d'équivalence ; qu'elles demandent en conséquence à la cour, sur ce point, de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :
"Le fait d'exiger que la victime d'une entente sur les prix ne puisse obtenir réparation du préjudice qui en découle que si elle prouve qu'elle n'a pas répercuté le surcoût illégal sur le consommateur ne rend-il pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits qui lui sont conférés par l'ordre juridique communautaire ?".
Considérant que la société Ajinomoto Eurolysine fait valoir les sociétés Doux tentent ainsi de s'exonérer des exigences du droit français alors que la solution du litige ne dépend pas d'une interprétation du droit communautaire, la Cour de cassation s'étant déjà prononcée à deux reprises, l'une dans la présente affaire, l'autre dans un autre dossier en tous points similaire.
Considérant que la Cour de justice a jugé dans un arrêt de principe du 14 décembre 1995 concernant le principe d'effectivité que "la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire doit être analysée en tenant compte de la place de la disposition dans l'ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s'il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité publique et le bon déroulement de la procédure".
Considérant que dans son arrêt du 15 juin 2010, la Cour de cassation confirme que sur le fondement de l'article 1382 du Code civil les victimes d'une entente sur les prix sont bien fondées à obtenir réparation du préjudice subi du fait du surcoût qui leur a été imposé, reprochant à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si les sociétés Doux avaient, en tout ou partie, répercuté sur leurs clients les surcoûts résultant de l'infraction commise par la société AE, de sorte que l'allocation de dommages-intérêts aurait pu entraîner leur enrichissement sans cause.
Considérant que dans son arrêt du 15 mai 2012, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt d'appel qui avait débouté une victime de l'entente commise par la société Ajinomoto Eurolysine de son action indemnitaire au motif que " la preuve du préjudice incombe à la partie qui l'invoque ; que l'arrêt après avoir relevé que la répercussion des coûts est la pratique commerciale habituelle et normale, retient que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral ne démontrent pas qu'elles n'avaient pas pu répercuter les effets de la hausse des prix de la Lysine sur leurs clients; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle déduit que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral n'établissent pas avoir subi de préjudice résultant des surcoûts de la lysine provoqué par l'entente, la cour d'appel qui n'a pas inversé la charge de la preuve... "
Considérant qu'en matière d'actions en dommages et intérêts du fait de pratiques anticoncurrentielles, la Cour de justice a précisé que le principe d'équivalence implique que les règles et procédures nationales pour l'indemnisation d'infractions aux articles 101 et 102 du TFUE soient équivalentes à celles appliquées à l'indemnisation de pratiques sanctionnées par les dispositions nationales de chaque Etat membre.
Considérant que le considérant n° 3 de la proposition de directive de la Commission européenne qui définit les principes d'effectivité et d'équivalence précise que "Les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d'infractions aux articles101 et 102 du traité ne sont pas moins favorables aux parties lésées que celles régissant les actions nationales similaires".
Considérant que l'arrêt de cassation ne se prononce pas sur l'application des principes d'efficacité et d'équivalence; qu'il reproche à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si les conditions de l'article 1382 du Code civil étaient applicables.
Considérant qu'il s'ensuit que n'est pas remise en cause l'application du droit de la responsabilité résultant de l'article 1382 du Code civil qui permet à une victime d'obtenir réparation de son préjudice ; que l'article 1382 suppose la démonstration d'une faute de la société Ajinomoto Eurolysine, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et leur dommage.
Considérant que l'article 1382 n'établit aucune distinction entre les actions fondées sur des pratiques contrevenant aux articles 101 ou 102 du TFUE ou sur celles violant les articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce.
Considérant que l'existence d'une faute de la société Ajinomoto Eurolysine résulte de la condamnation prononcée à son encontre le 7 juin 2000 par la Commission des Communautés européennes et qui a été confirmée par la décision du Tribunal de première instance du 9 juillet 2003 ; que la Commission a considéré que celle-ci avait été l'instigatrice de l'entente mise en place avec les autres producteurs de Lysine et que la durée de l'infraction d'entente dont elle s'était rendue coupable a été " au moins à partir de juillet 1990 et jusqu'en juin 1995.
Considérant que, s'agissant du préjudice, il résulte des arrêts de cassation précités que, si la preuve incombe au demandeur, celle-ci peut être rapportée par la démonstration que la hausse abusive n'a pas été reportée sur le prix ou que cette répercussion ne pouvait être faite ; qu'ainsi la preuve exigée des sociétés Doux n'est ni impossible, ni excessivement difficile.
Considérant en conséquence que les conditions d'équivalence et d'effectivité sont parfaitement remplies et qu'il y a lieu de rejeter la demande des sociétés Doux tendant à poser une question préjudicielle.
Sur la démonstration de leur préjudice par les sociétés Doux
Considérant que les sociétés Doux exposent que la répercussion des surcoûts illicites n'est pas une pratique habituelle et normale dans la mesure où un opérateur économique ne peut modifier son prix à chaque fois que le coût d'un élément de production est modifié, la fixation du prix dépendant de la conjonction d'une multitude de facteurs économiques et non de la seule hausse du coût d'un élément de production.
Considérant que les sociétés Doux exercent une activité agricole d'élevage de poulets qui sont destinés notamment à être distribués par les grandes surfaces ; que ce secteur est soumis à une forte concurrence en provenance des pays émergents de sorte que, si les prix tiennent compte des coûts qui résultent en partie des prix pratiqués par les fournisseurs de produits destinés à la nourriture des poulets, d'autres facteurs interviennent également, notamment la demande et la concurrence ; qu'il ne s'agit en effet pas pour les sociétés Doux de déterminer le bon et juste prix mais le prix de marché leur permettant d'écouler leurs produits en conservant une marge.
Considérant que les sociétés Doux produisent une étude de marché qui montre que la grande distribution a représenté plus de 80 % des achats de volailles des ménages en 2008, que celle-ci bloque l'augmentation des tarifs et qui constate que le groupe Doux, trop dépendant, souffre de la faiblesse de ses marges ; Considérant que, de plus la lysine qui n'était qu'un des éléments de la nourriture des poulets, représentait 1 % du coût global, de sorte qu'elle ne constituait pas un élément substantiel du prix qui aurait pu constituer un argument des sociétés Doux pour obtenir une modification des prix ; que la fixation du prix dépend de nombreux facteurs dont l'attente du consommateur, la concurrence avec d'autres produits carnés, la concurrence internationale, le rapport de force avec la grande distribution et les subventions européennes; que dans ces conditions la hausse d'un produit marginal n'était pas de nature à entrainer une révision automatique et mathématique du prix pratiqué par les sociétés du groupe Doux auprès des distributeurs; que, dans ces circonstances, les sociétés du groupe Doux ne pouvaient imposer à leur distributeur une augmentation de leurs prix, alors même qu'elles n'étaient pas en mesure de le justifier par une variation à la hausse d'un élément essentiel de celui-ci.
Sur le préjudice
Considérant que les sociétés Doux produisent les rapports de M. Mouchet, professeur à l'Ecole nationale supérieure agronomique de Rennes et expert près la Cour d'appel de Rennes, qui conclut à un excédent de facturation résultant de l'entente, à hauteur de 1 055 696 pour la période de 1991 à 1995.
Considérant que la société Ajinomoto Eurolysine conteste ce rapport, produisant un rapport du professeur Spector, qui conteste la méthodologie adoptée par M. Mouchet comme ne permettant pas d'évaluer le préjudice des sociétés Doux et qui fait état d'erreurs contenues dans celui-ci.
Considérant que la société Ajinomoto Eurolysine fait grief à M. Mouchet d'avoir précisé qu'à l'époque des faits, la société Eurolysine était le seul fournisseur de lysine industrielle dans l'Espace économique européen alors que tous les groupes sanctionnés par la Décision distribuaient de la lysine en Europe et en particulier en France ; que ce point est sans incidence dans la mesure où la société Ajinomoto Eurolysine, par l'intermédiaire de son distributeur, la société Ceva, était le distributeur des sociétés Doux et qu'elle était au demeurant le seul fabricant en Europe comme l'a retenu la Commission.
Que la société Ajinomoto Eurolysine fait état d'erreurs en ce que ce rapport comporte un tableau intitulé "Evaluation du préjudice dans l'hypothèse d'un prix de base théorique de 3,125DM/kg" alors qu'il utilise les coefficients de surfacturation qu'il a calculés dans le tableau 1 sur la base d'un prix de référence de 2,90DM/kg ; qu'il convient d'observer que le rapport explique comment ont été calculés ces deux chiffres, le montant de 3,125DM/kg étant une moyenne des prix les plus bas réalisée sur la période de juillet à décembre 1992 alors que celui de 2,90 porte sur la moyenne des prix les plus bas de l'année 1992, retenant des prix constatés en juin, juillet, août et septembre ; qu'il conclut qu'il est plus pertinent de ne pas retenir le chiffre extrême de 2,90DM; que dès lors il n'y a aucune erreur quant aux mentions dans le rapport de ces deux chiffres.
Qu'en conséquence, aucun de ces éléments n'est de nature à conduire la cour à écarter ce rapport.
Considérant que, si la société Ajinomoto Eurolysine produit pour sa part un rapport de M. Spector qui fait observer que "l'entente alléguée n'a eu aucun impact statistiquement identifiable sur les prix de la lysine payés", il convient de noter que la Commission a relevé dans sa décision que le début de l'entente se situait en 1990, constatant qu'à compter de juin 1990 et jusqu'en juin 1992, date à laquelle ADM a rejoint l'entente, la société Ajinomoto Eurolysine a conclu avec ses concurrents en neuf occasions distinctes, des accords sur les prix de la lysine et le volume des ventes et qu'elle avait tenu le rôle de leader dans le déroulement de cette politique d'entente mise en œuvre jusqu'en 1995.
Que la Commission a indiqué dans sa décision que "Au cours de la réunion avec Ajinomoto le 5 novembre 1992, Cheil a considéré que la hausse de la lysine était un véritable succès. Le 26 février 1993 Ajinomoto Eurolysine, Kyowa, Sewon et Cheil ont noté que le prix européen se maintenait parce que Ajinomoto Eurolysine et Sewon limitaient leur volume de vente. Le 28 avril 1993, ADM et Eurolysine s'accordent à penser que la hausse des prix en Europe était l'effet de l'accord de prix conclu à Mexico (23 juin 1992) et que l'Europe était la seule région où cet accord avait été intégralement mis en œuvre".
Que le rapport de M. Spector, produit par la société Ajinomoto Eurolysine, a procédé à une analyse econométrique du prix de la lysine achetée par les sociétés ayant engagé des poursuites ; que cette analyse mathématique ne prend pas en compte les constatations de la Commission et ses conclusions, dont il résulte que pendant plusieurs années la société Ajinomoto Eurolysine a été à l'initiative d'une entente qui a eu un impact sur les prix de la lysine, soit en agissant sur les volumes ce qui avait nécessairement une incidence sur le prix, soit en agissant directement au niveau des prix pratiqués ; que, dès lors la société Ajinomoto Eurolysine ne saurait soutenir que l'entente qu'elle a initiée et dont elle a assuré la pérennité pendant plusieurs années n'a pas eu d'impact économique et qu'elle n'en a pas tiré profit au détriment de ses clients en empêchant le libre jeu de la concurrence, quand bien même une analyse purement mathématique ne permet pas d'en déceler tous les effets.
Considérant que la Commission a retenu que "aux alentours de mars 1991, l'entrée d'ADM sur ce marché a entrainé une pression à la baisse importante des prix. En conséquence, au cours de l'été 1992, le prix de la lysine avait chuté d'environ 50 % par rapport au début de 1991. Les initiatives de prix mises en œuvre par les entreprises concernées dans la seconde moitié de 1992 se sont traduites en l'espace de six mois par une remontée substantielle de prix de la lysine en Europe, ramenés à environ 80 % de ce qui était leur prix au début de 1991".
Considérant que M. Mouchet a, sur la base des chiffres et données collectées par la Commission dans sa décision du 7 juin 2000, lesquels ne sauraient être contestés, procédé à une analyse minutieuse des prix de la lysine au cours de l'année 1992 pour parvenir à un prix théorique de 3,125DM/kg ; que le fait que le prix de la lysine était volatil et que, après la fin des agissements d'entente incriminés, celui-ci ait pu fluctuer tant à la hausse qu'à la baisse dans des proportions très importantes, est inopérant dans la mesure où la Commission a sanctionné une entente qui "a eu pour effet de faire monter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint autrement"; qu'en conséquence les prix à prendre en considération ne sauraient être ceux postérieurs à l'époque de l'entente mise en place ; que la société Ajinomoto Eurolysine a d'ailleurs participé à la volatilité dont elle excipe en ce qu'elle a mis en œuvre une entente qui a porté à la fois sur les volumes mis sur le marché et sur les prix et ne peut sans mauvaise foi arguer de celle-ci pour contester le préjudice des sociétés Doux.
Considérant que M. Mouchet, dans une réponse au rapport de M. Spector, explique avoir pris en compte les seules indications non contestables à savoir les conclusions de la Commission dans sa Décision, considérant qu'il s'agit de la seule solution fiable même si elle reste imprécise ; qu'il ne conteste pas les conclusions du rapport Spector, qui affirme que les facteurs de variation de prix de la lysine sont divers de sorte que les stratégies d'entente entre firmes n'expliquent pas à elles seules la variation inter annuelle et intra annuelle de ce produit ; que M. Mouchet indique avoir pris en considération ces autres facteurs dans ses calculs, tels que la Politique Agricole Commune qui a pu amener une augmentation de la demande de lysine, le prix des céréales qui évolue de façon cyclique chaque année et la demande en tourteaux de soja qui peut dépendre de conditions climatiques ; qu'il précise avoir tenu compte de ces autres sources de variation pour procéder à ses calculs sur les données mensuelles moyennes fournies par la Commission et déterminer ainsi la part résultant de l'entente ; que, s'il ne conteste pas que la méthode qu'il a suivie peut comporter des imprécisions, il n'en demeure pas moins que celle-ci s'appuie sur des données incontestables qui sont les constations de la Commission et donc sur les prix effectivement pratiqués par la société Ajinomoto Eurolysine et leur fluctuation et qu'il a, par une analyse circonstanciée et minutieuse, chiffré un coefficient de majoration résultant de la politique d'entente mise en œuvre.
Considérant qu'au vu des constatations de la Commission M. Mouchet a ainsi, selon des calculs pertinents, retenu des coefficients de surfacturation et évalué celle-ci selon le tableau suivant :
<Emplacement tableau>
Considérant qu'il résulte de cette analyse que les sociétés Doux ont subi l'impact de ces coefficients de surévaluation sur les coûts qui leur ont été facturés.
Considérant qu'il résulte de ces éléments que, par cette entente sanctionnée par la Commission, la société Ajinomoto Eurolysine a mis en œuvre une politique déloyale à la fois sur les volumes mis sur le marché et sur les prix, créant des surcoûts pour les sociétés Doux ; qu'il y a lieu de leur allouer à titre de dommages et intérêts 30 % des sommes versées soit :
à la société Doux Aliments Bretagne SARL: 590 538
à la société Doux Aliments Vendée SNC: 347 667
à la société Doux Aliments Cornouailles SNC: 139 126
à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 187 016
Considérant que les sociétés Doux ont ainsi dû mobiliser leur trésorerie pour faire face à ces surcoûts et ont ainsi subi de ce fait un préjudice particulier à la mesure de ceux-ci et de l'ancienneté des dépenses effectuées, sans qu'il y ait lieu de rechercher un impact en résultant sur leur bénéfice ; qu'il y a lieu de les indemniser de ce préjudice en leur allouant à ce titre les sommes suivantes :
à la société Doux Aliments Bretagne SARL: 118 000
à la société Doux Aliments Vendée SNC: 68 000
à la société Doux Aliments Cornouailles SNC: 26 000
à la société Doux Aliments Bretagne SNC: 136 000
Sur la mise en cause de la société Ceva Santé Animale
Considérant que la société Ceva Santé Animale soutient que la cassation prononcée le 15 juin 2010 ne concerne que les rapports entre la société Ajinomoto Eurolysine et les sociétés du groupe Doux et que les appelantes sont désormais irrecevables à la mettre en cause, en vertu de l'autorité de la chose jugée; qu'en outre elle fait valoir qu'elle a été attraite à la procédure à des fins probatoires, bien qu'elle soit étrangère à l'objet du litige et que rien ne prouve une quelconque mauvaise foi ou un comportement déloyal de sa part.
Considérant que l'arrêt de la cour d'appel du 10 juin 2009 a confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il avait mis hors de cause la société Ceva Santé Animale.
Considérant que la société Ajinomoto Eurolysine, qui a formé le pourvoi en cassation, s'est désistée de celui-ci à l'encontre de la société Ceva Santé Animale de sorte que la cassation ne concernait plus que les rapports entre les sociétés Ajinomoto Eurolysine et les sociétés du groupe Doux ; que, par conséquent la décision de mise hors de cause la société Ceva Santé Animale est définitive ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner les moyens soulevés par les sociétés Doux à son encontre.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que les sociétés Aliments Bretagne SARL , Doux Aliments Vendée SNC, Doux Aliments Cornouailles SNC et Doux Aliments Bretagne SNC ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Donne Acte à Me Sophie Gautier et à la SCP Valliot-Le Guerneve-Abitbol, prise en la personne de Me Régis Valliot leur intervention volontaire es qualité d'administrateurs judiciaires des sociétés Doux Aliments Bretagne SARL, Doux Aliments Vendée, Doux Aliments Cornouaille et Doux Aliments Bretagne SNC Declare irrecevable l'action engagée par les sociétés du groupe Doux à l'encontre de la société Ceva Santé Animale, l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 10 juin 2009 étant devenu irrévocable à son égard. Deboute les sociétés Doux de leur demande tendant à la saisine de la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle Infirme le jugement entrepris Condamne la société Ajinomoto Eurolysine à payer à titre de dommages et intérêts pour excédent de facturation les sommes suivantes à la société Doux Aliments Bretagne SARL: 590 538 à la société Doux Aliments Vendée SNC: 347 667 à la société Doux Aliments Cornouailles SNC: 139 126 à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 187 016 Condamne la société Ajinomoto Eurolysine à payer à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique résultant de la mobilisation de sa trésorerie les sommes suivantes : à la société Doux Aliments Bretagne SARL: 118 000 à la société Doux Aliments Vendée SNC: 68 000 à la société Doux Aliments Cornouailles SNC: 26 000 à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 136 000 Condamne la société Ajinomoto Eurolysine à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile les sommes suivantes à la société Doux Aliments Bretagne SARL: 20 000 à la société Doux Aliments Vendée SNC: 10 000 à la société Doux Aliments Cornouailles SNC: 7 000 à la société Doux Aliments Bretagne SNC : 10 000 Condamne la société Ajinomoto Eurolysine aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.