CA Rennes, 2e ch., 6 décembre 2012, n° 10-08835
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Société Automobiles JM (SAS)
Défendeur :
Quilleré, Société Automobiles PEUGEOT (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Bail
Conseillers :
Mme Le Brun, M. Gimonet
Avocats :
Mes Martinez, Bommelaer, SCP Gautier Lhermitte, SCP Castres Colleu Perot Le Couls Bouvet, SCP Garnier-Lozach'meur-Bois-Dohollou-Souet-Arion-Ardisson-Grenard, SCP Bazille Jean-Jacques
I Exposé du litige :
Le 11 mars 2003, Monsieur Christophe Quilleré a mandaté la S.A.R.L. Automobiles JM pour procéder à l'acquisition d'un véhicule neuf de marque Peugeot, modèle 807, immatriculé 360 ADC 35, qui lui a été livré le 17 juin 2003.
Au mois d'avril 2004, Monsieur Quilleré a constaté sur l'ordinateur de bord de son véhicule l'apparition ponctuelle du signal "Anomalie freinage" s'accompagnant d'un bip sonore.
Le 23 avril 2004, Monsieur Quilleré a confié son véhicule au garage Sourget, réparateur agréé Peugeot, qui n'a pas détecté l'origine de ce défaut. A l'occasion d'une deuxième intervention sur le véhicule, le garage Sourget a installé une nouvelle version du logiciel coordonnant le freinage. Mais le signal a continué à apparaître.
Par acte du 27 juin 2008, Monsieur Quilleré a fait assigner en référé les sociétés Automobiles JM et Automobiles Peugeot aux fins de désignation d'un expert, notamment chargé de déterminer l'origine du dysfonctionnement.
Une expertise a été ordonnée par ordonnance du 18 octobre 2008, désignant Monsieur Bahu, qui a rendu son rapport le 13 janvier 2009.
Par actes des 13 mai et 2 juin 2009, Monsieur Quilleré a fait assigner la SAS Automobiles JM et la SA Automobiles Peugeot, en réclamant une somme de 5 959,14 euro en réparation de son préjudice et 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 27 juillet 2010, le Tribunal d'instance de Rennes a :
- Déclaré que le véhicule de Monsieur Quilleré est affecté d'un défaut de conformité ;
- Dit que les sociétés JM Automobiles et Automobiles Peugeot sont toutes deux responsables du dommage subi ;
- rejeté la demande de Monsieur Quilleré visant à obtenir l'indemnisation de la somme de 2 459,14 euro ;
- Condamné solidairement les sociétés JM Automobiles et Automobiles Peugeot au paiement à Monsieur Quilleré de la somme de 2 000 euro au titre du préjudice lié à la baisse de la valeur du véhicule ;
- Condamné solidairement les sociétés JM Automobiles et Automobiles Peugeot au paiement à Monsieur Quilleré de la somme de 800 euro au titre de l'indemnisation de son trouble de jouissance ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- Condamné solidairement les sociétés JM Automobiles et Automobiles Peugeot au paiement à Monsieur Quilleré de la somme de 1 200 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné solidairement les sociétés JM Automobiles et Automobiles Peugeot au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
La SAS Automobiles JM a déclaré faire appel de ce jugement, le 14 décembre 2010, à l'encontre de Monsieur Jean-Christophe Quilleré et de la SA Peugeot.
Elle a conclu le 13 septembre 2012, au visa des articles 1984, 1991 et 1992 et suivants du Code civil, seuls applicables au cas d'espèce, en demandant à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau :
- Constater qu'aucune faute ne peut être imputée à la concluante dans le cadre de la gestion de son mandat ;
- En conséquence,
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SAS Automobiles JM ;
- Condamner la partie succombante à payer à la SAS Automobiles JM, la somme de 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Infiniment subsidiairement,
- Condamner la SA Automobiles Peugeot à garantir la SAS Automobiles JM de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;
- Condamner la partie succombante aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés par la SCP Gautier & Lhermitte, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SA Automobiles Peugeot a conclu le 17 août 2011, au visa des articles 564 et suivants, 1604 et suivants et 1641 et suivants du Code civil, en demandant à la cour de :
- Dire irrecevable ou non fondée l'intégralité des demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SAS Automobiles JM ;
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SA Automobiles Peugeot ;
- Condamner la partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Bazille Jean-Jacques, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Monsieur Christophe Quilleré a conclu le 5 janvier 2012, au visa du rapport d'expertise et des articles 1604 et suivants du Code civil, en demandant à la cour de :
- Dire et juger Monsieur Quilleré recevable et bien-fondé dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter les sociétés Automobiles JM et Automobiles Peugeot de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Réformer en partie le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur Quilleré de sa demande d'indemnisation au titre des frais de remise en état du véhicule et en ce qu'il l'a débouté partiellement de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance ;
- Confirmer le jugement pour le surplus,
En conséquence ;
- Dire et juger que les sociétés Automobiles JM et Automobiles Peugeot ont manqué à leur obligation de délivrance conforme ;
- Recevant le concluant en son appel incident,
- Condamner in solidum les sociétés Automobiles JM et Automobiles Peugeot à verser à Monsieur Quilleré la somme de 5 959,14 euro en réparation de son préjudice consécutif au défaut de conformité constaté;
Y ajoutant,
- Condamner in solidum les sociétés Automobiles JM et Automobiles Peugeot au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ordonnée le 18 octobre 2008, lesquels seront recouvrés par la SCP Castres conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions signifiées par les parties avant l'ordonnance de clôture en date du 4 octobre 2012.
II Motifs de la décision :
La SAS Automobiles JM fait valoir qu'elle n'a agi qu'en tant que mandataire de Monsieur Quilleré et non en tant que vendeur, de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée que pour une faute dans l'exécution de son mandat, ce qu'elle réfute en estimant avoir délivré un véhicule conforme à la commande, sans avoir à répondre des défauts affectant ultérieurement le véhicule.
La SA Automobiles Peugeot prétend que le défaut dont se plaint Monsieur Quilleré constitue un vice caché affectant le véhicule et qu'en conséquence il doit être débouté de sa demande se trouvant mal fondée sur l'absence de délivrance conforme.
Monsieur Quilleré soutient que son véhicule neuf est bien affecté d'un défaut de conformité, comme n'étant pas exempt de tout défaut technique. Cette non-conformité incombe selon lui au constructeur la SA Peugeot Automobiles et met en cause également la responsabilité de son mandataire, chargé de lui fournir un véhicule en parfait état de fonctionnement. Il forme appel incident et réclame plus ample indemnisation de son préjudice, au titre des frais de remise en état de son véhicule et d'une décote induite par la manifestation de ces dysfonctionnements électroniques, outre un préjudice de jouissance plus important que celui accordé par le premier juge.
Sur la non-conformité :
L'article 1604 du Code civil met à la charge du vendeur une obligation de délivrance conforme de la chose. Et la commande d'une chose neuve s'entend d'une chose sans défaut, c'est à dire qui fonctionne conformément à l'usage que l'on en attend.
Monsieur Quilleré a choisi d'acheter un véhicule neuf devant le garantir d'un parfait état de fonctionnement de l'ensemble des équipements du véhicule. Mais il a déploré dès avril 2004, l'apparition ponctuelle du signal "Anomalie freinage", lui faisant craindre l'existence d'un dysfonctionnement du système de freinage, alors que la notice d'utilisation du véhicule préconisait un "arrêt impératif" et la consultation d'un Point Service Peugeot.
Des vérifications ont été opérées chez un garagiste agréé, puis au cours de l'expertise dont il ressort qu'il s'agit d'un défaut de fonctionnement des systèmes d'affichage qui sont gérés par des composants informatiques faisant cohabiter deux types de signaux et qui nécessitent une étape d'initialisation des calculs, pouvant générer des messages fugitifs mais sans suite pour la sécurité du véhicule.
L'expert retient qu'il s'agit d'un "des inconvénients liés au nombre important d'éléments électroniques et électriques en place sur ce véhicule et pour lesquels des petites erreurs se produisent sans doute depuis le premier jour, lors de l'initialisation du super contrôleur". Il conclut que le message repéré par Monsieur Quilleré n'a aucun effet sur la fiabilité de la fonction freinage, sur laquelle il ne préconise pas d'intervention, à défaut de certitude sur le résultat attendu quant à la disparition du message correspondant à une erreur fugitive de diagnostic durant la phase d'initialisation des capteurs et pouvant se produire irrégulièrement selon divers critères difficiles à identifier.
Le jugement déféré retient à juste titre qu'aucune avarie n'affecte le système de freinage, de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination, ce qui exclut le vice caché allégué par la SA Peugeot. Mais par contre, l'apparition de messages d'alerte aléatoires, concernant la sécurité du véhicule, constitue une anomalie nuisant au bon usage du véhicule. Cette anomalie a pu être corrigée sur les modèles de seconde génération, mais elle constitue sur le véhicule neuf de Monsieur Quilleré une non-conformité incluse dans l'obligation de délivrance du vendeur.
Ce défaut technique affectant un véhicule neuf met en cause la responsabilité du constructeur la SA Automobiles Peugeot, par l'effet de la transmission au sous-acquéreur des droits et actions appartenant à son vendeur, en l'occurrence le garage Magin Authohaus à Hassloch (Allemagne).
Sur le mandat :
Monsieur Quilleré a signé le 20 février 2003, une convention de mandat d'acquisition, donnant mandat à la SARL Automobiles JM d'effectuer toutes démarches et régler toutes sommes, pour acquérir en son nom un véhicule neuf provenant de l'Union Européenne, de marque Peugeot, type 807 S.T 2.2 HDI, couleur gris aluminium, intérieur velours Dalma gris, avec peinture métallisée, radar de recul et alarme, pour un prix de 28 171 euro et une livraison à intervenir la première semaine de juin 2003.
Monsieur Quilleré a signé le 8 mars 2003, une confirmation de ce mandat pour l'acquisition de son véhicule au prix définitif de 28 152 euro et une livraison à intervenir dans un délai de 6 à 15 semaines et au plus tard le 12 juin 2006 à Grand Charmont.
La S.A.R.L. Automobiles JM a rendu compte de l'exécution de son mandat, par l'achat d'un véhicule conforme à la commande, auprès du garage Magin Authohaus à Hassloch (Allemagne) qui a établi une facture au nom de Monsieur Quilleré. Elle a pris en charge le transport du véhicule jusqu'au lieu prévu pour la livraison.
La S.A.R.L. Automobiles JM a été rémunérée pour l'exercice de son mandat, consistant à effectuer toutes démarches et tous paiements permettant à Monsieur Quilleré de rentrer en possession d'un véhicule conforme aux caractéristiques convenues entre les parties et dans le délai convenu entre les parties.
La vente n'a pas été conclue entre Monsieur Quilleré et la société Automobiles JM, qui n'est tenue à son égard que de l'exécution conforme de son mandat, ce qui en l'espèce n'est pas contesté.
Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré, en déboutant Monsieur Quilleré de ses demandes dirigées contre la SARL Automobiles JM.
Sur le préjudice :
Monsieur Quilleré réclame l'indemnisation des frais de remise en état du véhicule pour 2 459,14 euro, ainsi que de la perte de valeur du véhicule pour 2 000 euro et de son préjudice de jouissance pour 1 500 euro.
Monsieur Quilleré a fait usage de son véhicule pendant plus de 9 ans et parcouru plus de 100 000 km à la date de l'expertise, où la valeur de revente était évaluée par Monsieur Bahu à environ 13 000 euro. Les vérifications demandées par Monsieur Quilleré ont été effectuées dans le cadre de l'entretien du véhicule et sans surcoût selon l'expert, qui n'a pas reçu sur ce point de justificatif.
Dans son rapport, Monsieur Bahu indique que l'échange du calculateur et de la centrale ABS, pour un montant de 2 459,14 euro, seraient des "moyens complémentaires de tests", mais sans certitude sur l'amélioration attendue quant à l'apparition du message et sans effet sur la fiabilité du freinage et la sécurité du véhicule. Compte tenu des multiples vérifications restées jusqu'alors sans effet et sans identification précise de l'origine du défaut technique dont se plaint Monsieur Quilleré, mais qui ne remet pas en cause l'usage de son véhicule, l'expert doit être suivi dans ses préconisations de non intervention supplémentaire sur des organes de sécurité dont la fiabilité n'est pas en cause.
Monsieur Quilleré se trouve par contre en possession d'un véhicule dont la jouissance est altérée, ce qui lui cause un préjudice que la cour fixe à 1 500 euro. La décote du véhicule à la revente n'est pas retenue par l'expert, par rapport aux véhicules de la même génération et présentant les mêmes défauts liés à la technologie embarquée. Et Monsieur Quilleré se trouve rassuré sur la fiabilité de son véhicule.
Le jugement déféré est infirmé en condamnant la SA Peugeot à payer à Monsieur Quilleré la somme de 1 500 euro à titre de dommages intérêts, en réparation de son entier préjudice.
Sur les frais et dépens :
La SA Automobiles Peugeot qui succombe au principal est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à Monsieur Quilleré la somme de 2 500euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Quilleré est condamné à payer à la SARL Automobiles JM la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré en ses dispositions concernant la SARL Automobiles JM et fixant le montant des préjudices de Monsieur Quilleré, ainsi que la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Statuant de nouveau, Déboute Monsieur Christophe Quilleré de ses demandes à l'encontre de la SARL Automobiles JM ; Confirme le jugement pour le surplus ; Condamne la SA Automobiles Peugeot à payer à Monsieur Christophe Quilleré la somme de 1 500 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation de son entier préjudice ; Condamne la SA Automobiles Peugeot à payer à Monsieur Christophe Quilleré la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Christophe Quilleré à payer à la SARL Automobiles JM la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Automobiles Peugeot aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et recouvrés en appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Le Greffier Le Président.