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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 20 février 2014, n° 12-02485

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Roumezi

Défendeur :

Wenko France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Levaique, Polski, Boulan

T. com. Marseille, du 25 janv. 2012

25 janvier 2012

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 18 juin 2007, la société Wenko, qui a pour activité la distribution de produits de salle de bain, de cuisine et de ménage, a conclu avec M. Roumezi un contrat d'agent commercial exclusif, débutant rétroactivement le 1er novembre 2006 pour certains départements du sud-est.

Le 27 juillet 2010, la société Wenko a adressé à ses agents un avenant portant modification du système de commissionnement que M. Roumezi a refusé de signer.

Des divergences étant apparues entre la société Wenko et M. Roumezi, celui-ci, par courrier du 10 janvier 2011, a résilié son contrat.

Par acte du 28 février 2011, M. Roumezi a fait assigner la société Wenko devant le Tribunal de commerce de Marseille pour obtenir une indemnité provisionnelle au titre des commissions dues, la communication sous astreinte de divers documents, et le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité pour rupture abusive.

Par jugement du 25 janvier 2012, le tribunal a condamné la société Wenko à payer à son ancien agent la somme de 25 000 euros au titre de l'indemnité de rupture de contrat, 5 600 euros à titre d'indemnité de préavis, mais a rejeté sa demande en paiement de commissions et de communication de pièces.

La société Wenko a relevé appel de cette décision en soutenant que la rupture du contrat est totalement imputable à M. Roumezi qui a refusé de signer l'avenant qui lui aurait procuré une augmentation incontestable de ses gains, et que cette modification était rendue nécessaire pour des modalités pratiques. Elle soutient donc que c'est son agent qui a résilié abusivement le contrat en suspendant unilatéralement son activité, sans respecter le moindre préavis et que par conséquent, il ne peut prétendre au paiement d'indemnités.

La société appelante indique que M. Roumezi n'a jamais contesté les chiffres qui lui étaient adressés tous les mois après vérification de son expert-comptable et que ces documents "constituent un élément de preuve jusqu'à inscription de faux". Elle précise que les plates-formes des marchés n'ont jamais donné le détail de leurs livraisons en magasin et que toutes les commissions ont été réglées pendant sa période d'activité.

Elle soutient le rejet de la communication de pièces demandées puisque M. Roumezi a reçu un relevé informatique mensuel client par client comportant l'indication précise du chiffre d'affaire du mois.

La société Wenko conclut donc au rejet des demandes présentées par M. Roumezi et sa condamnation à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait qu'il n'a pas respecté le délai de préavis, entraînant ainsi une désorganisation de l'activité de son employeur.

M. Roumezi rétorque que la rupture du contrat résulte de l'attitude de son mandant qui a décidé unilatéralement une modification du système de commissionnement et que cette rupture est imputable à la société Wenko. Il demande donc le paiement d'une somme de 45 000 euros à titre d'indemnité de rupture et celle de 6 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

M. Roumezi soutient qu'au cours du deuxième 2010, la société Wenko a violé l'exclusivité dont il bénéficiait puisqu'il a appris que des magasins avec lesquels il négociait, avaient été approvisionnés directement par sa plate forme et qu'il devait dans ce cas percevoir une commission de 3 % du chiffre d'affaire hors taxe réalisé.

Dès lors, n'ayant pu malgré ses demandes, obtenir communication d'éléments d'information sur le calcul de ses commissions, il sollicite la communication de divers documents comptables sous astreinte.

Il réclame donc une indemnité provisionnelle de 3 500 euros au titre des commissions dues.

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant qu'en juillet 2007, la société Wenko a adressé à ses agents un avenant portant modification du système de commissionnement.

Par courrier du 29 septembre 2010, le mandant expliquait que "l'uniformisation des commissions a été motivée par des obligations évidentes de simplification, il est à votre avantage, ce qu'un simple calcul vous permettrait de vérifier, il porte sur des montants extrêmement réduits, la suppression des commissions plate-forme GSB nous est imposée par les centrales du fait de la concurrence".

Il résulte de l'article L. 134-13 du Code de commerce que seule la faute grave peut priver l'agent de son droit à la réparation prévue à l'article 134-12 du dit code.

Le refus par l'agent de signer un avenant modifiant le contrat initial, et quand bien même il serait démontré qu'il lui serait plus favorable, ne saurait constituer une faute grave le privant de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce.

La société Wenko n'établit pas d'autres comportements fautifs graves de son agent.

Compte tenu des commissions perçues par M. Roumezi et justifiées le tribunal lui a accordé à juste titre la somme de 25 000 euros à titre d'indemnité de rupture.

Du fait de la durée du contrat, l'indemnité de préavis est fixée à la somme de 5 600 euros.

L'article R. 134-3 du Code de commerce permet à l'agent commercial d'exiger de son mandant un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

Il convient donc d'autoriser M. Roumezi à se faire transmettre divers documents suivant les modalités indiquées au dispositif, et ce sous astreinte.

Compte tenu de l'importance des documents, M. Roumezi devra se les faire remettre dans les locaux de son mandant.

L'indemnité de rupture est allouée à titre provisionnel compte tenu de l'autorisation donnée à l'agent de se faire remettre divers documents lui permettant éventuellement de contester le montant de cette indemnité de rupture.

En l'absence d'éléments probants, la demande en paiement d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 3 500 euros au titre de commissions qui seraient impayées est rejetée.

La rupture du contrat d'agence étant imputable à la société Wenko, celle-ci est déboutée de sa demande de dommages et intérêts, étant d'ailleurs précisé qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice.

La société Wenko, déboutée de sa demande présentée au titre l'article 700 du Code de procédure civile, est condamnée à payer sur ce fondement une indemnité de 2 000 euros à M. Roumezi.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la rupture du contrat d'agent commercial imputable à la société Wenko et l'a condamnée à payer à M. Roumezi la somme de 25 000 euros au titre de l'indemnité de rupture de contrat, 5 600 euros à titre d'indemnité de préavis, 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a rejeté les réclamations présentées par la société Wenko et la demande d'une provision de 3 500 euros à valoir sur le paiement de commissions formulée par M. Roumezi, L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, Dit que l'indemnité de rupture est versée à titre provisionnel, Autorise M. Roumezi à prendre connaissance dans les locaux de la société Wenko du grand livre client pour les exercices 2006 à janvier 2011 et des informations portant le détail des ventes réalisées dans le domaine des produits mentionnés dans le contrat de M. Roumezi, au titre de la période considérée, Dit que M. Roumezi, qui pourra se faire accompagner par toute personne de son choix, devra informer 20 jours à l'avance la société Wenko par lettre recommandée avec accusé de réception, du jour et de l'heure auxquels il se rendra dans les locaux, Dit que M. Roumezi est autorisé à prendre copie, à ses frais, par tous procédés, des pièces utiles au calcul de ses commissions, Dit que faute pour la société Wenko de laisser M. Roumezi accéder à la documentation précitée, une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard courra à compter de son refus et pendant un délai de 6 mois, Condamne la société Wenko, à payer à M. Roumezi une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société Wenko aux dépens de première instance et d'appel y compris le droit proportionnel alloué aux huissiers conformément à l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 et recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.