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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 8 avril 2014, n° 12-07128

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centrale Distri Cycles (SA)

Défendeur :

Hutin Sports (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes George, Bensoussan, Depasse

T. com. Rennes, du 11 sept. 2012

11 septembre 2012

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Centrale Distri Cycle exploite à l'enseigne Distri Cycle, un réseau de franchise ayant pour objet la distribution de produits et services dédiés au cyclisme. Le 7 décembre 2000, elle a conclu avec la société Roland Thomin, un contrat de franchise d'une durée de sept ans renouvelable par tacite reconduction pour la même durée. Par avenant signé le 3 octobre 2005, les parties ont convenu de modifier l'assiette et le montant de la redevance mensuelle de franchise, celle-ci étant dorénavant fixée à 5,65 % du chiffre d'affaires de vente hors taxes du franchisé.

La société Roland Thomin a, le 28 février 2007, cédé son fonds de commerce dont le contrat de franchise à la société Hutin Sports. Faute de dénonciation, ce contrat s'est renouvelé le 7 décembre 2007 pour une nouvelle période de 7 années s'achevant le 6 décembre 2014.

Le 22 septembre 2010, le franchiseur a vainement mis en demeure la société Hutin Sports de payer une facture de 5 070,17 euros TTC. Le 17 novembre 2010, il lui a fait notifier par son conseil une nouvelle mise en demeure visant la clause résolutoire insérée au contrat.

A la suite de l'assignation délivrée le 17 février 2011 par la société Centrale Distri Cycles à la société Hutin Sports, le Tribunal de commerce de Rennes a le 11 septembre 2012 :

- dit le contrat de franchise signé le 7 décembre 2000 et son avenant du 3 octobre 2005, juridiquement valides dans les relations entre Centrale Distri Cycle et Hutin Sports,

- constaté l'acquisition à la date du 17 décembre 2010 de la clause résolutoire de ce contrat de franchise,

- condamné la société Hutin Sports à payer la somme de 5 886,12 euros à la société Centrale Distri Cycle au titre des redevances impayées ainsi que la somme de 703,89 euros au titre des factures de matériel et produits impayés,

- condamné la société Hutin Sports à faire disparaître toutes les marques distinctives Distri Cycle de son magasin et de ses documents sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour et par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- débouté la société Centrale Distri Cycle du surplus de ses demandes,

- condamné la société Centrale Distri Cycle à payer à la société Hutin Sports la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société Centrale Distri Cycle à payer à la société Hutin Sports la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Hutin Sports du surplus de sa demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné chacune des parties à payer les dépens par moitié.

La société Centrale Distri Cycle a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour, vu les articles 1134, 1142 et 1145 du Code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'acquisition, à la date du 17 décembre 2010, de la clause résolutoire du contrat de franchise liant les parties,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Hutin Sports à faire disparaître les éléments de la signalétique Distri Cycle dans son magasin et sur ses documents sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- l'infirmer pour le surplus,

- juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs de la société Hutin Sports,

- condamner la société Hutin Sports à lui payer la somme totale de 10 094,65 euros TTC au titre des factures impayées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2010, date de la mise en demeure,

- condamner la société Hutin Sports à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé en raison de ses impayés,

- condamner la société Hutin Sports à lui payer la somme 63 360 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du fait du manque à gagner jusqu'au terme initialement prévu du contrat de franchise,

- condamner la société Hutin Sports à payer la somme de 20 000 euros au titre du préjudice né du déficit de réputation du réseau Distri Cycle et de l'atteinte à l'image,

- ordonner à la société Hutin Sports de cesser tout acte de dénigrement ou de discrédit à l'encontre du réseau Distri Cycle et/ou du franchiseur sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Hutin Sports à payer la somme de 3 000 euros pour l'utilisation des signes distinctifs du réseau Districycle après la fin du contrat,

- condamner la société Hutin Sports à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des actes de dénigrement et de discrédit,

En toute hypothèse,

- débouter la société Hutin Sports de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Hutin Sports à payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Hutin Sports a quant à elle formé appel incident en demandant à la cour, vu les articles 1134, 1147,1184 du Code civil, de :

Sur l'inopposabilité du contrat

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le contrat de franchise et son avenant opposables à la société Hutin Sports ;

- juger que la société Centrale Distri Cycle ne peut se prévaloir des dispositions du contrat de franchise conclu avec la Société Roland Thomin en l'absence de respect de la procédure de notification de l'agrément de reprise du contrat et de régularisation d'un nouveau contrat avec elle ;

- en conséquence, dire et juger que le contrat de franchise lui est inopposable ;

- prononcer, en toute hypothèse, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Centrale Distri Cycle ;

Sur les clauses de non-concurrence et d'approvisionnement exclusif, à titre principal,

- dire et juger que les clauses de non-concurrence et d'approvisionnement exclusif contenues dans le contrat conclu entre la Société Roland Thomin sont inopposables à la Société Hutin Sports.

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des clauses de non concurrence et d'approvisionnement exclusif contenues dans le contrat de franchise en raison de leur disproportion ;

Sur les griefs invoqués par la société Centrale Distri Cycle

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer les sommes de 5 886,12 euros et de 703,89 euros,

- débouter la société Centrale Distri Cycle de toutes ses demandes,

Sur les manquements de la société Centrale Distri Cycle, à titre principal,

- la condamner à payer la somme de 74 292,38 euros au titre des redevances indûment payées avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ainsi qu'à la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice lié à l'atteinte à l'image de marque de la société Hutin Sports ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Centrale Distri Cycles à payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts

- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Centrale Distri Cycle à payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Centrale Distri Cycle à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Centrale Distri Cycle le 1er août 2013 et pour la société Hutin Sports le 7 octobre 2013.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l'opposabilité du contrat à la société Hutin Sports

La société Hutin Sports soutient que le contrat de franchise ne lui est pas opposable, faute par le franchiseur de lui avoir notifié son agrément à sa cession après la vente du fonds de commerce de la société Roland Thomin, d'avoir établi un nouveau contrat et d'avoir effectué une nouvelle information pré-contractuelle.

Mais l'article 3 du contrat de franchise en permettait la cession avec l'accord préalable écrit du franchiseur, procédure qui a été respectée.

En effet, l'acte du 28 février 2007 portant cession du fonds de commerce de la société Roland Thomin à la société Hutin Sports précisait que la cession portait sur "un fonds de commerce de cycles et accessoires, réparation de cycles connu sous le nom "Distri Cycle" exploité à Sainte Luce sur Loire (...)", et rappelait à deux reprises l'accord préalable du franchiseur à la reprise du contrat de franchise par le cessionnaire dans les termes suivants :

- "suivant courrier en date du 26 février 2007, la société Centrale Distri Cycles a donné son accord en vue de la reprise du contrat de franchise par la société Hutin Sports" (préambule de l'acte) ;

-"Il ressort que suivant courrier en date du 26 février 2007, la société Centrale Distri Cycle a accepté la reprise par la société Hutin Sports du contrat de franchise consenti par cette dernière à la société EURL Thomin Roland depuis le 7 décembre 2003" (article 4.10).

Les dispositions contractuelles n'imposaient pas la notification ultérieure d'un agrément, ni la conclusion d'un nouveau contrat. En revanche, le franchiseur devait réitérer, avant la transmission du contrat de franchise, l'information pré-contractuelle à sa charge, obligation qu'il ne soutient pas avoir respectée.

Mais la violation de l'obligation d'information pré-contractuelle peut seulement être sanctionnée par la nullité du contrat si la preuve d'un vice du consentement en résultant est démontrée. Or, la société Hutin Sports indique expressément qu'elle ne soulève pas la nullité du contrat de sorte qu'aucune conséquence juridique ne peut être tirée de l'omission en cause laquelle n'entravait pas la transmission du contrat.

C'est dès lors à tort que la société Hutin Sports soutient que le contrat de franchise ne lui serait pas opposable.

Sur l'imputabilité de la résiliation du contrat

L'article 15 du contrat de franchise en permettait la résiliation en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque des obligations en résultant, 30 jours après une mise en demeure infructueuse précisant l'inexécution visée ainsi que l'intention de son auteur de résilier le contrat.

La société Centrale Distri Cycle a fait application de ces dispositions par une mise en demeure adressée le 17 novembre 2010 visant la clause résolutoire et invoquant comme manquements au contrat, d'une part, le non-paiement de redevances et de marchandises et, d'autre part, l'exposition et la mise en vente de vélos non référencés.

S'agissant du second grief, la société Hutin Sports ne conteste pas avoir, avant la résiliation du contrat de franchise, mis en vente dans ses locaux des vélos ne faisant pas partie de la gamme fournie par le franchiseur. Si la validité de la clause de non-concurrence visée par la société Centrale Distri Cycle à l'appui de ce grief n'est pas établie, faute par la stipulation d'être limitée dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, ces faits contrevenaient en revanche à l'obligation d'approvisionnement exclusif stipulée à l'article 6 du contrat et précisé par l'article 7 de l'avenant. Or contrairement à ce qui est soutenu, cette stipulation était indispensable à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau en ce qu'elle portait sur des produits directement concurrents de ceux faisant l'objet du contrat de franchise, ce qui était le cas en l'espèce puisque le grief portait sur la vente de vélos concurrents de ceux faisant la spécificité du réseau.

En ce qui concerne le premier grief, la société Centrale Distri Cycle reconnaît devant la cour que la majeure partie des sommes réclamées à titre des fournitures de marchandises n'était pas justifiée. En effet seul demeure non justifié le paiement d'une facture de 130,85 euros HT concernant une paire de roues Fulcrum que le franchisé ne dément pas avoir commandée outre les frais de transport de 12 euros, soit un montant total de 170,85 euros TTC. La modicité de cette somme au regard du montant réclamé en excusait le non-paiement tant que la rectification du décompte n'avait pas été effectuée.

Cependant, la société Hutin Sports a également cessé, au mois de juin 2010, de régler les redevances convenues au contrat sans notifier à son cocontractant sa volonté de le résilier, ni le mettre en demeure de respecter ses obligations et sans se prévaloir de l'exception d'inexécution. Elle a seulement protesté, le 1er octobre 2010, soit postérieurement à la première mise en demeure, dans les termes suivants : "Nous constatons que nos commandes de produits auprès de votre centrale ne font plus l'objet de livraisons de votre part à notre magasin depuis le 12 août 2010. Notre commande du 12 août 2010 et notre commande du 3 septembre 2010 n'ont toujours pas été livrées et cela sans motif de votre part. En l'occurrence cette attitude de votre part semble être la volonté de nuire à notre activité commerciale et est dans la continuité de l'absence chronique de stock de produits de base de la Centrale depuis plusieurs mois". Mais le contrat permettait au franchiseur de suspendre immédiatement les livraisons à défaut de paiement des redevances, de sorte que les reproches ainsi formés ne pouvaient justifier l'absence de paiement des redevances.

La société Hutin Sports n'a pas répondu à la lettre de mise en demeure visant la clause résolutoire adressée par la société Centrale Distri Cycle le 17 novembre 2010, n'offrant pas en particulier de s'acquitter de ses redevances, qui s'élevaient alors à 9 911,84 euros, dès la réalisation par son cocontractant de prestations déterminées.

Elle ne démontre pas dès lors que son refus d'exécuter ses obligations financières était motivé par l'inexécution par le franchiseur de ses propres obligations de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat au 17 décembre 2010 en application des stipulations contractuelles.

Cependant, le fait que cette résiliation soit intervenue à l'initiative du franchiseur n'implique pas que la société franchisée en supporte la responsabilité exclusive. En effet, la société Hutin Sports articule à l'encontre de son cocontractant de nombreux griefs de nature à engager sa responsabilité dans la rupture des relations contractuelles.

La société Centrale Distri Cycle soutient à tort que ces griefs seraient irrecevables dans la mesure où ils auraient été allégués tardivement. Mais d'une part, aucune prescription n'était encourue par la société défenderesse à l'instance et, d'autre part, le second alinéa de l'article 15 du contrat de franchise précisait que le fait de ne pas s'être prévalu d'un manquement particulier ne constituait pas pour autant une renonciation à invoquer ultérieurement ledit manquement ou un manquement similaire et n'affectait pas l'application des clauses et des droits visés au contrat.

Pour imputer à la société Centrale Distri Cycle, la responsabilité de la rupture du contrat, la société Hutin Sport lui reproche de nombreuses violations de ses obligations qui peuvent se résumer de la manière suivante :

- ruptures de stocks trop fréquentes,

- montant très élevé de la redevance mensuelle au regard des prestations réellement effectuées par le franchiseur,

- manque de transparence en ce que les convocations aux assemblées générales étaient tardives, empêchant les franchisés de défendre leurs intérêts,

- absence de soutien logistique et technique,

- modification unilatérale des circuits de vente au détriment des franchisés et développement d'une activité concurrente,

- absence réelle de savoir-faire et promotion insuffisante du réseau,

- interposition de la société Procadre et non-respect de la revente au prix d'achat.

Le fait que ces griefs soient calqués sur ceux articulés ensuite par un ou plusieurs autres franchisés n'est pas de nature à en démontrer le caractère inexact. En revanche, les doléances des autres franchisés, qui ne portaient pas nécessairement sur la même période, ne sont pas suffisantes pour établir le bien-fondé des violations invoquées par la société Hutin Sports.

En ce qui concerne le grief tenant aux retards d'approvisionnement et à la rupture des stocks, la société Hutin Sports ne se prévaut que de quelques échanges de mails peu significatifs émis entre le 24 juin et le 30 juin 2010 ainsi que de la lettre de protestation qu'elle a adressée le 1er octobre 2010. Mais les stipulations du contrat autorisaient le franchiseur à suspendre les livraisons si les redevances n'étaient pas payées de sorte que ce dernier document est inopérant. Les pièces produites ne suffisent pas dès lors à apporter la preuve d'une violation caractérisée des obligations contractuelles à la charge du franchiseur de ce chef.

Le montant des redevances qui correspondaient aux stipulations du contrat ne peut non plus constituer un grief pertinent.

S'agissant du troisième grief sus-rappelé, la société Hutin Sports ne démontre pas avoir été victime d'une convocation tardive à une assemblée générale et avoir ainsi subi de ce chef un préjudice. Ce reproche est dès lors inopérant en ce qui la concerne.

Pour étayer le reproche tenant à l'absence de soutien logistique et technique du franchiseur, la société Hutin Sports invoque uniquement une pièce n° 19 qui se rapporte à la facture Polar dont le paiement était réclamé à tort par le franchiseur et une pièce n° 2 de son adversaire (acte de cession du fonds de commerce), ces documents étant sans lien avec le grief allégué dont la preuve n'est dès lors pas davantage rapportée.

Il est encore reproché aux dirigeants de la société Centrale Distri Cycles d'avoir constitué le 20 juillet 2011, une société "Cycles 56" ayant pour support commercial un site Internet dénommé "sportraker.com" dont l'objet consistait dans la vente "en ligne" des produits identiques à ceux des magasins Distri Cycle mais à des tarifs inférieurs, faisant ainsi une concurrence déloyale aux franchisés. Mais l'extrait Kbis produit (pièce 11) concerne une société immatriculée après la résiliation du contrat de franchise tandis que la fiche d'information relative à la société Cycles 56 est postérieure au 26 septembre 2011 (date de dernière mise à jour). De même, la date exacte de l'ouverture "récente" du site de vente par correspondance "www.sportraker.com" par MM. Guegan et Kerdoncuff n'est pas établie, la date de mise à jour du document versé en pièce 12 étant le 6 juin 2011, soit également après la rupture du contrat litigieux. Ces faits ne peuvent dès lors en expliquer la résiliation et excuser les manquements de la société Hutin Sports à ses obligations.

Par ailleurs, l'absence de savoir-faire et la promotion insuffisante du réseau au jour de la résiliation du contrat ne sont pas suffisamment caractérisés par les pièces produites même si la publicité sur la région Bretagne apparaît avoir été privilégiée au détriment de celle à destination des autres régions et le renouvellement du savoir-faire initialement reconnu au franchiseur limité, ce qui explique la désaffection constatée à l'égard du réseau.

En revanche, le premier alinéa de l'avenant au contrat de franchise, signé le 3 octobre 2005, stipulait : "Dorénavant, les prix d'achat du Franchisé correspondront aux prix d'achat Fournisseur", les ristournes d'objectif accordées par les fournisseurs étant rétrocédées aux franchisés au prorata de leurs achats. Pourtant, en contravention avec cette disposition, la société Centrale Distri Cycle a revendu ses marchandises à la société Hutin Sports avec une marge bénéficiaire de 4 % grâce à l'interposition de la société Procadre tout en prélevant la redevance de franchise.

En effet, le respect de l'obligation souscrite dans l'avenant au contrat de franchise supposait que le franchiseur acquière lui-même auprès des différents fournisseurs, les marchandises redistribuées au prix d'achat aux franchisés en contrepartie du versement des redevances. Or, la société Centrale Distri Cycle ne conteste pas avoir largement délégué sa mission d'approvisionnement à la société Procadre, dont le gérant est également M. Patrick Guégan et dont elle partageait les locaux, et ce pour les produits qui n'étaient pas fabriqués par cette société. Celle-ci jouait ainsi le rôle de "société écran" privant les franchisés d'une partie des avantages concédés par le contrat.

Pour se justifier, la société Centrale Distri Cycle expose que la société Procadre dont l'activité première est la conception, le développement et la fabrication de gammes de vélos distribués exclusivement par le réseau Distri Cycle avait "de manière secondaire et grâce à ses capacités de stockage importantes" également vocation à commander en très grande quantité des marchandises auprès des fournisseurs pour ensuite les revendre directement aux franchisés, percevant à ce titre sa rémunération de fournisseur. Elle soutient que cette centralisation des commandes permettait de faire diminuer de manière substantielle le coût unitaire des produits. Elle déduit le caractère légitime de cette organisation du fait que les conditions d'approvisionnement n'auraient jamais été contestées pendant le contrat et que le prix des produits a toujours été accepté, les conditions d'approvisionnement du réseau étant transparentes et conforme à l'usage pour les franchiseurs de constituer une société ayant pour objet l'approvisionnement des membres du réseau de franchise en marchandises afin d'augmenter la puissance d'achat du réseau et faire baisser les prix. Elle reproche en conséquence aux premiers juges d'avoir estimé qu'il s'agissait d'une société écran contribuant à l'opacité des conditions d'approvisionnement et à un transfert de marge injustifié au profit de la société Procadre.

Mais cette argumentation n'est pas convaincante. En premier lieu, contrairement à ce qu'elle soutient, cette organisation a été contestée par au moins un franchisé, circonstance qui en tout état de cause est sans intérêt pour apprécier le respect ou non des obligations découlant du contrat. Surtout en procédant de la sorte alors que rien ne l'empêchait d'acquérir et d'entreposer elle-même les marchandises - la répartition des moyens entre les deux sociétés étant artificielle puisque leurs associés, leurs dirigeants et leur domiciliation étaient identiques -, elle s'affranchissait de son obligation de fournir aux affiliés des marchandises au prix d'achat consenti par les fournisseurs, les privant de l'intérêt principal de la franchise et s'attribuait indirectement la marge à laquelle elle avait conventionnellement renoncé. C'est dès lors pertinemment que les premiers juges ont retenu, à la charge du franchiseur, une violation des obligations qui lui incombaient.

Il s'en déduit que chacune des parties assume une part de responsabilité équivalente dans la rupture des relations contractuelles, justifiant le rejet de leurs demandes réciproques de dommages-intérêts du fait de la résiliation prématurée du contrat.

Sur les demandes pécuniaires réciproques

La société Hutin Sports reste devoir une facture de marchandise d'un montant de 170,85 euros TTC (comprenant 12 euros de frais de transport) outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer.

Ne s'étant pas prévalue de la résiliation du contrat, ni même de l'exception d'inexécution pour justifier son refus de s'acquitter des redevances échues alors qu'elle continuait à bénéficier des signes distinctifs et de l'attractivité du réseau et à revendiquer l'exécution par le franchiseur de son obligation de livraison, elle ne peut se soustraire au paiement des redevances échues jusqu'à la résiliation du contrat le 17 décembre 2010, ce qui représente la somme non discutée de 9 911,84 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation (l'intégralité des sommes n'étant pas exigibles lors de la mise en demeure du mois de novembre).

Le préjudice résultant du retard de paiement des redevances est compensé par les intérêts moratoires de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de dommages-intérêts compensatoires formée à ce titre.

Le jugement sera confirmé, en tant que de besoin, en ce qu'il interdit à la société Hutin Sports l'utilisation des signes distinctifs, le prononcé d'une astreinte n'étant cependant plus utile.

Les pièces produites établissent que la société Hutin Sports a entrepris dans un temps voisin de la résiliation du contrat de retirer les enseignes Distri Cycle, le délai nécessité pour l'achèvement de cette diligence n'étant pas anormal, ni préjudiciable au franchiseur. En revanche, elle a continué à faire usage pendant un an, sur son extrait Kbis, du nom commercial auquel elle n'avait plus droit. Cet usage justifie, à concurrence de 1 000 euros, la demande d'indemnisation présentée de ce chef.

La résiliation du contrat ayant été provoquée par des fautes conjointes des parties d'importance similaire, il n'y a pas lieu d'accorder à la société Hutin Sports les dommages-intérêts qu'elle réclame du fait de la privation des redevances, le franchiseur ayant de surcroît eu toute latitude depuis la résiliation pour concéder une nouvelle franchise sur le secteur en cause.

Par ailleurs, le franchiseur ne justifie d'aucun préjudice de perte d'image ou de réputation en relation avec les fautes imputables à la société Hutin Sports.

Enfin, ni les critiques émises par son ancien franchisé auprès d'autres membres du réseau, ni la diffusion d'une décision de justice rendue publiquement n'excédaient le droit de s'exprimer librement appartenant à toute personne, de sorte que les dommages-intérêts réclamés de ce chef ne sont pas davantage justifiés.

Dans la mesure où elle ne s'est pas prévalue de la nullité du contrat, ni même de sa résolution, la société Hutin Sports n'est pas fondée à réclamer la restitution des redevances qu'elle a versées, lesquelles constituaient la contrepartie des prestations dont elle a au moins en partie bénéficié.

Pas plus que la société Centrale Distri Cycle, la société Hutin Sports ne justifie d'une atteinte à son image de marque, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement sera également rejetée.

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, conservera la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2012 par le Tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a : - déclaré le contrat de franchise régulièrement transmis à la société Hutin Sports, - constaté la résiliation du contrat de franchise au 17 décembre 2010, - condamné la société Hutin Sports à faire disparaître les éléments de la signalétique Distri Cycle dans son magasin et sur ses documents ; - débouté la société Centrale Distri Cycle de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture prématurée du contrat et préjudice complémentaire ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société Hutin Sports à payer à la société Centrale Distri Cycle la somme de 170,85 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2010 ; Condamne la société Hutin Sports à payer à la société Centrale Distri Cycle la somme de 9 911,84 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2011 ; Condamne la société Hutin Sports à payer à la société Centrale Distri Cycle la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Laisse à chacune des parties la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel.