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Décisions

CA Bourges, premier président, 25 mars 2014, n° 13-00878

BOURGES

Ordonnance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Decomble

TGI Nevers, JLD, du 27 mai 2013

27 mai 2013

Le 27 mai 2013, le JLD du Tribunal de grande instance de Nevers, sur requête de la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, autorise celle-ci à faire procéder dans les locaux de plusieurs entreprises, dont X à Annecy-le-Vieux, à des visites et saisies prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce, afin de rechercher les preuves des agissements qui entrent dans le champ de la pratique prohibée par les articles L. 420-1, 2 du Code de commerce et 101-1 TFUE, relevés dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, ainsi que toute manifestation de concertation prohibée.

Le 5 juin 2013, la SA X saisit le premier président d'un recours en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alinéa 12 et demande :

- l'annulation des saisies informatiques portant sur les scellés n° 12 à 14, la nullité des messageries informatiques incluses dans les scellés 12,13 et 14 en ce qu'elles constituent pour chaque messagerie un fichier unique et insécable, et,

- à titre subsidiaire, de faire injonction à l'Autorité de la concurrence de communiquer l'inventaire exhaustif de l'ensemble des pièces identifiées comme ne présentant aucun lien avec le champ de l'ordonnance et de chaque messagerie électronique saisie jugées utiles pour l'Autorité.

Elle demande en outre la condamnation de l'Autorité de la concurrence à lui payer la somme de 30 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par conclusions du 17 janvier 2014, l'Autorité de la concurrence sollicite :

- le rejet de la demande d'annulation des saisies informatiques réalisées chez X, sauf si les 16 documents du poste de M. Y listés par la SA X sont effectivement des correspondances entre l'avocat et le client, et donc protégés par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

- le rejet de la demande d'injonction à elle-même, de communiquer l'inventaire exhaustif des pièces jugées utiles et de celles qui sont écartées ;

- la condamnation de la SA X à lui payer la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Ministère public fait des observations, en rapport avec la jurisprudence de la Cour de cassation depuis des arrêts du 24 avril 2013.

Ces observations sont communiquées à chaque partie par le greffe.

Le 26 février 2014, la SA X dépose des conclusions reprenant ses demandes en s'appuyant notamment sur la jurisprudence de la Cour de cassation depuis les arrêts du 24 avril 2013.

A l'audience du 4 mars 2014, la SA X maintient ses moyens et demandes exposés dans ses conclusions.

L'Autorité de la concurrence reprend ses moyens en défense exposés dans ses conclusions.

DÉCISION

1) Sur le principe de la protection légale du secret professionnel de l'avocat

Attendu que le principe du secret professionnel est d'ordre public comme relevant de la catégorie des droits fondamentaux ;

Qu'en effet le secret professionnel est la base de la relation de confiance qui existe entre l'avocat et son client ;

Qu'il constitue une garantie essentielle de la liberté de l'individu et du bon fonctionnement de la justice ;

Attendu que l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, précise qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat ( ...) et plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel" ;

Qu'ainsi, ne peuvent être saisies les correspondances, sous quelque forme que ce soit, entre un avocat et son client, à l'exception de celles qui sont susceptibles d'établir la participation de l'avocat à une infraction pénale ;

Qu'il résulte des principes rappelés, que la seule présence de pièces insaisissables parmi des fichiers informatiques susceptibles de contenir des éléments intéressant une enquête, ne peut avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents, la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents étant sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies pratiquées ;

Attendu qu'en l'espèce, l'application des règles protectrices du secret professionnel de l'avocat en relation avec son client, ne peut donc en soi, justifier la demande présentée par la SA X en annulation de l'ensemble des saisies autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nevers ;

Attendu que par ailleurs, la demande de production par l'Autorité de la concurrence de la liste exhaustive des pièces saisies n'est pas fondée dès lors que la demande par la SA X d'annulation de la saisie des correspondances avec son avocat, démontre qu'elle a pu avoir accès à l'inventaire ;

2) Sur la protection légale des correspondances de la SA X avec son avocat

Attendu qu'en vertu du principe fondamental de la protection du secret professionnel de l'avocat et de la confidentialité du contenu des échanges relevant du droit de la défense des citoyens dans une société démocratique, la saisie des documents de cette nature doit être annulée et lesdits documents restitués à leur propriétaire ;

Qu'en l'espèce, il ressort des éléments produits que 16 documents figurant dans la saisie informatique du poste de travail de M. Y, salarié de la SA X relèvent de la catégorie des correspondances entre l'un des avocats associés membres de la société professionnelle d'avocats "Fidal Lyon", Maître A, Maître B et Maître C, et son client, la SA X ;

Que la saisie de ces documents exclusivement, doit donc être annulée et les documents restitués à la SA X;

3) Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que l'appel formé par la SA X n'est que partiellement fondé ; Que dans ces conditions, la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile n'est pas justifiée ;

Par ces motifs Statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement Annulons la saisie, en exécution de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nevers du du 24 mai 2013, des documents suivants contenus dans l'ordinateur de M. Y, salarié de la SA X : - 1131 - Fidal janv. 2011.doc ; - 1139 - Fidal janv. 2011.doc ; - 1141 - Jurisoph 19 fév 07.doc dans le dossier "juridique": - 12 correspondances entre Maître A, avocate et M. Y concernant le contentieux W - le message du 21 avril 2010 en provenance des avocats Maître B et Maître C ; Ordonnons la restitution de ces documents par l'Autorité de la concurrence à la SA X, dans les huit jours à compter du jour où cette décision sera devenue définitive ; Déboutons les parties de leurs demandes réciproques sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Disons que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.