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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 25 mars 2014, n° 13-13168

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Candy Sud (SARL)

Défendeur :

Magimix (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Girerd

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Bouvier

Avocats :

Mes Taze Bernard, Grappotte-Benetreau, Kouchnir Cargill

T. com. Bordeaux, prés., du 8 janv. 2013

8 janvier 2013

Une ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Bordeaux du 8 janvier 2013 :

- a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Candy Sud tendant à voir constater que la SAS Magimix, qui refuse de l'agréer pour distribuer ses produits, est coupable envers elle d'entente prohibée

- a ordonné, sous astreinte, la cessation des ventes des produits Magimix par la société Candy Sud

- et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Candy Sud, appelante de cette ordonnance, par conclusions transmises le 23-12-13 auxquelles il est renvoyé demande à la cour :

- d'infirmer partiellement l'ordonnance entreprise

en conséquence,

- de dire qu'elle remplit les conditions pour être agréée en qualité de distributeur des produits Magimix et de condamner, sous astreinte, la société Magimix à l'agréer en cette qualité

- de dire que la société Magimix est coupable d'entente prohibée

- de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer les dépens.

Elle soutient :

- que le refus d'agrément n'a été expliqué qu'à l'occasion de l'instance et correspond pour elle à une rupture brutale de relations commerciales préjudiciable à son commerce

- que le réseau de distribution sélective revendiqué par la société Magimix ne repose sur aucun critère objectif et est dépourvu d'étanchéité

- qu'elle dispose de toutes les garanties de qualité et de sérieux pour commercialiser des produits tels que ceux de la société Magimix.

La société Magimix, intimée et appelante incidente, par conclusions transmises le 26-11-13 auxquelles il est renvoyé, demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Candy Sud et a ordonné sous astreinte la cessation des ventes des produits Magimix par la société Candy Sud

- de l'infirmer en ce qu'elle a assorti cette cessation d'une astreinte de 500 € par jour de retard pendant un mois

et, statuant à nouveau

- d'assortir cette cessation d'une astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, sans limitation de durée

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir

- de condamner la société Candy Sud à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer les dépens.

Elle soutient :

- que son réseau de distribution sélective est manifestement licite de sorte que l'appelante n'établit aucun trouble manifestement illicite

- que l'appréciation du bien-fondé de son refus d'agrément de la société Candy Sud relève du juge du fond dès lors qu'il existe une contestation sérieuse à la demande de celle-ci

- que ce litige s'inscrit dans le contexte de vente hors réseau de ses produits, déjà en 2008 puis à nouveau depuis 2013, malgré l'ordonnance entreprise, par la société Candy Sud, qui a d'ailleurs été condamnée par jugement du 22 février 2013 (pièce 38) pour des faits similaire au préjudice de la marque Liebherr.

La clôture des débats a été prononcée par ordonnance le 14 janvier 2014.

Sur ce LA COUR

Sur les demandes de la société Candy Sud

Considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 420-1 du Code de commerce que sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1 Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises; 2 Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3 Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4 Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;

Qu'il est constant qu'un contrat sélectif qualitatif de distribution ne présente pas d'élément anticoncurrentiel au sens de ce texte si le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, et si ces conditions sont fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ;

* Sur la licéité et l'étanchéité du réseau Magimix

Considérant, en l'espèce, qu'au soutien de sa demande de condamnation de la société Magimix à l'agréer comme distributeur de ses produits, la société Candy Sud soutient que le réseau de distribution sélective revendiqué par cette société serait illicite en ce qu'il ne reposerait sur aucun critère objectif et serait dépourvu d'étanchéité, ce que conteste la société Magimix ;

Considérant, sur la licéité du réseau de distribution, qu'il apparaît manifestement établi à l'issue des débats et au vu du contrat de distribution (pièce n° 3 intimée), que les critères de sélection de ses distributeurs par la société Magimix sont objectifs, qualitatifs et initialement définis dès lors qu'ils apparaissent uniformes à l'égard de tous les revendeurs potentiels et tiennent à la qualité des points de vente, la qualité de présentation des produits, la compétence et la formation du personnel de vente et qu'ils ont à l'évidence pour but d'assurer que les consommateurs pourront bénéficier de l'ensemble des informations nécessaires à la préservation de la qualité des produits Magimix et donc de préserver la réputation de cette marque; qu'au demeurant, la société Candy Sud ne fait pas état de critères d'ordre général qu'elle estimerait subjectifs ;

Qu'il ne ressort donc d'aucun élément du dossier, avec l'évidence requise en référé, que le réseau de distribution sélective de la société Magimix soit illicite ;

Considérant, sur l'absence prétendue d'étanchéité du réseau litigieux, que la société Magimix justifie des poursuites qu'elle a engagées pour faire respecter l'interdiction de revente de ses produits hors réseau, (pièces 31-35 intimée);

Qu'en l'état de cette surveillance effective des distributeurs sélectionnés du réseau, la société Candy Sud échoue à établir avec l'évidence requise en référé, son absence d'étanchéité ;

* Sur l'aptitude de la société Candy Sud à intégrer le réseau sélectif

Considérant que pour revendiquer l'agrément en cause, la société Candy Sud soutient encore qu'elle dispose de toutes les garanties de qualité et de sérieux requises pour distribuer les produits de la société Magimix et que la mise en œuvre de la sélection à son égard serait discriminatoire dès lors :

- d'une part, qu'elle offrirait un site d'exploitation tout à fait équivalent à ceux proposés par d'autres sociétés agréées telles SDB international ou d'autres sites Internet agréés tels Privilège Le Discount ou Ecodépot, dont le nom de domaine est comparable au sien, Super10count, que la société Magimix estime pourtant dévalorisant pour sa marque ;

- d'autre part, qu'elle se serait attachée à optimiser ses modalités de présentation des produits de la gamme petit électroménager de la marque Magimix au sein de son magasin du Haillan qu'elle dit situé dans une zone commerciale et non industrielle et disposer d'un personnel et d'un service après-vente qualifiés ;

- enfin, qu'elle est distributeur agréée Kitchen Aid dont le positionnement haut de gamme n'aurait rien à envier à celui que la société Magimix revendique ;

Que la société Magimix conteste le caractère prétendument arbitraire de son refus et prétend justifier ce refus, s'agissant de la vente au magasin du Haillan, par une présentation basique dans les rayonnages d'un simple dépôt aménagé dans une zone qu'elle dit industrielle et non dédiée au commerce, sans point de collecte SAV ni personnel qualifié en nombre suffisant et, s'agissant de la vente sur Internet, par l'usage d'un logo de l'enseigne, d'un nom de domaine, "Super10count", et d'un slogan, "Super10count, l'électroménager à prix discount" qui dévaloriseraient ses produits (pièces 36-37) ;

Considérant que la société Candy Sud ne verse à l'appui de ses affirmations en réponse à la contestation circonstanciée par la société Magimix de son aptitude à distribuer les produits de cette marque, que divers courriers, captures d'écran et photos, dont, à l'exception des photos, elle ne tire aucune conséquence précise de nature à établir que le refus de son agrément constitue un trouble manifestement illicite ;

Considérant, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande d'agrément de la société Candy Sud par la société Magimix ;

* Sur la demande au visa de l'article 872 du Code de procédure civile

Considérant qu'en vertu de l'article 872 du Code de procédure civile, visé dans ses conclusions par la société Candy Sud, dans tous les cas d'urgence, la juridiction des référés peut prendre toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;

Que la situation de la société Candy Sud ne nécessite aucune mesure urgente; qu'il n'y a donc pas lieu à faire application de cet article ;

Sur les demandes de la société Magimix

Considérant que la société Magimix soutient que la société Candy Sud se rend coupable de parasitisme et de concurrence déloyale en profitant du prestige de la marque dont elle commercialise les produits, sans participer aux investissements nécessaires à un développement de qualité de son réseau de distribution ; qu'elle demande en conséquence la cessation sous astreinte de ces ventes ;

Qu'il se déduit du caractère manifestement licite du contrat de distribution sélective de la société Magimix et du défaut d'agrément de la société Candy Sud pour en distribuer les produits, que de telles ventes hors réseau constituent un trouble manifestement illicite ;

Qu'au vu des pièces, 9 à 10, 22 à 26 et 29 de la société Magimix, ces ventes sont manifestement établies ; qu'il convient donc de les faire cesser au plus vite ;

Que les circonstances de la cause justifient la confirmation du montant de l'astreinte retenu par le premier juge mais l'infirmation sur sa durée, dans les conditions du dispositif du présent arrêt ;

Considérant que la nature de l'affaire ne justifie pas les mesures de publicité sollicitées ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;

Considérant que la société Candy Sud qui succombe supportera la charge des dépens.

Par ces motifs Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Candy Sud tendant à obtenir l'agrément de la société Magimix pour la distribution de ses produits, en ce qu'elle a ordonné la cessation par la société Candy Sud de la vente des produits Magimix et en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes, L'infirme pour le surplus, Statuant nouveau, - Dit que la présente condamnation de la société Candy Sud à cesser de vendre les produits de la société Magimix est assortie d'une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant un an, - Rejette toute autre demande - Condamne la société Candy Sud à payer à la société Magimix la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile - La condamne aux dépens et autorise la SCP d'avocats Grappotte Benetreau, en la cause, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.