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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 mars 2014, n° 12-12035

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fleurex (SAS), Basse (ès qual.), NABN Participation (Sté)

Défendeur :

Jossoma (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fisselier, Menguy, Bernabe, Benoit

T. com. Paris, 19e ch., du 20 juin 2012

20 juin 2012

Vu le jugement du 20 juin 2012, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a joint les causes enrôlées sous les n° RG 2009006528 et 20111077064 sous le seul et même n° RG J2011000923, débouté la société Jossoma de sa demande de nullité du contrat de franchise, dit que la résolution intervenue le 21 octobre 2008 l'a été aux torts exclusifs de la société Fleurex, dit que la société Jossoma est fondée à demande la condamnation solidaire de la société Bouquet Nantais Participation, condamné solidairement les sociétés Fleurex, par fixation à son passif, et Bouquet Nantais Participation à payer à la société Jossoma la somme de 120 000 € à titre de dommages et intérêts, condamné solidairement la société Fleurex, par fixation à son passif, et la société Bouquet Nantais Participation à payer à la société Jossoma la somme de 14 376,56 € au titre de la restitution de la quote-part de loyers payés d'avance, débouté la société Jossoma de sa demande de restitution de la somme appelée en garantie, débouté la société Fleurex de l'ensemble de ses demandes, condamné solidairement la Selarl L. Riffier & C. Basse, ès qualités de liquidateur de la société Fleurex, et la société Bouquet Nantais Participation à payer à la société Jossoma la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et enfin ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Vu l'appel interjeté le 28 juin 2012 par la Selarl L. Riffier & C. Basse, représentée par Me Basse, ès qualités de liquidateur de la société Fleurex, et par la société Bouquet Nantais Participation et leurs conclusions du 15 janvier 2014, dans lesquelles elles demandent à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de juger que la société Jossoma ne démontre pas le vice du consentement, ni l'absence de cause, débouter en conséquence Jossoma de sa demande de nullité des contrats et de toutes ses demandes de restitution et indemnitaires, à titre principal, débouter la société Jossoma de toutes ses demandes à l'encontre de la société Bouquet Nantais Participation, à titre subsidiaire, débouter la société Jossoma de toutes ses demandes, reconventionnellement, condamner la société Jossoma à payer à la société Fleurex les sommes de 73 455 €, sauf à parfaire, en application des articles 12-2 et 12-3 du contrat de franchise, celle de 30 000 € x 5 ans (durée restant à courir du contrat) au titre de la marge perdue sur la vente de marchandises sur la durée restant à courir des contrats de franchise, soit la somme de 150 000 €, sauf à parfaire, celle de 995 952 €, soit 50 % du passif de la société Fleurex solidairement avec les sociétés Granja, G Fleurs et Bouquet Emotion (devenue La Halle Aux Fleurs) et enfin condamner la société Jossoma à payer à la société Fleurex la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 21 janvier 2014, par lesquelles la société Jossoma demande à la cour de confirmer le jugement du 20 juin 2012, subsidiairement, et si la cour devait infirmer le jugement du 20 juin 2012, dire et juger que la résiliation anticipée du contrat est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société Fleurex, en tout état de cause, infirmer le jugement du 20 juin 2012 en ce qu'il a limité le quantum des dommages et intérêts accordés à la société Jossoma à la somme de 120 000 €, débouté la société Jossoma de sa demande de restitution de la somme appelée en garantie, et statuant à nouveau, condamner solidairement la société Fleurex par fixation à son passif et la société NABN Participation à payer à la société Jossoma la sommes de 68 790 € au titre du remboursement des pertes subies (61 182 € en 2007 + 7 608 € en 2008 = 68 790), celle de 242 503 € correspondant à deux années de marge brute à titre de dommages et intérêts, celle de 15 000 € au titre du remboursement des sommes perçues par Fleurex après avoir appelé de manière illégitime la garantie à première demande et condamner solidairement la Selarl L. Riffier & C. Basse ès-qualité, et NABN Participation à verser à la société Jossoma la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Le 5 octobre 2006, la société Jossoma, dont M. Portier est le gérant, a signé avec la société Fleurex, dont l'actionnaire principal est la société NABN Participation (anciennement dénommée Bouquet Nantais Participation et ci-après dénommée "Bouquet Nantais Participation"), un contrat de franchise, d'une durée de sept ans, pour exploiter sous l'enseigne "Le Bouquet Nantais" un magasin de fleurs situé à Montauban.

Le même jour ont été signés :

- une convention d'approvisionnement prévoyant une garantie bancaire à première demande d'un montant de 15 000 €,

- un contrat revendeur VAD (ventes à distance),

- une convention de location d'enseigne,

- une convention de location de comptoir-caisse.

Le magasin a ouvert le 26 octobre 2006 et la société Jossoma a très vite rencontré des difficultés. Par courrier en date du 19 novembre 2008, la société Fleurex a notifié la résiliation anticipée du contrat de franchise au prétexte d'arriérés de redevances impayées, dont l'exigibilité était pour le moins contestée.

Par acte en date du 13 janvier 2009, la société Jossoma a assigné les sociétés Fleurex et Bouquet Nantais Participation devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir l'annulation ou la résiliation du contrat de franchise.

Par jugement en date du 28 mai 2009, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Fleurex. C'est pourquoi, par assignation en intervention forcée en date du 18 octobre 2011, la société Jossoma a appelé la Selarl L. Riffier & C. Basse, prise en la personne de Me Basse, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Fleurex. Cette société est aujourd'hui en liquidation.

Dans le jugement entrepris, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande tendant à l'annulation du contrat de franchise, mais a fait droit à la demande de résiliation, estimant que le franchiseur n'avait pas rempli ses obligations de délivrance d'un savoir-faire, ayant failli dans la fourniture d'"un des éléments essentiels du transfert du savoir-faire", concernant les achats du franchisé, et plus largement dans ses obligations d'assistance, aucune réponse n'ayant été apportée aux difficultés signalées par le franchisé, concomitamment au changement de son personnel dirigeant. Il a relevé par ailleurs, qu'aucune information n'avait été délivrée au franchisé sur les membres du réseau qui l'avaient quitté, et qu'en actionnant la garantie à première demande souscrite par la société Jossoma, la société Fleurex avait agi de façon déloyale. Il a donc jugé qu'"en résiliant le contrat de franchise le 21 novembre 2008 au prétexte d'arriérés de redevances impayées, dont l'exigibilité était pour le moins contestée, qui n'avaient pas fait l'objet de relances de la part de la société Fleurex avant début 2008 et dont le montant dû, après appel de la garantie, était inférieur à 10 000 euros, la société Fleurex a cherché à se libérer des obligations qui étaient les siennes dans le cadre du contrat de franchise signé pour 7 ans et qu'elle était incapable d'honorer". Il a condamné la société Fleurex à indemniser le franchisé, solidairement avec sa maison-mère, la société Bouquet Nantais Participation, estimant que celle-ci s'était immiscée dans sa gestion et s'était substituée aux dirigeants de la société Fleurex.

Sur la résiliation du contrat de franchise

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent sur le fond que la société Fleurex, le franchiseur, a bien transmis un document d'information précontractuelle comportant toutes les informations utiles et nécessaires pour permettre à ses franchisés de s'engager en toute connaissance de cause ; qu'elles rappellent que le franchiseur n'est pas tenu de produire à ses franchisés une étude du marché local et qu'il n'a en l'espèce pas transmis de compte d'exploitation prévisionnel spécifique au fonds ouvert par la société Jossoma ; que la responsabilité de la société Fleurex ne saurait être engagée par le simple fait que le franchisé n'a pas atteint un chiffre d'affaires prévisionnel car le franchiseur n'est tenu que d'une obligation de moyens ; qu'elles considèrent que la demande de nullité pour défaut de cause ne saurait prospérer puisque le franchiseur a bien transmis un savoir-faire, le droit d'utiliser une marque notoire, et a fourni assistance dans la gestion quotidienne des fonds franchisés ;

Considérant que la société Jossoma fait valoir que les faibles contreparties apportées par le franchiseur ne justifiaient pas le versement du droit d'entrée, et des redevances de franchise et de communication ; qu'elle fait donc prévaloir l'exception d'inexécution, le franchiseur ayant manqué aux obligations essentielles d'un contrat de franchise, à savoir délivrer le droit d'utiliser une marque notoire, transmettre un savoir-faire secret, identifié et substantiel et procurer une assistance technique initiale et permanente ; qu'en l'espèce, la marque "Le Bouquet Nantais" n'était pas connue du grand public bien que le franchiseur ait fait appel à une agence de communication pour développer la notoriété de son réseau ; que le franchiseur a été défaillant dans son obligation de transmission de savoir-faire, du fait de son caractère tardif et de son manque d'évolution, et du manque de compétitivité du concept, reposant sur des conditions d'achat inadaptées, des livraisons irrégulières et souvent défectueuses ; qu'elle souligne également que le franchiseur ne lui a pas apporté d'assistance technique, ayant au contraire contribué à sa déconfiture, en mettant de mauvaise foi en œuvre une garantie à première demande ;

Considérant qu'il y a lieu de noter que la société Jossoma ne forme pas d'appel incident sur le rejet de sa demande en nullité du contrat de franchise ; que dès lors, l'examen des arguments soutenus par la société Fleurex sur l'action en nullité n'est pas utile à la résolution du litige, sauf si ceux-ci peuvent être utilisés à la résolution de l'action en résiliation formée par le franchisé ;

Sur la notoriété de l'enseigne et le développement du réseau

Considérant que la société Jossoma prétend que le réseau Fleurex n'était connu que sur Nantes, seuls deux franchisés existant à l'époque de la signature du contrat ; qu'il est impossible de parler d'une réitération de réussite quand le réseau n'a réuni que 10 franchisés au bout de quatre années, et seuls trois restant à ce jour, dont deux jouissent d'un environnement concurrentiel très favorable ; que la politique de communication mise en place par le franchiseur, de dimension nationale, était inefficace et trop onéreuse, au regard des besoins en publicité locale ;

Mais considérant que le franchiseur soutient à juste titre que la société Jossoma savait en 2006, lorsqu'elle a rejoint l'enseigne, que le réseau de franchise était naissant ; que l'enseigne jouissait en 2008-09, d'après une enquête, d'une notoriété honorable, sans toutefois que le réseau de magasins franchisés ait fait l'objet d'une étude distincte des magasins détenus en propre par la société Le Bouquet Nantais ;

Considérant, ainsi, que le concept, expérimenté dans ces magasins détenus en propre, n'avait pas démontré sa rentabilité et sa reproductibilité dans des magasins indépendants exploités sous le régime de la franchise ;

Considérant que le franchiseur avait conclu un contrat avec une agence de marketing prestigieuse, la société Proximity BBDO, et une agence de relation presse, la société Columbus ; que les rapports d'activité, Press book et revues de presse communiqués dans la présente instance permettent d'établir que le franchiseur a effectué de la publicité pour le réseau ; que les fonds de publicité pour 2007, alimentés par la redevance publicité, ont atteint le montant de 164 831 euros ;

Considérant toutefois que les prestations de l'agence Proximity BBDO se sont révélées surdimensionnées et inadaptées à la dimension locale du réseau, le franchiseur reconnaissant en mars 2008 qu'elles ne correspondaient pas aux attentes des franchisés ;

Sur la transmission du savoir-faire

Considérant que la société intimée soutient que le savoir-faire portait à titre principal, selon l'article 5-2-2 du contrat, sur une maîtrise de la logistique d'approvisionnement du réseau mise en place par le franchiseur, permettant la compétitivité des conditions d'achat ; que ces conditions d'achat étaient trop élevées pour permettre aux franchisés d'être compétitifs par rapport aux prix offerts par les fleuristes concurrents ;

Considérant que la société Fleurex expose que le concept Bouquet Nantais, original, consiste à livrer des produits prêts à vendre, c'est-à-dire des produits conditionnés soit en bottes, soit en bouquets, et qui voyagent en sceau avec de l'eau ; que la préparation des produits est réalisée directement sur le marché en Hollande sur le lieu d'achat ce qui évite des frais de logistique et la société Le Bouquet Nantais "facture les frais de préparation au prix coûtant à ces clients franchisés ou magasins en propre et ne prend aucun frais d'intervention alors que lui-même supporte des coûts", leur permettant d'être compétitifs à la revente, avec un taux de marge de 50 % ;

Considérant que le franchiseur doit transmettre un savoir-faire adapté à la réussite commerciale du franchisé ; que si le franchiseur, commerçant indépendant, est responsable de sa propre réussite, le savoir-faire transmis doit être rentable dans des conditions normales d'exploitation ; que cette rentabilité est normalement garantie par l'expérimentation effectuée par le franchiseur lui-même et par un certain nombre de ses franchisés, qui atteste que le savoir-faire est "éprouvé" ;

Considérant, en l'espèce, que le savoir-faire n'avait pas été véritablement "éprouvé" avec succès dans des magasins franchisés, lorsque le contrat de franchise a été signé en 2006 ;

Considérant que la société intimée verse aux débats de nombreux messages électroniques de franchisés, faisant état de prix d'approvisionnement à la tige ou en bouquet supérieurs à ceux des fournisseurs concurrents ; que le coût trop élevé des approvisionnements faisait l'objet de doléances récurrentes des franchisés ; que le compte rendu de la réunion annuelle des franchisés du 7 juillet 2008 énumère au nombre des difficultés "dont Fleurex a conscience" ; le problème des achats ("sur ce point des avancées sont en cours et des solutions concrètes sont en estimation financière finale") ; que si la société Fleurex prétend que le système d'approvisionnement garantissait une marge au franchisé, elle ne fournit aucun exemple de calcul à l'appui de cette assertion ;

Considérant que les coûts d'approvisionnement comprennent, selon les explications du franchiseur, le coût d'achat en gros des fleurs sur le marché au cadran, les frais de préparation à prix coûtant et les frais de transport, à la charge du franchisé ;

Considérant qu'elle explique que la société Bouquet Nantais, le fournisseur, achète directement les fleurs sur le marché du cadran en Hollande et ne les stocke pas, afin de donner à ses clients les produits les plus frais possibles et admet que les prix au jour le jour peuvent être variables ; qu'elle expose que "Dans l'hypothèse où les franchisés souhaitent bénéficier de prix plus stables que ceux du marché, notamment concernant les produits "rose" pendant la période des fêtes, le Bouquet Nantais offrait en outre à ses magasins et à ses franchisés la possibilité d'avoir des "prix stables" s'ils en font la demande", mais "Pour bénéficier de cette option "prix stables" le magasin devait s'engager à acheter des quantités fixes de fleurs toutes les semaines" et "Le Bouquet Nantais passe alors un contrat directement auprès d'un producteur pour les quantités commandées, les prix étaient alors stables (cas des rose Kenya)" ;

Mais considérant qu'elle ne démontre pas, en l'espèce, quels sont les seuils de quantités d'achat qui seraient suffisants pour garantir cette stabilité aux franchisés, et d'autre part, que ces seuils seraient adaptés à la taille du marché géographique pertinent ;

Considérant qu'en toute hypothèse, l'article 3 "détermination des prix des produits" ne permet pas au franchisé de connaître les prix auxquels il s'approvisionnera, ceux-ci étant "arrêtés au jour de l'achat" ;

Considérant que si le franchiseur soutient encore que si "les quantités achetées sont trop faibles pour permettre à la centrale de proposer des prix compétitifs, les franchisés ont toutes latitude d'acheter ces produits auprès d'un grossiste local, ces achats peuvent représenter jusqu'à 20 % des achats", cette part est faible, le contrat de franchise imposant au franchisé de s'approvisionner auprès de la société Le bouquet Nantais à hauteur de 80 % de ses achats de produits ; que pour la part des 20 % restant, le contrat d'approvisionnement soumet à l'approbation préalable du fournisseur le choix de tout autre fournisseur tiers ; qu'enfin, il est peu probable qu'avec ce faible volume d'achat, ce fournisseur tiers puisse leur consentir des produits à tarifs intéressants ;

Considérant que le coût du transport constitue une autre variable des coûts d'approvisionnement ; qu'en effet "La part variable du coût réside dans le transport : tout fleuriste doit s'efforcer d'adapter sa commande pour obtenir un volume de livraison suffisant et un chargement des rolls adaptés pour diminuer au maximum de prix du transport" ; qu'ici, encore, seuls les achats groupés permettent d'obtenir des tarifs compétitifs, avec les mêmes problèmes de seuils ;

Considérant que la société appelante ne peut déduire la rentabilité du dispositif d'approvisionnement de la circonstance que la société Le Bouquet Nantais livre ses propres magasins et des fleuristes indépendants dans des conditions identiques (à taux de marge différent pour les indépendants), l'exploitation de ces magasins n'engendrant pas les mêmes coûts et ne supportant pas les mêmes contraintes ; que de même, et contrairement aux allégations de la société Fleurex, il ne suffit pas pour "se convaincre du caractère performant du système", "de constater que Bouquet Nantais livre comme "grossiste" la GMS, Pomona, Leclerc, etc. qui ne sont pas réputés pour accepter des prix déraisonnables", les volumes d'achat en cause étant sans commune mesure avec la puissance d'achat des franchisés ; que les prix consentis à la grande distribution ne sont d'ailleurs pas communiqués, ni les gammes de produits en cause ;

Considérant, en définitive, que le franchisé est lié à hauteur de 80 % de ses approvisionnements au fournisseur Bouquet Nantais ; que les prix auxquels il achète ses bouquets tout prêts sont inconnus au moment de la commande, le prix de vente étant un prix de marché au jour le jour, pouvant donc varier considérablement selon les périodes concernées ; que ces prix se sont avérés plus élevés que les prix des grossistes concurrents et ont interdit aux franchisés de pratiquer des prix de détail concurrentiels ; que la faculté de bénéficier de prix plus stables est réservée au franchisé capable d'acheter des quantités fixes chaque mois, alors que les franchisés n'ont, surtout au début de leur exploitation, qu'une visibilité limitée sur les quantités à vendre chaque mois et ne sont par ailleurs pas aidés par le franchiseur pour déterminer cette valeur ; que le prix du transport, qui varie en fonction du regroupement des commandes, n'est au surplus pas aisément maîtrisable par les franchisés ; que la faculté de s'approvisionner auprès de concurrents, limitée à 20 % des achats, ne permet pas de corriger ces handicaps en terme de coûts d'approvisionnements ; que l'article 3 "détermination des prix des produits" ne permet pas au franchisé de connaître les prix auxquels il s'approvisionnera, ceux-ci étant "arrêtés au jour de l'achat" ; que le savoir-faire transmis n'est donc pas rentable, la difficulté éprouvée par le franchisé étant identique aux problèmes soulevés par les autres franchisés du réseau ;

Considérant, en définitive, que le jugement entrepris doit être approuvé en ce qu'il a jugé que "l'un des éléments essentiels du transfert de savoir-faire, puisqu'il concerne 80 % des achats, dépend des aléas du marché et du poids des coûts de transport unitaires" et en ce qu'il en a conclu que le franchiseur, incapable malgré les doléances des franchisés d'y apporter une solution, avait manqué à son obligation de transmission du savoir-faire ;

Sur l'assistance technique du franchiseur

Considérant que le franchiseur doit intervenir quand le franchisé rencontre des difficultés liées à la mise en œuvre de la franchise ;

Considérant que sollicité par le franchisé dès le mois de mars 2007, la société Fleurex n'a fourni aucune aide à celui-ci ; que ce n'est que sous la pression des franchisés que la société Fleurex accepté de réunir le réseau en juillet 2008 afin qu'il soit débattu des problèmes, "tenant notamment aux redevances, dont les franchisés ne pouvaient s'acquitter" ; que si le directeur de la société Fleurex acceptait d'aider la société Jossoma en renonçant aux redevances de franchise de 2007, la maison-mère, la société Bouquet Nantais Participation, revenait sur cette promesse, aggravant encore les difficultés du franchisé ; qu'enfin, pour couvrir les redevances retenues par le franchisé, le franchiseur actionnait la garantie à première demande du contrat d'approvisionnement qui ne visait que le paiement des produits, et non le recouvrement des redevances ; qu'aucune solution viable n'a été proposée au franchisé, un contrat d'affiliation assorti du paiement de redevances identiques ne constituant pas une telle solution ;

Considérant que la société Fleurex a refusé obstinément d'aider son cocontractant à sortir de l'impasse économique qu'elle a largement contribué à provoquer ;

Considérant qu'il y a lieu, en définitive, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la résiliation du contrat de franchise était intervenue aux torts de la société Fleurex, celle-ci ayant failli dans ses obligations de transmission d'un savoir-faire et d'assistance ;

Sur les arguments de la société Fleurex

Considérant, enfin, qu'aucun grief ne peut être formulé à l'égard du franchisé, de nature à atténuer la responsabilité du franchiseur ; que l'inexécution par le franchiseur de ses obligations essentielles justifiait le défaut de paiement des redevances, qui ne peut être considéré comme fautif ;

Considérant que les sociétés appelantes ne démontrent pas avoir été victimes du comportement déloyal de quatre franchisés qui se seraient coalisés contre elles ; que l'adoption d'une ligne tactique identique ne démontre en effet pas en soi une conspiration frauduleuse ;

Sur la responsabilité de la société Bouquet Nantais Participation (dont la nouvelle dénomination est NABN Participation)

Considérant que les sociétés appelantes font valoir que la société Jossoma est mal fondée à mettre en cause la société Bouquet Nantais Participation, puisqu'elle n'est pas partie à la convention litigieuse et qu'elle est indépendante juridiquement de ses filiales ;

Mais considérant que la société Bouquet Nantais Participation s'est immiscée dans la gestion de sa filiale, la société Fleurex, à plusieurs reprises ; que revenant par lettre du 25 février 2008 sur une promesse du directeur de la société Fleurex d'effacer les impayés de redevances, M. Gregory Reiffers, directeur général de la société Bouquet Nantais Participation, a affirmé que ces impayés "ne peuvent en aucun cas être effacés" ; qu'en cette même qualité, il a signé une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 10 octobre 2008, mettant en demeure la société La Halle aux Fleurs de Niort de régler la somme de 24 145,16 euros au titre des arriérés d'impayés et proposé au franchisé un contrat de licence de marque ; que cette mise en demeure constituait la première étape de la procédure de résiliation prévue à l'article 12-2 du contrat de franchise ; que par courrier du 13 octobre 2008, la société Bouquet Nantais Participation écrit : "les actionnaires ne reviendront pas sur les redevances passées ceci n'est pas acceptable pour BN Participation et ses actionnaires" ; que lors de la réunion annuelle des franchisés du 7 juillet 2008, c'est encore M. G. Reiffers qui explique que "Bouquet Nantais Participation gère BN SA, BNP et Fleurex" ; que ces courriers traduisent l'immixtion intempestive de la holding dans la gestion de sa filiale et démontrent que les décisions de ne pas aider le franchisé par une remise des redevance ou de mettre un terme au contrat de franchise ont été prises par elle ; qu'au surplus, la société Bouquet Nantais Participation se présentait comme l'émanation des trois filiales entre lesquelles existaient de nombreux liens, la holding étant propriétaire de la marque Bouquet Nantais, concédée à Fleurex, et la filiale soeur, la société Bouquet Nantais étant le fournisseur quasi exclusif des franchisés de Fleurex ; qu'en novembre 2008, M. G. Reiffers est devenu directeur général de Fleurex, accentuant encore la confusion entre les sociétés Fleurex et Bouquet Nantais Participation ; que la société La Halle aux Fleurs de Niort a pu légitimement croire, ce qui correspondait à la réalité, que cette société dirigeait de fait la société Fleurex ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Bouquet Nantais Participation était solidairement responsable, avec la société Fleurex, de la résiliation fautive du contrat de franchise et solidairement tenue à en réparer les conséquences dommageables ;

Sur le préjudice

Considérant que la société Jossoma sollicite au titre de ses pertes, le remboursement de la somme de 68 790 €, et, au titre des gains manqués, la somme de 242 503 €, correspondant à deux années de marge brute ;

Considérant que les pertes subies durant les deux années du contrat ne sont pas entièrement imputables au franchiseur ; que le franchisé atteste avoir engagé des dépenses qu'il s'attendait à amortir durant la vie du contrat, à savoir le droit d'entrée, les autres prestations et l'aménagement du magasin aux normes du franchiseur ; que ces sommes n'ont pu être amorties sur deux années ; que les gains manqués au titre des années qui restaient à courir sur le contrat de franchise correspondent aux bénéfices perdus pendant ces cinq années ; qu'il résulte du dossier que cette activité ne dégageait pas tendanciellement de gros bénéfices, compte tenu du niveau des redevances de franchise, et des prix d'approvisionnement ; que le franchisé a perdu par ailleurs l'avantage concurrentiel qu'était censé lui apporter le contrat et a dû engager des frais de reconversion ; que le préjudice du franchisé au titre des gains manqués et des pertes subies a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 120 000 euros ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

Considérant que l'intimée demande aussi le remboursement de la somme de 15 000 €, somme perçue par la société Fleurex, après avoir appelé la garantie à première demande ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à cette demande, cet appel en garantie s'étant avéré abusif ; que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

Considérant qu'il y a lieu, par ailleurs, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés appelantes à rembourser à l'intimée la somme de 14 376,56 €, au titre de la restitution de la quote-part de loyers payés d'avance, ceux-ci ayant été versés pour une durée de sept ans et le contrat n'ayant duré que deux ans ;

Sur les demandes des appelantes

Considérant que les sociétés appelantes seront déboutées de l'intégralité de leurs demandes, celles-ci ne démontrant aucune faute du franchisé ni aucune entente entre franchisés ayant abouti à la déconfiture de la société Fleurex ;

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Jossoma de sa demande de remboursement de la somme appelée en garantie de 15 000 euros, - L'infirme sur ce point, Et statuant à nouveau, - Condamne solidairement les sociétés Fleurex, par fixation à son passif et NABN Participation, (nouvelle dénomination de Bouquet Nantais Participation) à payer à la société Jossoma la somme de 15 000 euros, - Déboute la Selarl L. Riffier & C. Basse, représentée par Maître Basse, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Fleurex et la société NABN Participation (Bouquet Nantais Participation) de leurs demandes, - Condamne solidairement la Selarl L. Riffier & C. Basse, représentée par Maître Basse, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Fleurex et la société NABN Participation (Bouquet Nantais Participation) aux dépens de l'instance d'appel, - Condamne la Selarl L. Riffier & C. Basse, représentée par Maître Basse, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Fleurex et la société NABN Participation (Bouquet Nantais Participation) à payer à la société Jossoma la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.