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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 mars 2014, n° 12-09590

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rio France (SARL)

Défendeur :

Yamaha Motor France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Etevenard, Pruvost, Lallement, Henry

TGI Paris, 5e ch. sect. 1, du 19 mars 20…

19 mars 2012

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société anonyme Yamaha Motor France est l'importateur exclusif des moteurs hors-bord et des pièces de rechange neuves de la marque Yamaha en France, qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs indépendants, parmi lesquels la société à responsabilité limitée Rio France, dont le territoire correspondait à divers cantons des Alpes-Maritimes.

La société Yamaha Motor France était liée avec la société Rio France par un contrat de distribution sélective et exclusive des 26 juin et 12 juillet 2007 avec effet au premier janvier 2007, à durée indéterminée mais sans que celui-ci puisse excéder cinq ans, renouvelable par accord exprès des deux parties.

Par courrier du 5 février 2010, la société Yamaha Motor France a proposé à la société Rio France un partage de son territoire avec d'autres distributeurs et informait la société Rio France qu'en cas de refus de cette modification, son contrat serait résilié conformément aux dispositions contractuelles avec un préavis de six mois, à effet du 9 août 2010.

La société Rio France n'a pas donné suite à la proposition.

Par acte du 8 mars 2011, la société Rio France a assigné la société Yamaha Motor France devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins qu'elle soit condamnée, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à la dédommager des préjudices subis en raison de la violation de son exclusivité et de la rupture brutale de leurs relations commerciales.

Par jugement prononcé le 19 mars 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société Rio France de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné la société Rio France à payer à la société Yamaha Motor France, la somme de 7 268,95 euros avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 16 janvier 2012,

- donné acte à la société Rio France de ce qu'elle tient à disposition de la société Yamaha Motor France les deux moteurs en dépôt (type 6CG n°1000287 et type 6CH n°1000113), la récupération devant se faire aux frais exclusifs de la société Yamaha Motor France,

- condamné en tant que besoin la société Rio France à les laisser à disposition, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par moteur,

- enjoint en tant que de besoin à la société Rio France de supprimer de son site Internet toute référence (y compris photographies) à la vente par ses soins de moteurs hors-bord Yamaha, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

- débouté la société Yamaha Motor France du surplus de ses prétentions,

- dit n'y avoir lieu de prononcer une condamnation en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Rio France aux dépens,

- autorisé la Selas Vogel & Vogel, avocats au barreau de Paris à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

La société Rio France a interjeté le 25 Mai 2012 appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 16 décembre 2013, la société Rio France demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Rio France en son appel du jugement rendu le 19 mars 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris, Y faisant droit,

- réformer le jugement, dont appel, en ce qu'il a débouté la société Rio France de l'ensemble de ses prétentions, dit n'y avoir lieu de prononcer une condamnation à l'encontre de la société Yamaha Motor France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la société Rio France aux dépens,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

En premier lieu,

- dire que les sociétés Rio France et Yamaha Motor France étaient liées par des relations commerciales depuis 25 années au titre d'un contrat de concession exclusive,

- constater que la société Rio France a dénoncé, dès 2002 puis en 2007, auprès de la société Yamaha Motor France, les graves violations qu'elle subissait sur ses droits exclusifs et sur sa zone de concession territoriale,

- dire que la société Yamaha Motor France a tenté d'imposer à la société Rio France la suppression pure et simple de sa zone d'exclusivité au moyen de la signature d'un avenant contractuel sous peine de résiliation dudit contrat de concession,

- dire que le 20 février 2008 puis le 5 février 2010, il a été constaté par huissier de justice que l'exclusivité de la société Rio France était violée avec le concours actif de la société Yamaha Motor France,

En conséquence,

- dire et juger que la société Yamaha Motor France a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi à l'égard de la société Rio France et qu'elle a manqué à son devoir de vigilance et de protection de l'exclusivité concédée contractuellement à la société Rio France,

En deuxième lieu

- dire que compte tenu de la durée des relations contractuelles ayant existé entre les parties pendant plus de 25 ans, il incombait à la société Yamaha Motor France de respecter un préavis de rupture ne pouvant être inférieur à trois ans,

- dire que la société Yamaha Motor France a procédé à la résiliation brutale des relations contractuelles existant entre les parties en cessant de livrer la société Rio France et en lui interdisant de passer toute nouvelle commande à compter du 15 octobre 2010,

- dire qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles ne peut être reproché à la société Rio France,

- dire que la société Yamaha Motor France a illicitement rompu le contrat de concession par anticipation,

En conséquence,

- dire et juger que la société Yamaha Motor France a fautivement procédé à la résiliation anticipée des relations contractuelles la liant à la société Rio France depuis 25 ans, de façon brutale et abusive,

En troisième lieu,

- dire que la société Rio France a subi des préjudices financiers considérables générés directement et exclusivement par les fautes commises par la société Yamaha Motor France,

En conséquence,

- condamner la société Yamaha Motor France à régler les sommes suivantes à la société Rio France, au titre des préjudices subis :

911 511 euros au titre du manque à gagner sur 3 exercices,

150 000 euros au titre de la violation de son exclusivité,

150 000 euros au titre de l'atteinte à son image commerciale,

96 016,22 euros au titre des stocks invendus,

14 253,69 euros au titre des frais supportés lors du salon nautique de Cannes,

10 846,67 euros au titre du coût des licenciements économiques,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant au préjudice subi par la société Rio France consécutivement à la mauvaise foi et à la déloyauté dont la société Yamaha Motor France a fait preuve à son égard,

A titre subsidiaire, avant dire droit,

- désigner avant dire droit tel expert judiciaire avec la mission suivante :

- entendre les parties et se faire remettre tous documents utiles,

- déterminer, évaluer et chiffrer les préjudices subis par la société Rio France, s'agissant notamment des postes suivants :

manque à gagner sur 3 exercices, résultant de la résiliation abusive et brutale du contrat,

préjudice au titre de la violation de l'exclusivité de la société Rio France

atteinte à l'image commerciale de la société Rio France, consécutive à la rupture brutale des livraisons,

préjudice au titre des stocks invendus,

frais supportés par la société Rio France afin d'assurer la représentation de la société Yamaha Motor France lors du salon nautique de Cannes,

- dire que l'expert commis pourra, en cas de besoin, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, après en avoir avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle de l'expertise,

- déposer un pré-rapport d'expertise,

- Statuer ce que de droit sur les dépens,

- Réserver à la société Rio France le droit de conclure après dépôt du rapport d'expertise,

En tout état de cause,

- condamner la société Yamaha Motor France à régler la somme de 15 000 euros à la société Rio France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

La société appelante considère que la société Yamaha Motor France a violé l'exclusivité qui lui était conférée, en habilitant d'autres concessionnaires à distribuer les produits contractuels sur le territoire exclusivement concédé à la société Rio France. Sur ce point, la société Rio France soutient qu'elle bénéficiait d'une exclusivité de fourniture, d'approvisionnement et de revente pour des produits "in-bord", "hors-bord" et de pêche sur le territoire concédé.

Ensuite, la société Rio France indique que la société Yamaha Motor France a brutalement rompu les relations commerciales établies depuis vingt-cinq ans entre les deux sociétés, que le préavis conventionnel de six mois était insuffisant pour lui permettre de réorienter son activité ou de rechercher de nouveaux fournisseurs ; elle souligne qu'elle a ainsi été privée de toute possibilité de devenir l'un des concessionnaires exclusifs des quelques autres marques existant sur le secteur. Elle se prévaut également de sa situation de dépendance économique envers la société Yamaha Motor France et des investissements qu'elle a effectué pour distribuer et promouvoir la marque Yamaha. Elle considère qu'au regard de la longévité de leur relation, le préavis ne saurait être inférieur à trois ans.

La société Rio France soutient que le contrat de concession exclusive a été conclu à durée déterminée et que sa résiliation unilatérale anticipée ne peut intervenir en dehors des motifs prévus dans la convention, aussi, elle souligne que la rupture anticipée du contrat par la société Yamaha Motor France est fautive. Dans l'hypothèse où la qualification de contrat à durée indéterminée serait retenue, la société Rio France soutient que la société Yamaha Motor France a manqué à son obligation de bonne foi en ne communiquant pas à son concédant les explications relatives à la résiliation du contrat.

La société Rio France soutient que la société Yamaha Motor France a tenté de lui imposer un avenant au contrat prévoyant la suppression de sa zone d'exclusivité, en lui indiquant qu'à défaut de signature, son contrat serait résilié. Elle fait valoir que la zone d'exclusivité est un élément essentiel du contrat. Elle critique le comportement de la société Yamaha Motor France, en indiquant que cette dernière a poursuivi les relations commerciales au-delà du délai de préavis, pour annoncer ensuite qu'elle cessera d'honorer les commandes de la société Rio France en l'absence de signature de l'avenant contractuel.

La société Rio France demande la réparation des préjudices subis en raison de la rupture brutale du contrat de concession exclusive, en soulignant qu'il convient de tenir compte de la marge brute dont elle a été privée pour calculer le montant des sommes devant lui être allouées. Elle fait état des frais généraux qu'elle a été contrainte d'engager en raison de la rupture des relations commerciales, en ajoutant qu'elle n'a pas eu d'autre alternative que de procéder au licenciement économique de plusieurs salariés, des stocks invendus, de l'atteinte à son image de marque, la rupture ayant porté atteinte à sa crédibilité commerciale. Elle demande l'indemnisation de son préjudice résultant de la violation de son exclusivité territoriale par la société Yamaha Motor France, préalablement à la rupture de son contrat de concession.

Enfin, à titre subsidiaire, la société Rio France demande la désignation d'un expert judiciaire, pour qu'il soit procédé à l'évaluation exacte de ses différents préjudices.

Par conclusions signifiées le 31 décembre 2013, la société Yamaha Motor France demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 19 mars 2012 du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

- débouté la société Rio France de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné la société Rio France à payer à la société Yamaha Motor France la somme de 7 268,95 euros avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 16 janvier 2012,

- donné acte à la société Rio France de ce qu'elle tient à la disposition de la société Yamaha Motor France les deux moteurs en dépôt (type 6CG n° 1000287 et type 6CH n° 1000113), la récupération devant se faire aux frais exclusifs de la société Yamaha Motor France; condamné en tant que de besoin la société Rio France sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par moteur,

- enjoint en tant que de besoin à la société Rio France de supprimer de son site Internet toute référence (y compris photographies) à la vente par ses soins de moteurs hors-bord Yamaha, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, hormis en ce qui concerne les dépens,

- condamné la société Rio France aux dépens,

En conséquence,

- débouter la société Rio France de l'ensemble de ses demandes,

- dire et juger que la société Yamaha Motor France n'a commis aucune faute en mettant fin au contrat qui la liait à la société Rio France,

Subsidiairement,

- dire et juger que la société Rio France ne démontre pas le préjudice qu'elle allègue,

Sur les demandes reconventionnelles de la société Yamaha Motor France,

- dire et juger le jugement définitif en ce qu'il a :

- condamné la société Rio France à payer à la société Yamaha Motor France la somme de 7 268,95 euros avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 16 janvier 2012,

- donné acte à la société Rio France de ce qu'elle tient à la disposition de la société Yamaha Motor France les deux moteurs en dépôt (type 6CG n° 1000287 et type 6CH n° 1000113), la récupération devant se faire aux frais exclusifs de la société Yamaha Motor France,

- condamné en tant que de besoin la société Rio France sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par moteur,

- enjoint en tant que de besoin à la société Rio France de supprimer de son site Internet toute référence (y compris photographies) à la vente par ses soins de moteurs hors-bord Yamaha, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,

En tout état de cause,

- condamner la société Rio France à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Yamaha Motor France considère qu'aucune exclusivité de distribution sur le territoire n'était attribuée par la convention et que la société Rio France ne bénéficiait que d'une exclusivité de fourniture. Elle estime qu'il n'y a aucun élément probant démontrant que la société Yamaha Motor France a approvisionné d'autres sociétés. Elle ajoute que le contrat de la société Rio France ne lui conférait aucun droit de vente pour des moteurs "in bord" de marque Yamaha ; elle souligne qu'elle n'a pas nommé d'autres concessionnaires sur le territoire concédé pendant la durée du contrat.

La société Yamaha Motor France soutient qu'elle n'a pas rompu brutalement les relations contractuelles avec la société Rio France, en se prévalant du fait que le préavis contractuel a été respecté. Sur ce point, elle affirme que le contrat était conclu à durée indéterminée pour une durée maximale de cinq ans et que chaque partie était libre de rompre la convention de manière anticipée sous réserve de respecter le préavis de six mois.

Elle indique que la durée de cinq ans a été stipulée au contrat conformément au règlement d'exemption pour être en conformité avec les règles de concurrence, compte tenu de la présence d'une clause de non concurrence au sein de la convention. Ainsi, de nouveaux contrats étaient signés tous les cinq ans.

Elle ajoute que la société Rio France ne saurait lui reprocher de ne pas avoir donné d'explication concernant la rupture du contrat, cette exigence constituant une entrave à la liberté de mettre fin à un contrat.

En outre, la société intimée considère que la société Rio France avait le choix d'accepter la proposition qui lui a été faite et de poursuivre les relations contractuelles ou de ne plus faire partie des distributeurs moteurs "hors-bord" de marque Yamaha. Ainsi, la société Yamaha Motor France conclut sur ce point que la société appelante a décidé de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec un partage du secteur.

Elle conteste la poursuite des relations commerciales au-delà de la période de préavis et souligne que l'envoi de documents commerciaux ne peut constituer la preuve d'une poursuite des relations contractuelles, soutient que le fait d'avoir dépanné de manière ponctuelle la société Rio France n'est pas comparable à la relation fournisseur-distributeur précédente de ces deux sociétés.

La société Yamaha Motor France expose qu'il n'y a pas d'élément probant démontrant que le préavis conventionnel était insuffisant pour vingt-cinq années de relations commerciales et demande le rejet de la demande de la société appelante tendant à lui accorder un préavis de trois ans.

Enfin, la société intimée estime qu'il n'existe aucune preuve des préjudices allégués. Elle ajoute que le fait d'indemniser un distributeur à hauteur de la marge brute reviendrait à l'indemniser au-delà du préjudice réellement subi, en soulignant que la société appelante ne saurait solliciter l'indemnisation au titre d'activités qu'elle a conservées, le contrat de distribution en cause ne portant que sur les moteurs hors-bord. De plus, elle considère que les licenciements dont se prévaut la société Rio France sont uniquement liés à la crise affectant les loisirs nautiques et que le prétendu préjudice d'image invoqué par cette dernière découlerait de la rupture des relations elle-même et non du caractère brutal de la rupture. Elle indique qu' il n'est pas allégué que la baisse du chiffre d'affaires soit liée à une violation de la clause d'exclusivité. La société Yamaha Motor France soutient qu'aucune obligation contractuelle de reprise des stocks invendus était prévue au contrat.

SUR CE

Sur les manquements de la société YMF en sa qualité de concédant exclusif :

Considérant que le contrat signé entre les parties les 26 juin et 12 juillet 2007 et à effet au premier janvier 2007 précisait :

- article 2 : YMF nomme le concessionnaire aux fins d'assurer la distribution, la vente, la commercialisation, l'entretien la réparation des produits et la distribution, la vente le montage de pièces de rechange et accessoires...,

- article 3.1 : YMF s'engage... à fournir exclusivement au concessionnaire, à l'intérieur du territoire concédé, les produits et pièces de rechange et accessoires destinés à la revente,

- article 3.2 : nonobstant l'article 3.1, le concessionnaire reconnaît expressément et accepte par le présent contrat que YMF puisse de manière discrétionnaire vendre et livrer des clients ci-après domiciliés dans le territoire sans que le concessionnaire puisse se prévaloir d'une quelconque commission ou d'un manquement de YMF à son obligation d'exclusivité...

- que l'annexe I décrivait les produits Yamaha concernés: "moteurs hors-bord, pêche professionnelle : modèles figurant au tarif pêche professionnel en vigueur",

- que l'annexe IV indiquait les cantons de la "zone d'influence",

Considérant que le contrat mettait à la charge de la société YMF une obligation de fourniture exclusive sur un territoire donné à la société Rio France, qu'ainsi, YMF ne pouvait fournir d'autres concessionnaires que la société Rio France sur la zone concernée ; que le contrat ne conférait à la société Rio France aucune distribution exclusive sur ce territoire, contrairement à ce qu'elle soutient en faisant référence à l'article 2 alors que ce texte lui reconnaît le droit de distribution sur son territoire mais ne garantit aucune exclusivité pour ce faire et contrairement également à ce qu'elle soutient par une interprétation a contrario de l'article 3-2 du contrat qui concerne l'exception donnée à la société YMF de vendre dans certains cas directement des moteurs hors-bord sur le territoire de la société Rio France ;

Considérant que la société Rio France se plaint de ce que la société YMF n'a pas respecté son obligation d'exclusivité ; qu'elle ne peut toutefois faire état de violations qui se seraient produites en 2003 soit avant le premier janvier 2007, date d'entrée en vigueur du contrat ou en décembre 2010, après la fin des relations contractuelles ; que par ailleurs, elle ne justifie pas que la société Guido Plaisance distribue sur son secteur les mêmes produits qu'elle alors que le contrat signé par YMF et Guido Plaisance porte sur la distribution de moteurs in bord et "Stern drive" (moteurs mixtes), ce qui permet la société Guido Plaisance d'apposer une enseigne sur le pilier d'entrée de son magasin portant la mention "Yamaha" ; qu'enfin, les sociétés Calypso Marine et Azur Service Marine distribuent des moteurs hors-bord sur un autre territoire que celui de la société Rio France et pouvaient, lors du salon nautique "Antibes Yacht Show" tenu à Antibes le 20 avril 2008, présenter des moteurs Yamaha sans qu'il s'agisse de leur part d'"empiéter" sur la zone d'influence de Rio France ;

Considérant que le contrat portait sur la fourniture exclusive de moteurs hors-bord destinés ou non à la pêche professionnelle ; que la société Rio France ne peut soutenir que le contrat lui permettait d'être fournie en moteurs hors-bord et en tout matériel dès qu'il s'agissait de "pêche professionnelle" ; que la lecture des pièces permet de constater que la distribution porte bien sur les moteurs "hors-bord" dont les tarifs sont distincts en fonction de leur destination ; qu'ainsi, la société Rio France ne peut faire état de la violation de son obligation de fourniture exclusive par la signature d'un contrat entre YMF et Guido Plaisance le 2 avril 2009 qui permettait à cette dernière d'être fournie en produits "Stern drive" ou "Hydra drive", soit en produits in bord, destinés ou non à la pêche professionnelle ;

Considérant que la société Rio France se plaint aussi de ce que YMF n'a pas préservé l'exclusivité territoriale qui lui était concédée en ne faisant pas la police sur le réseau de distribution, qu'elle se plaint de la mise en place de réseaux de distribution parallèles que YMF a favorisés et laissé faire, notamment celui de la société EAMS et qu'elle a engagé ainsi sa responsabilité contractuelle ; que la société Rio France ne verse, sinon son courrier en soi non probant daté du 8 février 2007, aucune pièce précise comme le lui demandait par lettre du 16 février 2007 la société YMF et ne peut ensuite reprocher à la société YMF de ne rien avoir fait ;

Considérant que la société Rio France se plaint encore de ce que la société YMF a fait illicitement pression sur elle pour obtenir la suppression de sa zone d'exclusivité territoriale qui n'était pas prévue contractuellement et qui ne résulte pas d'une nécessaire adaptation du contrat permettant la modification unilatérale de celui-ci et qu'elle a révélé sa mauvaise foi ;

Considérant que ces reproches concernent des circonstances dans lesquelles la rupture du contrat est intervenue, qu'ils seront examinées ci-après ;

Sur la rupture des relations des parties :

Considérant que le contrat signé en 2007 précisait :

- dans l'article 8 "durée"

- article 8 1 : Le contrat est à durée indéterminée sans qu'il puisse excéder cinq ans.

- article 8.2 : Les parties auront le droit discrétionnaire de résilier le présent contrat sous réserve d'en informer l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception et en respectant un préavis variant en fonction de l'ancienneté des relations ayant existé entre les parties. Ce préavis courra à compter de la date de réception de la lettre recommandée : relations inférieures ou égales à trois ans : préavis de trois mois, relations supérieures à trois ans : préavis de six mois.

- dans l'article 9 "résiliation anticipée" :

- article 9.1 : Le contrat sera résilié de plein droit et sans aucun préavis ni indemnité sans formalité préalable si l'un quelconque des événements énumérées ci-dessus venait à se produire :

- non-paiement à l'échéance convenue de toute somme due à YMF par le concessionnaire à quelque titre que ce soit...

- condamnation du concessionnaire...

- article 9.2 : Dans tous les autres cas où l'une des parties vient à manquer à une des obligations contractuelles, l'autre partie pourra résilier le présent contrat par lettre recommandée avec accusé de réception, après avoir mis l'autre partie en demeure de remédier ou de mettre fin audit manquement dans un délai de quinze jours.

Considérant que la société YMF a par courrier du 5 février 2010 proposé à la société Rio France de partager son territoire avec un autre distributeur et l'a informée que le contrat serait résilié au bout de six mois, en application des termes du contrat, si elle refusait la modification proposée ; que l'avenant n'a pas été retourné signé par la société Rio France ; que le contrat a ainsi pris fin le 9 août 2010 ;

Considérant que si la durée du contrat ne peut excéder cinq ans, le contrat n'est pas pour autant d'une durée déterminée de cinq ans ;

Considérant qu'il résulte des termes des articles précités 1) que la résiliation peut intervenir sans préavis en cas d'événement particulier énuméré par l'article 9.1 et en cas de manquements contractuels, sauf dans cette hypothèse à mettre l'autre partie préalablement en demeure, 2) que la résiliation peut intervenir "discrétionnairement" c'est-à-dire sans explicitation des motifs à condition de respecter un préavis dont la durée est calculée en fonction de la durée des relations des parties ; que telle est la volonté des parties clairement exprimée par les articles 8 et 9 du contrat, quelle que soit la dénomination qui leur a été donnée ;

Considérant ainsi que chaque partie peut mettre fin au contrat à tout moment au cours de la période maximale de cinq ans sans en expliquer les motifs mais en respectant le délai de préavis ; qu'en prenant l'initiative de mettre un terme au contrat, YMF n'a nullement l'obligation de recueillir au préalable les explications de son cocontractant, étant observé en l'espèce qu'elle lui a permis de s'exprimer sur la proposition faite ; qu'aucune faute, qu'aucune mauvaise foi ne peuvent être recherchées dans la mise en œuvre par YMF de la faculté de résiliation qui lui était donnée par le contrat ;

Considérant que la société Rio France soutient par ailleurs que le contrat n'a pas pris fin le 9 août 2010 dans la mesure où les parties ont poursuivi ultérieurement leurs relations contractuelles ;

Considérant toutefois que dans le cadre de deux contrats spéciaux du 9 août 2010, la société Rio France a été dépositaire après le 9 août 2010 de deux moteurs hors-bord, qu'elle a reçu quelques livraisons, notamment de pièces après le 9 août 2010, comme l'article 3.2 du contrat en faisait l'obligation à YMF pour permettre à la société Rio du France de faire des réparations, que par ailleurs, il y avait lieu d'honorer une commande passée avant la fin du contrat ; qu'il ne peut être déduit de ces quelques éléments, pas plus que de l'envoi d'un dossier commercial confidentiel, de la convention annuelle et des objectifs de vente pour l'année 2011, que YMF renonçait au bénéfice des termes du courrier du 5 février 2010 qu'elle lui rappelait par courrier du 5 octobre 2010,

Considérant que la société Rio France invoque également l'application des dispositions de l'article L 442-6 I 5 du Code de commerce, qu'elle fait état d'une durée de préavis trop courte au regard des relations commerciales entretenues par les parties depuis vingt-cinq ans qui aurait justifié un préavis raisonnable de trente mois et fait état d'un préjudice important causé par cette rupture brutale en raison de la dépendance économique dans laquelle elle se trouvait par rapport à YMF et en raison des investissements qu'elle avait réalisés sur la demande de YMF ;

Considérant que la durée de préavis retenue a été de six mois, selon les stipulations contractuelles ;

Considérant qu'il peut être dérogé exceptionnellement à la durée prévue contractuellement par les parties si selon les circonstances de la cause, il apparaît que le délai ne permettait pas au distributeur de prendre ses dispositions et de donner en temps utile une nouvelle orientation à ses activités ; qu'en l'espèce si les relations étaient anciennes, rapportées sur vingt-trois ans selon les pièces versées par la société Rio France, cette société distribuait des produits de plusieurs marques, les produits hors-bord Yamaha représentant 30 % de son activité totale et lui permettant de réaliser en 2010 une partie minoritaire de son chiffre d'affaires, soit 13 % de celui-ci ; qu'elle pouvait tout à fait, comme le souligne la société YMF, soit remplacer cette activité par une autre marque de moteurs hors-bord, soit développer une nouvelle activité dans le délai contractuellement prévu ; que par ailleurs, la société Rio France ne rapporte pas la preuve qu'elle a fait des investissements dans le seul but de distribuer des produits hors-bord Yamaha qu'elle n'aurait pu amortir pendant le délai de six mois de préavis ;

Considérant pour ces motifs il apparaît que la résiliation n'est nullement fautive et que le délai de préavis retenu était raisonnable et suffisant ;

Considérant que le jugement sera confirmé, que les demandes de la société Rio France seront rejetées ;

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société YMF :

Considérant que la condamnation de la société Rio France n'étant pas discutée par les parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Rio France à payer à la société YMF la somme de 7000 Euros au titre des frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Rio France aux entiers dépens.