CA Aix-en-Provence, 2e ch., 3 avril 2014, n° 13-04060
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Angledis (SAS)
Défendeur :
Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fohlen
Conseillers :
MM. Prieur, Mathis
Avocats :
Mes Latil, Parléani
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Par acte du 23 janvier 2007, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (le ministre) a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Nîmes la société Angledis, qui exploite un hypermarché à l'enseigne "Leclerc", à "Les Angles" (Gard) en lui reprochant d'avoir commis un abus au sens des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, et pour que soit prononcée à son encontre une amende civile de 32 000 euros ainsi que la restitution des sommes indûment perçues aux victimes de cet abus.
Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie reprochait en effet à la société Angledis d'avoir commis des pratiques consistant à facturer et encaisser auprès de plusieurs fournisseurs des prestations de services, alors que ces services commerciaux pourtant convenus contractuellement entre les parties, n'avaient pas été rendus, et que par conséquent, il existait un trouble à l'ordre public économique portant atteinte au développement loyal, transparent et équilibré de la concurrence sur le marché.
Le ministre se fondait sur des constatations effectuées entre le 19 mai 2005 et le 22 juin 2005, le 14 octobre 2005 par des fonctionnaires assermentés. Des procès-verbaux ont été dressés le 18 octobre 2005 et le 14 avril 2006 et les responsables du magasin ont été entendus.
Par jugement du 6 juin 2008, le tribunal a condamné la société Angledis à restituer la somme de 16 169,99 euros à diverses sociétés et à verser au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie la somme de 32 000 euros.
Par arrêt du 10 mars 2011, la Cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement du tribunal de commerce.
Sur pourvoi en cassation déposé par la société Angledis, la Chambre commerciale, par arrêt du 9 octobre 2012, a cassé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nîmes au motif que cette juridiction avait statué sans constater que les fournisseurs concernés de la société Angledis avaient été informés de l'introduction de l'action du ministre.
La société Angledis a saisi la présente cour et développe les moyens suivants :
Elle soutient tout d'abord, et contrairement à ce que prétend le ministre, avoir régulièrement saisi la cour de renvoi, faisant observer que l'omission de la mention de l'objet du litige n'est cause de nullité qu'en présence d'un grief, lequel n'est pas établi.
Elle fait valoir l'irrecevabilité de l'action engagée par le ministre, puisque les fournisseurs n'ont pas été informés de la procédure dès le début de celle-ci. Elle affirme que l'information donnée aux fournisseurs le 24 janvier 2013 présente un caractère inopérant puisque tardif, les fournisseurs devant avoir la possibilité d'intervenir volontairement à titre principal, et qu'une intervention des fournisseurs en cause d'appel ne leur permettrait pas, conformément aux dispositions de l'article 554 du Code de procédure civile, de formuler des demandes, lesquelles seraient jugées irrecevables.
Elle réfute l'argumentation présentée selon laquelle le défaut d'information des fournisseurs constituerait une fin de non-recevoir pouvant être régularisée en cours d'instance, puisque toute intervention volontaire du fournisseur ne pourrait être qu'accessoire, ce qui ne correspond aucunement à l'action autonome du fournisseur garantie par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'Homme.
La société Angledis prétend que les faits allégués à son encontre ne sont nullement établis.
Elle expose en effet que sur le fondement de l'article L. 450-2 du Code de commerce, les constatations ne peuvent être effectuées que par procès-verbaux dont l'établissement est entouré de garanties essentielles qui constituent autant de droits de la défense de la personne concernée par l'enquête.
Elle estime que les rapports ne constituent pas des moyens de preuve, dès lors que la loi n'entoure pas leur établissement de garanties associées à l'établissement des procès-verbaux et ne leur reconnaît aucun caractère probatoire.
Dès lors, cette société soutient que le rapport établi par l'Administration est dépourvu de toute force probante, ce qui conduit à rejeter l'action du ministre.
La société Angledis fait remarquer qu'en énonçant dans un rapport et non dans un procès-verbal la nature, la date et le lieu des constatations des contrôles effectués, le ministre a violé la loi et méconnu le texte précité.
Elle ajoute que l'unique procès-verbal du 18 octobre 2005 par lequel ont été recueillis les propos du directeur du magasin, ne peut constituer un moyen de preuve recevable puisque la nullité du rapport entraîne la nullité de toute la procédure.
La société Angledis précise aussi que l'article L. 442-6 III est un texte de nature répressive, que l'amende pénale présente un caractère punitif, que dès lors cette procédure doit obéir aux règles édictées en matière pénale et que la loi doit être interprétée de manière stricte.
Elle fait donc observer que l'article précité, soumis au principe de la légalité des délits et des peines, doit s'interpréter de manière restrictive et qu'il ne sanctionne que l'absence de service commercial effectivement rendu et nullement le fait de décaler dans le temps la réalisation d'une tête de gondole ou de services effectivement rendus.
La société Angledis demande donc de réformer le jugement, et à titre infiniment subsidiaire de réduire le montant de l'amende civile prononcée.
Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi fait valoir l'irrégularité de la saisine de la cour de renvoi, du fait de l'absence d'objet de la demande dans l'acte de saisine, et conclut à l'irrecevabilité de la déclaration de saisine du fait du grief qui lui a été causé.
Il rappelle que son action n'est subordonnée ni à l'autorisation des fournisseurs à l'audience, ni à leur volonté d'obtenir réparation, mais uniquement à une information des fournisseurs, laquelle leur a été fournie en cours d'instance par courrier recommandé du 24 juin 2013.
Il soutient que le défaut d'information constitue une fin de non-recevoir, laquelle a été couverte en cours d'instance. Il estime donc que son action est recevable au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 13 mai 2011, et que l'information ayant été donnée aux fournisseurs en temps utile, ceux-ci pouvant intervenir en cause d'appel.
Le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi indique qu'il rapporte la preuve des pratiques illicites effectuées par la société Angledis et soutient la parfaite légalité du rapport établi le 14 octobre 2005 et des six procès-verbaux qui ont une force probante jusqu'à preuve du contraire comme le prévoient les articles 431 et 537 du Code de procédure pénale.
Il conclut dès lors à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nîmes le 6 juin 2008, rappelant que le ministre est gardien de l'ordre public économique.
LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la saisine de la cour de renvoi.
Les dispositions des article 1033 et 58 du Code de procédure civile prévoient que la déclaration de saisine de la cour de renvoi doit, à peine de nullité comporter notamment l'objet de la demande.
Il résulte des articles 771 et 907 du Code de procédure civile, que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure ou les incidents qui mettent fin à l'instance. En conséquence, l'exception de nullité présentée par le ministre est irrecevable.
En outre, la nullité alléguée obéit aux dispositions de l'article 114 du Code précité, et le ministre ne rapportant pas la preuve du grief que lui causerait l'irrégularité invoquée, le moyen soulevé est rejeté.
Sur la recevabilité de l'action engagée par le ministre
Il résulte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 13 mai 2011 que l'action du ministre présente un caractère "autonome", ce qui nécessite que celui-ci informe les fournisseurs de l'action fondée sur l'article L. 442-6 III du Code de commerce.
Par courrier recommandé du 24 janvier 2013, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a informé les fournisseurs concernés de la procédure engagée à l'encontre de la société Angledis.
Comme le remarque à juste titre le ministre, les fournisseurs doivent être informés "de" la procédure engagée non pas "dès" l'introduction de celle-ci.
L'article 122 du Code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen visant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond notamment pour défaut de droit d'agir.
La société Angledis soulève l'irrecevabilité du ministre à agir.
Il convient de remarquer qu'en application de l'article 554 du Code de procédure civile, les fournisseurs dûment avisés pouvaient intervenir volontairement en cause d'appel.
Il importe peu que cette intervention ne soit qu'accessoire et que les fournisseurs ne puissent formuler devant la cour des demandes de condamnations à titre personnel, celles-ci pouvant ultérieurement être présentées par les fournisseurs devant la juridiction compétente pour non-respect par le magasin de ses obligations contractuelles.
Le fait donc que les fournisseurs ne puissent intervenir à titre principal devant la cour ne saurait entraîner l'irrecevabilité de l'action du ministre qui n'a pour obligation que d'informer les fournisseurs et nullement de s'enquérir de leur possibilité d'agir en justice pour solliciter des indemnités.
Le défaut d'information des fournisseurs constitue donc une fin de non-recevoir qui peut être régularisée en cours d'instance et en l'espèce en cause d'appel.
En conséquence, compte tenu des informations données par le ministre aux différents fournisseurs concernés, la procédure engagée est recevable puisque la situation donnant lieu à cette fin de non-recevoir a été régularisée.
Sur la matérialité des faits reprochés.
Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce l'action exercée par le ministre n'est pas une action de substitution mais une action autonome, visant à la défense de l'ordre public économique.
Il résulte d'un rapport rédigé le 14 octobre 2005 par M. Allègre contrôleur principal à la direction générale de la concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes du département du Gard que :
- le 19 mai 2005, il a été constaté que le produit "salade niçoise 3 x 240 g dont 50 % gt" de marque Paulet, ne faisait pas l'objet d'une exposition en tête de gondole ainsi que le produit "Carte noire Volup. 2 x 125 g OC" de marque Kraft Foods ;
- le 24 mai 2005 et le 26 mai 2005 il a été constaté que le produit "Taboulé 2 x 360 g 20 % gt" de la marque Raynal et Roquelaure, et que le produit "Olives vertes dénoy. 37 cl x 2 + 25 %" de la marque Tramier et le produit "Fraise bocal 2 x 370 g" de la marque Andros, ne faisaient pas l'objet d'une exposition en tête de gondole ;
- le 30 mai 2005 il a été constaté que le produit "Pâtes coquil. 4 x 250 g dont 15 % gt" de la marque Pastacorp, le produit "Thon naturel 3 x 140 g dt 15 % gt", de la marque Paulet et le produit "Maïs 3 x 285 g dt 1 gt" de la marque Bonduelle, ne faisaient pas l'objet d'une exposition en tête de gondole ;
- le 7 juin 2005 il a été constaté que le produit "Maestro Arabica dég. 2 x 125 g" de la marque Kraft Foods ne faisait pas l'objet d'une exposition en tête de gondole, et que le produit "Olives vertes dénoyautées 320 g" de la marque Tramier ne faisait pas l'objet d'une opération "stop rayon" ;
- le 16 juin 2005, il a été constaté que le produit "Croissance Candia BP 50 x L x 4" de la Marque Cedilac ne faisait pas l'objet d'une exposition en tête de gondole, et que le produit "Coquil. Cuis. Rap. 500 g Lustucru" de la marque Pastacorp, ne faisait pas l'objet d'une opération "stop rayon" ;
- le 22 juin 2005, il a été constaté que le produit "Côte d'or noir extra 4 + 1 gratuit" de la marque Kraft Foods, le produit "Confiture Abricot 2 x 370 g + Bri" de la marque Andros et le produit "Salade Cala 3 x 240 g dt 50 % gt/3EBT" de la marque Paulet, ne faisaient pas l'objet d'une exposition en tête de gondole.
Les prestations précitées et non réalisées étaient pourtant prévues, pour chacun de ces produits, respectivement dans les contrats suivants passés entre la SAS Angledis avec chaque fournisseur qui reversait une commission à cette société :
n° 2005C3003984 du 16 mars 2005 avec la société Paulet (période du 16 au 21 mai 2005) lui ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 629,14 euro HT,
n° 2005C30Cl3973 du 16 mars 2005 avec la société Kraft Foods (période du 16 au 21 mai 2005) ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 314,22 euro HT,
n° 2005C303033 du 9 février 2005 avec la société Raynal et Roquelaure du 23 au 28 mai 2005, ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 018,59 euro HT,
n° 2005C30C3608 du 2 mars 2005 avec la société Tramier (période du 23 au 28 mai 2005), ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 600,44 euro HT,
n° 2005C3004586 du 5 avril 2005 avec la société Andros (période du 23 au 28 mai 2005), ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 388,92 euro HT,
n° 2005C3013709 du 8 mars 2005 avec la société Pastacorp (période du 30 mai au 4 juin 2005), ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 123,16 euro HT,
n° 2005C3003985 du 16 mars 2005 avec la société Paulet (période du 30 mai au 4 juin 2005), ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 615,44 euro HT,
n° 2005C3003986 du 16 mars 2005 avec la société Bonduelle ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 904,47 euro HT,
n° 2005C3003978 du 16 mars 2005 avec la société Kraft Foods (période du 6 au 11 juin 2005), ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 273,07 euro HT,
n° 2005C3004678 du 12 avril 2005 avec la société Tramier dont la rémunération n'est pas établie,
n° 2005C3003836 du 11 mars 2005 avec la société Cedilac dont la rémunération n'est pas établie,
n° 2005C3003710 du 8 mars 2005 avec la société Pastacorp (période du 13 au 18 juin 2005) ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 169,90 euro HT,
n° 200SC31104611 du 6 avril 2005 avec la société Kraft Foods ayant rapporté à la SAS Angledis 1 357,97 euro HT,
n° 2005C3004587 du 5 avril 2005 avec la société Andros (période du 20 au 25 juin 2005), lui ayant rapporté la somme de 1 173,74 euro HT,
n° 2005C3004676 du 12 avril 2005 (période du 20 au 25 juin 2005) ayant rapporté à la SAS Angledis la somme de 1 600,93 euro HT.
Selon l'article L. 450-2 du Code de commerce les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux, et le cas échéant de rapports.
Le rapport précité met en évidence que sur les 28 prestations publicitaires conclues avec les 9 fournisseurs précités, 15 n'ont pas été réalisées par la SAS Angledis, laquelle a cependant perçu la rémunération convenue pour 13 d'entre elles, concernant 7 fournisseurs différents.
Aucune disposition textuelle n'exige que les constatations effectuées par un fonctionnaire assermenté venu pour relever l'absence de respect par le magasin, du service commercial proposé, soient effectuées de manière contradictoire.
Le directeur du magasin, M. Marc Plantel, à qui les constatations du contrôleur principal de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été communiquées, a été entendu le 18 octobre 2005 par procès-verbal dressé en application des articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce. Il a reconnu l'exactitude des constatations effectuées en indiquant que selon les produits, soit le point de vente avait fait l'objet de travaux d'agrandissement, ce qui avait entraîné des perturbations dans la réalisation des opérations promotionnelles, soit que la priorité avait été donnée, pour des prestations publicitaires aux produits du catalogue.
Il n'est nullement établi que des travaux d'agrandissement auraient empêché la SAS Angledis de remplir ses obligations contractuelles, étant précisé que cette société s'est abstenue d'en informer les fournisseurs concernés ou de leur restituer les commissions perçues. En outre, la preuve n'est pas rapportée par la société Angledis qu'elle aurait tardivement rempli ses obligations contractuelles.
Les rapports ont été suivis de l'établissement de procès-verbaux qui obéissent aux exigences des articles L. 450-2 et R. 450-1 du Code de commerce et qui sont parfaitement réguliers.
Il convient d'observer que l'article L. 442-6 du Code de commerce s'applique lorsque le magasin n'exécute pas les dispositions contractuelles. Or les contrats passés entre le magasin et le fournisseur ne relèvent nullement du droit pénal mais sont soumis aux dispositions de droit privé, et en conséquence, la société Angledis ne peut soutenir que les retards dans l'installation des "têtes de gondole" ou "du stop rayon" ne pourraient être sanctionnés. En effet le service commercial effectivement rendu ne peut se comprendre qu'au vu des dispositions contractuelles librement passées entre les parties.
Le ministre est donc parfaitement fondé à se prévaloir d'une absence de service commercial résultant d'un retard dans la mise en œuvre de celui-ci, étant d'ailleurs précisé que la société Angledis ne justifie aucunement d'un respect tardif de ses obligations.
Il est constant que le rapport d'enquête, dont la rédaction facultative est prévue à l'article L. 450-2 du Code de commerce, n'a pas de force probante en lui-même.
Il ne résulte pas des dispositions de l'article 15 du décret du 30 avril 2002, devenu l'article R. 450-1 du Code de commerce, que la preuve des faits prévus à l'article L. 446-2 du Code de commerce ne puisse être rapportée par le ministre que par des procès-verbaux, à l'exclusion de tout autre mode de preuve. Le fait que la rédaction d'un rapport soit prévue confirme cette interprétation, étant précisé que des procès-verbaux ont été régulièrement dressés, relatant les constatations mentionnées dans le rapport.
M. Marc Plantel, responsable du magasin, lors de son audition par procès-verbal du 18 octobre 2005, a reçu communication d'un exemplaire du rapport de M. Allègre en date du 14 octobre 2005, ainsi qu'il le déclare, et il a pu s'expliquer sur chacun des faits qui y sont relatés, par produits, par marques et par date.
La société Angledis ne peut donc sérieusement soutenir qu'aucun rapprochement ne serait possible entre le rapport qui visait la dénomination des produits sans leurs références, et le procès-verbal qui mentionnait des références et la dénomination des produits.
Il échet de rappeler qu'en application de l'article L. 450-1 du Code de commerce, l'enquête par elle-même n'est soumise au principe du contradictoire qu'à compter de la notification des griefs, et il est démontré que le ministre a parfaitement respecté cette disposition.
Le respect du principe du contradictoire ne s'impose dès lors pas lors de la phase d'enquête des pratiques anticoncurrentielles.
Il y a lieu de relever que les procès-verbaux de communication des contrats et factures des fournisseurs, repris dans le rapport de synthèse, ont bien été dressés par M. Jean-Philippe Pace, contrôleur et Fabrice Bourguet, inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes respectivement les 29 mars 2005, 2 mai 2005, 14 avril 2005 et qu'ils ont aussi été régulièrement communiqués à la SAS Angledis avec les nouvelles auditions de M. Marc Plantel le 25 octobre 2005 et de M. Lamy, directeur commercial le 14 avril 2006.
Ces procès-verbaux relatent très précisément les faits décrits dans le rapport du 14 octobre 2005 et ils font foi jusqu'à preuve contraire, laquelle n'est nullement rapportée, ni même alléguée quant à un fait quelconque qui serait contesté précisément, par la SAS Angledis.
Le ministre a donc énoncé en des termes extrêmement clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement.
C'est donc vainement que la SAS Angledis invoque une violation de la loi par le ministre.
Il convient donc de constater le caractère quasi-systématique de l'inexécution par la SAS Angledis des prestations publicitaires auxquelles elle s'était engagée et pour lesquelles elle avait perçu des commissions d'un montant de 16 169,99 euro HT sur une période de trois mois, payées par la majorité de ses fournisseurs habituels dans leurs conventions-cadres avec le représentant régional de la société Leclerc (6 sur 9) pour une grande partie des produits concernés (13 sur 28).
M. Lamy, directeur de la SA Lecasud, dont l'audition est relatée dans un procès-verbal du 14 octobre 2005, a reconnu qu'il n'existait pas de dispositif interne de vérification des réalisations des opérations têtes de gondole et que les fournisseurs étaient donc tenus d'en assurer l'exécution. Il précisait qu'il appartenait à chaque magasin de mettre en œuvre les moyens nécessaires et suffisants pour respecter les contrats de coopération commerciale sans toutefois qu'un contrôle soit effectué (procès-verbal du 4 octobre 2005 p. 3).
Il est donc établi l'existence d'une pratique dite de "marge arrière" permettant à la SAS Angledis de percevoir de la part de ses fournisseurs, au titre des produits concernés, un rabais occulte sur le prix d'achat, en leur facturant des prestations fictives, dont le groupement d'achat, qui les a négociées ne vérifiait pas l'effectivité.
Ces faits constituent l'obtention auprès de partenaires commerciaux d'un avantage financier ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu.
En conséquence, en application de l'article L. 442-6 dans sa version issue de la loi numéro 2008-776 du 4 août 2008, la responsabilité de la société Angledis se trouve engagée et elle doit réparer le préjudice subi.
L'atteinte portée à l'ordre économique par des pratiques anticoncurrentielles résultant d'un non-respect par la société Angledis des contrats conclus avec plusieurs fournisseurs pour lesquels elle a obtenu indûment des rabais d'un montant de 16 199,99 euros hors taxes en trois mois a faussé le jeu de la concurrence.
En conséquence, c'est par une exacte application de l'article L. 442-6 que le tribunal a condamné la société Angledis à verser une amende d'un montant de 32 000 euros.
C'est aussi à juste titre que les premiers juges ont ordonné la répétition des sommes indûment perçues à chacun des fournisseurs concernés et pour les montants figurant dans le dispositif, sauf à préciser que ces sommes devront être versées par la société Angledis entre les mains du Trésor public à charge pour lui de les restituer aux sociétés destinataires.
Le jugement attaqué est donc confirmé sous réserve de la précision susmentionnée.
Il est équitable de condamner la société Angledis à verser au ministre une indemnité de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la réclamation formulée sur ce fondement par la société Angledis étant rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare irrecevable l'exception de nullité soulevée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Déclare recevable l'action engagée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Confirme le jugement attaqué, Y ajoutant, Dit que les sommes objet de la répétition de l'indu que devra verser la société Angledis seront payées entre les mains du Trésor public à charge pour lui de les restituer aux sociétés destinataires, Condamne la société Angledis à verser au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie une indemnité de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Angledis de sa réclamation formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens recouvrés conformément article 699 du Code de procédure civile.