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Décisions

CA Reims, 1re ch. civ., 28 mars 2014, n° 13-00528

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Niederhef (Epoux)

Défendeur :

Groupe Sofemo (SA), Carrasset-Marillier (ès qual.), Vivreplusécolo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafay

Conseillers :

Mmes Robert, Magnard

Avocats :

SCP Billion Massard Richard Six, SCP Genet, Me Hascoët

TI Troyes, du 12 nov. 2012

12 novembre 2012

Le 15 juin 2009, les époux Niederhef ont souscrit un contrat de vente auprès de la société Vivreécolo+ devenue Vivreplusécolo portant sur un système de chauffage-climatisation pour le prix de 21 500 euros.

Cet achat a été financé par un contrat de prêt selon offre du 15 juin 2009 consentie par la SA Sofemo pour un montant de 21 500 euros au taux de 7,11 % l'an remboursable en 180 mensualités.

Se plaignant de dysfonctionnements importants du matériel, d'une livraison incomplète et de l'absence de production de factures pour bénéficier des avantages fiscaux mis en exergue lors de la vente, les époux Niederhef ont assigné la société Vivreplusecolo en référé expertise devant le Tribunal de commerce de Troyes.

Une expertise a été ordonnée suivant ordonnance du 23 mai 2011, en présence de la société Sofemo.

Les époux Niederhef ayant par ailleurs été défaillant dans le remboursement du crédit, ils ont été assignés devant le Tribunal d'instance de Troyes par l'organisme de crédit.

Par décision du 15 décembre 2011, le Tribunal d'instance de Troyes a condamné solidairement les époux Niederhef à payer à cette société les sommes de :

. 21 438,21 euros au titre du capital restant dû outre intérêts au taux contractuel de 7,11 % l'an à compter du 4 juillet 2011,

. 1 291,89 euros au titre des mensualités et intérêts échus impayés avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

. 1 715,05 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Appel a été interjeté contre cette décision, qui a été confirmée, en toutes ses dispositions, par un arrêt du 2 juillet 2013.

Par exploits des 15 et 19 juin 2012, les époux Niederhef ont fait assigner Maître Martine Carrasset-Marillier, en sa qualité de liquidateur de la société Vivreplusécolo et la SA Sofemo sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de vente et, par voie de conséquence, celle du contrat de prêt, et subsidiairement sur le fondement des articles 1603, 1641, 1644 du Code civil, L. 211-4 du Code de la consommation en résolution de la vente du 15 juin 2009 et par voie de conséquence celle du crédit.

Par jugement du 12 novembre 2012, le Tribunal d'instance de Troyes a, notamment :

- déclaré irrecevables les demandes faites par les époux Niederhef à l'encontre de la SA Sofemo,

- débouté les époux Niederhef de leurs demandes en nullité, en résolution du contrat de vente ou en garantie des vices cachés à l'encontre de la société Vivreplusécolo,

- rejeté les demandes en restitution formulées par les époux,

- débouté les époux Niederhef de leur demande en vérification d'écriture,

- débouté les époux Niederhef de leur demande en condamnation de Maître Martine Carrasset-Marillier à les garantir de leurs condamnations à l'encontre de la SA Groupe Sofemo,

- débouté la SA Sofemo de sa demande d'indemnisation au titre d'une procédure abusive, ainsi qu'en sa demande en frais irrépétibles,

- condamné les époux Niederhef in solidum aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les époux Niederhef ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Suivant conclusions du 16 août 2013, ils demandent à la cour de l'infirmer et :

"Dire et juger bien fondé l'appel relevé par Monsieur Jean-Marie Niederhef et Madame Marie Ramos, son épouse, à l'encontre du jugement rendu le 12 novembre 2012 par le Tribunal d'instance de Troyes,

Y faisant droit,

Infirmer ledit jugement et statuant à nouveau,

Ecarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée,

Vu les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation,

Dire et juger nul le contrat de vente à domicile conclu entre la société Vivreco+, devenue la société Vivreplusecolo, et les époux Niederhef le 15 juin 2009,

Subsidiairement, vu les articles 1603 et 1184 du Code civil, L. 211-4 du Code de la consommation, ainsi que les articles 1641 et 1644 du Code civil,

Prononcer la résolution du contrat de vente du 15 juin 2009,

En toute hypothèse, vu l'article L. 311-21 ancien du Code de la consommation,

Prononcer, par voie de conséquence, l'annulation ou la résolution du contrat de crédit affecté conclu le même jour que le contrat de vente et pour un montant identique,

Dire et juger que compte tenu de l'anéantissement des contrats principal et accessoire, les restitutions s'opéreront de la façon suivante :

- les époux Niederhef laisseront à la disposition de la société Vivreplusecolo le système de chauffage, à charge pour son mandataire liquidateur de venir le reprendre à ses frais,

- la société Vivreplusecolo prise en la personne de son mandataire liquidateur restituera à la SA Groupe Sofemo le montant du crédit effectivement perçu,

- la SA Groupe Sofemo remboursera aux époux Niederhef les échéances du prêt réglées,

Dans l'hypothèse où la cour s'estimerait insuffisamment informée au moyen des pièces versées aux débats, procéder à une vérification d'écriture en application des articles 287 et 288 du Code de procédure civile,

Débouter les intimés de toutes demandes plus amples ou contraires,

Subsidiairement, pour le cas où par impossible la SA Groupe Sofemo serait reçue en sa demande de remboursement du capital prêté (sous déduction des échéances acquittées) à l'égard des époux Niederhef, condamner Maître Carrasset-Marillier ès qualités à les relever et garantir,

Allouer aux époux Niederhef une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Laisser les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de timbre fiscal, à la charge de toute autre partie que les époux Niederhef et dire qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile".

Aux termes de ses écritures du 10 septembre 2013, la SA Sofemo demande à la cour :

"Voir dire et juger que l'appel interjeté par les consorts Niederhef et leurs demandes sont irrecevables comme attentatoires au principe de l'autorité de la chose jugée,

Voir subsidiaire et au fond,

débouter les consorts Niederhef de toutes leurs demandes fins et conclusions et cela pour les causes sus énoncées et dire n'y avoir lieu ni à nullité ni à résolution du contrat de base et a fortiori du contrat de financement,

Voir à titre éminemment subsidiaire et pour le cas où par extraordinaire la cour venait à prononcer la nullité ou la résolution du contrat de prêt par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de base, condamner alors solidairement les appelants à payer à la SA Groupe Sofemo le montant du capital prêté (sous déduction des échéances réglées) 21 500 euros,

Voir en tout cas et en toute hypothèse et quel que soit le cas de figure condamner solidairement les appelants à payer à la SA Groupe Sofemo :

- dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs et vexatoires : 2 000 euros,

- indemnité article 700 du Code de procédure civile : 1 500 euros,

Voir condamner solidairement les consorts Niederhef aux dépens de première instance et d'appel (....)".

La déclaration d'appel et les conclusions d'appelants ont été signifiées à Maître Carrasset-Marillier, liquidateur de la société Vivreplusécolo, à sa personne, le 17 mai 2013. Elle n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2014.

Sur ce, LA COUR,

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Le premier juge a, en tout premier lieu, déclaré irrecevables les demandes faites par les époux Niederhef à l'encontre de la SA Sofemo au constat de ce que "le Tribunal d'instance de Troyes, en condamnant les époux Niederhef au paiement de sommes en vertu du contrat de crédit souscrit (...) a implicitement jugé l'offre valable et non susceptible de résolution", leur demande se heurtant donc selon lui à l'autorité de chose jugée relativement à cette décision.

Si les appelants soulignent à juste titre que la notion de "motifs implicites" n'existe pas, force est toutefois de constater que par l'arrêt du 2 juillet 2013 les époux Niederhef ont été définitivement condamnés envers la SA Sofemo en exécution du prêt.

Les deux instances opposent les mêmes parties soit les époux Niederhef et la SA Sofemo, même si, dans le cadre de la présente instance, Maître Carrasset-Marillier est appelée en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vivreplusécolo.

Or, si les appelants font valoir que l'instance initiale était relative à une demande de remboursement et donc d'exécution du prêt et non à une demande en nullité comme tel est le cas dans le cadre de la présente instance, il n'en demeure pas moins que par application de l'article 480 du Code civil et de la règle dite de la "concentration des moyens", il leur appartenait de faire valoir l'ensemble des arguments relatifs au prêt contesté, y compris les éventuels moyens de nullité qu'ils font aujourd'hui valoir.

Les demandes dirigées à l'encontre de la SA Sofemo sont donc irrecevables.

Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point par substitution de motifs.

Sur le sort du contrat de vente

Sur le moyen tiré de la nullité du contrat de vente principal

En cause d'appel, il n'est plus contesté que le contrat litigieux est bien soumis aux dispositions légales relatives au démarchage à domicile, tirées des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation.

Ces opérations doivent, en application de l'article L. 121-23 dudit Code, faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et qui doit comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1 Noms du fournisseur et du démarcheur,

2 Adresse du fournisseur,

3 Adresse du lieu de conclusion du contrat,

4 Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

5 Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,

6 Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1,

7 Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

En l'espèce, les appelants font valoir que sur le bon de livraison, le taux d'intérêt afférent au crédit concomitamment souscrit est manquant, tandis que s'agissant du délai de livraison il était simplement mentionné "à définir" (pièce n° 1).

Il est constant toutefois que la nullité édictée par l'article L. 121-23 susvisé n'est que relative et peut être couverte par l'exécution volontaire du contrat en application de l'article 1338 du Code civil.

Or, en l'espèce, et postérieurement à la conclusion du contrat les époux Niederhef ont pris livraison du matériel, l'ont fait installer, (ils ont d'ailleurs adressé au vendeur une mise en demeure afin qu'il exécute son obligation d'installer le matériel).

Ils ont souscrit un emprunt relativement à cet achat, et réglé à tout le moins jusqu'au 5 mars 2011 (premier impayé) les échéances, alors que le matériel avait été installé dès le mois de juillet 2009. Ils ont donc réglé régulièrement l'emprunt de juillet 2009 à mars 2011 sans faire état de quelconque dysfonctionnement ni se plaindre de ce qu'ils n'auraient pas régulièrement accepté la livraison.

En effet, s'agissant du bon de livraison en date du 30 juillet 2009 versé en pièce n° 29 et dont les époux Niederhef soutiennent qu'il s'agit d'un faux non signé par Monsieur Niederhef, la cour relève que cette signature paraît similaire à celle figurant sur l'offre de crédit et sur le bon de commande du matériel, que Monsieur Niederhef n'a pas fourni d'autres éléments de comparaison, de sorte que, sans devoir procéder à la vérification d'écriture sollicitée, cet argument sera écarté.

Enfin et surtout, les appelants se sont servis du matériel installé des mois durant.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré, compte tenu de l'ensemble des actes mentionnés ci-dessus, que les acquéreurs ont à l'évidence manifesté leur volonté de confirmer l'acte qu'ils estiment aujourd'hui entaché de nullité.

Sur la demande en résolution

Il résulte de l'article 1184 du Code civil que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisferait point à son engagement.

Par application de ce texte, lorsque le contrat ne contient aucune clause expresse de résolution, il appartient à la juridiction d'apprécier, en cas d'inexécution partielle, si cette inexécution a assez d'importance pour que la résolution doive être immédiatement prononcée ou si elle ne sera pas suffisamment réparée par une condamnation à des dommages et intérêts.

En l'espèce, l'expertise diligentée par Monsieur Amat met en évidence que l'appareil et le système en lui-même fonctionnent, mais qu'il existe des défauts d'installation, celle-ci n'ayant pas été effectuée dans les règles de l'art. Ainsi par exemple, la sortie eau chaude n'est pas branchée au bon endroit, et le vase d'expansion est branché à l'envers. Des fuites sont également mises en évidence au niveau de divers branchements.

S'agissant du chauffe-eau thermodynamique, l'expert indique qu'il fonctionne et permet l'alimentation de l'habitation en eau chaude sanitaire mais qu'il faudra modifier le branchement et remettre le vase d'expansion à l'endroit, travaux dont le coût est estimé à 250 euros.

S'agissant des 2 pompes à chaleur, l'expert indique qu'il faudra refaire les branchements afin d'assurer une complète étanchéité de ces raccordements, soit un coût estimé de 3 000 euros.

Ces manquements n'apparaissent pas suffisamment importants et peuvent être aisément réglés par l'intervention d'un installateur. Ils ne sauraient entraîner la résolution pure et simple du contrat.

Le jugement est encore confirmé sur ce point, étant précisé qu'à aucun moment les époux Niederhef n'ont sollicité des dommages et intérêts ou la prise en charge, par la société en cause, du coût de cette intervention.

Sur l'action en garantie des vices cachés

L'expert a clairement mis en évidence que seuls des défauts d'installation sont la cause des désagréments subis, et que le matériel en lui-même fonctionne parfaitement, de sorte qu'il n'est pas affecté d'un vice caché, l'action intentée sur le fondement de l'article 1644 du Code civil devant là encore être rejetée comme l'a décidé le premier juge.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les époux Niederhef de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Vivreplusécolo et, partant, contre le mandataire liquidateur.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par la SA Sofemo

L'exercice d'une action en justice et d'une voie de recours étant un droit, la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre des appelants sera rejetée dans la mesure où il n'est pas démontré que l'exercice de ce droit ait dégénéré en abus.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en frais irrépétibles formée par l'intimée et les époux Niederhef seront tenus aux dépens.

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2012 par le Tribunal d'instance de Troyes, Rejette toute autre demande, Condamne Monsieur Jean Niederhef et Madame Marie Ramos épouse Niederhef aux dépens et accorde à Maître Genet le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile