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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 13 janvier 2014, n° 13-00449

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chevaucher

Défendeur :

Kotherm (SARL), Bailly (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanc

Conseillers :

Mmes Nollet, Hours

Avocats :

Mes Robiliard, Vinet

TGI Blois, du 10 janv. 2013

10 janvier 2013

Suivant acte sous seing privé du 24 février 2010, les époux Chevaucher ont commandé à la SARL Kotherm la fourniture et l'installation de douze panneaux photovoltaïques, moyennant le prix de 20 000 euros.

Le 25 juin 2010, la SARL Kotherm leur a délivré un certificat de conformité.

Par acte du 18 septembre 2011, les époux Chevaucher ont fait assigner la SARL Kotherm devant le Tribunal de grande instance de Blois, pour la voir condamner à leur payer, à titre principal, la somme de 8 000 euros représentant une partie du prix de vente et celle de 8 014,06 euros en réparation de leur préjudice.

Ils invoquaient à l'appui de ces demandes un défaut de conformité de la chose vendue et, subsidiairement, un dol commis par le vendeur.

Par jugement du 10 janvier 2013, le tribunal, considérant qu'il n'était pas démontré que la SARL Kotherm se soit engagée envers les acquéreurs à leur assurer une production annuelle d'énergie de l'ordre de 1 537 euros et estimant que l'existence de manœuvres dolosives n'était pas caractérisée, a débouté les intéressés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Les époux Chevaucher ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions du 7 mai 2013, ils en sollicitent l'infirmation et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

- constater le défaut de conformité de l'installation vendue au contrat du 24 février 2010 et aux qualités présentées par la SARL Kotherm,

subsidiairement,

- dire que cette dernière a manqué à son obligation de délivrance conforme,

plus subsidiairement encore,

- dire que leur consentement a été vicié par le dol du vendeur,

en conséquence,

- fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Kotherm à 8 000 euros, correspondant à une partie du prix de vente, et à 8 014,06 euros en réparation de leur préjudice,

- condamner maître Bailly, es-qualités de la liquidateur judiciaire de la SARL Kotherm, à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Les époux Chevaucher allèguent qu'ils ont été démarchés à domicile par la SARL Kotherm, que celle-ci leur a proposé l'installation de 12 panneaux photovoltaïques permettant une production annuelle de 1 537 euros, que, au terme de la première année de production, il s'est avéré que celle-ci n'était que de 1 038,78 euros, qu'il ressort de l'expertise amiable organisée par leur assureur que le montant de la production est inférieur de près de 40 % à celui annoncé et que la perte annuelle a été estimée à 559 euros.

Ils font valoir qu'ils ont souscrit le contrat au vu de la présentation qui leur en a été faite, et, en particulier, du revenu qui leur était annoncé, que l'étude de rentabilité établie par la SARL Kotherm est nécessairement entrée dans le champ contractuel, qu'elle a été déterminante de leur consentement, que le vendeur était tenu de les mettre en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien vendu, que les caractéristiques des panneaux, telles que vantées par le projet, sont devenues une qualité substantielle de l'objet du contrat, que, faute de présenter ces caractéristiques, le bien vendu n'est pas conforme aux spécifications du contrat (L. 211-4 et 5 du Code de la consommation), qu'ils sont fondés à demander, en application de l'article L. 211-9 du Code de la consommation, à conserver le bien et à se faire rendre une partie du prix, ainsi qu'à obtenir, en sus, l'indemnisation de leur préjudice, évalué par l'expert à la somme de 8 014,06 euros.

Les époux Chevaucher fondent, subsidiairement, leur demande sur les dispositions de l'article 1604 du Code civil, en invoquant le manquement de la SARL Kotherm à son obligation de délivrance conforme du bien vendu.

Ils soutiennent enfin, à titre encore plus subsidiaire, qu'ils ont été trompés sur le gain escompté, puisque la SARL Kotherm est parvenue à emporter leur consentement par la présentation d'une étude précise et détaillée qu'elle savait fausse, tout en prétendant exclure du champ contractuel ce document qui constituait l'essence même du contrat, et que ces manœuvres sont constitutives d'un dol.

La SARL Kotherm ayant été placée en la liquidation judiciaire le 26 mars 2013, les époux Chevaucher ont, par acte du 7 mai 2013, signifié leur déclaration d'appel et leurs conclusions à maître Bailly de la SCP Moyrand-Bailly, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de ladite société.

Ce dernier, non-cité à personne, n'a pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;

Attendu, en l'espèce, que, eu égard à la nature du produit et à sa destination, n'étant pas contesté que l'acquisition de panneaux photovoltaïques n'avait pas comme seule finalité la consommation personnelle des acquéreurs, mais qu'elle était également destinée à la revente d'énergie à EDF, ce qui contribuait à la rentabilisation de l'installation, l'obligation d'information du vendeur portait, non seulement sur les caractéristiques techniques du matériel vendu, mais également sur ses performances énergétiques, lesquelles constituaient indiscutablement un élément déterminant du consentement des acquéreurs, puisqu'elles leur permettaient d'apprécier la durée d'amortissement du matériel et, partant, la charge financière qu'ils auraient réellement à supporter ;

Attendu, par ailleurs, que, selon l'article L. 211-4 du Code de la consommation, le vendeur est tenu de délivrer un bien conforme au contrat et qu'il répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ;

Que l'article L. 211-5 du même Code précise que, pour être conforme au contrat, le bien doit :

1°) être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant,

- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle,

- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage,

2°) présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acquéreur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté ;

Attendu que, en vue de la souscription du contrat litigieux, la SARL Kotherm a établi un document séparé intitulé "Projet Photovoltaïque", incluant, selon ses propres termes, le prix, l'autofinancement, les démarches administratives et une garantie de 20 ans ;

Que ce document se fonde sur une production annuelle de 1 537 euros et établit sur cette base un plan d'autofinancement d'une durée de 154 mois ;

Que, certes, un renvoi en bas de page mentionne que ce document n'est pas contractuel et qu'il est basé sur une estimation de la rentabilité ;

Mais attendu que, outre que cette mention est rédigée en caractères extrêmement petits, de l'ordre de 1 mm, ce qui témoigne d'une volonté manifeste de ne pas attirer dessus l'attention du futur acquéreur, force est de constater que l'estimation fournie par le biais de cette étude constitue la seule information donnée aux époux Chevaucher sur les performances qu'ils étaient en droit d'attendre de l'installation ;

Que le chiffre donné (1 537 euros), particulièrement précis, ne correspond pas à une évaluation forfaitaire qui aurait un caractère approximatif, mais se fonde à l'évidence, comme le soutiennent les acquéreurs, sur un calcul précis et rigoureux, qui leur a été présenté comme déterminant le résultat pouvant être attendu de l'installation ;

Que les époux Chevaucher, acheteurs profanes, ont légitimement pu donner leur consentement à cette acquisition, au vu de l'information qui leur avait ainsi été donnée par la SARL Kotherm, professionnel en la matière ;

Que cette dernière se trouvait donc tenue de leur fournir un matériel présentant les caractéristiques annoncées, en l'occurrence un matériel susceptible de fournir une production annuelle de l'ordre de 1 537 euros/an, correspondant à la seule information qui leur ait été donnée de ce chef ;

Attendu, certes, que ce chiffre correspond nécessairement à une estimation, la production réelle étant susceptible de varier, dans une certaine mesure, selon, notamment, l'utilisation faite par les acquéreurs ;

Que, cependant, la consommation réelle enregistrée au bout d'un an n'a été que de 1 038,78 euros et qu'elle tend, selon les conclusions du rapport d'expertise amiable, régulièrement versé aux débats et qui est opposable aux intimés, dès lors que la SARL Kotherm a été convoquée aux opérations d'expertise, même si elle n'a pas cru devoir s'y présenter, à s'établir en moyenne à 964 euros/an, soit une différence annuelle de 559 euros;

Que, si une variation de l'évaluation donnée peut être admise dans des limites raisonnables, une différence de plus de 40 % par rapport à l'estimation fournie par le vendeur démontre que le matériel livré ne répond pas aux caractéristiques définies d'un commun accord par les parties et qu'il présente une non-conformité, au sens des dispositions précitées des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation ;

Attendu que, en l'état notamment de la cessation d'activité de la SARL Kotherm, la réparation ou le remplacement des panneaux litigieux est impossible ;

Que, en application des dispositions de l'article L. 211-10 du Code de la consommation, les époux Chevaucher ont la possibilité de conserver lesdits biens et de se faire rendre une partie du prix ;

Qu'il convient, infirmant le jugement entrepris, de faire droit à la demande formée en ce sens par les intéressés, qui sollicitent une réduction de prix proportionnelle au déficit de production annuelle, soit 20 000 euros x 40 % = 8 000 euros ;

Que leur créance, fixée à ce montant, sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Kotherm ;

Attendu, en revanche, que les époux Chevaucher ne peuvent à la fois obtenir une réduction, qui ramène le prix de l'installation à 12 000 euros, et solliciter la réparation d'une perte de revenus fondée sur l'insuffisance des performances qu'ils auraient été en droit d'attendre d'une installation à 20 000 euros ;

Que leur demande de dommages et intérêts complémentaires n'est pas fondée et sera rejetée ;

Attendu que maître Bailly, es-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Kotherm, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement aux époux Chevaucher d'une indemnité de procédure de 3 000 euros ;

Par ces motifs : statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Dit que l'installation réalisée par la SARL Kotherm au bénéfice des époux Chevaucher n'est pas conforme aux caractéristiques du contrat du 24 février 2010, Dit que les époux Chevaucher sont fondés à conserver l'installation et à se faire restituer une partie du prix, Fixe leur créance à ce titre à la somme de huit mille euros (8 000 euros), Dit que la somme de huit mille euros sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Kotherm, y ajoutant, Condamne maître Bailly, es-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Kotherm, à payer aux époux Chevaucher la somme de trois mille euros (3 000 euros), sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , Rejette le surplus des demandes, Condamne maître Bailly, es-qualités, aux dépens de première instance et d'appel et, pour ces derniers, accorde à la SCP Robiliard, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.