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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 20 mars 2014, n° 13-01040

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Edi Sud (SARL)

Défendeur :

Editions Atlas (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farina

Conseillers :

Mmes Aublin-Michel, Bertoux

Avocats :

Mes Couppey Leblond, Morlon, Masson, Landon

T. com. Evreux, du 10 janv. 2013

10 janvier 2013

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 15 décembre 2000 la société Editions Atlas et la société Edi Sud ont conclu une convention intitulée "contrat d'agent commercial", portant sur la vente d'ouvrages, et par laquelle, la première confiait à la seconde le mandat de vendre à titre exclusif, en son nom propre, et pour son compte, des ouvrages qu'elle édite et commercialise.

Par courriers notamment des 16 mars et 25 mai 2011 la société Edi Sud, reprochant à la société Editions Atlas de ne plus la mettre en mesure d'exercer son activité d'agent commercial, lui a fait part de ses inquiétudes sur les conditions d'exécution du contrat et en particulier :

- la fermeture de la division "fascicules" qui, jusqu'alors, lui adressait les coupons-réponses de clients intéressés par des produits au réseau des agents commerciaux,

- l'organisation de ventes privées sur Internet à des conditions de prix plus avantageuses que celles fixées pour les ventes à domicile effectuées par les agents commerciaux,

- la disparition des opérations publicitaires qui, jusqu'alors assuraient auprès du public la promotion des articles vendus par les agents commerciaux.

Invoquant la cessation des relations contractuelles résultant de circonstances imputables à la société Editions Atlas la société Edi Sud a agi en indemnisation de préjudice devant le Tribunal de commerce d'Evreux.

Par jugement du 10 janvier 2013 le Tribunal de commerce d'Evreux a :

- débouté la société Edi Sud de ses demandes,

- prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société Edi Sud,

- condamné la société Edi Sud à payer à la société Editions Atlas la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Edi Sud aux dépens.

La société Edi Sud a interjeté appel de ce jugement, dont elle poursuit l'infirmation et par conclusions du 15 janvier 2014 elle demande à la cour de :

- déclarer la société Editions Atlas irrecevable en sa demande de requalification de contrat,

- et relativement à la qualification du contrat constater que :

- celui-ci est un contrat d'agent commercial,

- dans ses écritures déposées devant le Tribunal de commerce du Havre la société Editions Atlas a expressément reconnu la qualité d'agent commercial de la société Edi Sud,

- dire que la société Editions Atlas ne prouve pas que le contrat d'agent commercial la liant à la société Edi Sud devrait être requalifié,

- rejeter toutes prétentions de la société Editions Atlas sur ce point,

- subsidiairement, pour le cas où le contrat serait requalifié dire que la société Editions Atlas a commis une faute en trompant délibérément la société Edi Sud sur la nature de contrat qui liait les parties,

- condamner, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la société Editions Atlas au paiement des indemnités auxquelles la société Edi Sud aurait pu prétendre du fait de son statut d'agent commercial,

- sur le fond, constater que la société Editions Atlas, en modifiant profondément l'équilibre du contrat liant les parties, a manqué à ses obligations contractuelles ;

- en conséquence :

- prononcer la résiliation aux torts de la société Editions Atlas,

- dire que la société Edi Sud est fondée à obtenir les indemnisations prévues par la loi et par le contrat,

- condamner la société Editions Atlas à payer les sommes de :

- 24 258 euros TTC, sur le fondement de l'article L. 134-11 du Code de commerce,

- 162 264 euros (non soumise à TVA) sur le fondement de l'article L. 134-12 du même Code,

- constater que la société Editions Atlas ne conteste pas le montant des indemnités sollicitées,

- dire que la société Editions Atlas est redevable à l'égard de la société Edi Sud d'une somme de 70 333 euros au titre de dé-commissionnements injustifiés,

- dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la date de l'assignation,

- condamner la société Editions Atlas aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 21 janvier 2014, la société Editions Atlas demande à la cour, confirmant le jugement déféré de :

- constater que la convention du 15 décembre 2000 et les conditions réelles de l'exécution de celle-ci ne permettent pas à la société Edi Sud de se prévaloir du statut des agents commerciaux et de demander l'application des dispositions des articles L. 134-1 du Code de commerce,

- constater que la société Edi Sud ne prouve pas sa qualité d'agent commercial,

- débouter la société Edi Sud de ses demandes,

- condamner la société Edi Sud au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un exposé plus ample des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2014.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

I) Sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société Edi Sud

Attendu que la société Edi Sud expose que la société Atlas Editions, après l'avoir considérée comme agent commercial pendant toute la durée des relations contractuelles, et avoir soutenu dans ses écritures devant le tribunal de commerce que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial, prétend désormais que le contrat doit être requalifié en mandat de droit commun, lequel est résiliable sans indemnité ;

Que considérant ce moyen aurait dû être soulevé dès la première instance, la société Edi Sud invoque un non-respect du principe de loyauté des débats, ce changement d'argumentation constituant selon elle un estoppel qui rend irrecevable le moyen de défense tendant à voir requalifier le contrat ;

Mais attendu qu'une partie est recevable à invoquer au début de l'instance devant la cour d'appel, un nouveau moyen de droit; que l'exception d'irrecevabilité n'est donc pas fondée ;

II) Sur les prétentions des parties

Attendu que la société Edi Sud expose qu'initialement la société Editions Atlas commercialisait ses produits sous trois formes :

- vente par correspondance,

- vente en kiosque,

- et vente à domicile, lesquelles s'effectuaient par l'intermédiaire d'un réseau de 350 agents commerciaux indépendants couvrant l'ensemble du territoire national ;

Qu'elle fait valoir qu'à partir de l'année 2008, la société Atlas Editions, a délaissé son réseau d'agents commerciaux pour pratiquer essentiellement le commerce électronique ;

Qu'elle décrit de façon détaillée, à travers deux périodes d'activité commerciale le changement de stratégie invoqué, à savoir :

A) Avant l'année 2008

L'activité des agents commerciaux était, selon elle ainsi organisée :

- la société Editions Atlas éditait de nouveaux produits (CD, livres, objets de collection ) spécifiquement dédiés (par la division "fascicules") au réseau de vente à domicile constitué des agents commerciaux,

- puis, après avoir organisé des tests auprès du public, la société Editions Atlas procédait à d'importantes campagnes de publicité notamment télévisées,

- elle invitait les clients à lui retourner les coupons - réponses publiés dans différents journaux ou encore insérés dans les fascicules édités par la société Atlas Editions,

- en fonction de leur secteur géographique, elle redistribuait aux agents commerciaux les coupons - réponses, qui lui étaient ainsi retournés,

- le chiffre d'affaires des agents commerciaux se faisait ainsi principalement :

- sur les produits nouveaux dont la vente leur était réservée en exclusivité, étant précisé que ces produits étaient issus de la division "fascicules" ;

- grâce aux coupons - réponses que la société Editions Atlas leur envoyait, ces coupons leur permettant d'aller démarcher les personnes ayant déjà manifesté par l'envoi du coupon leur intérêt pour les produits Atlas ;

B) A compter de l'année 2008

La société Editions Atlas a modifié de façon substantielle sa stratégie commerciale pour éviter de supporter la charge financière de son réseau d'agents commerciaux et ce :

- en n'organisant plus de campagnes publicitaires ni de tests pour les produits réservés aux agents commerciaux,

- en réduisant fortement le nombre de coupons-réponses correspondant à la clientèle potentielle des agents commerciaux,

- en n'éditant plus certains produits qu'auparavant elle destinait exclusivement à la vente à domicile et en supprimant certaines collections Atlas, ce qui contraignait désormais les agents commerciaux, privés de produits spécifiques et nouveaux, de proposer à leurs clients des produits déjà commercialisés par la société Editions Atlas par Internet (vente par correspondance) soit proposés par celle-ci à ses partenaires commerciaux ;

- cette pénurie organisée de produits et de clients a provoqué un effondrement progressif du chiffre d'affaires et donc des commissions,

- le nombre des agents commerciaux est passé de 350 (en 2006) à 20 (en 2011), étant précisé qu'il n'y a plus désormais d'agents commerciaux Atlas ;

Attendu que la société Edi Sud considère que ces modifications ont fortement réduit le volume de ses ventes et donc l'importance de ses commissions, l'empêchant ainsi de continuer a exécuter son mandat ;

Qu'elle indique à cet égard que son chiffre d'affaires est passé de :

- 348 901 euros en 2010 (soit 28 658 euros par mois),

- à 52 567 euros pour le premier semestre 2011 (soit 8 761 euros par mois),

- les commissions passant quant à elles de 4 567 euros en moyenne par mois à 2002 euros ;

Qu'elle fait valoir que pour masquer la pénurie de produits nouveaux à vendre à domicile, la société Editions Atlas lui a imposé progressivement des secteurs géographiques plus étendus, ce que traduisent les ratios Chiffre d'affaires / Secteur géographique :

- 2010 : 348 901 euros pour 477 75 habitants, soit 730 euros pour 1 000 habitants,

- 2011 : 70 568 euros pour 1 025 288 habitants soit 137 euros pour 1 000 habitants ;

Qu'elle indique que l'augmentation de la taille de son territoire de prospection l'a contrainte à supporter un surcroît de travail, une augmentation de ses charges et en particulier des frais de déplacement et d'importants dé-commissionnements pratiqués par la société Atlas Editions, l'accroissement du nombre d'habitants augmentant les risques d'impayés résultant de la défaillance des clients ;

Qu'elle précise que c'est l'effondrement du montant de ses commissions à partir de début de l'année 2011 qui l'a contrainte à engager la présente instance ;

Que se prévalant du statut des agents commerciaux elle soutient qu'il appartient à la société Editions Atlas qui conteste l'application de ce statut de prouver que le contrat d'agent commercial qu'elle a signé doit être autrement qualifié ;

Attendu que pour s'opposer à ces demandes la société Editions Atlas fait valoir qu'après avoir réalisé en 2010 un chiffre d'affaires supérieur à celui de l'année précédente, la société Edi Sud a décidé à partir du 20 juillet 2011 de ne plus exécuter son mandat ;

Qu'elle estime en conséquence que la rupture de celui-ci est exclusivement imputable à la société Edi Sud ;

Qu'elle considère que la société Edi Sud ne prouve pas sa qualité d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

Qu'elle soutient à cet égard que tant les dispositions du contrat du 15 décembre 2000 que les conditions dans lesquelles le mandat a été effectivement exécuté montrent que la société Edi Sud n'exerçait pas une activité d'agent commercial et qu'en particulier elle n'avait pas le pouvoir de négocier ni celui de contracter au nom et pour le compte de la société Editions Atlas ;

Qu'au soutien de ses prétentions elle fait valoir que, ne donnant à la société Edi Sud que la mission de prendre des commandes, l'article 5-1 du contrat obligeait celle-ci à respecter les conditions de vente ainsi que les modalités de paiement fixées par son mandant lequel se réservait les droits de vérifier si ces conditions étaient remplies et d'accepter définitivement la commande ;

Qu'elle en déduit que la société Edi Sud n'avait aucun pouvoir quant aux conditions de vente et que la preuve de l'existence d'un mandat d'intérêt commun qui constitue l'un des critères du contrat d'agent commercial n'est pas rapportée ;

III) Sur la qualification du contrat d'agent commercial

Attendu qu'il appartient à la société Edi Sud qui demande, en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, le paiement d'une indemnité de rupture, de démontrer la qualité d'agent commercial qu'elle invoque ;

Attendu que selon l'article L. 134-1 du Code de commerce l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante est chargé, de façon permanente, de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, ou de commerçants" ;

Attendu en l'espèce que tant les dispositions du contrat que les pièces du dossier, établissent que la société Edi Sud a exercé, au sens de ce texte, une activité d'agent commercial,

Attendu en effet que l'article 1 de la convention conclue entre la société Editions Atlas et la société Edi Sud, intitulée "contrat d'agent commercial", définit ainsi l'objet de la convention :

1 - 1 Le mandant accorde à l'agent le mandat de vendre à titre exclusif en son nom et pour son compte des ouvrages qu'il édite et commercialise ci-après dénommés "les produit" ;

Qu'il confère ainsi à l'agent le pouvoir de vendre de façon permanente au nom et pour le compte de son mandant, au sens de l'article L. 134-1 ;

Que l'article 2 du contrat énonce que "en sa qualité d'agent commercial, l'agent jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique" ;

Qu'il n'est pas sérieusement contesté que la société Edi Sud, libre de l'organisation de son activité, a rempli ses obligations contractuelles à titre de profession indépendante ;

Attendu, concernant le pouvoir de négocier, que pour un agent commercial, la négociation est l'action de traiter une affaire en démarchant une clientèle, et en engageant une discussion en vue d'aboutir à un accord ;

Que cette discussion ne porte pas seulement sur le prix de vente mais plus globalement sur l'ensemble des éléments de nature à déterminer le client potentiel à acheter ;

Attendu en l'espèce que tant les dispositions contractuelles que la pratique suivie par les parties montrent que l'activité de la société Edi Sud consistait à négocier et à conclure des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant, étant rappelé que sa commission était calculée en fonction du montant des ventes réalisées ;

Qu'en énonçant que la commission due à l'agent est calculée "déduction faite de toute remise de l'agent" l'article 7 - 1 du contrat donne à la société Edi Sud le pouvoir de procéder à une remise sur le prix de vente ;

Que le mandataire disposait ainsi, de ce point de vue, du droit de négocier les conditions de la vente ;

Attendu en outre que l'article 5 du contrat définit comme suit le rôle de la société Edi Sud :

- "établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel,

- prendre des commandes pour le compte du mandant,

- entreprendre toutes démarches et exécuter les formalités nécessaires à la conclusion de la vente pour le compte du mandant,

- organiser la promotion de la marque du mandant et des produits dont il est en charge" ;

Que la société Edi Sud verse aux débats des documents relatifs aux conditions de vente et en particulier "les tarifs et plannings d'expédition" ; que ces documents ne sont pas destinés au public mais "à toute la force de vente" et donc aux agents de la société Editions Atlas ;

Qu'ils prévoient, dans certains cas, une possibilité de remise de 3 %, la gratuité des frais de port, l'absence d'agios sur les frais de port, des mensualités de paiement différentes selon les articles, des perceptions forfaitaires différentes, des reprises de solde en cas de paiement à crédit, etc..., la possibilité de vendre à l'unité les éléments d'une collection, ainsi que des offres promotionnelles ;

Qu'ils montrent que, dans le cadre défini par la grille tarifaire établie par son mandant, la société Edi Sud, à partir d'éléments de conditions de vente connus des seuls professionnels de la vente des produits Atlas, disposait d'une marge de manœuvre qui lui permettait, en utilisant au mieux les différentes options ouvertes, d'inciter les clients à l'achat, et de parvenir ainsi de façon efficace à la vente d'articles au nom et pour le compte de la société Editions Atlas ;

Attendu en outre qu'alors que le coupon-réponse que renvoyait le client potentiel ne portait que sur un seul produit ou sur un nombre limité de produits, la société Edi Sud, lors de son déplacement auprès du client ne se contentait pas d'évoquer le ou les seuls articles du coupon-réponse, elle proposait alors une gamme étendue de collections, orientant le choix de la clientèle en fonction des besoins de celle-ci ;

Qu'elle pouvait de ce point de vue façonner le contenu du contrat de vente conclu, en définitive par le client avec la société Editions Atlas ;

Que la société Edi Sud, à partir d'un seul coupon-réponse, à l'offre limitée, et par son travail de valorisation des produits Atlas, puis de suivi, multipliait ainsi les chances de ventes d'articles à un client potentiel ;

Attendu au surplus qu'il convient d'observer :

- d'une part que dans sa publicité destinée au recrutement de ses agents (pièce n° 52) la société Atlas mentionne comme condition de collaboration avec elle "l'expérience de la négociation",

- et d'autre part que, dans une logique de performance dans l'accomplissement de l'activité de négociation, la société Editions Atlas éditait périodiquement un classement des 100 premiers agents commerciaux en termes de chiffre d'affaires correspondant aux ventes réalisées (cf : pièce n° 36 de la société Edi Sud) ;

Attendu que de ce qui précède il résulte que la société Edi Sud disposait en pratique d'un pouvoir de négociation au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

Attendu que le fait que la société Editions Atlas ait conservé une certaine maîtrise de l'activité de la société Edi Sud en encadrant et en surveillant les négociations menées par celle-ci, n'exclut pas en lui-même la qualité d'agent commercial ;

Attendu que l'existence des pouvoirs de représentation et de négociation ci-dessus caractérisés, fait apparaître que le contrat du 15 décembre 2000 était conclu dans l'intérêt commun ;

Que les obligations réciproques des parties avaient en effet comme finalité commune le développement d'une clientèle, la société Edi Sud ayant pour mission, à partir du fichier client, des coupons-réponses et de son travail de prospection de fidéliser et de développer une clientèle de la société Editions Atlas sur le secteur géographique confié ;

Que la part de marché qui en est résulté pour la société Editions Atlas représente aussi pour la société Edi Sud un potentiel de commissions et permet de mesurer la valeur économique de son mandat ;

Attendu que les éléments ci-dessus font ressortir que les conditions contractuelles et de fait dans lesquelles la société Edi Sud exerçait son mandat étaient celles d'un agent commercial et que celle-ci est fondée à invoquer le statut d'agent commercial ;

IV) Sur la demande de résiliation du contrat d'agent commercial

Attendu que la société Edi Sud demande à la cour de prononcer sur le fondement des articles 1184 du Code civil et L. 134-4 du Code de commerce la résiliation du contrat d'agent commercial ;

Qu'elle fait valoir qu'un ensemble de circonstances imputables à la société Editions Atlas l'ont empêchée d'exécuter son mandat ;

Attendu de son côté, faisant état de l'absence de chiffre d'affaires depuis le 1er juillet 2011, la société Editions Atlas soutient que la société Edi Sud a volontairement cessé d'exécuter le contrat ;

Qu'elle fait valoir que cette inexécution est exclusivement imputable à la société Edi Sud dont l'associé qui, en pratique exécutait seul le mandat, a, selon elle, décidé de changer d'activité professionnelle à compter du mois d'octobre 2011 ;

Attendu que des dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce il résulte que :

- "en cas de cessation de ses relations avec le mandant l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi" ;

- cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

Attendu en l'espèce qu'il résulte des documents versés aux débats et en particulier d'attestations émanant d'anciens agents commerciaux et d'un ancien directeur commercial de la société Atlas Editions, de documents émanant de celle-ci (tableaux graphiques, documents publicitaires) et d'articles de presse présentant sa stratégie commerciale, que cette société a développé, de 2003 à 2007, époque durant laquelle la société Edi Sud exécutait son mandat, une politique économique reposant en partie sur son réseau d'agents commerciaux et mettant en œuvre les principales modalités suivantes :

- commercialisation des produits culturels par trois réseaux :

- vente par correspondance,

- vente en kiosque,

- vente à domicile par l'intermédiaire de ses agents commerciaux ;

- mise à disposition de l'agent commercial d'un fichier clients établi pour son secteur, et de coupons-réponses insérés dans les formulaires Atlas qu'elle éditait ou joints aux publicités insérées dans les revues vendues dans les kiosques ;

- ces outils permettaient à l'agent commercial de prospecter la clientèle ;

- multiplication de lancements de nouvelles collections et autres nouveaux produits précédée de tests auprès du public et de campagnes publicitaires télévisées, la mise en œuvre de ces moyens ayant pour effet d'accroître ou de maintenir à un niveau élevé le nombre de coupons-réponses, et donc le nombre de clients potentiels ;

- au sein de la société Editions Atlas le service édition de fascicules était plus spécialement chargé des liens avec les agents commerciaux ;

Attendu que les auteurs des attestations susvisées (notamment M. Robin, et M. Martinez) déclarent qu'ils réalisaient l'essentiel de leur chiffre d'affaires grâce aux nouveaux produits ;

Qu'insistant sur l'importance de la nouveauté, ils indiquent que les produits nouveaux, édités par la société Editions Atlas (par sa division fascicules) et issus d'une campagne publicitaire, généraient des coupons-réponses en quantité et en qualité suffisantes pour leur permettre d'exercer leur activité ;

Attendu que tant ces attestations que les bulletins d'activité de la société Editions Atlas montrent à compter de l'année 2008, une modification profonde de la politique de la société Editions Atlas à l'égard des agents commerciaux avec principalement :

- la nette diminution du nombre de produits nouveaux destinés à la vente à domicile,

- la diminution du nombre d'agents commerciaux au plan national, étant précisé que la société Edi Sud indique sans avoir été contredite sur ce point, que désormais il n'en existerait plus ;

- la réduction sensible du nombre d'opérations publicitaires télévisées de lancement de produits, comme celle du nombre de tests,

- la suppression de collections éditées par la société Editions Atlas et jusqu'alors proposées à la vente à domicile,

- la fermeture de la division Fascicules en 2010 ;

- et en conséquence la baisse de qualité des coupons-réponses retransmis par la société Editions Atlas ;

Attendu que l'exécution du contrat conclu le 15 décembre 2000 entre la société Editions Atlas et la société Edi Sud s'inscrit dans le contexte de modification profonde de la stratégie commerciale ci-dessus décrite ;

Attendu que la société Edi Sud fait valoir que comme les autres agents commerciaux elle s'est trouvée confrontée à la nécessité de commercialiser des produits de collections anciens ainsi que de rares produits nouveaux déjà exploités par le réseau de la vente par correspondance ou par des partenaires extérieurs de sa mandante, alors qu'avant 2008 elle bénéficiait d'une exclusivité sur des produits édités par la société Editions Atlas ;

Qu'elle invoque la chute de son chiffre d'affaires à compter du mois de janvier 2011 ;

Qu'elle précise que si, en apparence le nombre de coupon-réponses est resté constant, ce nombre correspondait en 2009 à un territoire de 477 715 habitants contre en 2010, un territoire de 1 025 288 habitants, en sorte que pour continuer à maintenir son activité elle a été contrainte à d'importants déplacements sur un territoire bien plus étendu ;

Attendu que pour s'opposer aux prétentions de la société Edi Sud la société Editions Atlas fait valoir qu'elle n'a pris aucun engagement ni quant au nombre et à la fréquence de nouveaux produits, ni quant à la fourniture de produits de la division fascicules ni encore quant au renouvellement de son catalogue de produits et au nombre de coupon-réponse ;

Qu'elle soutient en outre que le chiffre d'affaires de la société Edi Sud était de :

- 296 162 euros en 2009,

- 348 901 euros en 2010,

- et pour les 5 premiers mois de l'année 2011 de 68 568 euros ;

Que concernant les coupon-réponse elle réplique que le nombre de celui-ci mis à la disposition de la société Edi Sud était en 2011 (1197 à mi-juin) plus élevé qu'en 2010 (2145) lequel était plus élevé que celui de 2009 (1680) ;

Mais attendu sur le premier point que s'il n'est pas interdit à un mandant de retirer, dans le cadre de sa politique commerciale et financière, une partie des moyens qu'il avait mis en œuvre pour permettre à l'agent commercial de remplir son mandat ce retrait de moyens ne peut avoir pour effet d'affecter de façon sensible les revenus de l'agent ;

Attendu sur le second point que :

- d'une part les tableaux produits aux débats établissent une baisse très marquée du chiffre d'affaires de la société Edi Sud à compter du 1er janvier 2011,

- et d'autre part que l'importante extension du secteur géographique confié à la société Edi Sud (avenant du 3 août 2009 : 477 715 habitants ; avenant du 27 octobre 2010 : 1 025 288 habitants) s'est traduite, pour le mandataire, à la fois par un accroissement de charges et en particulier de dépenses de déplacement et par un surcroît d'activité, le tout ne lui permettant plus d'exercer son activité dans des conditions normales ;

Attendu sur le troisième point que les parties sont en désaccord sur le nombre de coupon-réponses mis à disposition de la société Edi Sud ;

Mais attendu qu'il convient de rappeler que le changement de stratégie économique de la société Editions Atlas a provoqué une chute marquée du chiffre d'affaires de la société Edi Sud à compter de janvier 2011, tandis que l'extension du secteur géographique a alourdi de façon importante ses charges et, sans contrepartie, sa charge d'activité ;

Que par ailleurs les attestations susvisées établissent que faute de nouveaux produits dédiés au secteur de la vente à domicile, les agents commerciaux Atlas, et donc la société Edi Sud, n'ont plus disposé que de coupon-réponse se rattachant à des produits de plus faible rentabilité car également commercialisés par d'autres, soit dans le cadre de la vente par correspondance, soit dans celui du partenariat institué par la société Editions Atlas ;

Attendu que de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire d'examiner en outre le moyen tiré de la violation d'une obligation d'information, il résulte que la cessation du contrat ne procède pas d'un manquement de la société Edi Sud à ses obligations contractuelles mais exclusivement de circonstances imputables à la société Editions Atlas par suite desquelles la poursuite de l'activité de l'agent commercial ne peut plus être raisonnablement exigée au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce ;

Que la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité de fin de contrat est donc fondée en son principe ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé ;

V) Sur les demandes en paiement d'indemnités

a) Sur l'indemnité de cessation du contrat

Attendu que selon l'article L. 134-12 du Code de commerce "en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial à droit une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi" ;

Attendu en l'espèce que compte tenu des importantes modifications survenues dans les conditions d'exécution du contrat et de la chute du chiffre d'affaires à compter du 1er janvier 2011, cette indemnité sera calculée sur la base de la moyenne annuelle des commissions HT perçues au cours des années 2008 à 2010, soit au vu des décomptes et relevés produits aux débats les sommes suivantes :

- année 2008 : 54 334 euros,

- année 2009 : 85 378 euros,

- année 2010: 103 196 euros

- soit au total : 243 388 euros,

ce qui donne une moyenne mensuelle de 6 761 euros et donc de 80 132 euros par an ;

Que l'indemnité sera fixée conformément à l'usage sur la base de deux années soit : 81 132 euros x 2 = 162 264 euros ;

b) Sur l'indemnité de préavis

Attendu qu'en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce et compte tenu de la durée du contrat d'agent commercial, l'indemnité de préavis est fixée à la somme de : 6 761 euros x 3 = 20 283 euros hors-taxes, aucun motif particulier ne justifiant d'ajouter à cette somme le montant de la tva ;

c) Sur les intérêts

Attendu que les indemnités susvisées produiront intérêts au taux légal alloués à titre compensatoire à compter du 25 juillet 2011, date de l'assignation.

VI) Sur la demande en remboursement de dé-commissionnements

Attendu que la société Edi Sud demande la condamnation de la société Editions Atlas à lui payer la somme de 70 333 euros au titre des dé-commissionnements effectués depuis l'année 2008 ;

Qu'elle fait valoir que la société Editions Atlas ne prouve ni que son service contentieux soit intervenu auprès de clients défaillants ni, le cas échéant que ces interventions se soient révélées infructueuses ;

Mais attendu que l'article 7 du contrat ("rémunération") d'agent commercial décrit de façon détaillée les conditions de calcul du montant de la commission ; que l'article 7 - 6 précise ainsi :

- le mandant avance dans le mois suivant leur enregistrement la totalité de la commission sur les ventes à tempérament réalisées par l'agent commercial,

- la partie de commission payée d'avance sera reprise dès que l'analyse des comptes fera apparaître un retard de paiement défini comme étant une absence de paiement définitif à partir de 60 jours de retard,

- si l'intervention du service contentieux du mandant auprès de clients s'avère positive, l'agent sera recrédité de la commission ;

Attendu que la société Editions Atlas a mis en œuvre la procédure prévue par ces dispositions à savoir d'abord le paiement par anticipation des commissions sans attendre d'avoir été elle-même payée par ses clients, puis le cas échéant la pratique du dé-commissionnement en cas de défaillance ultérieure du client ;

Qu'elle expose sans être sérieusement démentie sur ce point avoir mis en place un site Internet permettant à chaque agent commercial de suivre chaque opération de dé-commissionnements envisagée, comme les résultats des actions de recouvrement confiées à deux organismes de recouvrement, les sociétés Secep et Intrum justitia, deux attestations de ces sociétés répertoriant ces actions et leurs résultats, étant en outre produites aux débats, à titre d'exemple d'action de recouvrement ;

Qu'elle a régulièrement donné à son agent les informations mensuelles sur la gestion des impayés de son secteur ;

Attendu en outre qu'il résulte des dispositions contractuelles susvisées que les opérations de dé-commissionnement et de re-commissionnement étaient étroitement liées à celles du recouvrement de la créance de la société Editions Atlas sur ses clients ; que celle-ci fait ainsi à juste titre observer qu'elle n'avait aucun intérêt à négliger la gestion de ses impayés ;

Attendu par ailleurs qu'il n'est pas contesté que la procédure de calcul de la rémunération décrite par l'article 7, a été mise en place depuis le début des relations contractuelles entre la société Editions Atlas et la société Edi Sud et qu'elle a donc été appliquée pendant une période de dix ans ;

Qu'il n'est pas établi, ni allégué que sur cette période la société Edi Sud ait contesté le principe de la procédure utilisée ou de façon précise, l'une ou l'autre des opérations relatives au commissionnement réalisées par son mandant ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède, la demande en paiement de sommes dé-commissionnées n'est pas fondée ;

Qu'elle ne peut aboutir ;

VII) Sur les autres demandes

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société Edi Sud la charge de l'intégralité des frais non répétibles qu'elle a exposés ; que la société Editions Atlas sera condamnée à y participer à concurrence de la somme de 4 000 euros ;

Que les mêmes considérations d'équité conduisent à rejeter la demande en paiement formée par la société Editions Atlas sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'en application de l'article 696 du même Code, les dépens seront mis à la charge de la société Editions Atlas qui succombe en ses prétentions au sens de ce texte.

Par ces motifs LA COUR, Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Condamne la société Editions Atlas à payer à la société Edi Sud, avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2011, date de l'assignation, les sommes de : - 162 264 euros titre d'indemnité de fin de contrat, - 20 283 euros à titre d'indemnité de préavis, La condamne à payer à la société Edi Sud la somme de 4 000 euros pour frais hors dépens, Rejette toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif, Condamne la société Editions Atlas aux dépens de l'instance et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.