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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 8 mars 2001, n° 00-1234

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brossier

Conseillers :

M. Raynaud, Mme Salvan-Bayle

Avocat :

Me Christol

TGI Carcassonne, du 19 juill. 2000

19 juillet 2000

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Le jugement rendu le 19 juillet 2000 par le Tribunal de grande instance de Carcassonne a :

Sur l'action publique déclaré X coupable :

- d'avoir à Castelnaudary, le 23-07-1997, fait souscrire à victime, un engagement, en l'espèce en faisant signer à Jean-Claude Ferriere des devis, bons de commande pour la réalisation de travaux de traitement de charpente, par le moyen de visite à domicile et de transactions effectuées dans un lieu non destiné à commercialisation alors que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait, abusant ainsi de sa faiblesse ou de son ignorance ;

infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L.122-8 du Code de la consommation

en répression, l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende ;

Sur l'action civile a reçu la constitution de partie civile de l'association Aude Consommation et a condamné X à lui payer la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts et a dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande faite au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

APPELS

Les appels ont été interjetés par

- le prévenu le 28-07-2000

- le Ministère public le 28-07-2000.

FAITS

Le 10 juillet 1997, M. Jean-Claude Ferriere faisait l'objet d'un démarchage à son domicile chaurien de la part de M. Y qui était employé en qualité de prospecteur par la SARL A à l'enseigne B dont la gérante était Mme W ; M. Y visitait sa maison d'habitation et en relevait certaines caractéristiques relatives essentiellement à la charpente et à d'autres pièces de bois susceptibles d'être atteintes par des insectes xylophages.

Le 11 juillet 1997, M. Z agent technico-commercial de la SARL A se rendait chez M. Jean-Claude Ferrieres à Castelnaudary et lui faisait signer d'abord un bon de commande n° 1124 pour le traitement curatif et préventif de grosses pièces de la charpente et de chevrons d'une surface totale de 100 m2 moyennant un prix total de 9 700 F TTC, ensuite l'acceptation d'une offre de crédit destinée à financer la totalité de cette dépense et enfin un appel de fonds correspondant daté du 23 juillet 1997, jour de la réalisation des travaux.

Le 23 juillet 1997, M. X responsable du service technique de la SARL A se rendait chez M. Jean-Claude Ferrieres pour y contrôler les travaux réalisés ; il présentait à M. Jean-Claude Ferrieres d'abord un autre bon de commande n° 1135 pour le traitement curatif de poutres plâtrées de la maison et de la charpente d'un petit cabanon de 50 m2 et 10 m2 respectivement moyennant un prix total de 8 000 F TTC, ensuite l'acceptation d'une offre de crédit destinée à financer la totalité de cette dépense et enfin un appel de fonds correspondant daté du 26 juillet 1997.

Association Aude Consommation [sic] signait ces trois documents que M. X remettait ensuite à son employeur.

Les faits étaient portés à la connaissance du Directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Aude par la sœur de M. Jean-Claude Ferrieres qui estimait que son frère avait été victime de sa faiblesse de la part de la SARL A en raison de son incapacité à lire et comprendre un contrat et à différencier les francs de ceux en vigueur avant 1960.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré.

M. X, appelant, sollicite sa relaxe au motif d'une part qu'il lui était difficile de préjuger des facultés de compréhension de M. Jean-Claude Ferrieres qui, même analphabète, présentait au moins en apparence toute l'aptitude nécessaire à l'appréhension de la situation, et d'autre part que lors de la visite de contrôle du 23 juillet 1997 M. D Directeur de la SARL A, lui avait enjoint d'ajouter ces travaux à ceux commandés initialement sans qu'il puisse apprécier leur nécessité en raison de la présence de plâtre sur les poutres ; il précise qu'en raison du traitement appliqué aux autres parties visibles, ces prestations supplémentaires ne lui avaient pas paru superflues et qu'en sa qualité de technicien et non de commercial, il était étranger à l'esprit de lucre qui animait M. D.

L'Association Aude Consommation n'est pas représentée.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la procédure,

Les appels, réguliers en la forme et dans les délais, doivent être déclarés recevables.

M. X comparaît à l'audience, assisté de son avocat ; il convient de statuer par arrêt contradictoire à son égard.

L'Association Aude Consommation n'est pas représentée a l'audience ; conformément aux dispositions de l'article 487 du Code de procédure pénale, il convient de statuer par défaut à son égard.

Sur l'action publique,

Il résulte du dossier de la procédure et des débats, que, comme il l'a reconnu expressément lors de son audition par les gendarmes le 8 juin 1999, M. X s'est rendu chez M. Jean-Claude Ferrieres le 23 juillet 1997 sur les instructions de M. D, Directeur de la SARL A, selon lesquelles celui-ci, qui tenait absolument que sur un chantier un maximum de travaux soit commandé par le client, lui avait demandé de rajouter aux travaux initiaux commandés le 11 juillet 1999 le traitement de quatre poutres plâtrées et de la charpente d'un petit cabanon et qu'il savait qu'en marquant des travaux supplémentaires sur ce chantier, ces travaux n'étaient peut-être pas nécessaires mais qu'il agissait en exécutant l'ordre de faire signer le bon de commande faute de quoi il risquait d'être licencié par M. D qui voulait un rendement maximum des chantiers et n'avait pas de scrupules à faire réaliser des travaux qui n'étaient pas nécessaires, en sorte qu'il n'avait agi que sous la pression de M. D.

Le certificat médical établi le 6 août 1997 par le Docteur Georges Binet, indique que M. Jean-Claude Ferrieres présente une déficience psycho-intellectuelle congénitale qui se caractérise par un défaut de compréhension, un trouble de la lecture et de l'écriture. Une simple consultation des documents du dossier signés par Association Aude Consommation, montre que ce trouble de l'écriture est manifeste, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention de M. X le 23 juillet 1997.

M. Hervé Calvet, maire de la Louvière Lauragais certifie le 26 août 1997, que M. Jean-Claude Ferrieres a été très malade tout au long de sa scolarité, que de ce fait il se rendait très rarement à l'école, qu'à la fin de sa scolarité il ne savait ni lire ni écrire, que cette difficulté est encore présente ledit jour et qu'il doit souvent faire appel à une personne de confiance pour ses affaires.

Dès lors, le 23 juillet 1997 en faisant signer dans ces circonstances à M. Jean-Claude Ferrieres le bon de commande, l'acceptation de l'offre de 8 000 F de crédit et l'appel de fonds, M. X ne pouvait ignorer d'une part cet état de faiblesse manifeste de M. Jean-Claude Ferrieres caractérisée notamment par son illettrisme et son incompréhension des choses simples et d'autre part que ces travaux supplémentaires pouvaient être superflus eu égard à ceux commandés le 11 juillet 1997 et réalisés le 23 juillet 1997 pour un prix de 9.700 F qui paraissaient concerner l'ensemble de la structure boisée de la maison à un consommateur ordinaire ignorant les règles de l'art, ce que M. X n'était pas en raison de la parfaite connaissance des techniques de traitement des bois qu'il a et qu'il revendique notamment en qualité d'"Expert en Etat Parasitaire" du bois.

Ainsi, M. X a commis le délit de l'article L. 122-8 du Code de la consommation d'abus de faiblesse et d'ignorance de M. Jean-Claude Ferrieres en lui faisant souscrire par le moyen d'une visite à domicile cet engagement dont il n'était pas en mesure d'apprécier la portée et ce, après l'avoir convaincu de la nécessité des travaux supplémentaires par ses arguments techniques présentés à ce client à l'évidence particulièrement crédule et intellectuellement démuni.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne la culpabilité de M. X.

Toutefois, eu égard aux circonstances de la commission de l'infraction, et notamment au rapport de sujétion de M. X à l'égard de M. D Directeur de la SARL A qui a tiré profit du délit, circonstances qui n'enlèvent rien aux éléments constitutifs de l'infraction, il convient de ramener la peine à trois mille francs d'amende.

M. X n'ayant jamais été condamné, le sursis à l'exécution de la peine d'amende peut lui être accordé.

Sur l'action civile,

La constitution de partie civile de l'Association Aude Consommation est régulière et recevable.

Au vu des éléments du dossier et des débats, le montant des dommages et intérêts et le rejet de la demande d'indemnité représentative des frais non payés par l'Etat et exposés par l'Association Aude Consommation sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ont été correctement arbitrés.

En conséquence, il convient de confirmer les dispositions civiles du jugement déféré.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir, délibéré, Statuant publiquement, en matière correctionnelle, par arrêt contradictoire à l'égard de M. X et par arrêt de défaut à l'égard de l'Association Aude Consommation, En la forme, Reçoit les appels, réguliers en la forme ; Sur l'action publique, Confirme le jugement déféré sur la culpabilité, Emendant sur la peine, condamne M. X à trois mille francs (3 000 F) d'amende, Dit qu'il sera sursis à exécution de cette peine de trois mille francs (3 000 F) d'amende sous le régime du sursis simple prévu par les articles 132-29 à 132-39 du Code pénal, M. X est averti que, s'il commet dans le délai de cinq ans à compter de la présente condamnation, un crime ou un délit de droit commun, il s'expose la mise à exécution de la totalité de cette peine qui vient d'être prononcée et il encourt en outre les peines de la récidive prévue par les articles 132-2 à 132-16 du Code pénal, Fixe la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale Dit que le présent arrêt est assujetti à droit fixe de procédure de huit cents francs (800 F) dont est redevable M. X en application de l'article 1018 A du Code général des impôts ; Sur l'action civile, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles ; Condamne M. X aux dépens de l'action civile ; Le tout en application des textes visés au jugement et à l'arrêt, et des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.