CA Bourges, ch. soc., 14 mars 2014, n° 13-01121
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sebastiao
Défendeur :
Immobilier des Ducs (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costant
Conseillers :
Mme Boutet, M. de Romans
Avocats :
Mes Hervet, Magni-Goulard
EXPOSE DU LITIGE
M. Adrien Sebastiao était engagé le 9 mars 2009 selon contrat écrit en qualité de négociateur immobilier indépendant par la SARL Immobilier des Ducs, le contrat précisant qu'il était soumis au statut des agents commerciaux. N'étant pas d'accord avec les obligations qui lui étaient imposées, n'ayant pas au surplus la possibilité de signer les mandats de vente contrairement aux termes du contrat, M. Sebastiao refusait d'assister aux réunions imposées par la société Immobilier des Ducs. Par courrier du 21 octobre 2010 cette dernière le mettait en demeure de reprendre son travail l'informant de la mise en restriction de sa ligne téléphonique professionnelle mobile étant en négociation avec l'opérateur. M. Sebastiao croyait alors devoir prendre acte de la rupture de son contrat par courrier du 2 novembre 2010.
Il saisissait le Conseil de prud'hommes de Nevers le 16 mai 2012 d'une demande tendant :
- à faire reconnaître son statut de salarié comme négociateur immobilier VRP,
- à constater la rupture du contrat aux torts de l'employeur et de condamner celui-ci à lui payer des dommages et intérêts pour dissimulation d'emploi salarié, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect de la procédure de licenciement, de même qu'une indemnité de préavis et de licenciement.
La SARL Immobilier des Ducs soulevait l'incompétence du conseil M. Sebastiao étant inscrit au registre spécial des agents commerciaux et facturant ses interventions. Elle contestait ensuite l'existence d'un lien de subordination.
Par jugement du 1er juillet 2013 le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce. Il retenait que M. Sebastiao était inscrit au registre des agents commerciaux et qu'il était rémunéré à la commission qu'il facturait à la société Immobiliers des Ducs, se prévalant en cela d'une décision de la Cour de cassation du 12 avril 2012.
M. Sebastiao a formé contredit motivé à ce jugement le 11 juillet 2013. Celui-ci a été enregistré au greffe de la cour le 17 juillet 2013 sous le n° 13-1121.
Le même jour 11 juillet 2013 il a relevé appel de ce même jugement, procédure enregistrée au greffe sous le n° 13-1101.
Dans le cadre de son contredit il explique que la décision est erronée en ce qu'elle est qualifiée être rendue en premier ressort alors qu'elle ne statue que sur la compétence sans statuer au fond.
M. Sebastiao a conclu les 21 novembre 2013 et 23 janvier 2014 dans les deux procédures pendantes devant la cour dans des termes identiques demandant à la cour de :
- Accueillir le concluant en son contredit dans la procédure 13-1121,
- Accueillir le concluant en son appel dans la procédure 13-1101,
et dans les deux cas,
- Reconnaître à son profit la qualité de négociateur immobilier VRP non cadre agent de maîtrise niveau AM2 au service de la société Immobilier des Ducs à compter du 9 mars 2009,
- Dire et juger que la rupture de son contrat de travail à compter du 4 novembre 2010 constitue un licenciement imputable à l'employeur et condamner celui-ci à lui verser les indemnités suivantes :
- la somme de 9 351,18 euro représentant six mois de salaire à titre de dommages et intérêts en raison de ce qu'elle l'a employé de façon dissimulée (article L. 8223-1 du Code du travail)
- la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, la rupture du contrat de travail étant assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- la somme de 1 558,53 euro représentant un mois de salaire pour procédure de licenciement irrégulière
- une indemnité de préavis : 3 117,06 euro
- une indemnité de licenciement : 545,47 euro
- la somme de 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Sebastiao estime que le conseil a fait une mauvaise interprétation de l'arrêt de la Cour de cassation qu'il vise ; qu'il ne pouvait se cantonner de relever qu'il était inscrit au registre du commerce et facturait ses commissions. Il considère qu'il devait être étudié les conditions dans lesquelles sont exercées ses activités professionnelles, et de caractériser l'existence ou non d'un lien de subordination.
Pour caractériser ce lien il met en avant 6 éléments :
- l'obligation qui lui était faite d'assister à des réunions de travail 4 jours par semaine et de rendre des comptes,
- l'obligation de tenir des permanences à l'agence deux fois par semaine,
- l'obligation de participer à des entretiens individuels mensuels avec la société,
- l'obligation de respecter la méthode "Guy Hocquet",
- l'interdiction de signer des mandats de vente contrairement aux termes de son contrat.
La SARL Immobilier des Ducs a conclu devant la cour le 21 janvier 2014 dans les deux procédures demandant à la cour de :
1- dans le cadre de la procédure de contredit de :
- dire et juger que le contredit n'est pas fondé,
- débouter M. Sebastiao de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Elle considère que les premiers juges ont statué au fond puisqu'ils ont écarté leur compétence après avoir examiné le fond et les pièces du dossier.
Elle considère en conséquence le contredit non fondé.
2- dans le cadre de l'appel de :
- Confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Nevers,
- Débouter M. Sebastiao de sa demande de requalification de la relation commerciale en contrat de travail,
- Dire et juger que M. Sebastiao n'a subi aucun préjudice puisqu'il avait prévu de mettre fin à sa collaboration avec la société pour exercer à Clermont-Ferrand où il exerce toujours à ce jour,
- Condamner M. Sebastiao au paiement d'une somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui elle se prévaut de la légalité du statut d'agent commercial dans l'immobilier, de la validité de son contrat signé avec M. Sebastiao, de l'absence de tout lien de subordination celui-ci ne pouvant résulter des 6 éléments avancés par l'appelant. A titre subsidiaire elle conteste au fond les demandes de M. Sebastiao relatives à la rupture du contrat, considérant qu'il a cherché à rompre son contrat pour lui permettre de s'installer à Clermont-Ferrand où il s'est de nouveau inscrit au registre du commerce dès le 7 décembre 2010, soit un mois après son départ. Plus subsidiairement elle considère les demandes excessives.
Lors de l'audience du 31 janvier 2014 les parties ont repris et développé leurs écritures respectives, la société Immobilier des Ducs indiquant reprendre oralement devant la cour dans le cadre de la procédure de contredit, l'intégralité des conclusions qu'elle a déposée dans le cadre de l'appel.
MOTIFS
En application des dispositions de l'article 81 du Code de procédure civile lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit, quand bien même il tranche une question de fond dont dépend sa compétence.
Afin de déterminer si la procédure relevait de sa compétence ou de celle des juridictions commerciales le conseil de prud'hommes se devait d'examiner le fond de la relation contractuelle ayant existé entre les deux parties afin de la caractériser. Il a estimé que celle-ci ne relevait pas de la relation du droit du travail compte tenu du statut de M. Sebastiao. Ce faisant il n'a aucunement abordé le fond des demandes effectuées par M. Sebastiao et n'a statué que sur sa compétence, pour la décliner au profit du Tribunal de commerce de Nevers.
Conformément aux dispositions de l'article 81 du Code de procédure civile, seule la voie du contredit était dès lors ouverte à l'encontre de ce jugement, quand bien même il est précisé intervenu en premier ressort et que la notification a indiqué qu'il était susceptible d'appel. M. Sebastiao ne s'y est d'ailleurs pas trompé puisqu'il a formé dans le délai contredit à compétence.
Des éléments versés au débat il ressort tout d'abord que M. Sebastiao a volontairement souhaité se voir appliquer lors de la formation du contrat, le statut des agents commerciaux, profession commerciale, et s'est inscrit au registre spécial de ceux-ci auprès du greffe de commerce. Son contrat indique qu'il s'agit d'un "contrat de négociateur immobilier indépendant soumis au statut des agents commerciaux" et que M. Sebastiao peut accepter d'autres mandats sans autorisation, sauf s'il s'agit d'une entreprise concurrente. Il prévoit un secteur géographique sur lequel l'agent est exclusif. Il peut recruter des sous-agents sans autorisation de son mandant. Sa rémunération est effectuée à la commission uniquement pour lesquelles M. Sebastiao effectuait des factures à son mandant.
Pour tenter de faire qualifier sa relation avec la société Immobilier des Ducs de relation salariale M. Sebastiao met en avant 6 éléments :
- l'obligation qui lui était faite d'assister à des réunions de travail 4 jours par semaine et de rendre des comptes,
- l'obligation de tenir des permanences à l'agence deux fois par semaine,
- l'obligation de participer à des entretiens individuels mensuels avec la société,
- l'obligation de respecter la méthode "Guy Hocquet",
- l'interdiction de signer des mandats de vente contrairement aux termes de son contrat.
Il considère que le respect de ces obligations établit la preuve du lien de subordination caractérisant le contrat de travail.
Cependant la cour considère qu'il est compatible avec le statut des agents commerciaux d'avoir l'obligation de se rendre à des réunions au siège du mandant, de lui rendre compte de l'activité, d'assurer des permanences au siège du mandant et de respecter les méthodes de travail du franchiseur ou du groupe auquel appartient le mandant. Le fait que, contrairement à ce qui était prévu à son contrat, les mandats de vente immobiliers qu'il contractait avec ses clients doivent être signés par l'agence immobilière des Ducs n'est que l'application des règles de la profession d'agent immobilier et, aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce la conclusion de contrats de vente par l'agent commercial n'est qu'éventuelle et ne constitue pas un élément déterminant d'application du statut. Ayant subi en septembre 2012 un contrôle de la part de l'Urssaf portant sur l'année 2010 la société Immobiliers des Ducs n'a fait l'objet d'aucun redressement aucune irrégularité n'ayant été constatée ainsi que cela lui a été notifié par l'Urssaf le 21 novembre 2012.
Il en résulte que M. Sebastiao ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination et qu'il exerçait sa profession en toute indépendance.
Le jugement sera confirmé.
Il est équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elles ont été amenées à exposer à l'occasion de cette procédure. Il sera dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Adrien Sebastiao supportera les dépens.
Par ces motifs LA COUR, Statuant sur contredit à compétence, 14 mars 2014 Confirme le jugement, Dit que le Tribunal compétent pour connaître de l'action introduite par M. Adrien Sebastiao à l'encontre de la SARL Immobilier des Ducs est le Tribunal de commerce de Nevers, Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Nevers, Dit que la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour conformément aux dispositions de l'article 87 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. Adrien Sebastiao aux dépens.