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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 20 février 2014, n° 13-00868

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Art Funéraire Bulferetti Snet (SARL)

Défendeur :

Houpert (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

Mme Guiot-Mlynarczyk, M. Martin

Avocats :

Selarl Leinster Wisniewski Mouton Gérard, Me Tassigny

TI Nancy, du 8 janv. 2013

8 janvier 2013

Suivant devis accepté en date du 18 décembre 2007, M. et Mme Houpert ont chargé la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet de la fourniture et l'installation d'un ensemble plan de travail de cuisine et d'une table en granit Kamir White pour le prix de 3 344,82 euros.

L'ensemble a été installé en mars 2008 et la facture intégralement acquittée. En mars 2009, en raison de défauts affectant le granit, la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet a procédé au remplacement des éléments livrés.

Exposant que le nouveau plan de travail et la table présentent des défauts, semblables aux précédents, imputables à la qualité du granit et se prévalant d'un rapport d'expertise privée qui relève la porosité du matériau permettant l'absorption des graisses et bactéries, M. et Mme Houpert ont assigné, par acte du 11 mai 2012, devant le Tribunal d'instance de Nancy, la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet aux fins de voir prononcer, sur le fondement des articles 1641, 1643 et 1644 du Code civil, la résolution du contrat conclu entre les parties, et l'entendre condamner à lui payer les sommes de 3 344,82 euros en remboursement des factures qu'ils ont acquittées, 2 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse bien que régulièrement citée, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Par jugement en date du 8 janvier 2013, déclaré exécutoire par provision, le tribunal a condamné la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet à payer à M. et Mme Houpert la somme de 3 344,82 euros en remboursement du prix, avec possibilité de reprendre les biens livrés et installés, ainsi que les sommes de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 400 euros du chef des frais irrépétibles.

Suivant déclaration reçue le 25 mars 2013, la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, concluant comme suit :

vu l'article 1648 du Code civil, constater que l'action en garantie des vices cachés était prescrite au jour de l'assignation

déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme Houpert

condamner in solidum M. et Mme Houpert aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante a exposé qu'il résulte des pièces produites par M. et Mme Houpert qu'ils auraient constaté l'existence des défauts dès la pose, puis, après changement des matériaux, en juin 2009 de sorte que l'action introduite par assignation plus de deux ans après cette date, est prescrite ; que les intimés ne peut se prévaloir du remplacement du plan de travail intervenu en 2008 pour soutenir que le délai de prescription aurait été interrompu et qu'aurait ensuite couru un délai de prescription de droit commun ; qu'en tout état de cause, en application de l'article 2231 du Code civil, l'interruption de la prescription fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ; qu'ils ne peuvent pas davantage invoquer l'article 1625 du Code civil et la garantie d'éviction, une telle demande, formée pour la première fois en appel étant irrecevable, et en tout état de cause mal fondée, en l'absence de toute éviction.

La SARL Art Funéraire Bulferetti Snet a ajouté que le rapport d'expertise sur lequel se fondent les demandeurs n'est pas contradictoire et lui est inopposable.

M. et Mme Houpert ont conclu au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription ainsi que de l'ensemble des demandes de l'appelante, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 000 euros du chef des frais irrépétibles.

Ils ont fait valoir en premier lieu que la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet avait été appelée à participer aux opérations d'expertise mais ne s'y est pas présentée.

Ils ont prétendu par ailleurs que la prescription a été interrompue, conformément aux dispositions de l'article 2248 du Code civil, par la reconnaissance que l'appelante a fait de leur droit en procédant en mars 2009 au remplacement intégral des éléments de cuisine qu'elle avait fournis et posés un an auparavant ; qu'un nouveau délai de prescription, conforme au droit commun, a couru à compter de cette date de sorte que leur demande n'est pas prescrite.

M. et Mme Houpert ont ajouté qu'ils sont fondés à invoquer les dispositions de l'article 1625 du Code civil qui met à la charge du vendeur la garantie d'une jouissance paisible de la chose vendue.

SUR CE :

Vu les écritures déposées le 15 octobre 2013 par la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet et le 31 octobre 2013 par M. et Mme Houpert, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que M. et Mme Houpert ont passé commande à la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet, suivant devis du 18 décembre 2007, de la fourniture et la pose d'un plan de travail de cuisine, plateaux de table et tablettes en granit Kasmir White pour le prix de 3 344,82 euros qui leur ont été livrés en mars 2008 ; que suite à l'apparition de taches sur l'ensemble des éléments, la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet, après avoir tenté, mais en vain, de remédier au défaut par la mise en œuvre d'un traitement de surface, a procédé au remplacement complet du plan de travail, des tables et tablettes en mars 2009 ;

Attendu que M. et Mme Houpert, faisant valoir que des désordres identiques sont apparus quelques mois plus tard, se prévalent d'un rapport d'expertise non contradictoire établi par le cabinet Cunningham Lindsey, mandaté par leur assureur, lequel conclut que les désordres sont dus à la porosité de surface du granit, qui permet l'absorption des graisses et des bactéries, mettant ainsi en cause la qualité du matériau, en excluant tout défaut d'entretien ;

Attendu en premier lieu que M. et Mme Houpert invoquant un défaut affectant le granit, rendant la chose vendue impropre à sa destination, la garantie des vices cachés instituée par les articles 1641 et suivants du Code civil, constitue l'unique fondement possible de leur action, à l'exclusion de l'action en garantie de la possession paisible de la chose vendue, qui suppose une éviction, ou l'action pour non-conformité de la chose vendue, qui sanctionne la différence entre la chose contractuellement convenue et la chose livrée ;

Attendu, suivant l'article 1648 du Code civil, que l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue doit être intentée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice par l'acquéreur ;

Attendu que le remplacement effectué en mars 2009 par la SARL Art Funéraire Bulferetti, suite aux défauts constatés, des éléments initialement livrés par un nouvel ensemble, qui vaut reconnaissance de responsabilité interruptive de prescription conformément à l'article 2241 du Code civil, a ouvert, par application de l'article 2231 du même Code, un nouveau délai de deux ans qui a couru à compter de la constatation des nouveaux désordres ;

Or attendu qu'il résulte des écritures de M. et Mme Houpert que les nouveaux défauts sont apparus en juin 2009 de sorte que leur action introduite le 11 mai 2012 est irrecevable comme prescrite ;

Attendu qu'il échet d'infirmer le jugement entrepris ;

Attendu que l'équité ne commande pas que soit allouée à l'appelante, qui n'a pas cru bon de comparaître en première instance pour soulever la fin de non-recevoir, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que M. et Mme Houpert, parties perdantes, seront déboutés de leur demande sur ce même fondement et condamnés aux dépens ;

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt Contradictoire en dernier ressort prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet en son appel contre le jugement du Tribunal d'instance de Nancy en date du 8 janvier 2013 ; Infirme ce jugement et statuant à nouveau, Déclare l'action en garantie des vices cachés irrecevable comme prescrite ; Déboute M. et Mme Houpert de toutes leurs autres demandes ; Déboute la SARL Art Funéraire Bulferetti Snet de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. et Mme Houpert aux dépens de première instance et d'appel.